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#241 Mathurin Régnier
Loriane Posté le : 21/12/2014 12:38
Le 21 décembre 1573 à Chartres naît Mathurin Régnier

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mort le 22 octobre 1613 à Rouen, écrivain, poète satirique français du genre baroque, son oeuvre principales est l'ensemble de satires de 1 0 XVI.
La vie de Mathurin Régnier est assez mal connue, ou du moins avec assez peu de certitude. Il est né à Chartres ; sa mère était la sœur du poète Philippe Desportes ; son père, un notable bourgeois, tenait sur la place des Halles un jeu de paume appelé le Tripot Régnier. Il semble bien que le jeune Mathurin ait hanté de bonne heure des lieux fort peu recommandables. Destiné cependant aux ordres, Régnier fut tonsuré très tôt, à neuf, onze ou quatorze ans selon les sources. Attaché à l'âge de vingt ans au service du cardinal François de Joyeuse, le beau-frère de Henri III, chargé des affaires royales auprès du Saint-Siège, Régnier le suit à Rome pendant six séjours de 1594 à 1605. Mathurin Régnier avait un goût très vif pour les plaisirs ; après une dizaine d'années passées en Italie dans la dissipation, il revient s'établir en France où, abandonné du cardinal de Joyeuse, il semble avoir mené une existence misérable jusqu'au jour où la mort de son oncle Desportes 1600 lui laisse une pension de deux mille livres à laquelle s'ajoute l'octroi d'un canonicat dans sa ville natale de Chartres 1609.


En bref

Ses parents le destinèrent à l'Église, pour qu'il pût hériter de son oncle Desportes, que la poésie avait conduit à la richesse et qui fit beaucoup pour la carrière de son neveu. Soucieux de son établissement, Desportes l'attacha au cardinal de Joyeuse, auquel Henri III confia, en 1587, une mission auprès du pape ; Régnier suivit le cardinal et passa une dizaine d'années à voyager entre la France et l'Italie. Parallèlement, il reçut de Desportes une initiation à la poésie. À son retour, ce dernier l'introduisit à la Cour : le marquis de Cœuvres lui confia, 1596-1598, avec quelques autres, la tâche de célébrer en vers sa sœur Gabrielle d'Estrées, favorite d'Henri IV. C'est probablement vers 1604 que Régnier composa ses premières Satires, dont une édition, qui en comportait dix parut en 1608 ; le vif succès qu'elle obtint fut confirmé par les deux éditions suivantes, 1609, 1612. Nommé chanoine de Chartres en 1609, le poète fréquenta jusqu'à sa mort un cercle de lettrés, le dramaturge C. Billard, les Sainte-Marthe, le fils de J. A. de Baïf, l'historien J. A. de Thou, tous restés fidèles aux traditions de la Pléiade, et opposés à Malherbe. Si l'on excepte quelques poésies religieuses éd. posthume, 1652, des poésies officielles, notamment les Inscriptions composées pour l'entrée à Paris de Marie de Médicis, 1610 et un groupe de poésies diverses comprenant des sonnets, des épigrammes, quatre Élégies inspirées d'Ovide pour les unes, de la tradition pétrarquiste pour les autres, l'essentiel de l'œuvre de Régnier est constitué par ses dix-sept Satires.
C'est principalement chez Horace et chez les Italiens, les bernesques, du nom du poète Berni que Régnier choisit ses modèles. Deux satires littéraires, le Poète malgré soi XV et la Satire à Rapin IX, exposent également un art poétique dont la seule loi est l'obéissance entière à son humeur libre. Comme Horace, il donne à ses Satires l'allure d'épîtres familières vouées à la relation, comme au fil de la plume, la satire est mélange, d'anecdotes piquantes de sa vie privée, entrecoupant son récit de réflexions morales ou de jugements d'ordre général, assez conventionnels. Aux bernesques, mais aussi à Rabelais, il doit certains traits de bouffonnerie grotesque, liée au réalisme de la description, Le souper ridicule, XI, ou Le mauvais gîte, XII. C'est en effet la peinture de la société et des mœurs de l'époque qui confère aux Satires leur principal intérêt littéraire. Car Régnier n'est point un moraliste profond ni original ; c'est un observateur aigu et narquois de la réalité qui excelle à brosser des portraits hauts en couleur, le pédant, le fâcheux, l'entremetteuse, l'homme de cour. De nombreux poètes et prosateurs du xviie siècle Scarron, Furetière, Boileau, La Fontaine entre autres –, lui devront une partie de leur inspiration ou de leur style

Sa vie

Mathurin Régnier, l’un des écrivains les moins classiques du xviie siècle, en ce qu'il s'oppose par exemple à Malherbe, naît à Chartres, le 21 décembre 1573, l’année qui suit la Saint-Barthélemy. Son père, Jacques Régnier, notable bourgeois de Chartres, est le créateur, sur la place des Halles, d'un jeu de paume, qui reste longtemps célèbre et est connu sous le nom de tripot Régnier. Sa mère, Simone Desportes, est la sœur de l’abbé Desportes, poète connu à l’époque, très bien en cour et pourvu de gros bénéfices.

Son père qui le destine à la succession de son oncle le fait tonsurer à l’âge de sept ans, dans le but de lui assurer la protection de son oncle et de celle de Nicolas de Thou, évêque de Chartres. Mais le jeune Mathurin, n’ayant aucun goût pour l’état ecclésiastique, compromet, par une conduite désordonnée, et sa réputation et une partie des bénéfices qu’il était appelé à recueillir dans la succession de son oncle l’abbé Desportes.

Il entend très souvent lire les poésies de son oncle, plus respecté à Chartres que tout autre poète, et commence à l’imiter par de petits poèmes satiriques sur les honnêtes bourgeois qui fréquentent le tripot de son père. Il monte ensuite à Paris auprès de son oncle. À vingt ans, il s’attache au service du cardinal de Joyeuse, et, en 1595, fait à sa suite un premier voyage à Rome. Il commence à écrire ses Satires. En 1601, il fait un second voyage à Rome, dans la suite de Philippe de Béthune, nommé ambassadeur par Henri IV, et y reste jusqu’en 1605. Il y écrit sa sixième Satire, mais ne tire guère avantage de ce voyage et revient triste et dégoûté de tout.

De retour à Paris, il rencontre les poètes célèbres de l’époque. Nourri des auteurs anciens, et en particulier d’Horace, Régnier, doué d’un rare bon sens et d’une riche imagination, donne au langage français une précision, une énergie et une richesse nouvelle pour l’époque. On peut retenir parmi les jugements sur ce poète, celui de Madeleine de Scudéry, dans la Clélie : … Regarde, lui dit-elle, cet homme négligemment habillé et assez mal-propre ; il se nommera Régnier, sera neveu de Desportes et méritera beaucoup de gloire. Il sera le premier qui fera des satires en françois ; et, quoiqu’il ait regardé quelques originaux fameux parmi ceux qui l’auront précédé, il sera pourtant un original en son temps. Ce qu’il fera bien sera excellent, et ce qui sera moindre, sera toujours quelque chose de piquant. Il peindra les vices avec naïveté et les vicieux fort plaisamment. Enfin, il se fera un chemin particulier parmi les poètes de son siècle, où ceux qui voudront le suivre s’égareront bien souvent.

Malgré sa charge ecclésiastique, Mathurin Régnier est toutefois loin de mener une vie édifiante. Au contraire, il peut désormais s'adonner sans inquiétude à une vie de débauche, comme à la poésie.
C'est à cette époque, en effet, qu'il publie ses premières satires 1608, qui rencontrent un succès aussi vif qu'immédiat. Parvenant alors à s'imposer comme poète officiel de la cour, Régnier composera, dans les années qui suivent, des œuvres de commande pouvant aller aussi bien des élégies aux poésies spirituelles.
Les œuvres complètes de Régnier, publiées par ses amis l'année même de sa mort 1613, comprennent, pour l'essentiel, outre des élégies et des épîtres, les fameuses satires, au nombre total de dix-neuf.
La fin du XVIe siècle vient de connaître une réaction contre la poésie de type élégiaque. La mode est à la recherche d'un nouveau réalisme qui, chez certains, se manifeste, de manière outrancière, par une surenchère dans la caricature grotesque. Régnier s'inspire à la fois de la tradition satirique latine, celle d'Horace et de Juvénal, et de la manière des burlesques italiens, notamment imitée de Berni et de ses disciples. Par son style, souvent incorrect et embarrassé, mais naturel, plein d'invention et de truculence, il s'apparente plus à Rabelais et à Marot qu'à Malherbe. Par la franchise, la simplicité, voire la saine trivialité de sa verve, il appartient à la vieille famille gauloise. Les satires de Régnier sont de plusieurs genres :
Satires littéraires, comme Le Poète malgré soi XV ou la Satire à Rapin IX appelée encore, Le Critique outré ; Régnier y expose son art poétique qui tient en peu de mots : rien que le naturel. La poésie est inspiration et rien d'autre, c'est l'inspiration qui emporte et soulève le poète, dont la nonchalance est une des grandes ressources. Régnier veut combattre Malherbe (à qui il ne saurait pardonner de ne pas avoir aimé les Psaumes de Desportes, et le traite de critique pointilleux, incapable d'imagination et seulement soucieux de proser de la rime et rimer de la prose .

Satires psychologiques ou philosophiques, comme Franc de crainte et d'envie ; la sagesse de Régnier réside en quelques traits : maîtrise de soi, amour passionné de la vie et confiance totale en la nature — une philosophie proche de celle de Montaigne et exprimée sans aigreur, avec grâce et facilité.

Mais c'est surtout dans la peinture de mœurs que Régnier excelle, lorsqu'il se fait le peintre de son temps, abondant en détails pittoresques et finement observés sur la vie quotidienne à Paris sous le règne de Henri IV. C'est dans la satire XIII qu'on trouve le fameux portrait de Macette l'entremetteuse, que Sainte-Beuve n'hésite pas à qualifier de chef-d'œuvre dans lequel une ironie amère, une vertueuse indignation, les plus hautes qualités de poésie ressortent du cadre étroit et des circonstances les plus minutieusement décrites de la vie réelle. Le succès des satires de Régnier resta extrêmement grand. Les romantiques firent au poète, qu'ils plaçaient au-dessus de Boileau, un regain de popularité, et Musset, dans son poème Sur la paresse, a rendu un juste hommage à Mathurin Régnier, de l'immortel Molière immortel devancier.


L’épitaphe si connue qu’il s’est composé lui-même, est la fidèle expression de son caractère :

J’ai vescu sans nul pensement,
Me laissant aller doucement
A la bonne loy naturelle,
Et si m’estonne fort pourquoi
La mort osa songer à moi
Qui ne songeay jamais à elle.
Sa vie de débauche et de bohème l’empêche d’accéder à la reconnaissance. Il meurt, poursuivi par la maladie et le chagrin, dans une hostellerie de la ville de Rouen, à l’âge de 40 ans.

Œuvres

Satires N° I à XVI ;
Épitres ;
Élégies ;
Poésies diverses ;
Poésies spirituelles ;
Poésies attribuées à Régnier.
Postérité

Sa ville natale, Chartres, honore sa mémoire avec une rue à son nom qui relie le boulevard Chasles à la place des Halles, une stèle sur cette même place où se situe par ailleurs l'hôtel de Ville, et le collège Mathurin Régnier dans le quartier de La Madeleine.
Une rue de Paris porte son nom, dans le 15e arrondissement, entre la rue de Vaugirard et la rue Dutot.
Il existe aussi une rue portant son nom à Perpignan, dans le quartier de la gare.


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#242 Hervé Guibert
Loriane Posté le : 14/12/2014 13:36
Le 14 décembre 1955, à St Cloud naît Hervé Guibert

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écrivain, photographe et journaliste français, mort à 36 ans, à Clamart le 27 décembre 1991. Son rapport à l'écriture se nourrit pour l'essentiel d'autobiographie et d'autofiction. Il est également reconnu pour ses écrits sur la photographie.Il excelle dans le Genre Roman autobiographique, Autofiction. Il reçoit pour distinctions le César du meilleur scénario original en 1984. Ses Œuvres principales sont : La Mort propagande en 1977,
Les Chiens en 1982, Mes parents en 1986, Fou de Vincent en 1989, À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie en 1990, Le Protocole compassionnel en 1991, Le Mausolée des amants 2001 posthume


En Bref

Proche de M. Foucault, il a exploré jusqu'à la limite le rapport de la fiction et de la réalité. Dans des romans qui empruntent volontiers à l'art de la photographie, il a procédé à un dévoilement de soi d'inspiration homosexuelle
Son ami Michel Foucault disait de lui qu'il ne lui arrivait que des choses fausses, sans doute parce que son œuvre a exploré jusqu'à la limite le rapport de la fiction et de la réalité. Si le fantasme nourrit la vie
Chez Hervé Guibert — qui fut longtemps critique photographique au journal Le Monde —, l'écrivain produit des images ou des fantasmes, et le photographe raconte des histoires. Dans L'Image fantôme 1981, il avait clairement exprimé que la photographie telle qu'il l'entendait ne se concevait que dans une visée autobiographique. C'est ce dont témoigneront ses livres de photographies : Le Seul Visage, 1984, L'Image de soi, ou l'Injonction de son beau moment ? 1989. Les nombreux livres d'Hervé Guibert peuvent se regrouper en grandes sections, où se retrouvent les mêmes obsessions et, souvent, les mêmes personnages, dont l'auteur lui-même, omniprésent : on distinguera les textes à caractère pornographique, Les Chiens, 1982, Les Aventures singulières, 1982, Vous m'avez fait former des fantômes, 1987, les romans familiaux ou directement autobiographiques Suzanne et Louise, 1980 ; Mes parents, 1986 ; À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie, 1990 ; Le Protocole compassionnel, 1991 ; L'Homme au chapeau rouge et Cytomégalovirus, 1992, des livres inspirés d'expériences professionnelles Des aveugles, 1985 ; L'Incognito, 1989, enfin des romans plus atypiques, souvent drolatiques Voyage avec deux enfants, 1982 ; Les Lubies d'Arthur, 1983 ; Mauve le Vierge, 1988 ; Les Gangsters, 1988 ; Fou de Vincent, 1989 ; Mon valet et moi, 1991.
Dès son premier texte, La Mort propagande 1977, Hervé Guibert affirmait : Mon corps est un laboratoire que j'offre en exhibition, l'unique acteur, l'unique instrument . Guibert a trouvé, involontairement, le lieu d'accomplissement de son projet d'écrivain : dire la vérité, même si elle se confond avec la mort. Le sida m'a rendu intelligent, notait Guibert, mi-sérieux, mi-ironique. C'est l'intelligence, en effet, de ces livres qu'on doit retenir. On rappellera enfin le scénario qu'Hervé Guibert avait écrit avec Patrice Chéreau, L'Homme blessé 1983, où un coup de foudre entre deux garçons était envisagé par les auteurs « comme une initiation au malheur . Écrire, Guibert l'a souvent dit, c'est trahir : ses amis, ses idéaux, ses maîtres. Il reconnaissait volontiers que ses livres étaient écrits sous l'influence de, ou plutôt en compagnie des écrivains qu'il admirait : Roland Barthes, Peter Handke, Eugène Savitzkaya, Knut Hamsun ou encore Thomas Bernhard pour À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie.

Sa vie

Hervé Guibert est issu d’une famille de la classe moyenne d’après guerre. Son père est inspecteur vétérinaire et sa mère ne travaille pas. Il a une sœur, Dominique, plus âgée que lui. Ses grand-tantes, Suzanne et Louise, tiennent une place importante dans son univers familial. Après une enfance parisienne XIVe arrondissement, il poursuit des études secondaires à La Rochelle. Il fait alors partie d’une troupe de théâtre : la Comédie de La Rochelle et du Centre Ouest. Il revient à Paris en 1973, échoue au concours d'entrée de l’Idhec à l'âge de 18 ans.

Homosexuel, il construit sa vie sentimentale autour de plusieurs hommes. Trois d’entre eux occupent une place importante dans sa vie et son œuvre : Thierry Jouno, directeur du centre socioculturel des sourds à Vincennes rencontré en 1976, Michel Foucault dont il fait la connaissance en 1977 à la suite de la parution de son premier livre La Mort propagande et Vincent M. en 1982, un adolescent d’une quinzaine d’années, qui inspire son roman Fou de Vincent. Il est un proche du photographe Hans Georg Berger rencontré en 1978 et séjourne dans sa résidence de l’Ile d’Elbe.

Il est pensionnaire de la Villa Médicis entre 1987 et 1989, en même temps qu'Eugène Savitzkaya et Mathieu Lindon6. Ce séjour inspira son roman L'Incognito.

En janvier 1988, il apprend qu’il est atteint par le sida. En juin de l’année suivante, il se marie avec Christine S., la compagne de Thierry Jouno. En 1990, il révèle sa séropositivité dans son roman À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie - qui le fait connaître par ailleurs à un public bien plus important. Cette même année il est l'invité de Bernard Pivot dans Apostrophes. Ce roman est le premier d'une trilogie, composée également du Protocole compassionnel et de l'Homme au chapeau rouge. Dans ces derniers ouvrages, il décrit de façon quotidienne l'avancée de sa maladie.

Il réalise un travail artistique acharné sur le SIDA qui inlassablement lui retire ses forces, notamment au travers de photographies de son corps et d'un film, La Pudeur ou l'Impudeur qu'il achève avec la productrice Pascale Breugnot quelques semaines avant sa mort, ce film est diffusé à la télévision le 30 janvier 1992.
Presque aveugle à cause de la maladie, il tente de mettre fin à ses jours la veille de ses 36 ans. Il meurt deux semaines plus tard, le 27 décembre 1991, à l'hôpital Antoine-Béclère. Il est enterré à Rio nell'Elba près de l'ermitage de Santa Catarina rive orientale de l'Ile d'Elbe.

Travail littéraire

Les textes d'Hervé Guibert se caractérisent par la recherche de simplicité et de dépouillement. Son style évolue sous l'influence de ses lectures Roland Barthes11, Bernard-Marie Koltès ou encore Thomas Bernhard, ce dernier "contaminant" ouvertement le style de A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie.
Hervé Guibert compose de courts romans aux chapitres de quelques pages, qui se fondent souvent sur des faits biographiques maquillés de fiction. Le lecteur est saisi par l'intrigue brutalement exposée ainsi dans Mes parents, et appuyée par des passages au vocabulaire sophistiqué ou par des descriptions crues de tortures ou d'amours charnelles. Ce texte est en grande partie extrait de son journal intime publié en 2001 chez Gallimard Le Mausolée des amants, Journal 1976-1991.
Il travaille avec Patrice Chéreau avec qui il coécrit le scénario de L'Homme blessé qui obtient le César du meilleur scénario en 1984, mais aussi avec Sophie Calle. Journaliste, il collabore dès 1973 à plusieurs revues. Il réalise des entretiens avec des artistes de son époque comme Isabelle Adjani, Zouc ou Miquel Barceló qui fait plus de 25 portraits de lui. Il écrit des critiques de photographie et de cinéma au service culturel du journal Le Monde jusqu’en 1985, critiques réunies dans La Photo inéluctablement Gallimard, 1999 puis Articles intrépides Gallimard, 2008.

En 2011, la Maison européenne de la photographie organise la première rétrospective de l'œuvre photographique de Guibert.

Œuvres

Romans

La Mort propagande, R. Deforges, Paris, 1977, 137 p, Rééd. Gallimard, Paris, 2009, 128 p.,
Les Chiens, Éditions de Minuit, Paris, 1982, 36 p.
Voyage avec deux enfants, Éditions de Minuit, Paris, 1982, 121 p.
Les Lubies d'Arthur, Éditions de Minuit, Paris, 1983, 117 p.
Des aveugles, Gallimard, Paris, 1985, 140 p.
Mes parents, Gallimard, Paris, 1986, 170 p.
Vous m'avez fait former des fantômes, Gallimard, Paris, 1987, 207 p.
Les Gangsters, Éditions de Minuit, Paris, 1988, 108 p.
Fou de Vincent, Éditions de Minuit, Paris, 1989, 85 p.
L'Incognito: roman, Gallimard, Paris, 1989, 226 p.
À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie, Gallimard, Paris, 1990, 265 p.
Le Protocole compassionnel, Gallimard, Paris, 1991, 226 p.
La Mort propagande : et autres textes de jeunesse, R. Deforges, Paris, 1991, 338 p.
Mon valet et moi : roman cocasse, Éditions du Seuil, Paris, 1991, 89 p.
L'Homme au chapeau rouge, Gallimard, Paris, 1992, 153 p.
Le Paradis, Gallimard, Paris, 1992, 140 p.

Recueils de nouvelles

Les Aventures singulières, Éditions de Minuit, Paris, 1982, 120 p.
Mauve le Vierge, Gallimard, Paris, 1988, 156 p.
La Piqûre d'amour : et autres textes ; suivi de La Chair fraîche, Gallimard, Paris, 1994, 198 p.

Autres publications

Zouc par Zouc, Balland, 1978
Suzanne et Louise : roman-photo, Hallier, Illustrations, Paris, 1980,
L'Image fantôme, Éditions de Minuit, Paris, 1981, 173
L'Homme blessé : scénario et notes, Scénario du film de Patrice Chéreau, Éditions de Minuit, Paris, 1983, 199 p.
Le Seul Visage, photographies, Éditions de Minuit, Paris, 1984, 63 p.
L'Image de soi ou l'Injonction de son beau moment ?, William Blake & Co., Bordeaux, 1988,
Vice, photographies de l'auteur, J. Bertoin, Paris, 1991, 101 p.-[16] p. de planches.
Cytomégalovirus, journal d'hospitalisation, Éditions du Seuil, Paris, 1992, 92 p.
Photographies, Gallimard, Paris, 1993, 120 p.
Vole mon dragon : théâtre, Gallimard, Le manteau d'Arlequin, Paris,1994, 71
Enquête autour d'un portrait : sur Balthus, préfacé par Éric de Chassey, Les Autodidactes, Paris, 1997, 44 p.
Lettres d'Égypte : du Caire à Assouan, 19.., photographies de Hans Georg Berger, Actes Sud, Voir et dire, Arles, 1995, 70 p
La Photo, inéluctablement : recueil d'articles sur la photographie, 1977-1985, Gallimard, Paris, 1999, 520 p.
Le Mausolée des amants : journal, 1976-1991, Gallimard, Paris, 2001, 435 p.
Articles intrépides 1977-1985, Gallimard, Paris, 2008, 380 p.
Lettres à Eugène, correspondance 1977-1987, Gallimard, Paris, 2013, 140 p.



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#243 Paul Eluard
Loriane Posté le : 13/12/2014 15:57
Le 14 décembre 1895 naît à St Denis Paul Eluard

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de son vrai nom Eugène Émile Paul Grindel, poète français mort à 56 ans , à Charenton-le-Pont le 18 novembre 1952.
En 1916, il choisit le nom de Paul Éluard, hérité de sa grand-mère, Félicie. Il adhère au dadaïsme et devient l'un des piliers du surréalisme en ouvrant la voie à une action artistique engagée.Ses Œuvres principales sont, Capitale de la douleur 1926, Liberté 1942
Il est connu également sous les noms de plume de Didier Desroches et de Brun.


En bref

L'un des principaux membres du surréalisme, Paul Éluard aspira à rénover les techniques du langage tout en cherchant un moyen d'accéder à l'inconscient. Poète de la Résistance sous l'Occupation, il devint le symbole d'un idéal de liberté et de fraternité.
Dans son avertissement à l'iconographie de Paul Eluard, Roger-Jean Ségalat juge roidement les quelques ouvrages publiés jusqu'ici sur le poète : Les quelques études mi-biographiques, mi-littéraires concernant Paul Eluard ont été, pour la plupart, écrites de son vivant ou immédiatement après sa mort. Inspirées par l'amitié, elles contiennent plus de bons sentiments que de faits précis. Quelquefois Eluard les a personnellement corrigées et a essayé de donner de lui-même, par le souci bien naturel qu'ont les demi-dieux de préparer pour la postérité leur propre histoire idéale, une image simplifiée ou conventionnelle. Si l'ouvrage de Michel Sanouillet, Dada à Paris, nous éclaire les débuts d'Eluard, tant s'en faut que nous sachions au juste à quoi nous en tenir sur la période communiste, qui dure pourtant dix ans : les dix dernières années de la vie du poète. Même si l'on pense que les sonnets écrits au cachot par Jean Noir, alias Jean Cassou, sont plus achevés que les plus illustres poèmes d'Eluard pendant la guerre, son texte sur la Liberté et son lyrisme civique l'ont mis, sociologiquement, au premier rang des poètes de la Résistance. Néanmoins, c'est sans doute le poète de l'amour qui emporte l'adhésion et qui unifie le divers de ses inspirations, car l'amour des hommes est aussi vieux en lui que sa jeunesse et que l'amour des femmes.
Il est donc trop tôt pour écrire une vie d'Eluard, pour en ordonner les incidents, les plans, les valeurs ; mais il est possible, dès maintenant, d'en admirer les plus beaux effets : les poèmes.
En décembre 1916, une douzaine de personnes recevaient une minuscule plaquette de poèmes polycopiés à dix-sept exemplaires, intitulée Le Devoir et signée Paul Eluard. L'envoi venait d'un hôpital d'évacuation du front. L'auteur, dont le véritable nom était Paul-Eugène Grindel, né à Saint-Denis le 14 décembre 1895, était à cette époque infirmier militaire. Il était le fils d'un comptable et d'une couturière. Clément-Eugène Grindel s'était élevé à la force du poignet, il était devenu marchand de biens et agent immobilier prospère, sans renier jamais les opinions socialistes de sa jeunesse. La fraîche fortune des Grindel avait d'abord permis au jeune Paul-Eugène de poursuivre de bonnes études jusqu'au brevet, puis de soigner en Suisse, de 1912 à 1914, une assez grave tuberculose. C'est au sanatorium que Paul-Eugène avait fait la connaissance d'une jeune fille russe qu'il prénomma Gala et qu'il épousa en 1916. C'est au sanatorium qu'il publiera à compte d'auteur sa première œuvre, signée de son vrai nom. Elle n'annonce guère le singulier et grand poète qui, en 1916, avec Le Devoir, fait la plus timide des entrées.
À la fin de sa vie, Eluard concevra deux longs poèmes, inséparables, qu'il intitulera Poésie ininterrompue. Mais toute sa traversée de la terre aura été un long murmure de poésie ininterrompue, une réponse poétique aux événements de l'histoire, de son destin et de son temps. Les événements fondamentaux qui feront jaillir la source poétique en Paul-Eugène, et du jeune Grindel feront surgir Eluard, c'est d'abord, et ce sera jusqu'au bout, la guerre. Le jeune Eluard a lié des amitiés parmi les réfractaires anarchistes et pacifistes, il a une grande admiration pour des poètes sociaux comme Whitman, le groupe des unanimistes, André Spire... Mais ce sera l'expérience vécue de la guerre et du front qui va déclencher en lui un étonnement sans terme, une indignation de voix blanche, et cette douceur inextinguible de la stupeur indignée. Au moment de la guerre coloniale du Rif, Eluard a participé à la grande aventure de contestation radicale qu'est Dada, puis a été avec André Breton, Louis Aragon et Philippe Soupault un des fondateurs du mouvement surréaliste. Mais c'est au lendemain de la reddition d'Abd el-Krim qu'il va adhérer au Parti communiste, dont il s'éloignera bientôt. Toujours, chez lui, l'insurrection de la sensibilité précède et vivifie la réaction intellectuelle. De même, de 1938 à 1942, la guerre d'Espagne puis le déclenchement par Hitler de la guerre totale le décideront à revenir, en 1942, au Parti communiste, qu'il ne quittera plus.
Eluard jouera un rôle très important dans l'élaboration des idées qui vont faire explosion dans le dadaïsme, s'organiser dans le surréalisme, se continuer et souvent diverger dans la volonté ou les volontés d'action révolutionnaire. Mais si vaste et si profonde que soit la culture de Paul Eluard, si constante sa volonté d'être un poète qui veut lier l'activité poétique à la réflexion philosophique et à l'action sur la société, ce qui frappe d'abord dans sa poésie, c'est son caractère immédiat, la fraîcheur – parfois brûlante – de l'émotion. Dès les premiers poèmes signés du nom d'Eluard, une inimitable simplicité s'affirme, une innocence souveraine, une candeur juvénile à travers les années, miroir où vont se refléter, directement, perpendiculairement, les sentiments à leur naissance : transparence du regard amoureux, opacité d'un univers de bitume et de sang. Il n'y a pas d'abord de concepts dans l'œuvre d'Eluard : il y a ce qui arrive à un homme, comme s'il était le premier homme, un homme qui dit ce qu'il ressent, comme une eau coule de source. Il semble que ce soit l'émerveillement ou la stupeur anxieuse du premier venu, traduite avec les mots premiers venus.
Les distinctions scolastiques entre la vie intérieure et l'histoire, entre la poésie lyrique et la poésie engagée semblent absolument dérisoires à qui suit le cours naturel de l'œuvre de Paul Eluard. Aucune épaisseur de miroir sans tain ou d'écorce protectrice n'a jamais séparé l'univers intérieur d'Eluard de l'univers extérieur. On pourrait, sans scandale, mais non sans erreur, parler de sa poésie comme d'une poésie métaphysique, comme le compte rendu très précis des passages d'un esprit à travers des états qu'on pourrait sans légèreté rapprocher des états mystiques : légèreté de l'homme libéré de sa pesanteur dans l'effusion amoureuse, mouvements obscurs d'angoisses des sommeils de la raison. On pourrait dire que le développement dans le temps de sa poésie, du Devoir 1916 à Poésie ininterrompue II 1953 de Mourir de ne pas mourir 1924 à Le temps déborde 1947, est si monotone et entêté dans le naturel, si constant dans la répartition des thèmes affectifs et vécus qu'Eluard n'a d'autre biographie que celle des amours personnelles et des deuils : la séparation d'avec Gala en 1930, la rencontre avec Nush, la mort brutale de celle-ci en 1946, la crise atroce qui va suivre et la vie ensuite revenue grâce à Dominique, en 1949.
Sa vie cessera Le 18 novembre 1952 des suites d'une angine de poitrine

Sa vie

Gala et la naissance du surréalisme

Paul Éluard est né à Saint-Denis, au 46 boulevard Châteaudun actuellement Jules Guesde, le 14 décembre 1895 à 11 heures du matin. Son père, Clément Eugène Grindel, est comptable lorsque naît son fils mais ouvre, peu après 1900, un bureau d'agence immobilière. Sa mère, Jeanne-Marie Cousin, est couturière. Vers 1908, la famille s'installe à Paris, rue Louis-Blanc. Éluard fréquente l'école communale de Saint-Denis, celle d'Aulnay-sous-Bois puis entre comme boursier à l'école supérieure Colbert. Il obtient en 1912 son brevet et en juillet part se reposer, sa santé apparaissant fragile, avec sa mère, à Glion, en Suisse. Une grave crise hémoptysique l'oblige à prolonger son séjour et il est alors contraint, à l'âge de seize ans, d'interrompre ses études, car il est atteint de tuberculose. Il reste hospitalisé jusqu'en février 1914 au sanatorium de Clavadel, près de Davos. Il y rencontre une jeune russe de son âge en exil Helena Diakonova qu'il surnomme Gala. La forte personnalité, l'impétuosité, l'esprit de décision, la culture de la jeune fille impressionnent le jeune Éluard qui prend avec elle son premier élan de poésie amoureuse, un élan qui se prolongera dans tous ses écrits. Elle dessine son profil, et il ajoute à la main : Je suis votre disciple. Ils lisent ensemble les poèmes de Gérard de Nerval, Charles Baudelaire, Lautréamont et Guillaume Apollinaire. Devenu majeur le 14 décembre 1916, il épouse Gala dès le 21 février suivant.
Le 11 mai 1918, il écrit à l'un de ses amis : J'ai assisté à l'arrivée au monde, très simplement, d'une belle petite fille, Cécile, ma fille .

En 1918, lorsque la victoire est proclamée, Paul Éluard allie la plénitude de son amour à une profonde remise en question du monde : c'est le mouvement Dada qui va commencer cette remise en question, dans l'absurdité, la folie, la drôlerie et le non-sens. C'est ensuite le surréalisme qui lui donnera son contenu. Juste avant les surréalistes, les dadaïstes font scandale. Éluard, ami intime d'André Breton, est de toutes les manifestations dada. Il fonde sa propre revue Proverbe dans laquelle il se montre, comme Jean Paulhan, obsédé par les problèmes du langage. Tous deux veulent bien contester les notions de beau / laid, mais refusent de remettre en question le langage lui-même. En 1920, Éluard est le seul du groupe à affirmer que le langage peut être un but, alors que les autres le considèrent surtout comme un moyen de détruire.
En 1922, il promet à André Breton de ruiner la littérature et de ne plus rien produire. Le 24 mars 1924, il embarque à Marseille pour un voyage autour du monde. Le lendemain, paraît le recueil Mourir de ne pas mourir qui porte en exergue Pour tout simplifier je dédie mon dernier livre à André Breton. Il est de retour à Paris au début du mois d'octobre comme si de rien n'était. Breton en dit : Alors il m'a mis un petit mot, qu'il m'attendait hier au café. Cyrano, ni plus ni moins. C'est bien le même, à n'en pas douter. Des vacances, quoi !. Tout naturellement, il participe au pamphlet Un cadavre écrit par les surréalistes en réaction aux funérailles nationales faites à l'écrivain Anatole France.
Toute la vie d'Éluard se confond à présent avec celle du mouvement surréaliste. C'est cependant lui qui échappe le mieux à la réputation de violence et qui est le mieux accepté comme écrivain par la critique traditionnelle. Éluard se plie à la règle surréaliste résumée par cette phrase du Comte de Lautréamont : La poésie doit être faite par tous, non par un. Avec Benjamin Péret, il écrit 152 proverbes mis au goût du jour. Avec André Breton, L'Immaculée Conception. Avec Breton et René Char, Ralentir travaux.
Dès 1925, il soutient la révolte des Marocains et en janvier 1927, il adhère au parti communiste français, avec Louis Aragon, Breton, Benjamin Péret et Pierre Unik. Ils s’en justifient dans le tract collectif, Au grand jour.
C'est aussi l'époque où il publie deux recueils essentiels : Capitale de la douleur 1926 et L'Amour la poésie 1929.
En 1928, malade, il repart dans un sanatorium avec Gala, où ils passeront leur dernier hiver ensemble. C'est à ce moment que Gala, qui était ouvertement la maîtresse de Max Ernst rencontre Salvador Dalí et quitte le poète pour le peintre. Paul Éluard dit à Gala : Ta chevelure glisse dans l'abîme qui justifie notre éloignement. Peu après, il fait la connaissance de Maria Benz, une artiste de music-hall d'origine Alsacienne surnommée "Nusch" avec qui il se mariera en 1934.

Nusch et le combat pour la liberté 1931-1946

Les années 1931-1935 comptent parmi les plus heureuses de sa vie. Marié avec Nusch en 1934, il voit en elle l'incarnation même de la femme, compagne et complice, sensuelle et fière, sensible et fidèle. En 1931, il s'insurge contre l'Exposition coloniale organisée à Paris et signe un tract où est écrit : Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile .
Exclu du parti communiste, il continue sa lutte pour la révolution, pour toutes les révolutions.
Ambassadeur du surréalisme, il voyage dans toute l'Europe soumise à des régimes fascisants. En mars 1935, avec André Breton, il est en Tchécoslovaquie, une des rares démocraties européennes, où la capitale Prague, les accueille avec chaleur. L'organe du parti communiste hongrois les présente comme deux poètes, les plus grands de la France contemporaine. En Espagne en 1936, il apprend le soulèvement franquiste, contre lequel il s'insurge violemment. L'année suivante, le bombardement de Guernica lui inspire le poème Victoire de Guernica. Pendant ces deux années terribles pour l'Espagne, Éluard et Picasso ne se quittent guère. Le poète dit au peintre : Tu tiens la flamme entre tes doigts et tu peins comme un incendie. Des désaccords politiques mais aussi littéraires refus de l’écriture automatique conduisent à la rupture entre Éluard et le groupe surréaliste organisé autour d'André Breton en 1938.
Mobilisé dès septembre 1939 dans l'intendance, il s'installe avec Nusch à Paris après l'armistice 22 juin 1940. En janvier 1942, il s'installe chez des amis, Christian et Yvonne Zervos, près de Vézelay à proximité des maquis. Éluard demande sa réinscription, clandestine, au parti communiste. Les vingt et une strophes de Liberté, publiés dans le premier numéro de la revue Choix, sont parachutées par les avions anglais à des milliers d'exemplaires au-dessus de la France ce poème est mis en musique par Francis Poulenc dès 1944.
En 1943, avec Pierre Seghers et Jean Lescure, il rassemble les textes de nombreux poètes résistants et publie un livre controversé intitulé L'Honneur des poètes. Face à l'oppression, les poètes chantent en chœur l'espoir, la liberté. C'est la première anthologie d'Éluard où il montre sa volonté d'ouverture et de rassemblement. En novembre 1943, Éluard se réfugie à l'hôpital psychiatrique de Saint-Alban dirigé par le docteur Lucien Bonnafé où se cachaient de nombreux juifs et résistants. À la Libération, il est fêté avec Louis Aragon comme le grand poète de la Résistance.
Avec Nusch, il multiplie tournées et conférences. Mais le 28 novembre 1946, pendant un séjour en Suisse, il reçoit un appel téléphonique lui apprenant la mort subite de Nusch, d'une hémorragie cérébrale. Terrassé, il écrit :

Vingt huit novembre mil neuf cent quarante-six
Nous ne vieillirons pas ensemble.
Voici le jour
En trop : le temps déborde.
Mon amour si léger prend le poids d'un supplice.
Un couple d'amis intimes, Jacqueline et Alain Trutat pour qui il écrit Corps Mémorable, lui redonnent peu à peu le dur désir de durer. Son recueil De l'horizon d'un homme à l'horizon de tous retrace ce cheminement qui mène Éluard de la souffrance à l'espoir retrouvé.

La bataille de Grèce n'est pas terminée, et son amour et sa lutte avec Nusch se poursuit au-delà de la mort :

Il y a les maquis couleur de sang d'Espagne
Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce
Le pain le sang le ciel et le droit à l'espoir
Toi que j'aime à jamais toi qui m'as inventé
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d'être libre et je te continue.

Dominique et l'engagement pour la paix 1947-1952

En avril 1948, Paul Éluard et Picasso sont invités à participer au Congrès pour la paix à Wrocław Pologne. En juin, Éluard publie des Poèmes politiques préfacés par Louis Aragon. L'année suivante, au mois d'avril, c'est en tant que délégué du Conseil mondial de la paix, qu'Éluard participe aux travaux du congrès qui se tient à la salle Pleyel à Paris. Au mois de juin, il passe quelques jours auprès des partisans grecs retranchés sur les monts Gramos face aux soldats du gouvernement grec. Puis il se rend à Budapest pour assister aux fêtes commémoratives du centenaire de la mort du poète Sándor Petőfi. Il y rencontre Pablo Neruda. En septembre, il est à Mexico pour un nouveau congrès de la paix. Il rencontre Dominique Lemort avec qui il rentre en France. Ils se marieront en 1951. Éluard publie cette même année le recueil Le Phénix entièrement consacré à la joie retrouvée.

En 1950, avec Dominique, il se rend à Prague pour une exposition consacrée à Vladimir Maïakovski, à Sofia en tant que délégué de l'association France-URSS, et à Moscou pour les cérémonies du 1er mai.

Liberté, j'écris ton nom...

Mais cette description de La Vie immédiate de Paul Eluard, sans être inexacte, ne serait pas vraie du tout. Les catastrophes de son temps, les soubresauts de l'histoire auront pour Eluard un caractère aussi immédiat que les accidents ou les clartés de son destin individuel. Il a raconté lui-même que le poème qui devait le rendre célèbre au-delà des cercles d'amateurs de poésie, Liberté, écrit en 1941, fut d'abord, dans la première nébuleuse d'où émergeaient les mots, un poème d'amour ; qu'il s'intitulait primitivement Une seule pensée, que cette pensée était, à sa naissance, celle de la femme qu'il aimait ; et que c'est seulement au fur et à mesure que la litanie amoureuse s'élargissait que le poète prit conscience que son poème ne concernait pas seulement un homme écrivant le nom de son aimée, mais tous les hommes du monde, alors en proie à la servitude, écrivant le nom de l'amour qui les résume toutes : celui de la liberté.
C'est qu'Eluard a eu des idées générales sur la condition des hommes, a beaucoup réfléchi sur le travail du poète, sur l'histoire de la poésie dans ses essais, Avenir de la poésie, 1937 ; Donner à voir, 1939, comme dans ses importantes anthologies, sur la politique dans de nombreux articles et discours, sur la philosophie. Mais on peut dire de lui qu'il n'a jamais eu d'opinions, au sens où on a une opinion comme on a une maison, un stylo, ou une automobile. Ce poète qui se voulut, avec une obstination à la fois admissible et parfois mal récompensée, un militant, un agitateur politique, n'a jamais parlé que de ce qui le concernait profondément. Il souhaitait réhabiliter la « poésie de circonstance, et il l'illustra de quelques chefs-d'œuvre. Mais c'est que, dans son cas au moins, la circonstance historique n'a jamais eu une autre dimension ni ne s'est accomplie dans un autre espace que celui du dedans. Dans un recueil comme Cours naturel 1938, les poèmes d'amour et le poème intitulé La Victoire de Guernica n'apparaissent pas comme différents d'inspiration, de source et de ton. C'est précisément parce qu'Eluard sait de première vue, de première vie, de première main que l'accord des êtres est possible, que l'harmonie est sensible, que, « si nous le voulions, il n'y aurait que des merveilles », que le saccage de ces trésors par la bêtise-haine au front de taureau le soulève de dégoût, qu'il n'a pas besoin de « se mettre à la place » des innocents qui meurent sous les bombes de Guernica : il est à leur place. Il découvre son bonheur personnel dans le bonheur de tous, son malheur à lui dans le malheur de chacun.

L'eau limpide du bonheur, de la reconnaissance de soi-même par l'autre dans l'illumination amoureuse, dans la fraternité des vivants court à travers toute l'œuvre d'Eluard. Il parle d'une voix blanche comme un ciel pâle et doux de soleil et de légère brume, enfantine dans le prime-saut des images et des sensations. Une voix qui semble n'être la voix de personne en particulier, quasi adamique, le murmure du premier homme et de tous les hommes tenant dans leurs bras la première femme et toutes les femmes. Voix de l'existence à la crête de l'émerveillement d'être, dans l'illusion peut-être véridique que le temps s'est suspendu dans la sensation presque physique de l'éternité :

Aujourd'hui lumière unique
Aujourd'hui l'enfance entière
Changeant la vie en lumière
Sans passé sans lendemain
Aujourd'hui je suis toujours.
Cette poésie ne parle pas de la légèreté d'exister, de la grâce : elle la fait vivre parce qu'elle la vit. Ce n'est jamais un discours didactique sur les possibilités radieuses de l'homme ou sur les utopies du bonheur parfait des accomplissements, c'est une tentative, réussie la plupart du temps, de recréer chez l'auditeur ces états, de les rendre contagieux, de les donner à vivre.
Mais, quand cette respiration de soleil est brisée par le carnage, la fureur obtuse, l'avidité rageuse de la destruction et du mal, la colère brise aussi ce murmure de cristal. Il y a un Eluard fondamental, celui qui dit :

J'ai la beauté facile et c'est heureux
Je glisse sur le toit des vents
Je glisse sur le toit des mers.
Mais, dès ses vingt ans, il y a le réfractaire stupéfait, celui qui écrivait du front : On a honte d'être là devant le spectacle d'un camarade agonisant ; celui qui écrira plus tard : Le principal désir des hommes, dans la société où je vis, est de posséder .... Tout se dresse, à chacun de nos pas, pour nous humilier, pour nous faire retourner en arrière .... La poésie véritable est incluse dans tout ce qui ne se conforme pas à cette morale qui, pour maintenir son ordre, son prestige, ne doit construire que des casernes, des prisons, des églises, des bordels.

Eluard le violent

Eluard le voyant-transparent peut être, doit devenir aussi Eluard le violent, le rebelle. Il projette, face à cette société qu'il veut contribuer à ruiner, l'image d'une contre-société qui n'est pas simplement une vue de l'esprit dans la mesure où il a l'expérience immédiate d'une autre façon d'être, d'un autre pacte des vivants avec les vivants, d'un autre état de vie. À travers le dadaïsme, le surréalisme, le stalinisme, c'est la même démarche obstinée, démentie souvent, mais jamais réfutée. Si nous le voulions, il n'y aurait que des merveilles. Quand Eluard célébrera Joseph Staline, à l'occasion de l'anniversaire de celui-ci, il n'écrira pas un de ces innombrables et sinistres péans flagorneurs qui s'élèveront de la Russie écrasée et de la bouche des dupes ou des complices occidentaux ; il écrira un très beau poème qui ne fait pas le portrait d'un homme historique, mais d'une terre promise et donnée. Un poème qui n'est tragique que par l'écart entre la vision et ce que notre regard découvre.
Au cours des dernières années de sa vie il devait mourir en novembre 1952, avant la mort de Staline et le XXe Congrès, il arrivait aux admirateurs d'Eluard de regretter que le sublime poète de l'amour sublime se fût encanaillé dans la politique et qu'Ariel se fût engagé avec Caliban.
Quand on suit la longue respiration ininterrompue de la poésie d'Eluard, il semble au contraire qu'on ne puisse séparer le poète amoureux du poète pour tous, comme il disait. Ce n'est pas malgré sa ressource inépuisable de révolte, sa perpétuelle revendication utopique qu'Eluard a été un grand poète, le poète, aussi, de ce rapport modèle entre les êtres, de cette relation étalon : l'amour. Ce n'est pas au détriment de sa vision la plus radieuse des ressources de l'esprit humain qu'il aura manié les rames de l'indignation, de la dénonciation.
Si le poète de L'Amour, la poésie 1929 et du Phénix 1951 n'a jamais laissé tarir son ruissellement de mots limpides, c'est aussi, c'est d'abord grâce à sa ressource de stupeur, de colère et de rage très raisonnable. On pressent ce qui aurait pu gâter cette œuvre, en effet, si elle n'avait pas été soutenue et transportée par l'inapaisable violence d'un perpétuel jeune homme en colère. Il lui arrive d'effleurer la mièvrerie, de côtoyer la puérilité et de risquer de tomber de l'innocence authentique dans l'imagerie d'Épinal de la naïveté. Mais si Eluard évite la plupart du temps ces périls, c'est parce qu'il est en même temps le témoin de la grâce d'exister et un démolisseur de ruines, un ange expérimental et un archange combattant et furieux.

Le poète résistant

Progressivement, Éluard abandonne l'écriture automatique chère à Breton. Malgré son exclusion du Parti communiste en 1933, il continue de militer dans des organisations de gauche. En 1934, il épouse Nusch 1906-1946, rencontrée quatre ans plus tôt, qui devient sa nouvelle égérie. Sensible à l'art plastique, il transpose dans ses poèmes le langage des peintres les Yeux fertiles, en 1936, témoignent de son amitié naissante avec Picasso. En 1938, le Front populaire et la guerre civile d'Espagne ayant aggravé les désaccords entre Breton et Éluard, c'est la rupture entre les deux hommes. À partir de 1940, la vie du poète se confond avec celle de la Résistance : dans la clandestinité, il anime le Comité national des écrivains en zone nord ; en 1942, il renoue avec le Parti communiste et publie Poésie et Vérité où figure le fameux poème Liberté ; en 1943, il collabore à l'Honneur des poètes et, en 1944, il rassemble ses poèmes militants dans Au rendez-vous allemand.
La guerre terminée, Éluard publie Poésie ininterrompue 1946, où transparaît l'enthousiasme né de la Libération. Malheureusement, quelques mois plus tard, il perd brutalement Nusch Le temps déborde, 1947. Désespéré, pensant au suicide, il tente de fuir sa détresse et voyage à travers l'Europe Italie, Yougoslavie, Pologne, URSS, Grèce. À l'équipe surréaliste, il préfère désormais la solidarité avec le genre humain Poèmes politiques, 1948 ; Une leçon de morale, 1949. Son écriture s'ouvre davantage aux thèmes sociaux et universels, sans renoncer pour autant aux exigences formelles. L'existence se poursuit ainsi jusqu'au troisième cycle, celui de Dominique 1914-2000, rencontrée en 1949, dont Éluard fait sa dernière épouse et auprès de laquelle il retrouve la joie de vivre Pouvoir tout dire et le Phénix, 1951.
En février 1952, Paul Éluard est à Genève pour une conférence sur le thème La Poésie de circonstance. Le 25 février, il représente le peuple français à Moscou pour commémorer le cent cinquantième anniversaire de la naissance de Victor Hugo.
Le 18 novembre 1952 à neuf heures du matin, Paul Éluard succombe à une crise cardiaque à son domicile, 52 avenue de Gravelle à Charenton-le-Pont, emporté par une angine de poitrine, laissant une œuvre dominée par le thème de l'amour, où la femme apparaît comme la médiatrice indispensable entre le poète et le monde. Les obsèques ont lieu le 22 novembre au cimetière du Père-Lachaise où il est inhumé. Le gouvernement refuse les funérailles nationales.
L'écrivain Robert Sabatier déclare : Ce jour-là, le monde entier était en deuil .

L'œuvre

Exaltation de l'expérience amoureuse
La poésie d'Éluard est d'abord une exaltation lucide du désir. Capitale de la douleur 1926 montre que le monde de la maladie, de la solitude et de la mort, est toujours menaçant, mais c'est justement aussi ce qui donne son prix au bonheur. L'amour égoïste de L'Amour la poésie peut également s'ouvrir et œuvrer pour le bonheur de tous, comme en témoignent La Vie immédiate 1932 et Les Yeux fertiles 1936, célébrant son amour partagé avec Nusch. La mort de Nusch est l'occasion d'un pari fou sur l'avenir, d'un authentique recommencement. Le Dur Désir de durer est un acte de foi envers le langage conçu comme une lumière capable de faire reculer les ténèbres de la souffrance.
Chez Paul Éluard, les exigences morales épurent le mot sans jamais éluder les bouleversements de l’homme, tant la logique de l’amour les soutient. Pour lui, l’amour est la grande force révolutionnaire, souligne Jacques Gaucheron. Il l’approfondit sans cesse, du désir le plus charnel à l’érotisme et jusqu’à cette ouverture au monde qu’est l’amour. Passer de je à tu, c’est passer à nous, au nous le plus vaste. L’amour, par nécessité intérieure, donne à voir, donne à vivre, donne à vouloir un monde sans mutilation qui s’épanouirait en investissant toutes les dimensions humaines. La seule exigence totalisante étant celle du bonheur. Éluard dit: Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d’autre.
Libérer le langage pour changer la vie
Le langage de la poésie d'Éluard dépasse l'automatisme pur et ne se contente pas de mettre au jour le minerai de l'inconscient. Il cherche à rendre évidentes des associations de mots, d'images, qui pourtant échappent à tout lien logique. Car si la terre est bleue comme une orange L'Amour, la poésie, c'est que, pour le poète, tout est possible à qui sait voir. C'est en affranchissant la pensée de ses limites qu'il découvre l'absolu poétique. Chez Éluard, la parole affirme : J'ai la beauté facile et c'est heureux Capitale de la douleur.

Une poésie engagée

C'est également en combattant la mort et les atrocités liées à la guerre que le poète aspire à redonner un sens à la vie. On compte notamment, parmi ses écrits les plus engagés :
Cours naturel, 1938
Facile proie, 1938
Le Livre ouvert, 1941
Poésie et vérité, 1942
Poèmes politiques, 1948
Jacques Gaucheron, auteur du livre Paul Éluard ou la fidélité à la vie, rencontre le poète après la guerre au Comité national des écrivains. Devenus amis, ils publient ensemble Les Maquis de France. Pour lui : Paul Éluard est entré dans l’histoire littéraire lorsqu’il parle de poésie ininterrompue, ce n’est pas un vain mot.
Cette cohérence tient à la profondeur de l’invention d’Éluard, qui n’est pas seulement une manière de dire, mais une manière d’être. L’intuition fondamentale du poète, explique Jacques Gaucheron, est précocement à l’origine de la revendication inconditionnelle du bonheur. Sa méditation poétique s’expérimente dans les remous de sa vie personnelle. On pense souvent à lui comme poète de la Résistance. Durant les années abominables de l’occupation nazie, il est celui qui ne se résigne pas, qui n’accepte pas. Le sommet est atteint avec Liberté qui sera diffusé dans le monde entier en 1942. Paul Éluard est un porteur d’espérance.
Mais il est aussi le poète de la résistance, sans majuscule. Il écrit contre l’ordre du monde. Sa lutte est tout aussi ininterrompue que sa poésie. Lorsqu’il écrit l'Immaculée Conception en 1930 avec André Breton, il se bat contre les traitements que l’on inflige aux aliénés, l’aliénation étant l’une des pires représentations de l’exclusion. Au sens que lui confère Éluard, la poésie est une entreprise de désaliénation. La poésie en devient donc un art de langage, un art de vie, un instrument moral.

Œuvres

Poésies
1913 : Premiers poèmes
1916 : Le Devoir
1917 : Le Devoir et l'Inquiétude , avec une gravure sur bois par André Deslignères
1918 : Pour vivre ici
1918 Poèmes pour la paix
1920 : Les Animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux
1923 : L'Amoureuse
1924 : La courbe de tes yeux
1924 : Mourir de ne pas mourir
1925 : Au défaut du silence
1926 : La Dame de carreau
1926 : Capitale de la douleur
1926 : Les Dessous d'une vie ou la Pyramide humaine
1929 : L'Amour la Poésie
1930 : Ralentir travaux, en collaboration avec André Breton et René Char
1930 : À toute épreuve
1930 : L'immaculée conception
1932 : Défense de savoir
1932 : La Vie immédiate
1935 : La Rose publique
1935 : Facile
1935 : Nuits partagées.
1936 : Les Yeux fertiles
1937 : Quelques-uns des mots qui jusqu'ici m'étaient mystérieusement interdits, GLM
1938 : Les Mains libres, en collaboration avec Man Ray.
1938 : Cours naturel
1938 : La victoire de Guernica
1939 : Donner à voir
1939 :Je ne suis pas seul
1941 : Le Livre ouvert
1942 : Poésie et vérité 1942
1942 : Liberté
1943 : Avis
1943 : Courage
1943 : Les Sept poèmes d'amour en guerre
1944 : Au rendez-vous allemand
1946 : Poésie ininterrompue
1947 : Le Cinquième Poème visible
1947 : Notre vie
1947 : À l'intérieur de la vue
1947 : La Courbe de tes yeux
1947 : Le temps déborde
1948 : Poèmes politiques
1951 : Le Phénix

Œuvres complètes

Les Œuvres complètes en deux tomes sont établies par Marcelle Dumas et Lucien Scheler et publiées en 1968 par Gallimard dans la collection Bibliothèque de la Pléiade. À cette occasion un Album Éluard est réalisé.
Le texte de Paul Éluard est constitué du poème Elle se fit élever un palais extrait de la Rose publique, et Serge Rezvani l'a orné de gravures, et a agrémenté chaque exemplaire de vignettes originales. Rezvani avait alors 28 ans, et n'avait pas le sou. Il raconte : Ne pouvant plus peindre faute de toiles et de couleurs, la nuit j'allais voler des poubelles, à l'époque de simples caisses de bois. Me servant des planches brutes, je gravais des profils de femme. Ensuite, en les encrant, je tirais sur une feuille de papier ces silhouettes de chair en réserve, dont la blancheur nue naissait des nœuds, veines, striures du bois vivant par le tremblé d'une richesse de dentelle de Chine. Paul Éluard vit par hasard les premiers tirages de ces gravures chez Monny de Boully. Il voulut me rencontrer. Ces profils de femmes verticales coïncidaient avec un rêve qu'il avait célébré par un poème. Pendant six mois je tirai chez Mourlot les planches de ce livre ... j'allais souvent chez Éluard pour lui montrer les planches au fur et à mesure que je les tirais. Avant même que je ne sorte les gravures, il me faisait asseoir à table et m'apportait du pain et du fromage. Je mourais de faim, il le savait.
Ode à Staline, 1950
Picasso, dessins, 1952
Le Poète et son ombre, Seghers, 2008 : textes provenant de plaquettes à tirage limité, de catalogues rares et de revues
Correspondance
Paul Éluard & Jean Paulhan, Correspondance 1919-1944, édition établie et annotée par Odile Felgine et Claude-Pierre Pérez, Éditions Claire Paulhan, MMIII 2003, 208 p.
Lettres de jeunesse, Paris, Seghers, 1962
Choix de lettres à sa fille 1932-1949, revue Europe, N° spécial Paul Éluard, novembre-décembre 1962, p. 21-33
Lettres à Joë Bousquet, Paris, Éditeurs français réunis, 1973
Lettres à Gala 1924-1948, Paris, Gallimard, 1984, 522 p.

Hommage

Un prix de poésie porte son nom, décerné par la Société des poètes français.
Françoise Sagan a trouvé, dans le second vers du poème À peine défigurée, du recueil La Vie immédiate 1932, le titre de son premier roman, Bonjour tristesse. Le titre de son roman Un peu de soleil dans l'eau froide est, quant à lui, tiré du poème d'Éluard, Vivre ici, publié en 1926.
Frédéric H. Fajardie a donné le nom d'Eugène Grindel au héros de son roman, Clause de style, publié en 1984 adapté au cinéma sous le titre Ne réveillez pas un flic qui dort avec Alain Delon et Michel Serrault.


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#244 Cicéron 1
Loriane Posté le : 06/12/2014 17:14
Le 7 décembre 43 av J.-C. est assassiné Cicéron
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en latin Marcus Tullius Cicero,à 63 ans, à Gaète, né le 3 janvier 106 av. J.-C. à Arpinum en Italie, philosophe romain, homme d'État et un auteur latin, il est Pater Patriae, Questeur, Édile, Préteur, Proconsul. il avait pour mère helvia, pour père Marcus Tullius Ciceron, son épouse est Terentia de 79 à à 46, puis après son décès Publia de 46 à 45 ses Enfants sont Tullia et Marcus.

Citoyen romain issu de la bourgeoisie italienne, Cicéron n’appartient pas à la noblesse, ce qui en principe ne le destine pas à un rôle politique majeur. Contrairement à ses contemporains Pompée et Jules César, la carrière militaire ne l’intéresse pas, et après une solide formation à la rhétorique et au droit, il réussit grâce à ses talents d’avocat à se constituer suffisamment d’appuis pour parvenir en 63 av. J.-C. à la magistrature suprême, le consulat. Dans une République en crise menacée par les ambitieux, il déjoue la conjuration de Catilina par la seule énergie de ses discours, les Catilinaires.
Ce succès qui fait sa fierté cause ensuite son exil en 58 av. J.-C., pour avoir exécuté des conjurés sans procès. Revenu à Rome en 57 av. J.-C., il ne joue plus de rôle important sur la scène politique, dominée par Pompée et César. Durant la guerre civile qui débute en 49 av. J.-C., il rallie Pompée avec hésitation, puis est forcé de s'accommoder du pouvoir de César, avant de s’allier à Octave contre Antoine. Sa franche opposition à Antoine lui coute la vie en 43 av. J.-C.
Orateur remarquable, il publie une abondante production considérée comme un modèle de l’expression latine classique, et dont une grande partie nous est parvenue. Il consacre sa période d’inactivité politique à la rédaction d’ouvrages sur la rhétorique et à l’adaptation en latin des théories philosophiques grecques. En partie perdus pendant le Moyen Âge, ses ouvrages connaissent un regain d’intérêt durant la renaissance carolingienne puis la renaissance italienne et l'époque classique. En revanche, au XIXe siècle et dans la première moitie du XXe siècle, il n'est considéré que comme un simple compilateur des philosophes grecs et sa vie politique est diversement appréciée et commentée : intellectuel égaré au milieu d’une foire d’empoigne, parvenu italien monté à Rome, opportuniste versatile, instrument passif de la monarchie larvée de Pompée puis de César selon Theodor Mommsen et Jérôme Carcopino1. Selon la vision plus positive de Pierre Grimal, il est l’intermédiaire précieux qui nous transmit une partie de la philosophie grecque.

En bref

Homme d'État, orateur prodigieux, théoricien de l'éloquence, mais aussi philosophe, Cicéron a été victime, aux yeux de la postérité, de tous ses dons ; il a été surtout victime du fait d'être devenu trop tôt, de son vivant même, un auteur classique et scolaire, faisant toujours un peu figure d'écrivain égaré dans la politique. Une tradition moderne, qui remonte à Mommsen, a, de parti pris, tenté de condamner l'homme privé et public, de décrier le politicien et même de rabaisser le philosophe qui ne serait qu'un adaptateur brillant et superficiel : Cicéron, s'il a des amis, a toujours beaucoup d'ennemis. Une réhabilitation, comme voudraient la tenter les auteurs de cet article, serait de peu d'intérêt s'il ne s'agissait que de défendre une mémoire. Il est plus intéressant de montrer que cette réhabilitation permet d'écarter plusieurs contresens invétérés, concernant aussi bien la carrière, l'action politique, l'œuvre théorique que la philosophie de Cicéron. Du coup, on lui restitue une dimension, une cohérence, une humanité qui justifient son prodigieux succès culturel : car sur lui repose en partie l'« humanisme ». Il est intéressant aussi de savoir que cette tradition qui traite l'homme, le politique et le penseur avec tant de désinvolte mépris a été systématiquement forgée par ceux-là mêmes qui l'avaient assassiné – Octave et ses complices – assassinant, du même coup, les libertés romaines.
Dès 61, les populaires avec Clodius et César, les aristocrates conservateurs avec Caton, Pompée enfin revenu triomphant d'Orient attaquent de tous côtés la politique de Cicéron ; le Sénat retire aux chevaliers les avantages financiers qu'il leur avait consentis, les populaires accusent Cicéron de tyrannie et lui reprochent d'avoir utilisé la loi martiale lors de la répression. Pompée, César et Crassus s'entendent en sous-main pour se partager le pouvoir : le gage de ce marché sera l'exil de Cicéron, manigancé en 58 par Clodius, devenu tribun de la plèbe. Cicéron, abandonné par les chefs de parti, se refuse à déclencher la guerre civile et s'enfuit à Brindes et en Grèce. Mais, en 57, devant l'indignation de l'Italie, Pompée se reprend, et le Sénat finit par obtenir le vote d'une loi de rappel : c'est le retour triomphal sur les épaules de l'Italie. Cependant Cicéron ne retrouve pas son influence de jadis ; il ne peut que louvoyer entre Pompée et César et tenter de rallier un parti modéré à très large assiette sociale, où l'Italie des municipes serait fortement représentée Pro Sestio, 56 av. J.-C.. Il se rapproche alors de César, dans la mesure même où Pompée glisse vers les aristocrates conservateurs plaidoyer Pro Rabirio, 54 av. J.-C. Mais en même temps, il s'élève au-dessus de la mêlée et écrit ses chefs-d'œuvre de philosophie politique (De oratore, De re publica, De legibus. En 52, il défend Milon accusé du meurtre de Clodius Pro Milone ; en 51, il est proconsul en Cilicie, où il mène une campagne victorieuse contre les Parthes et s'acquitte avec une grande honnêteté de ses fonctions. À son retour, la guerre civile est menaçante. Cicéron tente de s'y opposer, mais, en janvier 49, malgré ses sympathies secrètes, il choisit la légitimité et suit Pompée, bien qu'il redoute en lui un nouveau Sylla. Après Pharsale, il regagne l'Italie et, sans se rallier ouvertement à César, reprend son siège au Sénat et presse César de rétablir la légalité Pro Marcello. Il se consacre de plus en plus, cependant, à ses travaux littéraires et philosophiques. Après les ides de mars 44, à la préparation desquelles il n'a point pris part, il apparaît cependant comme le plus prestigieux des hommes politiques républicains, un point de ralliement pour l'opinion égarée. Il retrouve pour quelques mois son prestige, son influence et tente, en face des généraux tyrannochtones et du consul Marc Antoine qui se présente comme l'héritier de César, d'imposer le retour au régime sénatorial les Philippiques, discours contre Antoine. Mais Antoine finit par s'entendre, contre Cicéron, avec Caius Octavius, le petit-neveu de César, dont Cicéron avait voulu d'abord se servir : lorsque Antoine, Octave et Lépide, par un coup d'État, se font confier un triumvirat constituant, Cicéron figure au premier rang des proscrits. Il meurt courageusement à Gaète.
On a souvent critiqué, chez Cicéron, le caractère de l'homme politique, sans se rappeler que c'est d'abord un de ceux dont nous connaissons le mieux les angoisses ou les hésitations, sans considérer non plus les difficultés que pouvait rencontrer dans la Rome de cette époque un homme nouveau ne disposant ni de clientèle ni d'argent, un avocat et un intellectuel répugnant au pouvoir militaire, un homme de goût et d'étude détestant la démagogie, qui connaissait et regrettait la grandeur passée de Rome et l'âge d'or de la République modérée. Il apparaît au contraire que, loin d'être médiocre et inférieur à l'orateur ou au philosophe, l'homme politique, lucide, habile, parfois sans doute hésitant, a tenté en général de trouver des solutions neuves et de mettre son action en accord avec ses principes.

Sa vie

Marcus Tullius Cicero est né à Arpinum, en pays volsque, à une centaine de kilomètres à l'est de Rome. "Cicéron" naît en 106 av. J.-C., le troisième jour du mois de janvier, dans le municipe d’Arpinum, à 110 km au sud-est de Rome. Sa famille, fort honorable, appartenait à l'ordre équestre et comptait des magistrats municipaux et des officiers supérieurs de l'armée ; elle était en outre directement alliée avec celle de Marius qui gérait alors son deuxième consulat. Sa mère se prénommait Helvie. Il est, par son père, d’une famille membre de la gens des Tullii d'origine plébéienne élevée au rang équestre. Son cognomen, Cicero, peut être traduit par pois chiche, verrue. Ce cognomen lui viendrait d’un de ses ancêtres dont le bout du nez aurait eu la forme du pois chiche ou qui aurait été marchand de pois chiches.Son grand-père, son père et ses oncles, particulièrement cultivés, entretenaient des relations avec les plus grands orateurs et les plus grands juristes de Rome, Marc Antoine, le grand-père du triumvir, Lucius Licinius Crassus, Aemilius Scaurus, Quintus Mucius Scaevola. Élevé dans un milieu lettré et ouvert à la politique, le jeune Cicéron manifeste très tôt des dons intellectuels éclatants. Comme les jeunes sénateurs, il étudie la poésie, la rhétorique et le droit ; il s'intéresse aussi, ce qui est moins fréquent, à la philosophie. En 89, il est attaché à l'état-major de Cneius Pompeius Strabo, père du grand Pompée, pendant la guerre Sociale ; sa famille ayant des sympathies chez les partisans de Marius un de ses cousins germains sera deux fois préteur, en 85 et 84, il s'éloigne pour terminer ses études en Grèce et à Rhodes. En 81, il débute au barreau, puis, avec l'appui de la puissante famille des Metelli, plaide contre un des affranchis de Sylla, le tout-puissant Chrysogonus : ce discours, Pro Sexto Roscio Amerino, n'est sans doute pas étranger à l'abdication de Sylla. Cependant, il doit s'éloigner encore une fois de Rome.
Cicéron et son frère Quintus sont envoyés à Rome pour étudier. Le poète Archias les forme aux classiques grecs Homère et Ménandre. L'initiation aux activités publiques se fait comme auditeur des personnalités les plus actives du forum. Ainsi Cicéron fréquente assidument les orateurs Crassus puis Antoine et le jurisconsulte Scævola l'Augure.

La guerre sociale éclate pendant cette période de formation. Cicéron s'engage dans l'armée à 17 ans, une obligation pour qui veut faire ensuite une carrière publique : il se trouve sous les ordres du consul Pompeius Strabo, puis de Sylla ; c’est vraisemblablement à cette époque qu’il fait la connaissance de Pompée fils de Strabo, qui a le même âge que lui. Peu désireux de faire une carrière militaire, il quitte l'armée à la fin du conflit en 88 av. J.-C. et revient à ses études, tandis que les vainqueurs de la guerre civile Marius et Sylla se disputent le pouvoir.
Après le décès de Scævola l'Augure, Cicéron poursuit l'étude du droit avec son cousin Quintus Scævola le pontife. Le stoïcien Aelius Stilo lui transmet son intérêt pour le passé et la langue de Rome. Sa formation philosophique est assurée en grec par des philosophes que la guerre contre Mithridate VI oblige à s'installer à Rome : après l'épicurien Phèdre, Cicéron travaille la dialectique avec le stoïcien Diodote et suit les enseignements de l’académicien Philon de Larissa. Philon a la particularité de combiner la philosophie et la rhétorique grecque, spécialités habituellement professées par des maîtres différents, et pratique comme Carnéade avant lui la discussion selon les points de vue opposés pour approcher la vérité. Cicéron se passionne pour sa philosophie, comme il le confiera sur la fin de sa vie.
Cicéron fait un début remarqué comme avocat en 81 av. J.-C. avec une affaire complexe de succession, le Pro Quinctio. En 79 av. J.-C., il défend Sextus Roscius accusé de parricide ; soutenu par les Caecilii Metelli, une des grandes familles de la nobilitas, il s’attaque à un affranchi du dictateur romain Sylla, tout en veillant à épargner ce dernier. Il gagne le procès mais s'éloigne quelque temps de Rome pour parfaire sa formation en Grèce, de 79 à 77 av. J.-C. À Athènes où il se lie d’amitié avec son compatriote Atticus, il suit l’enseignement d’Antiochos d'Ascalon, académicien comme Philon de Larissa mais plus dogmatique6, des épicuriens Zénon de Sidon et Phèdre, du savant stoïcien Posidonius d'Apamée. Puis à Rhodes de 78 à 77 av. J.-C., il perfectionne sa diction auprès du célèbre rhéteur Molon. Plutarque rapporte qu'à son premier exercice, Cicéron impressionne son maître par sa maîtrise de l'expression grecque et la qualité de son argumentation. De Molon, Cicéron apprend à maîtriser sa voix sans les excès qui l'épuisent.
À la fin de cette période de formation, tant oratoire qu’intellectuelle et philosophique, Cicéron revient à Rome et reprend son activité d'avocat, ce qui entretient sa réputation et développe ses relations. Ses contacts avec la nobilitas lui permettent d'épouser la riche et aristocratique Terentia10. Elle lui donne une fille, Tullia, et un fils, Marcus peu avant son consulat.

Défenseur de la légalité

En 77, il épouse Terentia, d'une famille de la noblesse, et aborde la carrière des honneurs. Il est élu questeur en 76, à l'âge légal, et exerce cette magistrature en Sicile : c'est le début d'une magnifique carrière d'homme nouveau, qui doit l'essentiel de sa réussite au mérite personnel et non au jeu des clientèles. Le parti démocratique, décimé et battu depuis 82, mais soutenu par une partie de l'ordre équestre, relevait alors la tête. Il combattait pour l'abolition de la Constitution de Sylla et le rétablissement des droits des tribuns de la plèbe, pour l'inscription effective des Italiens dans la cité romaine et surtout pour la fin du monopole sénatorial sur les tribunaux politiques. En 71, les deux généraux les plus prestigieux, Marcus Licinius Crassus et Pompée, se mirent d'accord pour soutenir ces revendications. Le procès en concussion du propréteur de Sicile, Verrès, offrait l'occasion de discréditer la justice sénatoriale : Cicéron prit la défense des Siciliens contre Verrès et s'attira ainsi la reconnaissance du parti populaire (les Verrines, 70 av. J.-C.), tout en soulevant l'opinion en faveur des sujets de Rome, trop souvent opprimés. Préteur urbain en 66, Cicéron soutint de sa parole et de son autorité la loi Manilia, qui proposait de confier à Pompée le commandement suprême en Orient contre Mithridate : c'est là son premier grand discours politique (Pro lege Manilia). Déjà pèse sur Rome la double menace d'un coup d'État militaire et de la subversion révolutionnaire, entretenue et facilitée par les impuissances du régime sénatorial qui ne sait se dégager des luttes de factions. En 64, un aristocrate décavé, Lucius Sergius Catilina, ancien syllanien devenu démagogue, déjà battu au consulat, réunit dans une conjuration hétéroclite tous les mécontents et se propose, avec la complicité de certains hauts magistrats et de nombreux sénateurs, de s'emparer du gouvernement par l'émeute et par la force. Cicéron, bien qu'homme nouveau, apparaît aux conservateurs modérés et à l'opinion italienne, du fait de ses liens avec l'ordre équestre et de ses sympathies « populaires », comme le seul homme capable de sauver la légalité. Il est triomphalement élu consul pour 63, mais se heurte sur-le-champ à la fois aux projets de Catilina, à l'inimitié de la noblesse et aux manœuvres de César. Avec courage, éloquence et habileté, il combat sur les deux fronts, voulant éviter la guerre civile, empêcher la subversion, faire pièce aux démagogues. Pour cela, il s'appuiera sur l'opinion publique, sur une partie du Sénat et sur l'ordre équestre qu'il essaie d'associer aux décisions politiques de son gouvernement la concordia ordinum moyennant quelques concessions de la part du Sénat Catilinaires ; Pro Murena ; Pro C. Rabirio ; De lege agraria. Le succès immédiat de cette politique fait de Cicéron le sauveur de Rome, un rival possible pour Pompée.

Les débuts en politique

Ayant atteint l'âge minimum légal de 30 ans pour postuler aux magistratures, Cicéron se lance dans la carrière politique : en 75 av.J.-C. il entame le cursus honorum en étant élu questeur, fonction qu'il exerce à Lilybée en Sicile occidentale, et qui lui ouvre l'admission au Sénat. Il acquiert sa célébrité en août 70 av.J.-C. en défendant les Siciliens dans leur procès contre Verres, ancien propréteur de Sicile qui est impliqué dans des affaires de corruption, et qui a mis en place un système de pillage d’œuvres d’art. Tandis que Verres tente, en achetant les électeurs, de faire échouer la candidature de Cicéron à l'édilité, ce dernier recueille de nombreuses preuves en Sicile tout en se faisant élire édile. En août 70, l’accusation portée par Cicéron est si vigoureuse et si bien soutenue par un imposant défilé de témoins à charge que Verrès, qui va pourtant être défendu par le plus grand orateur de l’époque, le célèbre Hortensius, s’exile à Marseille immédiatement après le premier discours l'actio prima. Cicéron fait malgré tout publier l’ensemble des discours qu’il a prévus les Verrines, afin d’établir sa réputation d’avocat engagé contre la corruption.
Après cet événement qui marque véritablement son entrée dans la vie judiciaire et politique, Cicéron suit les étapes du cursus honorum comme édile en 69 av.J.-C. Les Siciliens le remercient par des dons en nature, qu'il emploie au ravitaillement de Rome, faisant ainsi baisser le prix du blé, et augmentant sa popularité. Il devient préteur en 66 av.J.-C. : il défend cette année-là le projet de loi du tribun de la plèbe Manilius, qui propose de nommer Pompée commandant en chef des opérations d’Orient, contre Mithridate VI ; son discours De lege Manilia marque ainsi une prise de distance par rapport au parti conservateur des optimates, qui sont opposés à ce projet. À cette époque, il suit les cours de Gnipho ; dès cette époque, il songe à incarner une troisième voie en politique, celle des viri boni hommes de bien, entre le conservatisme des optimates et le réformisme de plus en plus radical des populares ; pourtant, de 66 av.J.-C. à 63 av.J.-C., l’émergence de personnalités comme César ou Catilina dans le camp des populares, qui prônent des réformes radicales, conduit Cicéron à se rapprocher des optimates.

La glorieuse année 63 av. J.-C.

Désormais proche du parti conservateur, Cicéron est élu pour l'année 63 av. J.-C. consul contre le démagogue Catilina, grâce aux conseils de son frère Quintus Tullius Cicero. Il est le premier consul homo novus, élu n’ayant pas de magistrats curules parmi ses ancêtres depuis plus de trente ans, ce qui déplaît à certains : Les nobles … estimaient que le consulat serait souillé si un homme nouveau, quelque illustre qu’il fût, réussissait à l’obtenir.
Durant son consulat, il s'oppose au projet révolutionnaire du tribun Rullus pour la constitution d'une commission de dix membres aux pouvoirs étendus, et le lotissement massif de l'ager publicus. Cicéron gagne la neutralité de son collègue le consul Antonius Hybrida, ami de Catilina et favorable au projet, en lui cédant la charge de proconsul de Macédoine qu'il doit occuper l'année suivanteA 8. Son discours De lege agraria contra Rullum obtient le rejet de cette proposition.
Pour protéger l'approvisionnement de Rome et sécuriser son port Ostie des menaces des pirates, Cicéron lance les travaux de réfection des murailles et des portes d'Ostie, qui seront achevés par Clodius Pulcher en 58 av.J.-C..

Catilina, ayant de nouveau échoué aux élections consulaires en octobre 63 av. J.-C., prépare un coup d'État, dont Cicéron est informé par des fuites. Le 8 novembre, il apostrophe violemment Catilina en pleine session du Sénat : on cite souvent la première phrase de l’exorde de la première Catilinaire : Quo usque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? Jusqu'à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience ?, et c’est dans ce même passage - même si ce n’est pas le seul endroit dans l'œuvre de Cicéron - que l’on trouve l’expression proverbiale O tempora ! O mores ! Quelle époque ! Quelles mœurs !. Découvert, Catilina quitte Rome pour fomenter une insurrection en Étrurie, confiant à ses complices l'exécution du coup d'État à Rome. Le lendemain, Cicéron informe et rassure la foule romaine en prononçant son deuxième Catilinaire, et promet l’amnistie aux factieux qui abandonneront leurs projets criminels. Puis il parvient à faire voter par le Sénat romain un senatus consultum ultimum procédure exceptionnelle votée lors de crises graves, et qui donne notamment à son, ses bénéficiaires le droit de lever une armée, de faire la guerre, de contenir par tous les moyens alliés et concitoyens, d'avoir au-dedans et au-dehors l'autorité suprême, militaire et civile.
Mais un scandale politique vient soudain compliquer la crise : le consul désigné pour 62 av. J.-C., Lucius Licinius Murena, est accusé par son concurrent malheureux Servius Sulpicius Rufus d’avoir acheté les électeurs, accusation soutenue par Caton d'Utique. Pour Cicéron, il est hors de question dans un tel contexte d’annuler l’élection et d’en organiser de nouvelles. Il assure donc la défense de Murena pro Murena et le fait relaxer, malgré une probable culpabilité, en ironisant sur la rigueur stoïcienne qui mène Caton sur des positions disproportionnées et malvenues : si toutes les fautes sont égales, tout délit est un crime ; étrangler son père n'est pas se rendre plus coupable que tuer un poulet sans nécessité.
Dans l’intervalle, les conjurés restés à Rome s’organisent et recrutent des complices. Par hasard, ils contactent des délégués allobroges, promettant de faire droit à leurs plaintes fiscales s’ils suscitent une révolte en Gaule narbonnaise. Les délégués, méfiants, avertissent les sénateurs. Cicéron leur suggère d’exiger des conjurés des engagements écrits, qu’ils obtiennent. Ayant récupéré ces preuves matérielles indiscutables, Cicéron confond publiquement cinq conjurés, troisième Catilinaire, du 3 décembre, dont l’ancien consul et préteur Publius Cornelius Lentulus Sura. Après débat au Sénat, quatrième Catilinaire, il les fait exécuter sans jugement public, approuvé par Caton mais contre l’avis de Jules César, qui a proposé la prison à vie. Catilina est tué peu après avec ses partisans dans une vaine bataille à Pistoia.
Dès lors, Cicéron s’efforce de se présenter comme le sauveur de la patrie il fut d’ailleurs qualifié de Pater patriae, Père de la patrie, par Caton d'Utique et, non sans vanité, fait en sorte que personne n’oublie cette glorieuse année -63. Pierre Grimal estime toutefois que ce trait d'orgueil est dû à un manque de confiance en soi et tient plus de l'inquiétude que de l'arrogance.

Conjuration de Catilina.Sa fortune

Cicéron est devenu membre du Sénat romain, sommet de la hiérarchie sociale, milieu aristocratique et fortuné. Sa richesse est essentiellement basée sur un patrimoine foncier, estimé à 13 millions de sesterces. C’est une fortune à peine supérieure à celle de la masse des sénateurs et des chevaliers, ordre dont est issu Cicéron, et qui est généralement de quelques millions de sesterces, mais moindre que celle de son ami Atticus, située entre 15 et 20 millions de sesterces, et très en deçà de la richesse des Crassus, Lucullus ou Pompée, qui égalent ou dépassent les cent millions de sesterces.
Cicéron possède à Rome même quatre immeubles, et une somptueuse domus sur le Palatin, vieux quartier patricien, qu’il a achetée en 62 av. J.-C. à Crassus pour 3,5 millions de sesterces. S’y ajoutent dans la campagne italienne dix exploitations agricoles villae rusticae, sources de revenus, plus six deversoria, petits pied-à-terre. Après son achat de -62, il plaisante avec son ami Sestius sur sa situation financière : Apprenez que je suis maintenant si chargé de dettes que j’aurais envie d’entrer dans une conjuration, si l’on consentait à m’y recevoir.
Quoique sa fortune soit très loin de celle des richissimes Lucullus ou Crassus, Cicéron peut et veut vivre luxueusement. Dans sa villa de Tusculum, il fait aménager un gymnase et d'agréables promenades sur deux terrasses, lieux de détente et de discussion qu’il nomme Académieet Lycée, évocations de l'école de Platon et de celle d’Aristote. S'aidant des conseils d'Atticus, il décore sa villa d’Arpinum d'une grotte artificielle, son Amalthéum, évoquant Amalthée qui allaita Jupiter enfant.
Son activité d’avocat pratiquée gratuitement est la seule activité honorable pour un sénateur, interdit de pratique commerciale ou financière. Cela ne l’empêche pas de fréquenter les milieux d’affaires, plaçant ses surplus de trésorerie ou empruntant chez son ami le banquier Titus Pomponius Atticus. Il investit parfois par l’intermédiaire de ses banquiers, plaçant par exemple 2,2 millions de sesterces dans une société de publicains. Parmi ces relations intéressées, Cicéron nous parle aussi de Vestorius spécialiste du prêt, qui n’a de culture qu’arithmétique, et dont la fréquentation pour cette raison ne lui est pas toujours agréable et de Cluvius, financier qui lui léguera en 45 av. J.-C. une partie de ses propriétés, dont des boutiques à Pompéi, en fort mauvais état ; mais Cicéron est un investisseur philosophe :
… deux de mes boutiques sont tombées ; les autres menacent ruine, à tel point que non seulement les locataires ne veulent plus y demeurer, mais que les rats eux-mêmes les ont abandonnées. D’autres appelleraient cela un malheur, je ne le qualifie même pas de souci, ô Socrate et vous philosophes socratiques, je ne vous remercierai jamais assez !… En suivant l'idée que Vestorius m'a suggérée pour les rebâtir, je pourrai tirer par la suite de l'avantage de cette perte momentanée
Cet enrichissement par des legs est une pratique courante à l'époque, et Cicéron admet lui-même fin 44 av. J.-C. avoir hérité de ses amis et parents pour plus de vingt millions de sesterces.

Vicissitudes dans une République à la dérive

Après le coup d’éclat de l’affaire Catilina, la carrière politique de Cicéron se poursuit en demi-teinte, en retrait d’une vie politique dominée par les ambitieux et les démagogues. Après la formation en 60 av. J.-C. d’une association secrète entre Pompée, César et Crassus le premier triumvirat, César, consul en 59 av. J;-C., propose d’associer Cicéron comme commissaire chargé de l'attribution aux vétérans de terres en Campanie, ce que ce dernier croit bon de refuser.
En mars 58 av. J.-C., ses ennemis politiques, menés par le consul Gabinius et le tribun de la plèbe Clodius Pulcher qui lui voue une haine tenace depuis qu’il l’a confondu en 62 av. J.-C. dans l’affaire du culte de Bona Dea, le font exiler pour procédés illégaux contre les partisans de Catilina, exécutés sans procès règulier. Isolé, lâché par Pompée et l'autre consul Pison dont le fils a épousé sa fille Tullia, Cicéron quitte Rome le 11 mars, veille du vote de la loi qui condamne tout magistrat qui a fait exécuter un citoyen sans jugement. Désigné liquidateur de ses biens, Clodius fait détruire sa maison sur le Palatin, et consacrer à la place un portique à la Liberté. Dans le même temps, Gabinius pille la villa de Cicéron à Tusculum. Quant à Cicéron, il déprime dans cette retraite forcée à Dyrrachium, puis à Thessalonique.

Pompée, protecteur de Cicéron.

À Rome, ses amis tentent d'organiser un vote annulant la loi de Clodius. Son frère sollicite Pompée, qui s'est brouillé avec Clodius, tandis que Publius Sestius obtient la neutralité de César. Mais Clodius s'oppose à toutes les tentatives légales grâce aux vetos des tribuns, puis avec ses bandes armées. Le nouveau tribun de la plèbe Titus Annius Milon, partisan de Cicéron, forme à son tour des bandes ; les affrontements se multiplient. Pour avoir l'avantage du nombre, Pompée fait venir en masse à Rome des citoyens de villes italiennes, et obtient le 4 août 57 av. J.-C. un vote annulant l'exil de Cicéron.
Cicéron peut revenir triomphalement à Rome début septembre 57 av. J.-C. Il reprend aussitôt l’activité judiciaire et défend avec succès Publius Sestius Pro Sestio, puis Caelius pro Caelio, impliqués dans les émeutes qui opposent désormais les bandes armées de Milon à celles de Clodius. Par son discours de retour au Sénat Post Reditum in Senatu, il obtient que l’État l’indemnise de 2 millions de sesterces pour la destruction de sa maison du Palatin, de 500 000 pour sa villa de Tusculum, de 250 000 pour celle de Formies, ce qu'il trouve trop peu d'ailleurs, écrit-il à Atticus en reprochant leur jalousie aux sénateurs. Obstiné, Cicéron veut reconstruire sa maison, mais récupérer son terrain est problématique puisqu'il lui faudra détruire un espace consacré. Cicéron parvient à faire casser la consécration par les pontifes pour vice de forme discours Pro domo sua, mais Clodius, élu édile, l’accuse de sacrilège devant l'assemblée des comices ; ses bandes harcèlent les ouvriers qui ont commencé les travaux, incendient la maison du frère de Cicéron, attaquent celle de Milon. Pompée doit intervenir pour ramener l’ordre et permettre la reconstruction de la maison de Cicéron.
En 56 av. J.-C., enhardi par ses succès oratoires, Cicéron tente de revenir en politique : après s'être abstenu d'assister à la réunion des triumvirs à Lucques à l'inverse de nombreux sénateurs, il attaque publiquement Publius Vatinius, un des appuis de César, puis s'oppose à la loi agraire qu'avait promulgué ce dernier. Les triumvirs le remettent à l'ordre, Pompée lui fait rappeler la protection qu'il lui doit. Cicéron doit prononcer au Sénat le de Provinciis Consularibus et obtenir la prolongation du pouvoir proconsulaire de César sur la Gaule, ce qui permet à ce dernier de poursuivre la Guerre des Gaules. Cette palinodie embarrassante, selon les termes de Cicéron est suivie d'une autre lorsqu'il doit plaider pour la défense de Vatinius.
Les luttes politiques dégénèrent en affrontements violents entre groupes partisans des populares et des optimates, empêchant la tenue normale des élections. Clodius est tué début 52 av. J.-C. dans l'une de ces rencontres ; Cicéron prend naturellement la défense de son meurtrier, Milon. Mais la tension est telle lors du procès que Cicéron, apeuré, ne peut plaider efficacement et perd la cause. Milon anticipe une probable condamnation en s'exilant à Marseille. Cicéron publiera néanmoins la défense prévue dans son fameux Pro Milone.

Proconsulat en Cilicie 51-50

La Cilicie et les régions voisines
En 53 av. J.-C., le Sénat impose un intervalle de cinq ans entre l'exercice d'une magistrature et celui de la promagistrature correspondante en province, afin de mettre un frein aux endettements contractés lors des campagnes électorales qui sont ensuite remboursés par le pillage des provinces. La mesure contraint en 51 av. J.-C. à trouver des remplaçants pour les consuls sortants, qui doivent attendre pour rejoindre leur province. Le Sénat pallie ce problème en attribuant ces provinces aux anciens magistrats qui n'ont pu exercer leur promagistrature. Cicéron qui avait renoncé à la Macédoine lors de son consulat obtient donc un mandat de proconsul en Cilicie, petite province romaine d’Asie mineure, charge qu'il prend sans enthousiasme. À l'époque, cette province couvre un territoire plus large que celui qu'elle aura sous l'empire, et comprend aussi la Lycie, la Pamphylie, la Pisidie, la Lycaonie et aussi Chypre que Rome vient d'annexer.
Selon Plutarque, Cicéron gouverne avec intégrité. Pour Levert, c'est l'occasion pour Cicéron de mettre en pratique sa philosophie de gouvernement des provinces, basée sur la paix et la justice, essentiellement fiscale : il rencontre les élites locales des villes qu'il traverse, supprime les charges fiscales injustifiées, modère les taux d'intérêt usuraires, noue alliance avec Dejotarus, roi de Galatie et Ariobarzane de Cappadoce. Au début de son mandat, Cicéron doit mater une révolte dans les Monts Amanus proches de la Syrie, où Antioche est sous la menace des raids parthes. Il lève des troupes et nomme légat son frère, qui a acquis l'expérience de l'action militaire lors de la guerre des Gaules. Après deux mois de siège de la cité de Pindenissus, foyer de l'insurrection, les insurgés capitulent. Pour ce fait d'armes somme toute modeste, Cicéron est salué imperator par ses soldats, et songe à demander à son retour la célébration du triomphe, par vanité ou pour se hisser au niveau d'importance des Pompée et César.
Cicéron quitte sa province fin juillet -50, et revient en Italie en plusieurs mois. Le solde des comptes de sa gestion lui laissent un reliquat personnel et légal de 2,2 millions de sesterces.

La tourmente de la guerre civile

À son retour en Italie fin 50 av. J.-C., une crise politique aiguë oppose César à Pompée et aux conservateurs du Sénat. Cicéron rencontre Pompée le 25 décembre, mais stationne hors de Rome, attendant selon l'usage que le Sénat l'autorise à y pénétrer en triomphateur. Il n'assiste donc pas aux séances du Sénat qui déclenchent le conflit avec César.
Lorsque ce dernier envahit l’Italie en janvier 49 av. J.-C., Cicéron fuit Rome comme la plupart des sénateurs, et se réfugie dans une de ses maisons de campagne. Sa correspondance avec Atticus exprime son désarroi et ses hésitations sur la conduite à tenir. Il considère la guerre civile qui commence comme une calamité, quel qu’en soit le vainqueur. César, qui souhaite regrouper les neutres et les modérés, lui écrit puis lui rend visite en mars, et lui propose de regagner Rome comme médiateur. Cicéron refuse et se déclare du parti de Pompée. César le laisse réfléchir, mais Cicéron finit par rejoindre Pompée en Épire en mai 49 av. J.-C..
Selon Plutarque, Cicéron, mal accueilli par Caton qui lui dit qu’il aurait été plus utile pour la République qu'il soit resté en Italie, se comporta en poids mort et ne prit part à aucune action militaire menée par les pompéiens. Après la victoire de César à Pharsale en 48 av. J.-C., il abandonne le parti pompéien et regagne l'Italie, où il est bien accueilli par César, qui se montre modéré et n'exerce pas de représailles contre ses opposants. Sur l'instance d'un groupe de sénateurs, il gracie même l'exilé Marcellus. Cicéron fait un éloge enthousiaste de cette clémence et exhorte César à réformer la République en prononçant le discours Pro Marcello, puis en profite pour obtenir la grâce de plusieurs de ses amis avec le Pro Q. Ligario et le Pro rege Deiotaro. Mais il déchante bientôt quand il ne constate aucun retour du pouvoir sénatorial. Dans une lettre à Varron du 20 avril 46 av. J.-C., il donne ainsi sa vision de son rôle sous la dictature de César :
Je vous conseille de faire ce que je me propose de faire moi-même - éviter d’être vu, même si nous ne pouvons éviter que l’on en parle… Si nos voix ne sont plus entendues au Sénat et dans le Forum, que nous suivions l’exemple des sages anciens et servions notre pays au travers de nos écrits, en se concentrant sur les questions d’éthique et de loi constitutionnelle

Retraite politique et travaux philosophiques

Cicéron met ce conseil en pratique durant la période 46/44 av. J.-C. Il réside le plus souvent dans sa résidence de Tusculum et se consacre à ses écrits, à la traduction des philosophes grecs, voire à la rédaction de poésies. Il anime un cercle de jeunes aristocrates désireux d'apprendre la rhétorique à son contact et d'admirateurs comme Hirtius, Pansa et son gendre Dolabella, menant des exercices oratoires sur des thèmes d'actualité comme les moyens de ramener la paix et la concorde entre les citoyens.
Il déploie une intense activité rédactionnelle et publie en quelques mois ses ouvrages philosophiques majeurs, une façon selon lui de travailler au bien public en ouvrant au plus grand nombre l'accès à la philosophie : ainsi se succèdent l’Hortensius, la Consolation, les Académiques, les Tusculanes, le De finibus, De la nature des Dieux, De la divination, De la vieillesse.
Sa vie privée est néanmoins perturbée : il divorce de Terentia en 46 av. J.-C., et épouse peu après la jeune Publilia, sa pupille. Selon le témoignage de Tiron après la mort de Cicéron, celui-ci, gestionnaire en fideicommis des biens de Publilia, l'aurait épousée pour éviter de lui restituer ces biens si elle convolait avec un tiers. En février 45 av. J.-C., sa fille Tullia meurt, lui causant une peine profonde. Il divorce alors de Publilia qui s'était réjouie du décès de Tullia.
Ses relations avec César sont devenues assez distantes. Si César n’est pas le modèle de dirigeant éclairé que Cicéron théorisait dans son De Republica, il n’est pas non plus le tyran sanguinaire qu’on avait craint ; de toute façon, il est désormais maître absolu de Rome. Cicéron s’en accommode donc. Il rédige un panégyrique de Caton, qu’il qualifie de dernier républicain, petite manifestation d’indépendance d’esprit à laquelle César répond en publiant un Anticaton, recueil de ce que l’on peut reprocher à Caton. Cicéron conclut ce duel rédactionnel en complimentant d’égal à égal César pour la qualité littéraire de son écrit.
En décembre 45 av. J.-C.39, César et sa suite s’invitent à dîner dans la villa de Cicéron à Pouzzoles. Au grand soulagement de Cicéron, César ne recherchait qu'une soirée de détente ; la conversation est agréable et cultivée, n’abordant que des sujets littéraires :
Services magnifiques et somptueux. Propos de bon goût et d’un sel exquis. Enfin, si vous voulez tout savoir, la plus aimable humeur du monde. L’hôte que je recevais n’est pourtant pas de ces gens à qui l’on dit : au revoir cher ami, et ne m’oubliez pas à votre retour. C’est assez d’une fois. Pas un mot d’affaires sérieuses. Conversation toute littéraire. Telle a été cette journée d’hospitalité ou d’auberge si vous l’aimez mieux, cette journée qui m’effrayait tant, vous le savez, et qui n’a rien eu de fâcheux

Dernier engagement politique

Trois mois plus tard, Cicéron est surpris par l’assassinat de César, aux Ides de Mars, le 15 mars 44 av. J.-C., car les conjurés l'avaient laissé hors de la confidence en raison de son anxiété excessive. Dans le flottement politique qui suit, Cicéron tente de se rallier le Sénat romain, et fait approuver une amnistie générale qui désarme les tensions tandis que Marc Antoine, consul et exécuteur testamentaire de César, reprend le pouvoir un instant vacillant. Il fait confirmer toutes les décisions prises par César et organise ses funérailles publiques, qui tournent à l'émeute contre ses meurtriers. Comme d'autres sénateurs, Cicéron se replie dans ses villae de Campanie, où il continue sa production littéraire tout en se tenant au courant de l'évolution politique. Cicéron reprend espoir lorsque son gendre Dolabella qui exerce le consulat en alternance avec Antoine interdit les manifestations populaires à l'emplacement où César a été incinéré. De plus, Dolabella lui accorde le titre de légat, ce qui l'autorise à quitter l'Italie s'il le désire.
Octave jeune, que Cicéron, son aîné de plus de quarante ans, ne put influencer.
Le jeune Octave, héritier de César, arrive en Italie en avril. Par ses distributions d'argent, il développe son influence auprès des vétérans de César démobilisés. Cicéron se montre hésitant. Il songe à rejoindre son fils à Athènes, mais renonce en cours de route et revient à Rome fin août. Début septembre 44 av. J.-C., il commence à attaquer Marc-Antoine dans une série de discours de plus en plus violents, les Philippiques.
En novembre -44, Octave écrit plusieurs fois à Cicéron, qu'il finit par convaincre de son adhésion à la cause républicaine contre Antoine. Fin décembre -44, Cicéron prononce devant le Sénat la troisième Phlippique, puis la quatrième devant le peuple, tandis qu'il encourage les gouverneurs des Gaules Plancus et Decimus Brutus à résister à la mainmise d'Antoine sur leurs provinces. En janvier -43, Antoine et Dolabella sont remplacés au consulat par Hirtius et Pansa, que César avait nommés d'avance et qui sont d'anciens élèves de rhétorique de Cicéron. Cicéron continue ses Philippiques, mais ne parvient pas à faire proclamer Antoine ennemi public par les sénateurs. Au contraire, il doit accepter qu'on lui envoie des négociateurs. En mars, accompagnés d'Octave, Hirtius et Pansa attaquent Antoine qui assiège Decimus Brutus dans Modène. Antoine est repoussé, mais Hirtius et Pansa sur qui Cicéron comptait sont morts dans les combats. Lorsque la nouvelle parvient à Rome en avril, Cicéron dans sa dernière Philippique couvre d'honneurs Octave et obtient enfin qu'Antoine soit déclaré ennemi du peuple romain.
Pour remplacer les consuls décédés, selon l'historien Appien, Octave propose que Cicéron et lui se portent candidats. Octave n'a ni l'âge ni le parcours politique pour être légalement consul, les sénateurs refusent donc, mais commettent la maladresse de repousser les élections à l'année suivante, laissant la République sans dirigeant. Autre motif de préoccupation pour Cicéron, une lettre de Decimus Brutus lui révèle qu’un proche d’Octave l’incite à se méfier de lui. Fin juillet, une délégation de soldats force le Sénat à accorder le consulat à Octave, ce qu'un vote populaire ratifie le 19 août. Octave s’entend alors avec Marc-Antoine et Lépide, et constitue le Second triumvirat, qui reçoit fin octobre -43 les pleins pouvoirs avec comme programme Venger César de ses meurtriers.
Les trois hommes s’accordent pour éliminer leurs ennemis personnels. Malgré l’attachement d’Octave pour son ancien allié, il laisse Marc-Antoine proscrire Cicéron, après trois jours de négociations selon Plutarque. L'orateur est assassiné le 7 décembre 43 av. J.-C. au moment où il quitte sa villa de Gaète ; sa tête et ses mains sont exposées sur les Rostres, au forum, sur ordre de Marc-Antoine, ce qui choque fortement l'opinion romaine. Son frère Quintus et son neveu sont exécutés peu après dans leur ville natale d'Arpinum. Seul son fils qui est en Macédoine échappe à cette répression.

La mort de Cicéron

Le culte de la mort honorable et héroïque était très fort dans la Rome antique et tout homme savait qu'il serait aussi jugé sur son attitude, ses poses ou ses propos lors de ses derniers moments. En fonction de leurs intérêts politiques ou de leur admiration envers Cicéron, ses biographes ont parfois considéré sa mort comme exemple de lâcheté Cicéron a été assassiné alors qu'il était en fuite ou plus souvent, au contraire, comme un modèle d'héroïsme stoïque il tend son cou à son bourreau, qui ne peut supporter son regard.
La version de l’évènement que donne Plutarque combine habilement ces deux visions :
À ce moment, survinrent les meurtriers ; c'étaient le centurion Herennius et le tribun militaire Popilius que Cicéron avait autrefois défendu dans une accusation de parricide. … Le tribun, prenant quelques hommes avec lui, se précipita … Cicéron l'entendit arriver et ordonna à ses serviteurs de déposer là sa litière. Lui-même portant, d'un geste qui lui était familier, la main gauche à son menton, regarda fixement ses meurtriers. Il était couvert de poussière, avait les cheveux en désordre et le visage contracté par l'angoisse. … Il tendit le cou à l'assassin hors de la litière. Suivant l'ordre d'Antoine, on lui coupa la tête et les mains, ces mains avec lesquelles il avait écrit les Philippiques.
Cette tête et ces mains coupées furent exposées à la tribune des Rostres, exhibition macabre que Marius puis Sylla avaient auparavant ordonnée après l'exécution de leur opposants.

Œuvres de Cicéron.

Cicéron est considéré comme le plus grand auteur latin classique, tant par son style que par la hauteur morale de ses vues. La partie de son œuvre qui nous est parvenue est par son volume une des plus importantes de la littérature latine : discours juridiques et politiques, traités de rhétorique, traités philosophiques, correspondance. Malgré le biais qu’impose le point de vue de l’auteur, elle représente une contribution prépondérante pour la connaissance de l’histoire de la dernière période de la République romaine.
Les textes qui nous sont parvenus sont des versions révisées et parfois réécrites par Cicéron, avec l'aide de son esclave et sténographe Tiron, tandis qu'Atticus se chargea de les faire copier et mettre en vente50. Cicéron affranchit Tiron en 53 av. J.-C., et Tiron devenu Marcus Tullius Tiro resta son collaborateur. Après la mort de Cicéron, il édita sa correspondance et de nombreux discours, éditions dignes de confiance si l'on en croit Aulu-Gelle, qui les lut deux siècles plus tard.

Les ouvrages de rhétorique

Cedant arma togae. Cicéron n'avait pas d'autres moyens d'action et d'influence que son éloquence. C'est en ce sens qu'on peut assimiler à un traité politique ses trois livres de dialogues à la manière d'Aristote, De oratore 55 ; il avait déjà écrit, vers 88, deux livres De inuentione, dont il devait plus tard condamner la forme scolaire. À partir de 46, profitant des loisirs forcés offerts par la révolution césarienne, Cicéron écrit un Brutus, histoire de l'éloquence à Rome, un Orator qui reprend le De oratore en un livre, en insistant particulièrement sur les problèmes esthétiques. Il va rédiger des ouvrages plus courts : les Partitiones oratoriae manuel d'une structure très originale, pour son fils, le De optimo genere oratorum, bref traité sur la primauté du style démosthénien et surtout les Topiques, où il étudie de façon approfondie et magistrale la dialectique de l'orateur.
On doit mesurer toute l'audace et l'originalité qu'il y a pour un homme d'État important, un ancien consul, à publier ainsi des œuvres généralement réservées à des personnages de moindre rang, à des professeurs. Cicéron, homo nouus, reste proche des érudits de l'ordre équestre ; surtout, il pousse jusqu'à ses conséquences extrêmes sa conception de l'action : pour lui, action et culture sont inséparables. Haïssant toute violence, cherchant l'efficacité, il ne peut la trouver que dans la parole agissante, dans l'éloquence, mais encore dans une éloquence savante, et même philosophique. Car c'est ici qu'il faut insister surtout : la culture oratoire, telle que la conçoit Cicéron, dépasse l'éloquence même dans ce que celle-ci paraît avoir de complaisant. Puisque l'homme d'État est un éducateur, il doit lui-même recevoir une formation universelle : il faut d'abord forger tout l'homme pour obtenir un personnage politique. Ainsi naît la notion moderne d' humanisme : humanitas ne signifie plus seulement amour de l'humain, mais en même temps culture.
Tel est le premier problème qui se pose : celui de la culture. Cicéron se trouve entre trois options : les professeurs d'éloquence de son temps essaient de ramener leur art à quelques recettes de routine ; Isocrate avait conçu ce que nous appelons la « culture générale », étendue, sélective cependant, ennemie des curiosités excessives et des spécialisations ; avant Isocrate, les sophistes avaient rêvé d'un savoir universel et approfondi, et certains philosophes, Aristote, le stoïcien Posidonius, avaient essayé plus ou moins de réaliser cet idéal. Cicéron rejette la première solution et balance entre les deux autres. Si la position d'Isocrate représente le moindre mal, celle des philosophes offre un idéal dont on peut se rapprocher, soit individuellement, soit en suivant l'évolution des cultures et des traditions.
Cette attitude à la fois nuancée et exigeante est dictée à Cicéron par les penseurs de l' Académie, en particulier Charmadas, élève de Carnéade, dont l'influence lui a été transmise à la fois par ses maîtres romains, de grands orateurs sénatoriaux, Antoine et Crassus, qu'il fait parler dans le De oratore, et par son propre professeur de philosophie, Philon de Larissa, scholarque de la Nouvelle Académie, qui mêlait à son enseignement des cours de rhétorique, De oratore, III, 110. On comprend donc que la philosophie tienne une très grande place dans la rhétorique de Cicéron ; elle intervient pour lui fournir une technique : l'esthétique du De oratore, III, fortement influencée par Théophraste, cherche à combiner la grâce ou convenance, avec la beauté ; la psychologie d'inspiration platonicienne et stoïcienne tend à dominer les passions, sans rejeter pour autant la douleur si elle est sympathie, pitié, amour – amor, caritas, misericordia – ; la théorie de l'ironie est proche à la fois d'Aristote et de Platon ; enfin et surtout, une réflexion de type aristotélicien s'établit sur les lieux communs, schémas généraux de toute argumentation dialectique, qui peuvent être appliqués, comme Aristote l'avait déjà montré dans ses Topiques, à tout type de question, juridique, politique, philosophique. À cela se rattache une théorie originale des thèses, ou questions générales Cicéron montre que toute question particulière, ou hypothèse, peut et doit être ramenée à une question générale. Cet effort pour nourrir la rhétorique de philosophie permet à Cicéron de fournir une réponse originale à une question célèbre depuis Platon : la rhétorique, chère aux sophistes, n'est-elle pas une anti-philosophie ? La grande digression philosophique du De oratore, III, 54 et suiv., qui apporte la solution, propose un classement des doctrines qui s'inspire manifestement de Philon de Larissa. Cicéron, Lucullus, 116 et suiv.. Or ce philosophe, d'une part, était un platonicien et, par son maître Carnéade, il avait pu connaître la valeur de certaines doctrines péripatéticiennes ; mais, comme Carnéade, il était avant tout un ami de la Nouvelle Académie qui, dans la tradition d'Arcésilas, empruntait aux sophistes comme Gorgias tout un art de douter. Ainsi s'esquisse dans l'éloquence, telle que Cicéron la conçoit, la réconciliation du doute sceptique et de l'idéalisme platonicien, de l'action stoïcienne et de la contemplation péripatéticienne, de Platon, d'Isocrate et de Gorgias.
L'influence qu'un tel enseignement a pu exercer dans l'histoire de la pensée européenne est alors claire. Par la place qu'il donne à la philosophie, à l'histoire, au droit, il est à l'origine de notre conception des lettres. En empruntant à Aristote Rhétorique, III le souci d'unir étroitement forme et fond, Cicéron fournit à l'avance au classicisme quelques-unes de ses justifications essentielles. C'est en leur nom que, luttant contre les néo-atticistes, César par exemple, et sans se laisser entraîner comme parfois son rival Hortensius par la pompe asianiste, il défend dans l'Orator son droit à la grandeur d'expression, qui est nécessaire lorsqu'on traite un grand sujet, et alors seulement.
Mais, revenons-y pour finir, il ne s'agit pas seulement des théories d'un doctrinaire. Il suffit de lire ici ce qui concerne l'action et la philosophie de Cicéron pour voir que son éloquence se confond avec sa vie, et même avec sa mort. Qu'on y songe : l'ami et l'inspirateur commun d'Antoine et de Crassus s'appelait Drusus ; il luttait en 91 pour éviter la guerre civile en Italie. C'est à cette date que Cicéron situe le De oratore. Drusus, puis Antoine, ont été assassinés. Quant à Cicéron...
Telles sont les victoires de l'éloquence. Dans la mort, la toge ne cède point aux armes. Et l'humanisme demeure.

Le théoricien politique

Dans l'histoire de la pensée européenne, l'œuvre de Cicéron revêt une importance considérable dans la mesure où il fut le premier homme d'État à tenter de concilier les exigences de la pratique politique et les résultats de la spéculation philosophique. Sans doute les Grecs, et surtout Platon et Aristote, avaient-ils déjà fondé à proprement parler la philosophie politique. Mais le premier le faisait en métaphysicien et en moraliste, sans véritable responsabilité d'homme d'État ; et le second, en savant, cherchant à cataloguer les diverses formes de Constitutions et à en faire l'histoire. Cicéron, au contraire, dans ses principales œuvres de philosophie politique, le De oratore, le De re publica, le De legibus, le De officiis, ne perd jamais de vue ni son expérience concrète d'homme d'État, ni son dessein d'appliquer au cas particulier de Rome, maîtresse du monde il est vrai, les principes qu'il déduit de sa philosophie. Lorsqu'il écrit ces œuvres, la crise de la Constitution romaine est évidente : chacun s'interroge sur le meilleur régime à établir, sur les devoirs que créent aux citoyens les révolutions et les guerres civiles.
Ce serait une erreur de croire que Cicéron, dans une période de sa vie où l'action lui était pratiquement interdite, où le pouvoir lui avait échappé, ait improvisé, à partir d'une lecture éclectique des Grecs, des œuvres théoriques qui ne seraient en somme que des palliatifs. Dès sa jeunesse, à la différence de la plupart de ses contemporains, il avait considéré la philosophie comme une vocation exigeante et essentielle ; mais il avait refusé les échappatoires qu'offraient alors les doctrines stoïcienne ou épicurienne, qui permettaient à certains, dont son ami intime Atticus, de refuser l'engagement dans la vie politique ; il avait toujours, au contraire, essayé de soutenir l'une par l'autre ces activités à ses yeux complémentaires. Il n'est pas difficile, en effet, de retrouver dans des textes politiques très antérieurs aux grands traités, dans des discours comme le De lege agraria 63, le Pro Murena 63, ou le Pro Sestio 56, qui sont des œuvres de circonstance mais aussi des sortes de manifestes, ou dans sa fameuse Lettre à Quintus en 61 sur les devoirs d'un proconsul, quelques-uns des thèmes qu'il développera et justifiera philosophiquement plus tard. Mais on peut sans doute découvrir aussi, dans l'exposition de ces thèmes, un enrichissement permanent, un passage du simple programme à la théorie, une élévation vers une sorte de mysticisme religieux qui nous fait insensiblement passer du domaine de la politique contingente à celui des vérités éternelles. Autour de la formule de la concordia ordinum, Cicéron élabore, vers 63, un programme de réformes politiques qui se situe au niveau de la simple pratique : aménager la Constitution syllanienne centrée autour du Sénat, en ouvrant largement celui-ci à la noblesse municipale italienne des hommes nouveaux ; régler une fois pour toutes la vieille rivalité entre les chevaliers et les sénateurs en reconnaissant définitivement aux chevaliers leurs privilèges financiers et judiciaires, mais en les associant plus étroitement aux décisions de l'Assemblée ; éviter l'intervention du pouvoir militaire dans la politique intérieure. Au cours des années 58-56, l'échec de cette politique, l'expérience amère de l'exil lui font souhaiter, sous le nom de consensus universorum, le rassemblement de tous ceux qui, quelle que soit leur origine sociale et c'était très neuf, s'accordaient sur certains principes modérés ; quant aux hommes politiques, ils ne devaient désirer qu'une chose : le repos otium, c'est-à-dire l'absence de guerre et de luttes inexpiables, le refus du pouvoir excessif, dans le respect des droits de tous dignitas.
Le De re publica, écrit au moment où apparaissent les prodromes de la guerre civile, où l'on redoute la dictature de Pompée et les armées de César, prend les choses de plus loin. Ce dialogue sur la meilleure Constitution et sur le meilleur homme d'État se présente fictivement comme un retour aux spéculations des grands ancêtres de la génération de Scipion Émilien, dont le prestige, la culture, la sagesse auraient pu sauver Rome en 129, juste avant la poussée révolutionnaire du second des Gracques. C'est une méditation en six livres sur les origines des sociétés humaines, les lois du développement des cités, les rapports entre le droit et la raison, la nature et la loi. L'histoire y apparaît comme l'accomplissement du dessein de la divinité, qui est souverainement bon et dont Rome est l'achèvement. Cicéron croit, comme Polybe dont il s'inspire, que Rome doit ses succès à ses mérites, en particulier au fait qu'elle présente le meilleur modèle possible de Constitution, la « Constitution mixte », qui offre à la fois des traits monarchiques, aristocratiques et démocratiques. Encore faut-il que cet équilibre ne soit pas celui de la terreur réciproque et que tous les éléments de la cité collaborent harmonieusement ; c'est pour cela qu'il faut susciter un petit nombre d'hommes d'élite, les princes, dont la vertu et l'autorité, fondées sur l'éducation romaine et la sagesse grecque, sauront intervenir en cas de crise. Ce n'est donc pas, comme on l'a dit, un plaidoyer pour la monarchie, ni même l'appel à un principat qui aurait pu être celui de Pompée : c'est bien plutôt le rêve d'une république où des hommes comme Cicéron et Pompée sauraient collaborer. Le texte s'achève, à la manière platonicienne, sur un mythe, le Songe de Scipion, qui montre comment l'action politique et le dévouement à la patrie sont, pour l'homme d'élite, le seul gage d'immortalité. Ce texte très riche, dont on n'a retrouvé les fragments qu'en 1818, est, à plus d'un titre, une troublante anticipation de certains aspects de l'Empire : Auguste pourtant en interdira jalousement la lecture.
Écrit en même temps, et faisant peut-être partie du même plan initial, le De legibus, qui ne fut publié que beaucoup plus tard, est une réflexion sur la philosophie du droit religieux et du droit civil dont la partie la plus intéressante est sans doute un véritable projet de Constitution présenté par Cicéron qui se met en scène lui-même. Il ne touche pas aux principes de la Constitution traditionnelle, mais propose un certain nombre d'innovations remarquables, précisant la hiérarchie des magistratures, réduisant les pouvoirs des tribuns, moralisant l'emploi du scrutin secret et surtout conférant au Sénat un véritable pouvoir législatif. Certaines de ces innovations sont d'inspiration grecque. L'État que rêvait Cicéron n'était pas une monarchie, c'était une république, aristocratique sans doute, mais ouverte aux talents, libérale, fondée sur le respect du droit, de la raison et de la justice, que gouverneraient des philosophes éloquents.

L'œuvre philosophique

L'œuvre philosophique de Cicéron a exercé dans l'histoire de la pensée occidentale une influence très profonde – et l'influence, précisément, qu'il avait souhaitée. Il est apparu non pas comme un créateur mais comme un médiateur, un honnête homme qui, parmi les doctrines existantes, cherchait à définir non pas les plus commodes, mais les plus fécondes pour un humanisme exigeant. Il a fallu les confusions saugrenues de quelques modernes pour voir en lui un simple copiste, on prétend qu'il ne comprend pas ses modèles, mais c'est en général qu'on ne le comprend pas lui-même ou pour lui demander des innovations, des créations qui n'entraient point dans son propos.

L'itinéraire de l'homme d'action

Ce fut une conception exigeante de l'action et notamment de l'éloquence qui le conduisit à la philosophie. Cela prit d'abord la forme de la réflexion politique. On peut affirmer que, lorsqu'il achève le De legibus, Cicéron a déjà tout dit. Mais ce n'était encore que le temps de la demi-retraite. La victoire de César rend impossible toute action : elle détermine surtout une crise de conscience, une remise en question générale de toutes les valeurs, un retour au fondamental. La mort de Tullia, sa fille très aimée, en 45, achève d'obliger l'orateur à s'attacher désespérément à la sagesse : il ne veut plus retomber dans les désarrois du temps de l'exil. Vraiment, il est philosophe à son corps défendant.
De là le double mouvement d'une œuvre qui, d'une part, répond à tout instant aux exigences de l'action, du présent, de l'événement et, d'autre part, précisément puisqu'elle veut obéir aux exigences de la sagesse, suit l'ordre de la raison. D'abord, Cicéron écrit trois ouvrages qui, de manières diverses, remettent en question sa culture et la philosophie même. Dans l'Hortensius, l'un des grands textes de l'Antiquité, malheureusement perdu à l'exception de quelques fragments, il écrit une exhortation préalable à la philosophie, un « protreptique », qui le conduit à placer au second rang la culture oratoire, représentée précisément par Hortensius. Dans les Paradoxa stoicorum, il justifie, au-delà des stoïciens, ce que peut avoir d'apparemment scandaleux pour le sens commun la vie philosophique telle que Socrate l'avait conçue. Les Académiques ont été rédigés en deux fois : il ne nous reste que I, 2 appelé aussi Lucullus et II, 1. Cicéron, à propos de l'Académie, y traite le problème du vrai. Ensuite viennent les applications. Les cinq livres De finibus bonorum et malorum posent, en discutant les thèses des principales écoles, le problème du souverain bien. Les cinq livres des Tusculanes, conversations où Cicéron intervient lui-même, situées dans sa villa de Tusculum, présentent une théorie des passions et du bonheur. Il s'agit en somme dans ces deux ouvrages d'une morale théorique. Puis Cicéron aborde les problèmes religieux : trois livres De natura deorum, deux livres De diuinatione, un livre De fato. On remarque bien que ces questions, qui certes touchent à la métaphysique, sont aussi celles qui intéressent directement un augure romain. Le souci de la morale pratique va s'affirmer dans les dernières œuvres : De senectute, dominé par le personnage de Caton l'Ancien ; De amicitia où Lélius, ami de Scipion Émilien, est protagoniste ; enfin trois livres De officiis, sur les devoirs, où Cicéron, dans le temps où il commence sa dernière lutte contre Marc Antoine, adresse des préceptes à son fils. En même temps, l'œuvre de rhétorique n'a pas été interrompue, et les Philippiques commencent ; ainsi s'accomplit totalement cette union de l'action et de la méditation dont Cicéron avait toujours rêvé.

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#245 Cicéron 2
Loriane Posté le : 06/12/2014 17:10
La recherche du fondamental

L'œuvre philosophique de Cicéron, toute tournée qu'elle soit vers des applications pratiques, échappe au pragmatisme par sa recherche initiale du fondamental. À cet égard, les problèmes qui se posent sont exposés dans les Académiques : Cicéron doit choisir entre les deux principaux maîtres qu'il a connus dans sa jeunesse, Antiochus d'Ascalon et Philon de Larissa. Les modernes ont eu peine à discerner les enseignements de ces deux scholarques rivaux de la Nouvelle Académie : il suffit pourtant de se référer au Lucullus en particulier et suiv.. D'une part, Antiochus s'était séparé de Philon sur les points suivants : à la différence de la Nouvelle Académie, il croyait, suivant en cela les stoïciens, qu'il existait un critère de certitude sans lequel toute connaissance serait impossible ; d'autre part, avec les péripatéticiens, il attribuait, dans sa conception du bonheur, une certaine place aux biens du corps et aux biens extérieurs. Les biens de l'âme suffisaient d'après lui à procurer la uita beata, mais non la uita beatissima, pour laquelle les autres biens étaient nécessaires aussi. Selon Antiochus, ces thèses avaient déjà été défendues par les premiers disciples de Platon, les maîtres de l'ancienne Académie, Speusippe, Xénocrate, Polémon, puis par les premiers péripatéticiens. Philon, restant fidèle à Carnéade, critiquait essentiellement la théorie du critère ; il affirmait, dans un esprit authentiquement platonicien sans doute, que nos connaissances sont seulement probables, que le vrai existe, que nous le percevons, mais seulement de manière inadéquate. Cela permettait sur tout problème, dans la tradition d'Arcésilas, une certaine suspension de jugement. Cependant Philon semble s'être inspiré du Gorgias pour rejeter la théorie de la uita beatissima et pour affirmer que le bonheur réside dans la seule vertu – affirmation seulement vraisemblable à ses yeux, notons-le bien. En somme la différence entre Antiochus et Philon résidait en ceci : le premier s'était à la fois rapproché des stoïciens, il était, disait-on, un vrai stoïcien et des péripatéticiens : il avait ainsi sacrifié le scepticisme académique et la rigueur morale du platonisme ; mais vainement, car les deux écoles dont il s'inspirait étaient en contradiction sur la morale. Cicéron préfère Philon qui, comme son maître Carnéade, utilise parfois l'enseignement des péripatéticiens, parle leur langage en rejetant par exemple la théorie stoïcienne des préférables, mais, pour la rigueur de la doctrine, s'en tient à Platon et Arcésilas : il y a une vérité, dans le monde des idées ; elle est perçue sans critère sous forme d'opinion et non de certitude ; la vertu suffit au bonheur.
Une telle doctrine accorde le doute avec la recherche du vrai, l'esprit de tolérance, déjà visible dans un discours, le Pro Murena, et fondamental chez Cicéron avec le sens de l'absolu. Cela conduit à deux grandes applications.
En matière de religion, Cicéron affiche par exemple dans le Songe de Scipion, ou encore dans une traduction du Timée de Platon, des croyances proches de celles de ce philosophe : il n'est pas nécessaire de faire intervenir Posidonius. Mais il souligne dans le De natura deorum qu'il n'y a aucune certitude sur l'existence réelle du divin. Cela ne l'empêche pas d'en concevoir la vraisemblance ou la probabilité, le Songe, après tout, n'est qu'un rêve. En revanche, cela lui permet de nier la divination et la croyance en un destin prévisible, puisqu'ici c'est de la connaissance de l'avenir, de l'adéquation des signes qui semblent l'annoncer qu'il s'agit. Du même coup, un certain nombre de superstitions, vivaces dans la vie quotidienne, s'effondrent et la religion peut subsister. Grand progrès pour la pensée.

Une sagesse pratique

En ce qui concerne la morale pratique, elle est dominée, dans le De officiis, par le conflit apparent entre l'honnête et l'utile. Cicéron déclare s'inspirer du philosophe stoïcien Panétius dans les deux premiers livres. Mais en fait, là et surtout dans le troisième livre, il se réfère directement au platonisme pour affirmer, comme les stoïciens aussi l'on fait après Platon, qu'il n'y a d'utile que l'honnête. Cela résout à la fois le conflit et donne leur sens véritable aux paradoxes de la vie philosophique.
Il faudrait encore parler, à propos du De legibus, des grands textes sur la loi naturelle qui combinent, dans l'esprit de Carnéade, les traditions platoniciennes, stoïciennes, péripatéticiennes. Ils soulignent que l'esprit des lois est la raison divine et que la loi suprême est l'amour universel du genre humain. La pointe du doute académique vient même insinuer dans cette foi religieuse la nuance de scepticisme qu'on retrouvera plus tard chez Grotius et Montesquieu : même si la nature n'était pas si bonne, il vaudrait mieux croire qu'elle l'est.
Telle est la sagesse de Cicéron. Cette partie de son œuvre est souvent la plus difficile et la plus austère, malgré le ton de conversation raffinée qu'il donne à ses dialogues, malgré l'admirable beauté d'une langue qui se cherche encore, qui se crée sous nos yeux. Pourtant la fécondité de ces livres a été et reste immense, puisque, dans sa quête profonde, ou plutôt dans sa découverte, son invention de l'humanisme, Cicéron apportait à la fois le modèle d'une recherche de l'absolu, d'une préservation de la tolérance, d'une simplification du langage – tout ce qu'il faut pour communiquer, pour se comprendre, pour affirmer à tous les plans l'universalisme de l'humain. Cicéron est un maître à la fois pour saint Augustin et pour Voltaire, pour Érasme et pour Jean-Jacques Rousseau.

Plaidoiries et discours

En près de quarante ans, Cicéron prononça environ cent cinquante discours. Parmi ceux-ci, 88 sont identifiés par leurs titres cités dans d'autres textes, ou par des fragments, et 58 ont été conservés. Ils se répartissent en discours judiciaires et en harangues politiques prononcées devant le Sénat ou devant le peuple.
Les plaidoiries composées à l'occasion de procès s'intitulent Pro xxx ou In xxx, le nom xxx étant le nom de la partie représentée par Cicéron Pro ou de la partie adverse In. Selon la loi romaine, l'avocat ne peut toucher d'honoraires, son assistance rentre dans le système de relations sociales, fait de services rendus et d'obligations en retour. Si les premières plaidoiries de Cicéron contribuent à lui constituer un réseau de soutien pour son ascension politique, les plaidoiries prononcés après son consulat sont des remerciements à ses amis : il défend son vieux maître de grec Archias pro Archia, Sulla pro Sulla qui lui avait consenti un crédit pour l'achat de sa maison du Palatin, Flaccus Pro Flacco qui l'avait soutenu contre Catilina. Plancius, Sestius et Milon qui l'ont physiquement protégé pendant et après son exil sont à leur tour défendus en justice. En revanche, certains discours sont des services imposés par les triumvirs, comme la défense de Publius Vatinius, auparavant vilipendé par Cicéron dans le In Vatinium, ou celle d'Aulus Gabinius responsable de son exil en -58. L'absence de publication ultérieure du pro Vatinio et du pro Gabinio se comprend aisément.
On sait pour plusieurs discours comme le Pro Milone que Cicéron a remis en forme et publié son texte après le procès. Dion Cassius, très critique à l'encontre de Cicéron, affirme même que tous ses discours ont été composés en chambre pour simuler une éloquence qu'il n'avait pas, point de vue repris par certains modernes comme Antonio Salieri. Stroh recentre cette vue : selon lui, Cicéron préparait ses discours par des notes, dont de rares fragments nous sont parvenus, et par un plan avec les têtes de chapitre. Seul le début du discours était rédigé puis appris par cœur. Après l'avoir prononcé, et s'il décidait de le publier, Cicéron le mettait par écrit de mémoire à partir de son plan. Selon Stroh, il est même possible que Cicéron ait fait des coupures pour la publication, si l'on considère des temps de parole sur plusieurs heures lors des audiences.

Liste des traités de rhétorique.

Les Romains ont consacré peu d'ouvrages aux techniques oratoires avant l'époque de Cicéron, on ne connaît que celui que Caton l'Ancien rédigea pour son fils. Un autre manuel de rhétorique, également en forme de guide pratique, La Rhétorique à Herennius, fut longtemps attribué à Cicéron, et comme tel publié à la suite du De Inventione. Quoique ce traité puisse être daté de l'époque de Cicéron d'après les personnages qu'il évoque, cette paternité n'est plus retenue de nos jours en raison des opinions exprimées dans l'ouvrage qui sont fort différentes de celles de Cicéron.
Cicéron consigne des règles de l'art oratoire dans une œuvre de jeunesse datée de 84 av. J.-C., le De inventione, sur la composition de l’argumentation en rhétorique, dont deux des quatre livres qui le composaient nous sont parvenus. Se positionnant par rapport aux maîtres grecs, Aristote qu'il suit et Hermagoras de Temnos qu'il réfute, Cicéron consacre une longue suite de préceptes à la première étape de l'élaboration d'un discours, l'inventio ou recherche d'éléments et d'arguments, pour chacune des parties du plan type d'un discours : l'exorde, la narration, la division, la confirmation, la réfutation et la conclusion. Pour les autres étapes, Cicéron renvoie à des livres suivants, perdus ou peut-être jamais écrits. Toutefois, lorsqu'il atteint sa maturité, il semble regretter cette publication précoce et quelque peu scolaire, qu'il critique dans le De Oratore et la qualifie d' ébauches encore grossières échappées de mes cahiers d'école. Néanmoins, le De inventione propose une classification originale des arguments présents dans un discours politique, distinguant ce qui est utile et ce qui est moral ou beau honestum, les deux pouvant être dans le même discours. Plus tard dans sa carrière politique, Cicéron met en pratique cette approche, argumente devant le Sénat sur ce qui est utile et moral, tandis qu'il développe davantage l'utile dans ses discours au peuple.
En 55 av. J.-C. soit presque trente ans plus tard, et fort de son expérience, Cicéron reprend ses réflexions théoriques avec le célèbre Dialogi tres de Oratore, Les trois dialogues sur l'orateur. Il adopte une nouvelle approche pour en faire une œuvre philosophique et littéraire, la première du genre à Rome. Il présente son ouvrage sous forme de dialogue platonicien entre les grands orateurs de la génération précédente : Antoine, Crassus et Scævola, ce dernier ensuite remplacé par Catulus et son frère utérin César Strabon. Ils s'entretiennent avec Sulpicius et Cotta, jeunes débutants avides de s'instruire auprès d'hommes d'expérience. Leur réunion date de l'année 91 av. J.-C., période agitée qui précède la guerre sociale puis la sanglante rivalité entre Marius et Sylla, ce qui fait volontairement écho selon Levert à la situation politiquement troublée qui prévaut à la publication de cette œuvre. Le premier livre débat de la définition de la rhétorique et des qualités nécessaires de l'orateur. Dans le second dialogue, ils dissertent des différentes étapes définies par la rhétorique pour l'élaboration du discours, l'invention, la disposition et la mémorisation, et ils critiquent les règles scolaires grecques généralement admises. L'humour manipulateur a même sa place, sous forme de raillerie pour le ton du discours, ou de bons mots pour réveiller l'intérêt du public ou calmer son excitation. Le dernier dialogue porte sur l'élocution et l'action. L'ensemble forme un traité complet, sans avoir la lourdeur d'un manuel grâce au style dialogué. Cicéron présente dans cette œuvre sa célèbre théorie des trois objectifs de l'orateur : prouver la vérité de ce qu'on affirme, se concilier la bienveillance des auditeurs, éveiller en eux toutes les émotions utiles à la cause , ou avec plus de concision instruire, plaire, émouvoir.
Dans un dernier traité important sur la rhétorique, l’Orator ad Brutum Sur l’Orateur publié en 46 av. J.-C., Cicéron développe une nouvelle théorie fondamentale pour l’esthétique latine, sur les trois niveaux de style que doit maîtriser l’orateur idéal, les styles simple, médian ou élevé, à appliquer selon l’importance du sujet du discours et l’objectif de l’orateur, informer, plaire ou ébranler l’auditoire.
Cicéron revient à des exposés didactiques dans deux ouvrages techniques de portée plus limitée. Le De partitionibus oratoriis, sur les subdivisions du discours, daté de -54, est un abrégé méthodologique destiné à son fils. Le Topica est rédigé en quelques jours en 44 à la demande de son ami Trebatius Testa, qui le prie d'expliquer les règles d'Aristote sur les topoï, éléments de l’argumentation.

Lettres de Cicéron, Lettres à Atticus et Epistulae ad familiares.

La correspondance de Cicéron fut abondante tout au long de sa vie. Il nous reste quelque 800 lettres, et une centaine des réponses qui lui ont été adressées. Nous pouvons ainsi suivre mois après mois depuis novembre -68, date de la première lettre conservée, son évolution politique et philosophique, ses relations personnelles et ses projets rédactionnels. Cette correspondance, ainsi que les Discours, donnent aux historiens de nombreux témoignages sur divers aspects de la vie de l’époque, dont les activités financières et commerciales de la couche supérieure de la société formée par les sénateurs, les chevaliers, les banquiers et les grands commerçants negociatores.
La publication de ces lettres, durant l'Antiquité, se fera de manière posthume. Ces lettres sont regroupées par destinataires, son ami Atticus, ses interlocuteurs officiels et ses clients, son frère Quintus et son ami Brutus.

Poésies de Cicéron. L'art oratoire de Cicéron

Cicéron jouit d’une réputation d’excellent orateur, de son vivant et plus encore après sa disparition. Selon Pierre Grimal, nul autre que lui n’était capable d’élaborer une théorie romaine de l’éloquence, comme mode d’expression et moyen politique.
Cicéron rédige sur ce sujet de nombreux ouvrages, didactiques ou théoriques, et même historique. Parmi ceux-ci, il désigne comme ses cinq livres oratoires majeurs : Dialogi tres de Oratore Les trois dialogues sur l'orateur composés en -55, Orator ad Brutum Sur l’Orateur et Brutus sive dialogus de claris oratoribus (Brutus ou dialogue sur les orateurs illustres, deux ouvrages publiés en -46.

L'éloquence à Rome

À partir du iie siècle av. J.-C., la maîtrise du discours devient une nécessité pour les hommes politiques qui se font concurrence, lors des procès qui se multiplient, dans les débats au Sénat, et les prises de parole pour séduire une opinion publique de plus en plus présente. Les Romains se mettent à l'école des rhéteurs grecs, véritables professionnels de la parole. À l'époque de Cicéron, plusieurs styles sont en vogue, tous d'origine hellénique : l'asianisme, forme de discours brillante et efficace originaire d'Asie, mais tendant à l'enflure et au pathos, à l'exagération, aux effets faciles, usant de tournures maniérées et recherchées. L'école de Rhodes professe une éloquence sobre et au débit calme, dont Démosthène était le modèle.

Le style de Cicéron

Selon Cicéron, certains excès d'émotion de l'asianisme ne conviennent pas à la gravitas, le sérieux et la mesure du caractère romain. Il se range dans l'école de Rhodes, plus modérée, où il suivit les enseignements de Molon, et voua une grande admiration à Démosthène.
L'expression de Cicéron est souvent redondante, reprenant la même idée avec des mots nouveaux, multipliant les expressions redoublées. Cette abondance lui permet de composer de longues phrases en période, dont les propositions s'enchaînent pour créer l'attente de la fin et donner une impression d'équilibre concinnitas. Enfin, il accorde une grande attention à la sonorité de ses phrases, et veille au « nombre oratoire », emploi de mesures enchaînant les syllabes longues et brèves du latin classique, pour un effet identique aux pieds de la poésie. Pour la prononciation de ses périodes, Cicéron adopte une élocution lente et réfléchie, qui s’écoule sans heurt et que Sénèque compare à une eau qui se répand et forme une nappe tranquille.
Un exemple permet d'observer quelques-unes des caractéristiques du style cicéronien : ceci est l'introduction du discours que Cicéron prononce en -66, le Pro lege Manilia dit aussi De imperio Cn. Pompei. Cicéron est alors en pleine ascension politique, et s'adresse pour la première fois au peuple du forum, depuis la tribune des Rostres :

Quamquam mihi semper frequens conspectus vester multo iucundissimus, hic autem locus ad agendum amplissimus,
ad dicendum ornatissimus est visus, Quirites,
tamen hoc aditu laudis qui semper optimo cuique maxime patuit
non mea me voluntas adhuc
sed vitae meae rationes ab ineunte aetate susceptae prohibuerunt Bien que j'aie toujours le plus grand plaisir à vous revoir souvent,
que ce lieu me soit toujours apparu, pour agir, le plus puissant,
pour parler, le plus magnifique, citoyens de Rome,
ce chemin vers la gloire, toujours très ouvert aux meilleurs,
ce n'est pas délibérément que j'en suis resté éloigné jusque-là,
mais à cause des principes de vie que je me suis donnés dès ma jeunesse.
Cette longue période commence par trois propositions subordonnées, qui font monter l'attente, et redescend après le Quirites citoyens sur trois autres propositions. L'éloge du lieu est redoublé le plus puissant pour agir, le plus magnifique pour parler. La répétition des superlatifs suffixés en -issimus crée un rythme sonore homéotéleute dans la première partie, comme les agendum/dicendum, avec l'élision du um en raison de la voyelle qui suit le mot. La fin de la période reprend un autre effet d'assonance avec la répétition de quatre diphtongues ae. D'autres effets de diction font appel à la scansion poétique, avec la succession d'une syllabe longue, une brève, une longue crétiqu ou l'alternance d'une brève, une longue, une brève, une longue double trochée. La suite du discours est non moins soignée, avec un plan en trois parties, sur l'art de la guerre, la grandeur de cet art, et quel général choisir. Dans cette dernière partie, l'énoncé des qualités nécessaires en quatre points est un procédé d'énumération classique en rhétorique.
L’humour est fréquent dans la rhétorique de Cicéron, qui pratique tous les styles : ironie, dérision dans le Pro Murena qui tourne en ridicule la rigueur stoïcienne, jeu de mots dans les Verrines, exploitant le double sens du péjoratif iste Verres, ce Verrès, pouvant aussi se comprendre ce porc. Il sait ridiculiser un adversaire : il met en scène Clodius qui s'était déguisé en femme lors du scandale de Bona Dea. P. Clodius a quitté une crocota robe safran, un mitra turban, des sandales de femme, des bandelettes de pourpre, un strophium soutien-gorge, un psaltérion, la turpitude, le scandale, pour devenir soudain ami du peuple. Outre l'habituelle accumulation terminée par une chute en contraste comique, Cicéron multiplie les mots grecs, pour jouer sur le préjugé anti-grec de son auditoire.

Critique et défense de son style

Ce style d'éloquence a néanmoins des détracteurs, partisans d'une éloquence imitée des anciens orateurs attiques, particulièrement de Lysias et groupés autour de Licinius Calvus. Centrés sur la clarté d'expression, la correction du langage et un certain dépouillement, ces orateurs attiques critiquent Cicéron pour son manque de simplicité, ses figures de style, son pathétique. Ils l'ont trouvé surabondant, ampoulé inflatus, tumidus, tendant à se répéter inutilement redundans et faisant dans la démesure superfluens, se complaisant trop au balancement des périodes terminées sur les mêmes rythmes.
Cicéron répond à cette polémique en 46 av. J.-C. Il affirme dans le De optimo genere oratorum Du meilleur style d'orateur que ses compatriotes qui se disent attiques ne le sont pas. Après avoir souligné les limites stylistiques de Lysias, il étaye son point de vue par deux exemples de ce qu’il qualifie de véritable atticisme, en traduisant depuis le grec deux plaidoyers d'Eschine et Démosthène. De cette œuvre, il ne nous reste que la préface introductive de Cicéron, les traductions proprement dites sont perdues. Il poursuit par un second traité, l'Orator ad Brutum Sur l’Orateur, où il fait l'éloge d'un style abondant et soigné, quasi musical par son rythme, qu'il fait sien contre l'atticisme étriqué et monochrome. Selon lui, cet atticisme que certains rendent aride est plus propre à plaire à un grammairien qu'à séduire et convaincre la foule.
S'il prend Démosthène comme modèle dans les Philippiques, ses derniers discours, Cicéron reste plus exubérant que son maître. Quand Démosthène accuse Eschine d’être à l’origine de la guerre contre Philippe II de Macédoine, il emploie une comparaison imagée et balancée : Car celui qui a semé la semence, celui-là est aussi responsable des plantes. Cicéron la reprend contre Marc Antoine, qu’il rend responsable de la guerre civile :

Ut igitur in seminibus est causa arborum et stirpium,
sic huius luctuosissimi belli semen tu fuisti.Comme dans la semence se trouve le principe des arbres et des plantes,
ainsi tu as été la semence de cette guerre si douloureuse
Cicéron amplifie l'argument initial avec une répétition arbres et plantes, un superlatif luctuosissimi dérivé du pathétique luctus douleur, deuil, et module avec sa finale habituelle en ditrochée tū fŭīstĭ, : une longue, une brève, une longue, une brève.

De la rhétorique à l'Histoire

Cicéron considère que les lois de la rhétorique peuvent tout à fait s'appliquer à la composition d'ouvrages sur l'Histoire, et que celle-ci est un travail particulièrement propre à un orateur. En -46, il rédige une brève histoire de l’éloquence avec son Brutus sive dialogus de claris oratoribus, une première pour la rhétorique latine et un document précieux pour la connaissance des auteurs romains. Comme ses précédents traités, elle est présentée sous forme de dialogue. Elle fait un panorama de la rhétorique grecque puis dresse la chronologie des orateurs romains célèbres, depuis les débuts de la République jusqu'à César, dont la qualité d'expression est appréciée, et qui prononce un éloge de Cicéron ! En même temps, Cicéron retrace le lent perfectionnement de la rhétorique latine, et répond aux critiques des néo-attiques.
En -44, Cicéron exprime dans sa correspondance son désir d'écrire d'autres ouvrages historiques, et de valoriser ainsi le passé de Rome. Il commence à réunir de la documentation, mais les circonstances qui l'accaparent empêchent ce projet. L'idée demeure et est réalisée quelques années plus tard en prose par la monumentale Histoire romaine de Tite-Live et en vers par l'Énéide de Virgile.

Rôle de l'orateur dans la République

Toutefois pour Cicéron, l'exercice oratoire ne se résume pas à l'apprentissage des procédés grecs de rhétorique. Il l'insère dans une vision plus vaste, développe une théorie de l'éloquence, et répond ainsi à la critique de Platon qui n'y voit qu'un exercice qui se réduirait à un art du faux-semblant.
Pour Cicéron, l'orateur doit être la figure centrale de la vie publique romaine, affirmation qui répond à l'ambition des imperators, qui recherchent gloire et pouvoir par leurs succès militaires et leurs triomphes. Dans son Brutus, il affirme à propos de César la supériorité de la gloire de l'éloquence sur celle des armes ou selon une formule célèbre que les armes le cèdent à la toge, c'est-à-dire au pouvoir civil. L'orateur doit posséder au préalable des qualités fondamentales : une philosophie et une culture. Dans son Orator ad Brutum, Cicéron affirme que la parole repose sur la pensée, et ne saurait donc être parfaite sans l'étude de la philosophie. D'autre part, l'art de bien dire suppose nécessairement que celui qui parle possède une connaissance approfondie de la matière qu'il traite.

Liste des œuvres philosophiques de Cicéron.

La philosophie à Rome avant Cicéron
Le goût des spéculations philosophiques pour elles-mêmes était étranger aux Romains. Rome accueille les idées grecques à partir du iie siècle av. J.-C. avec une certaine méfiance incarnée par l'anti-hellénisme de Caton l'Ancien, tandis que des aristocrates comme les Scipions manifestent leur intérêt : les sénateurs ne veulent pas que le peuple et la jeunesse s’adonnent à des études qui absorbent toute l’activité intellectuelle, font rechercher le loisir, et produisent l'indifférence pour les choses de la vie réelle ; ainsi en 173 av. J.-C. deux philosophes épicuriens Alkios et Philiskos sont chassés de Rome soupçonnés de pervertir la jeunesse avec une doctrine basée sur le plaisir, et en 161 av. J.-C., le préteur est autorisé à expulser philosophes et rhéteurs. Et les trois scolarques députés auprès du sénat par Athènes en 155 av. J.-C., Carnéade, Diogène et Critolaüs, ne comprennent aucun épicurien.
C'est le stoïcisme qui pénètre d’abord à Rome, avec Panétios de Rhodes, protégé de Scipion Émilien, et qui exerce une profonde influence sur les membres de son cercle Laelius, Furius, Aelius Stilo et les jurisconsultes Q. Ælius Tubéron et Mucius Scévola. Mais les autres doctrines ne tardent pas à s’introduire aussi à Rome, et y avoir des disciples. L'épicurisme revient à la fin du iie siècle av. J.-C. Après la prise d’Athènes par Sylla en 87 av. J.-C., les écrits d’Aristote sont apportés à Rome ; Lucullus réunit une vaste bibliothèque, où sont déposés les monuments de la philosophie grecque. En même temps, les Romains voient arriver dans leur ville les représentants des principales écoles de la Grèce. Selon l'opinion commune des contemporains de Cicéron, les stoïciens, les académiciens et les péripatéticiens expriment les mêmes choses avec des mots différents. Tous soutiennent le civisme de la tradition romaine et s'opposent en bloc à l'épicurisme, qui prône le plaisir, le repli sur la vie privée, dans le cercle restreint des amis.

Son objectif : latiniser la philosophie

Si l’on met à part Lucrèce et son De natura rerum, poème qui n’a pas la forme d’un exposé dogmatique, Cicéron est le premier des auteurs romains qui rédige en latin des ouvrages de philosophie. Il le rappelle avec fierté et en débat dans ses préambules, s’opposant à ses contemporains qui dédaignent l’étude ou qui comme Varron préfèrent lire directement les ouvrages des Grecs sur cette matière.
Cicéron parle couramment le grec, son éducation à Rome et ses voyages en Grèce et en Asie lui ont fait rencontrer les maîtres grecs des diverses écoles philosophiques. Il se documente en puisant dans les bibliothèques de ses amis et voisins, comme celle de la villa du fils de Lucullus à Tusculum, ou celle du fils de Sylla, riches de livres rapportés des campagnes militaires en Grèce et en Orient. Son ami Atticus lui procure aussi des ouvrages des auteurs grecs, ou des résumés de ces ouvrages. Cicéron définit lui-même le mode de rédaction de ses synthèses philosophiques, par sélection et reformulation : Je ne fais pas office de traducteur. Je conserve ce qui a été dit par ceux dont je fais le choix et j'y applique ma façon de penser ainsi que mon tour de style. Il donne aussi une coloration romaine en parsemant ses textes de citations de poètes latins, d'anecdotes et de souvenirs personnels, d'exemples de grandes figures historiques romaines, car il exalte le passé de Rome et en tire des leçons morales.
L’expression Cicéron traducteur des Grecs montre son succès à travers les termes philosophiques qu’il a inventés en latin à partir des mots grecs et qui ont connu une grande fortune en Occident. C’est lui qui élabore un vocabulaire spécifique pour rendre compte de la philosophie grecque. Au plus simple, Cicéron reprend directement le grec ancien, par exemple ἀήρ, aêr, qui devient le latin aer l’air, un des quatre éléments, mot également tiré du grec elementa. Dans d’autres cas, il forge un néologisme latin, comme qualitas qualité équivalent du grec poiotês, ou providentia traduisant le grec pronoia providence, ce qui veille sur les astres et les hommes, formée sur videre, voir. En revanche, et Cicéron s’en fait l’écho dans ses traités, la traduction des concepts théoriques est plus délicate et requiert des périphrases, surtout pour le Stoïcisme qui emploie une terminologie qui lui est propre, qui n’est pas celle du grec populaire ni celle de Platon. Ainsi phantasia représentation mentale comprise chez Aristote comme faculté de l’esprit évolue en représentation sensorielle chez le stoïcien Zénon de Cition, ce que Cicéron rend par quod est visum , ce qui est vu. La thèse de Roland Poncelet inventorie les expressions et les procédés latins pour rendre les argumentaires grecs et traduit les difficultés et les solutions adoptées par Cicéron : par exemple, une difficulté à exprimer les raisonnements, reflétée par une surabondance de prépositions traduisant des relations concrètes de lieu vers, en venant de, etc. en place de relations modales comme en tant que, du point de vue de, conformément à ; ou encore le remplacement d'un concept général par une série d’exemples particuliers pour en extraire un comme représentatif.

Une présentation en forme de dialogue

La présentation des traités philosophiques de Cicéron suit une forme inspirée des dialogues platoniciens, habituelle pour ce type d’œuvre. Toutefois, ce sont rarement des questionnements socratiques qui enchaînent de rapides répliques, mais plutôt des conversations tenues dans des villas de campagne par des aristocrates romains, qui exposent à tour de rôle les théories des écoles philosophiques auxquelles ils sont censés adhérer. Cette mise en scène permet à Cicéron de présenter les divers points de vue, d’opposer le pour et le contre, en latin in utramque partem selon la méthode dialectique pratiquée par les philosophes de l’Académie. De surcroit, ce choix de protagonistes est une manière d'affirmer que des Romains illustres peuvent s'intéresser à la philosophie sans déchoir. Pour introduire ces conversations, Cicéron s’est constitué une série de prologues interchangeables, son liber prooemiorum dans lequel il puisse à mesure de ses rédactions. Le procédé requiert quelque attention, et par distraction, il place à nouveau le prologue du livre III des Académiques au début du De Gloria, erreur rectifiée en le republiant avec une autre introduction.
Mais en comparaison des dialogues de Platon, le philosophe Pierre Pellerin estime peu crédible ce formalisme entre, selon son expression, de solennels raseurs mondains , peu vraisemblables défenseurs de spéculations philosophiques qui les dépassent. Cicéron en perçoit lui-même le caractère artificiel et ajuste cette forme au fil de ses ouvrages : il réécrit la première version des Académiques pour changer des interlocuteurs qui ne pouvaient soutenir le ton philosophique qu’il leur prêtait. Dans ses premiers dialogues comme le De Republica, Cicéron n’intervient qu’en retrait, dans la tradition, dit-il, des traités d’Héraclide du Pont. Puis à partir de juin 45, il change de formule et déclare suivre la tradition d’Aristote : le ou les participants ne sont plus des interlocuteurs actifs, lui-même se place en acteur principal, et il s’exprime comme un maître à son disciple, dans les Tusculanes avec un jeune homme non désigné, puis dans le De fato avec Hirtius comme simple auditeur. Enfin, le dernier traité, De officiis, se présente comme une longue lettre adressée à son fils Marcus, âgé d'une vingtaine d'années : Cicéron renonce dans cet ouvrage à l'artifice de lui prêter des répliques appropriées.

Les écrits politiques

La production philosophique de Cicéron alterne avec ses activités politiques et judiciaires. Il ne publie que lorsque les événements l’éloignent de la vie politique, comme il le reconnait lui-même. Il affirme toutefois n’avoir jamais renoncé à s’adonner à la philosophie après ses études de jeunesse, ce que montre la présence diffuse de termes et de thèmes philosophiques dans les œuvres de sa période d’activité.
Après avoir traité l'art rhétorique dans le De oratore, et tandis que les affrontements dans Rome entre les bandes armées de Clodius et celles de Millon font craindre une nouvelle guerre civile, Cicéron rédige avec le De Republica publié en 54 av. J.-C., puis le De Legibus en 52 av. J.-C., ses réflexions sur les institutions politiques romaines. Pour lui, les meilleures institutions ne sont pas celles de la République de Platon, toutes théoriques, mais celles de la République romaine du début du IIe siècle av. J.-C., l'époque de Caton l'Ancien et des Scipions. Elle combinait alors le meilleur des formes monarchique, aristocratique et démocratique dans un équilibre qu'il faut rétablir, et disposait de grands hommes dont l'esprit civique n'était pas encore corrompu par les ambitions égoïstes. La crise à Rome que constate Cicéron impose de recourir à un tuteur de la République, un fondé de pouvoir de l'État, sage et expérimenté, un ancien consul doté de pouvoirs spéciaux et temporaires. Cicéron se verrait bien dans ce rôle, lorsqu'en 56 av. J.-C., il propose à Pompée d'être son conseiller politique, proposition que ce dernier rejette avec un orgueil offusqué.
Le départ de Cicéron en 51 av. J.-C. pour un proconsulat en Cilicie puis la guerre civile entre Jules César et les Républicains interrompent ces travaux rédactionnels. Cicéron publie néanmoins en 47 av. J.-C. les Paradoxes des stoïciens, petit traité inclassable dans lequel il déclare s’être amusé à reprendre quelques sentences stoïciennes pour les rendre plus accessibles au public. C’est aussi un pamphlet dirigé –sans les nommer - contre Clodius qui provoqua son exil et contre les imperatores avides de richesse et de gloire comme Jules César et Crassus.

Les écrits philosophiques

La seconde période de production de Cicéron s’étend sur environ deux ans de 46 à 44 av. J.-C., pendant sa retraite politique forcée par la dictature de César. Cicéron entame alors le vaste projet de doter la littérature latine d’un exposé de la philosophie contemporaine, essentiellement grecque jusqu’alors, en commençant par la publication de l'Hortensius, ouvrage disparu au Moyen Âge qui vante l'utilité de l’étude de la philosophie. Mais le décès soudain de sa fille Tullia en février -45 interrompt son projet et le plonge dans un profond chagrin. Il sort de cette expérience douloureuse en composant pour lui-même la Consolation, rédigée probablement entre le 7 et le 11 mars et aujourd’hui perdue.
Autant pour tromper sa douleur que pour persévérer dans son projet, Cicéron reprend son travail avec une fébrilité intense que permet de suivre sa correspondance avec Atticus. Il va répartir ses traités suivants selon la division classique de la pensée hellénistique en trois domaines majeurs, la philosophie morale guide de l’action humaine, la logique et la philosophie naturelle ou physique, quoiqu’il n’aborde cette dernière que de façon restreinte.
Pour chaque domaine, Cicéron présente par la bouche de ses protagonistes les doctrines des principales écoles philosophiques, leurs évolutions et leurs critiques. Du fait de l’absence d’œuvres écrites des maitres du stoïcisme, de l’épicurisme et de l’académisme, ces traités sont avec ceux de Plutarque et ceux de Sextus Empiricus les ouvrages qui donnent une vue d’ensemble des débats philosophiques entre le IIIe et le ier siècle avant notre ère.

Philosophie logique : la détermination du Vrai

Dans la philosophie antique, la logique, relative à la raison et à l’argumentation, est la voie qui permet de distinguer le vrai du faux, de reconnaître la cohérence et le contradictoire. Elle est donc l’instrument qui sous-tend les théories bâties dans les deux autres domaines philosophiques, la physique et la morale. En effet, toute action réfléchie exige de distinguer entre ce qu’il convient de faire et ce qu’il convient de ne pas faire, donc chercher des certitudes sur lesquelles appuyer son choix.
Cicéron commence donc par faire le point des réflexions sur cette recherche de Vérité, de la certitude ou de l'opinion avec ses Académiques. La rédaction est laborieuse, une première version faite au printemps 45 av. J.-C. en deux livres est rapidement suivie d’une seconde en quatre livres. Ces éditions ne sont parvenues à notre époque que très partiellement, plus des trois quarts de l’ouvrage sont perdus. La question est d’établir ce que l’être humain peut appréhender comme vrai au moyen de ses perceptions et de sa raison. Cicéron présente les diverses positions soutenues par les successeurs de Platon, dont celles d’Arcésilas de Pitane, qui réfute les conclusions des stoïciens sur la possibilité des certitudes, de Carnéade, qui introduit la notion de probable, de Philon de Larissa qui atténue le scepticisme d'Arcésilas et d’Antiochos d'Ascalon qui veut concilier les positions des uns et des autres. Toutefois, Cicéron refuse de s'aligner sur la doctrine d'une école particulière et rejette les conclusions trop dogmatiques : puisque à son avis la vérité absolue est hors de portée, chaque thèse a sa part de probabilité, plus ou moins grande, sa méthode est de les mettre en présence, de les opposer ou de les faire s'appuyer mutuellement.

Philosophie morale : comment bien vivre

Après avoir examiné le problème de la recherche de la Vérité, Cicéron enchaine sur la question fondamentale du bonheur, but de tout homme. Rédigé en parallèle avec les Académiques et publié en juillet 45 av. J.-C., le De finibus bonorum et malorum Des suprêmes biens et des suprêmes maux, parmi les traductions proposées développe cette notion en présentant en cinq livres les réponses offertes par les écoles philosophiques grecques contemporaines de Cicéron. Chaque école a sa définition du bonheur, autrement dit du Bien suprême : le plaisir, ou bien l’absence de douleur, ou encore la conformité à la Nature, mais quelle Nature, celle du corps ou celle de l’esprit ? Cicéron au travers de dialogues fictifs va exposer la position de chaque doctrine, puis la critique de cette doctrine afin que le lecteur puisse se forger sa propre opinion. L’ordre de présentation suit les préférences de Cicéron, il commence par l’épicurisme qu’il rejette complètement, enchaîne sur le stoïcisme, et conclut par la nouvelle Académie.
La parution des Tusculanes suit en août 45 av. J.-C. Cicéron y aborde les questions existentielles traitées traditionnellement par les écoles philosophiques, mais donne une forme originale et personnelle aux cinq livres du traité, les présentant comme des conférences dans lesquelles il explique lui-même à un jeune homme anonyme les grands thèmes : la mort, la douleur physique, la douleur morale, les passions qui affectent l'âme, la vertu et le bonheur.
Après les Tusculanes et continuant de séjourner près de Rome, Cicéron rédige début 44 deux petits traités, le premier sur la vieillesse et l'autre sur l’amitié, adressés à Atticus et évocateurs d'un passé mythifié. Dans le premier traité, le Cato Maior de Senectute Sur la vieillesse, un Caton l'Ancien très âgé converse avec Scipion Émilien et son ami Laelius, alors jeunes. Il répond aux critiques que l'on formule à l'encontre de cette dernière période de la vie. Cicéron réaffirme l'utilité que peut avoir un vieillard prudent et expérimenté comme conseiller dans la gestion des affaires publiques. Il avait déjà décrit ce rôle dans le De Republica, et semble exprimer son espoir de participer ainsi à la vie publique. Face à la mort, inévitable issue de la vieillesse, il espère en la survie de l’âme, fusse-t-elle une illusion dont il ne voudrait pas être privé tant qu'il vit. On retrouve là l'argumentaire sur la mort que Cicéron exprimait déjà dans l’Hortensius,le Songe de Scipion et les Tusculanes .
Dans le traité, Laelius de Amicitia Sur l'Amitié, le même Laelius qui vient de perdre son ami Scipion s'entretient avec ses gendres de la pratique de l'amitié. La mort de Scipion Émilien en -129 marque pour Cicéron la fin de l'âge d'or de la République, auparavant gérée par un petit groupe d'hommes liés par l'amitié. Cicéron justifie par des arguments théoriques et philosophiques la pratique romaine de l'amitié et en fait un programme politique, une nécessité pour que la société retrouve cette vertu.
Le De gloria Sur la gloire, commencé vers le 26 juin et terminé le 3 juillet 44 av. J.-C, est un texte en deux livres dont il ne reste que de brèves citations dans les Nuits Attiques. Alors qu'à Rome certains parlent de diviniser le défunt Jules César, il y est question de l’évhémérisme, concept grec de divinisation des grands hommes par leurs compatriotes. Cicéron a déjà abordé le thème de la gloire dans le De Republica et les Tusculanes, et revient sur la question dans son traité suivant De officiis. Selon Pierre Grimal, Cicéron veut sans doute faire œuvre de propagande en opposant une gloire vraie et juste, traduite par l'affection des citoyens, à une fausse gloire, applaudie par des partisans mal intentionnés qui espèrent en tirer un profit personnel.

Philosophie naturelle : le refus du fatalisme

La philosophie naturelle recouvre la physique, c'est-à-dire les principes visibles et invisibles qui donnent forme, cohésion et vie à la matière. Cicéron ne s'intéresse toutefois guère aux théories explicatives du monde, l'atomistique des épicuriens ou la théorie des quatre éléments, mais se concentre sur ce qui transcende l’existence humaine, manifestations ou volontés divines, et qui peut influer sur notre liberté individuelle d’action. Une série de traités publiés en l'espace d'une année constitue une réflexion d’ensemble sur la métaphysique : les De Natura Deorum De la nature des dieux, De divinatione Sur la divination et De fato Sur le destin.
Après le De natura deorum, s'intercale à l'automne 45 av. J.-C. la traduction en latin que fait Cicéron du récit du Timée de Platon, dont il reste des fragments importants. Sa préface apprend qu'il s'est entretenu avec le néopythagoricien Nigidius Figulus lors de son voyage vers la Cilicie. Ils ont discuté de physique selon le sens antique, c'est-à-dire des spéculations sur l'Univers et les causes qui l'ont produit, et la traduction de Cicéron est présentée comme la suite de cette rencontre. Le premier passage étudie l'opposition entre l'éternel et le mouvant, entre ce qui est dans le devenir et l'immobile, entre le mortel et l'immortel, et relie l'éternel à la Beauté. La traduction expose ensuite un résumé de la genèse de tout ce qui existe, en particulier la naissance des dieux. Ce récit, dans lequel Platon comme Cicéron ne voient probablement qu'un mythe, est sa seule incursion dans la partie de la physique antique consacrée à l'histoire du Monde et sa structure.
Après l’étude des dieux, deux problèmes dérivés font l’objet d’une étude approfondie : la divination, liée à l’emploi politique et civique de la théologie, et le destin, dont l’analyse va déterminer le degré de liberté de l’action humaine.
Le De divinatione est un des seuls traités antiques consacré à la divination qui nous soit parvenu, il présente donc un intérêt historique pour la connaissance de pratiques de divinations grecque, étrusque et latine et des attitudes antiques face aux phénomènes hors de l'expérience ordinaire. Cicéron y analyse avec scepticisme les diverses formes de la divination comme les oracles et l’haruspicine étrusque. Il critique les théories des stoïciens qui la défendent et refuse d’admettre le principe que tout événement dépende d’une cause implique que les événements futurs puissent être prédéterminés. Il est néanmoins moins critique sur les augures romains, non parce qu’il est lui-même augure, mais parce que ceux-ci ne servent pas à prédire l’avenir, mais seulement à obtenir l'avis préalable des dieux lors des actes importants des magistrats. En cela ils ont une utilité politique et sociale pour la République.
Dans le De fato, Cicéron récuse à nouveau tout déterminisme et refuse la conception stoïcienne qui rendrait l’acte individuel librement choisi soit irréalisable soit totalement déterminé en dehors de la volonté humaine.

Le dernier traité, moral et politique

Le traité des Devoirs De Officiis est le dernier ouvrage à portée philosophique de Cicéron, publié à la fin de l'année 44 av. J.-C., alors qu'il reprend son activité politique avec ses premiers discours contre Antoine. L'ouvrage, volontairement concret, donne des prescriptions et des conseils à son fils et plus largement aux hommes de bien les boni viri de la classe sociale de Cicéron pour se comporter convenablement en toute circonstance au sein de sa famille, de la société et de la cité.
Cet ouvrage n'est pas seulement un traité pratique de morale, il exprime aussi les souhaits de Cicéron d'un gouvernement romain régi par la Justice, exprimée par le respect de la propriété privée et des biens publics, et par la Fides, la Bonne Foi romaine, dans l'observation des contrats et des traités, dans la protection des cités et des peuples alliés de Rome, et enfin la stabilisation de l'Empire avec la fin des guerres de conquête. Ceux qui sont à la tête de l'État doivent se comporter comme des tuteurs de la République, veillant au bien de tous et non à l'avantage d'une faction, concept énoncé dix ans plus tôt dans le De Republica. Il faut non seulement agir avec justice, mais aussi lutter contre l'injustice, et s'en abstenir revient à commettre une injustice. Cicéron est maintenant résolu à lutter contre Marc Antoine et, dit-il, à offrir sa vie pour la liberté, selon une formule grandiloquente mais prémonitoire.

Postérité de Cicéron

La notion d'éloquence développée par Cicéron a exercé une influence considérable sur la culture occidentale dans l'Antiquité, au Moyen Âge, à la Renaissance et à l'époque moderne.

Période impériale

La disparition de Cicéron et des orateurs de sa génération se traduit par le déclin de l'art oratoire de l'avis de Sénèque l'Ancien, puis de Tacite, quoique Marcus Aper estime que le goût a évolué au profit des formules brèves et brillantes ou de la précision du vocabulaire, et n'admet plus les lourdes périodes et les digressions cicéroniennes.
À la fin du ier siècle, le goût littéraire se développe pour les auteurs considérés comme classiques, dont Cicéron et d'autres plus anciens pour la langue latine, tandis que Démosthène et l'Atticisme deviennent la référence pour l'expression grecque. Les bibliothèques publiques et privées fleurissent, on copie les textes, Asconius commente dans ses éditions plusieurs discours de Cicéron les Scholies, imité par ses continuateurs pseudo-Asconius. L'enseignement de la rhétorique latine se systématise, grâce notamment à Quintilien, qui promeut Cicéron comme modèle absolu de l’éloquence dans son manuel De institutione oratoria, et qui comme lui voit dans la culture et la morale les compléments obligés de la rhétorique pour une formation complète de l'homme et du citoyen. Cicéron est mis au rang des grandes figures historiques et sa fin est prise pour sujet d'exercice de déclamation, sur le thème Cicéron délibère s'il brûlera ses œuvres, sur la promesse d'Antoine de lui laisser la vie sauve. Sénèque l'Ancien note avec humour que personne à sa connaissance n'a soutenu la thèse sauvant Cicéron et sacrifiant ses œuvres.
Si l’influence de Cicéron est patente sur l’art oratoire romain, son ambition d’implanter la philosophie dans la langue latine n’est pas couronnée d’autant de succès : le grec reste le mode d’expression privilégiée de la philosophie, même pour un Romain comme Marc-Aurèle, et des doxographes comme Sextus Empiricus ou Diogène Laërce ne font aucune mention de Cicéron.

Antiquité tardive et Moyen Âge

On continue de se référer aux textes de Cicéron au Bas Empire : au ive siècle, le grammairien Nonius y puise de nombreux exemples, tandis que Lactance copie dans les Institutions Divines des passages entiers pour argumenter contre la religion traditionnelle et les mœurs antiques, et Marius Victorinus commente le De inventione. L’Histoire Auguste suit cette mode de la citation en nommant Cicéron dix-neuf fois, et faisant une quarantaine d’allusions ou d’imitations à la manière de Cicéron, aisément reconnaissables par un lecteur cultivé de l’époque.
Au siècle suivant, Macrobe rédige un Commentaire au Songe de Scipion, et son contemporain Augustin d'Hippone doit sa passion pour la philosophie à sa découverte de l'Hortensius. Les citations que fait Augustin prouvent une connaissance approfondie des traités philosophiques et rhétoriques de Cicéron, même s'il reste réservé sur sa pensée lorsqu'il la compare à la doctrine chrétienne. Augustin apprécie hautement Cicéron, qui est pour lui le fondateur de l'art oratoire romain. L'approche rhétorique d'Augustin reprend le projet de Cicéron, de placer la sagesse sapientia au-dessus de l'éloquence, mais pour Augustin, la sagesse est la connaissance de l'écriture sainte. Il reprend la théorie que Cicéron formule dans l'Orateur en faveur de la maîtrise des trois styles, simple, moyen et élevé, pour les trois missions de l'orateur : enseigner, réjouir, émouvoir docere, delectare, movere. Dans le quatrième livre de son De Doctrina christiana, Augustin adapte ces préceptes à la prédication, nécessairement de style élevée, qui doit enseigner de façon compréhensible, plaire pour qu'on l'écoute volontiers et ébranler les auditeurs par l'exhortation morale.
Au Moyen Âge, la rhétorique est une des branches du Trivium, un enseignement qui s'appuie essentiellement sur trois traités antiques didactiques, le De inventione de Cicéron, la Rhétorique à Herennius, qui lui est attribué, et l'Institution oratoire de Quintilien. Grâce à l'enseignement, le De inventione est un des textes les plus copiés du Moyen Âge. En revanche, les discours de Cicéron, mis à part les Catilinaires et les Philippiques, et ses ouvrages philosophiques ou personnels sont négligés.
La transmission des ouvrages au fil des siècles est altérée par la détérioration des manuscrits et la corruption des textes engendrée par les recopies successives. Par exemple, un recueil de traités philosophiques groupant les De Natura deorum, De divinatione, De fato, De Legibus, Timée, Topica, Paradoxa, Lucullus est connu par sept manuscrits datés entre les IXe et XIe siècle, qui d'après leurs importantes lacunes communes sont tous issus d'un unique manuscrit inconnu, antérieur au IXe siècle et déjà mutilé par la perte de plusieurs feuillets et la permutation de cahiers de 4 pages.
Malgré la raréfaction des exemplaires, la pensée de Cicéron reste une référence. Au IXe siècle lors de la renaissance carolingienne, Hadoard, bibliothécaire du scriptorium de l'Abbaye de Corbie, dispose d'exemplaires de la plupart des ouvrages philosophiques de Cicéron, avec lesquels il constitue un florilège classique d'extraits choisis et retravaillés pour les placer dans une perspective morale et chrétienne.

Redécouverte de Cicéron

Au XIIe siècle, l'intérêt renait pour les dialogues philosophiques de Cicéron, l'école de Chartres spécule sur le Commentaire au Songe de Scipion rédigé par Macrobe, et l'humaniste Jean de Salisbury perçoit des options presque chrétiennes dans le De officiis, le De amicitia et le De senectute.
Un nouvel élan est donné quand les humanistes de la Renaissance se mettent en quête dans les abbayes de manuscrits contenant des textes antiques. Dans les années 1330, Pietro di Malvezzi constitue à Vérone un recueil qui regroupe la plupart des traités philosophiques et rhétoriques de Cicéron, et plusieurs discours. Ce manuscrit est offert à Pétrarque, grand admirateur de Cicéron. Ce dernier retrouve aussi d'autres textes, et surtout reconstitue la correspondance de Cicéron. Il met en lumière grâce à elle son côté humain. À son tour, le Pogge découvre en 1416 un codex contenant les commentaires d'Asconius de cinq discours de Cicéron. Certains manuscrits originaux disparaissent après leur découverte comme le De oratore, mais leurs textes subsistent grâce aux copies des humanistes. Le développement de l'imprimerie permet enfin une diffusion large et cette fois pérenne des œuvres de Cicéron : un premier recueil des textes philosophiques de Cicéron est publié à Rome en 1471
Lorsque les Jésuites fixent en 1599 les principes fondamentaux de leur enseignement avec le Ratio Studiorum plan raisonné des études, ils prennent Quintilien et surtout Cicéron comme base de leur pédagogie. Les préceptes rhétoriques qu'enseignent ensuite leurs collèges sont presque tous repris de Cicéron. L'enseignement secondaire des XIXe et XXe siècles continue cet esprit cicéronien au travers des classes de rhétorique et des classes de philosophie. La langue de Cicéron est alors le modèle incontesté du latin classique

Jugements sur l'homme et son action

Si les biographes et les littéraires imprégnés de son œuvre lui sont généralement favorables, plusieurs historiens de renom ont émis des jugements très critiques à l'encontre de Cicéron, et de son attitude politique. Visiblement, le Cicéron des historiens du XIXe et du début du XXe siècle n’est pas celui des latinistes. Ainsi la Geschichte Roms Histoire de Rome de Wilhelm Drumann publiée entre 1834 et 1844 contient une bibliographie qui est un réquisitoire soigneusement référencé contre Cicéron. La monumentale Histoire romaine de Theodor Mommsen parue entre 1850 et 1857 le traite au fil de ses pages d'avocat à tout faire, parvenu gonflé d'orgueil, nageur entre deux eaux, girouette politique.
L'appréciation reste sévère chez des historiens français du siècle suivant : homme d'État malhabile, juriste médiocre, artiste admirable, maladroit dans ses rapports avec Pompée, manipulé par César durant son consulat et dépourvu de sens politique et de psychologie avec Octave selon André Piganiol. Le jugement est non moins critique dans l'Histoire romaine de Jérôme Carcopino, très réservé sur la sincérité de certaines attitudes de Cicéron, sur la continuité de ses vues politiques, l’efficacité de son action. En 1947, Carcopino a tiré d'une analyse à charge de la correspondance de Cicéron un portait extrêmement dépréciatif : feignant le désintéressement et l’intégrité mais obsédé par l'argent, dépensier et endetté pour satisfaire son goût du luxe, mouillé dans des montages financiers parfois douteux, capteur d’héritages, mauvais père, fantoche apeuré manipulé par les triumvirs, courtisan opportuniste avec les grands et médisant en privé, etc. L’interprétation est si négative que Carcopino avance l’idée que ces lettres auraient été sélectionnées et publiées durant le second triumvirat dans un but de propagande, pour dénigrer Cicéron et justifier sa proscription par Octave. Cette théorie a été réfutée par Pierre Boyancé dans son article Cicéron contre Cicéron ?, paru en 1949.
Pierre Grimal explique les errances politiques attribuées à l'irrésolution et la faiblesse de caractère de Cicéron par sa formation devenue une habitude de pensée, consistant à peser le pour et le contre avant de décider, en face de situations politiques complexes et mouvantes.
Les partisans de Cicéron excusent les compromissions de ses plaidoyers d'avocat, qu'ils jugent comme une adaptation au client et à la cause, ce que Cicéron revendique : on se trompe en croyant avoir dans les discours que nous avons tenus devant les tribunaux nos opinions dûment consignées : tous ces discours sont ce que veulent les causes et les circonstances. Quitte à s'éloigner de la vérité pour défendre un coupable : il appartient … à l'avocat, parfois, de plaider le vraisemblable, même s'il n'est pas le plus vrai.

Jugements sur sa philosophie

Durant la Renaissance et l’époque classique, Cicéron est un acteur reconnu dans les débats philosophiques. Mais à partir des années 1830, lorsque sont publiées les éditions savantes des auteurs grecs et latins, le point de vue change : Cicéron n’est plus considéré comme un philosophe véritable, mais juste comme un passeur de la pensée grecque, un doxographe résumant des textes sans apport qui lui soit personnel. La préface rédigée en 1928 par Jules Martha dans sa traduction du De finibus bonorum et malorum est représentative de cette dépréciation : il n’a pour bien traiter, les matières de la philosophie la tournure d’esprit qui convient. Il est rapide, superficiel. Il est trop porté à voir les choses par le coté oratoire et n’a pas assez le souci d’aller au fond. Il n’a pas la rigueur dans l’analyse et la méthode qu’exigent l’exposé ou la critique des problèmes philosophiques. Jules Martha reconnait du moins l’intérêt de son travail de vulgarisation, parfois comme seul témoin qui subsiste de certains aspects des doctrines grecques.
Considérer Cicéron comme un simple transcripteur des philosophes grecs à destination d'un public latin a pour corolaire au XIXe siècle un courant de recherche systématique dans ses traités de sources grecques pour chacun de ses énoncés, mis à part les références à la mythologie et à l’histoire romaine, et les anecdotes personnelles. Les travaux des philologues allemands comme Rudolf Hirzel ont fait longtemps autorité dans cette approche, dite du Quellenvorschung, Recherche des sources. Cette approche fondée sur un préjugé réducteur et menée trop systématiquement est aujourd'hui critiquée et rejetée, même si Carlos Lévy estime que ses études de détail sur tel ou tel aspect des ouvrages de Cicéron restent précieuses pour effectuer de nouvelles recherches.
Une certaine réhabilitation de Cicéron se dessine toutefois à la fin du XXe siècle : ainsi Pierre Boyancé définit l’humanisme cicéronien par son sens de l’humain, son sens de la culture, qui permet à l’homme de se réaliser, et son sens de la bienveillance, exprimée dans les rapports sociaux. Pierre Pellegrin rappelle que Cicéron n'a jamais été considéré comme un philosophe original, et qu'il n'a jamais prétendu l'être. S'il parle avec sympathie de la Nouvelle Académie et s'en fait le porte-parole dans certains traités, il ne s'est pas posé en successeur d'Antiochus d'Ascalon, dernier maître officiel de cette école.

Évocations artistiques Œuvres artistiques

Pierre-Henri de Valenciennes peint en 1787 Cicéron découvrant le tombeau d'Archimède
Cesare Maccari décore en 1880 le palais Madama d'une fresque dans laquelle Cicéron dénonce Catilina
Romans historiques
Florence Dupont, L'affaire Milon : meurtre sur la voie Appienne, Paris, Denoël,‎ 1987
Steven Saylor, L'énigme de Catilina, 10/18, 1999.
Robert Harris, Imperium, Plon, 2006 et Pocket, 2008
Colleen McCullough, Les Maîtres de Rome série

Œuvres cinématographiques

Alan Napier incarne Cicéron dans le film Jules César de Mankiewicz 1953.
Dans la série télévisée Rome créée en 2005, figure Cicéron en personnage secondaire, joué par David Bamber.
L'Affaire Sextus est un téléfilm historique coproduit par la BBC et Discovery Channel sorti en 2006 et inspiré du procès Pro Roscio Armerino de Cicéron.
-e et ses mains sanglantes.

Lien

http://www.ina.fr/audio/00107078/la-conversation-audio.html La conversation



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#246 John Dickson Carr
Loriane Posté le : 29/11/2014 21:47
Le 30 novembre 1906 naît John Dickson Carr

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à Uniontown en Pennsylvanie et meurt le 27 Février 1977 à 70 ans à Charlottesville en Virginie écrivain américain de roman policier. Il écrit aussi sous les pseudos, Carter Dickson, Carr Dickson, Roger Fairbairn. Agatha Christie se disait presque toujours piégée par l'ingéniosité de ses intrigues.Il reçoit le grand prix de littérature policière en 1969, ses Œuvres principales sont Trois cercueils se refermeront en 1935, Arsenic et Boutons de manchette en 1936, La Chambre ardente en 1937, Le Naufragé du Titanic en 1938, La Flèche peinte en 1938
Influencé par G. K. Chesterton, il est l'auteur, sous son nom, ou sous celui de Carter Dickson, des romans policiers orientant le genre vers le fantastique la Maison de la peste, 1934 ; la Maison du bourreau, 1935 ; la Chambre ardente, 1937 ; le Sphinx endormi, 1947


Il met en scène deux personnages de détectives, le Dr Gideon Fell ou l'inspecteur Henry Merrivale. On lui doit aussi une biographie de Conan Doyle.
Admirateur de G. K. Chesterton et de Conan Doyle, John Dickson Carr publie la majeure partie de son œuvre sous son patronyme, mais utilise également les pseudonymes de Carter Dickson, notamment pour les aventures de Sir Henry Merrivale, de Carr Dickson pour le roman The Bowstring Murders 1934 et de Roger Fairbairn pour de Devil Kinsmere 1937, un roman dont, insatisfait, il donne une nouvelle version en 1964 sous le titre Le Grand Secret. En France, depuis les années 1980, les éditeurs n'emploient plus que sa véritable signature pour coiffer ses titres. Carr est également l'auteur de La Chambre ardente, célèbre énigme en chambre close, tout comme de Trois cercueils se refermeront.

En Bref

"Bien peu de romans policiers réussissent à me piéger, mais ceux de Mr. Carr y parviennent toujours". Bel hommage de la "reine du crime", Agatha Christie, à un écrivain qui connaissait alors dans les années 1930 son heure de gloire, avant d’être relégué au second plan par la vogue du roman noir au lendemain de la seconde guerre mondiale. Après quarante ans de purgatoire, John Dickson Carr revient ensuite sur le devant de la scène dans les années 1980, pour être enfin consacré comme un des maîtres du genre. Trop haut, trop vite ? En quelque sorte. John Dickson Carr est né le 30 novembre 1906 à Uniontown, en Pennsylvanie. Son père, de souche écossaise comme sa mère, est juriste, et allait bientôt entrer en politique en devenant membre du Congrès sous l’administration de Woodrow Wilson. A 8 ans, Carr débarque donc à Washington. C’est dans la bibliothèque paternelle qu’il découvre tout au long de son adolescence la littérature romanesque et policière qui le fascine : Alexandre Dumas, Robert Louis Stevenson, Conan Doyle et surtout Gilbert Keith Chesterton, le créateur du Père Brown. Il se passionne également pour Arsène Lupin et Rouletabille. Pour Carr, Le Mystère de la chambre jaune est d’ailleurs LE chef d’oeuvre du roman policier. Très vite, la petite tête est pleine d’histoires qui ne demande qu’à prendre forme. Son entrée au collège de Hareford en 1925 lui donne l’occasion de prendre la plume, en participant au magazine littéraire de l’établissement. Il en devient l’éditeur en 1926, et à la fin de l’année entre en scène son premier détective, le chef de la sûreté de Paris Henri Bencolin, dans la nouvelle L’Ombre du malin. Deux ans plus tard, John Dickson Carr est à Paris, où il doit entrer à La Sorbonne. Mais le bonhomme préfère découvrir la ville qu’user ses fonds de culotte sur les bancs universitaires. Il travaille alors à un premier court roman dont le héros est Bencolin. De retour aux Etats-Unis, il peaufine son histoire, la rallonge. C’est Le Marié perd la tête qui signe le début de sa longue carrière. Car le livre obtient un francs succès. Henri Bencolin reprend du service pour quatre nouvelles aventures jusqu’en 1937. Mais c’est avec un autre personnage que Carr affirme son talent : l’imposant Dr Gideon Fell, obèse amateur de bière et fumeur de pipe, inspiré de Chesterton, qui apparaît en 1933 dans Le Gouffre aux sorcières. Vingt trois romans suivront jusqu’en 1967. Mais Carr, alors installé à Londres depuis son mariage en 1931 avec la jeune anglaise Clarice Cleaves, n’est pas du genre à s’endormir sur ses lauriers. Dès 1934, il invente un nouveau personnage : Sir Henry Merrivale, chef des services secrets anglais. "H.M" est en fait le portrait craché de Mycroft Holmes, le frère de Sherlock. Mais progressivement, Carr cultive la ressemblance de son héros avec Winston Churchill, qu’un journaliste s’était amusé à souligner. Fell et Merrivale sont deux personnages fantasques, plus intuitif que déductif comme Sherlock, ce qui permet à Carr de mettre en avant un humour qui le distingue pour l’époque. Sir Henry sévit jusqu’en 1953, dans 22 romans en tout. Enfin, en 1938, arrive le dernier grand héros de Carr, le colonel March, animateur d’un curieux service de Scotland Yard, le Département des causes bizarres. March n’apparaît que dans 9 nouvelles, mais reste peut-être le plus célèbre des détectives dicksonien grâce à la série télévisée où il est incarné par le comédien Boris Karloff. Auteur prolifique, John Dickson Carr écrit également quelques romans historiques, plus de 80 pièces radiophoniques pour la BBC et CBS à partir des années 1940, et une monumentale biographie de Conan Doyle, La vie de Sir Arthur Conan Doyle, 1949, saluée par la critique. Après la guerre, sa production est moins intensive, et son succès nettement moindre. Le roman noir est à son zénith. John Dickson Carr ne goûte guère le genre, lui qui refuse le réalisme, en situant même la plupart de ses intrigues à la frontière du fantastique. Maître de l’énigme en chambre close, il dépasse cependant largement ce cadre étroit par son imagination, la luxuriance de ses personnages, ses atmosphères prenantes et son humour toujours brillant. Qualités qui lui vaudront son retour en grâce dans les années 1980, quelques années après sa mort le 27 février 1977.
Ses principaux ouvrages sont : Trois cerceuils se refermeront, Les meurtres de la licorne, La Maison du bourreau, La Chambre ardente, Le Lecteur est prévenu.

Sa vie

Fils d'un avocat spécialisé dans les affaires criminelles et politicien de l'état de Pennsylvanie, John Dickson Carr découvre dans la vaste bibliothèque de son père les auteurs qui vont marquer son écriture : Alexandre Dumas, Robert Louis Stevenson et Frank L. Baum. Il a huit ans quand ses parents s'installent à Washington. Grâce à l'appui d'un ami de la famille, le journaliste William O'Neil Kennedy, il fait paraître à quatorze ans ses premiers comptes rendus de manifestations sportives ou de procès criminels dans le Daily News Standard, un quotidien de sa ville natale. Pendant cette période, il s'intéresse aussi à de célèbres affaires des annales judiciaires d'Amérique et d'Europe. Il écrit une première nouvelle policière à l'âge de quinze ans. Plusieurs autres récits criminels et quelques poèmes paraîtront dans le journal de son établissement scolaire.

Après ses études au Haverford College, au demeurant peu brillantes en mathématiques et sciences, mais remarquables en histoire et littérature, il est envoyé pour une année à Paris en 1928, sous prétexte de compléter ses études. Carr est fasciné par la capitale française depuis qu'il connaît les enquêtes du Chevalier Dupin d'Edgar Poe et qu'il a découvert, quelques années plus tôt, les aventures d'Arsène Lupin de Maurice Leblanc. À la même époque, il se passionne aussi pour les aventures de Sherlock Holmes et du Père Brown, de même que pour les textes de Jacques Futrelle, mais surtout pour les exploits de Joseph Rouletabille, notamment Le Mystère de la chambre jaune, ce roman de Gaston Leroux qu'il considèrera toute sa vie comme le chef-d'œuvre incontesté du roman policier. Pendant son séjour à Paris, le jeune écrivain, qui a déjà publié quelques nouvelles policières dans le journal de son collège The Haverfordian, fréquente, médusé, le théâtre d'horreur du Grand-Guignol et transpose son expérience dans une novella court roman qui sert de base à son premier roman Le marié perd la tête. En effet, de retour en Amérique en 1930, il se rend chez un oncle de Pittsburg pour s'atteler à l'écriture de ce premier roman d'énigme, où apparaît l'enquêteur français Henri Bencolin déjà présent dans quatre nouvelles insérées, à partir de décembre 1926, dans le journal du Haverford College. 15 000 exemplaires de ce coup d'essai sont écoulés en une semaine et ce succès inattendu conforte le jeune homme dans sa volonté de devenir un auteur de roman policier. Pour l'heure, la jolie somme qui lui échoit lui permet de s'offrir un deuxième séjour en France, en compagnie cette fois de son ami O'Neil Kennedy. Lors de la traversée du retour, à bord de paquebot Pennland, il rencontre sa future femme, Clarice Cleaves, une jeune Anglaise de Bristol. Le mariage est célébré en 1931. Le couple élit domicile en Amérique, mais à la suggestion de Clarice, s'installe en Angleterre dès 1933, d'abord dans les environs de Bristol, puis dans la capitale britannique à partir de 1937. John Dickson Carr est déjà à cette époque un prolifique auteur de fictions policières aux intrigues se déroulant dans le cadre de la campagne anglaise, des grands propriétés terriennes et de petits villages verdoyants, nichés au creux des vallons ex.: Le Naufragé du Titanic, Les Yeux en bandoulière, bien que certains récits prennent naissance au cœur du Londres métropolitain, ex.: Le Chapelier fou, Trois cercueils se refermeront et, plus rarement, aux États-Unis ex.: La Chambre ardente.
En 1936, après six années de carrière, Carr a déjà publié dix-sept romans, dont plusieurs, encensés par la critique, rencontrent un égal succès des deux côtés de l'Atlantique. Aussi est-il le premier écrivain américain, cette année-là, à être invité au Detection Club, une association britannique d'auteurs de roman policier qui compte notamment dans ses rangs Agatha Christie, Dorothy L. Sayers, Anthony Berkeley, R. Austin Freeman, John Rhode, Freeman Wills Crofts, et dont le président est G. K. Chesterton. Carr sera pendant plus de dix ans le secrétaire honoraire de cette prestigieuse institution qui n'accueillera dans toute son histoire qu'un seul autre membre étranger, l'américaine Patricia Highsmith en 1975.
Même si la Seconde Guerre mondiale le frappe de plein fouet, Carr continue de publier à un rythme soutenu. Pourtant, sa maison de Londres est bombardée, de même que l'hôtel où il trouve ensuite refuge, tout comme l'est également le cottage de ses beaux-parents à Bristol où sa femme s'installe avec leurs derniers meubles. Ces circonstances précaires n'empêchent pas l'écrivain de rédiger, à l'invitation de la BBC, plusieurs feuilletons policiers pour la radio et de collaborer à des émissions de propagande. Au printemps de 1942, il rentre en Amérique pour se mettre à la disposition des autorités après l'attaque de Pearl Harbor et l'entrée en guerre des États-Unis. Il devient alors l'un des principaux auteurs de la nouvelle série radiophonique Suspense, diffusée par la CBS pour laquelle il rédige une vingtaine de scripts. Carr reprend ensuite ces pièces radiophoniques et en écrit une dizaine de plus pour la série radiophonique britannique Appointment with Fear. Après la guerre, pour une autre série radiophonique intitulée Cabin B-13, d'après le titre d'une de ses pièces, Carr donne une quinzaine de textes supplémentaires. La série est diffusée de juillet 1948 à janvier 1949 sur les ondes de CBS5. À la même époque, Carr obtient des héritiers d'Arthur Conan Doyle l'autorisation d'écrire la biographie du créateur de Sherlock Holmes. Il a collecté d'innombrables documents et reçu plusieurs témoignages, lu toute la correspondance du romancier et a pu consulté à loisir les archives familiales mises à sa disposition par le plus jeune fils de l'écrician, Adrian, dont il était devenu l'ami en 1943 à la suite d'une rencontre dans les couloirs de la BBC. Avec Adrian, il conçoit également, Les Exploits de Sherlock Holmes, une série de nouvelles prolongeant les aventures du célèbre limier de Baker Street.

Alors que sa réputation d'écrivain est à son faîte, Carr retourne en Amérique en 1948, d'abord pour un bref séjour, puis, à la fin des années 1950, il rentre définitivement dans son pays natal. À ce tournant de sa carrière, il délaisse un peu le roman d'énigme classique au profit du roman policier historique, les deux genres se partageant dès lors les parutions qui s'espacent avec les années. Dès février 1949, l'association des Mystery Writers of America lui propose la présidence de leur association et lui décerne un prix Edgar-Allan-Poe pour sa biographie de Conan Doyle. La même association l'honore à nouveau en 1962 par la remis d'un Grand Master Award pour l'ensemble de son œuvre.En 1963, dans une petite ville de l'état de New York, où il réside, l'écrivain est victime d'une crise cardiaque qui le laisse paralysé du côté gauche. Il n'en continue pas moins d'écrire encore des romans, et même, à partir de 1969, de rédiger une chronique mensuelle dans le Ellery Queen's Mystery Magazine. Dans les années 1970, il déménage en Caroline du Sud, où il meurt d'un cancer du poumon en 1977.

Situation et composantes de l'œuvre

Carr appartient à l'école classique, dite du whodunit, tout comme Agatha Christie, Margery Allingham, Rex Stout ou Ellery Queen. Son œuvre, qui couvre quatre décennies du premier roman, Le marié perd la tête It Walks By Night, publié en 1930, au dernier, Les Nouveaux Mystères d'Udolpho The Hungry Goblin, paru en 1972. Le tout compte 72 romans, 47 nouvelles, 92 pièces radiophoniques, 4 pièces pour la scène et la biographie de Sir Arthur Conan Doyle susmentionnée. Carr a également fait paraître des articles et critiques concernant la littérature policière.
Le thème dominant en est le crime impossible, dont Carr a exploré toutes les variantes possibles et imaginables, de la classique chambre close à l'assassin invisible, en passant par le meurtre commis sur une plage vierge de toute empreinte ou au sommet d'une tour inaccessible. Le modèle du genre est pour lui Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux qu'il a cherché à surpasser en élaborant un grand nombre de romans reprenant ce motif dont les solutions s'avèrent tout aussi renouvelées qu'implacablement logiques.
Pour lui, le mystère est souvent l'occasion de suggérer une hypothèse surnaturelle et de donner à ses intrigues une coloration fantastique, même si l'explication finale demeure inévitablement rationnelle. La Chambre ardente 1937 demeure l'exception à cette règle et s'avère, peut-être pour cette raison même, son livre le plus connu. Ce roman a été adapté au cinéma par Julien Duvivier en 1962.

Pour résoudre ses intrigues tortueuses à souhait, Carr crée pendant sa carrière quatre limiers plus grands que nature :
Henri Bencolin apparaît dans les nouvelles de jeunesse de l'auteur, ainsi que dans cinq de ses premiers romans. Juge d'instruction parisien dont le physique comme la morale ne sont pas sans évoquer Méphistophélès, il dénoue des énigmes parmi les plus proches du fantastique, voire de l'horreur pure que Carr ait écrites. Atmosphère poisseuse, personnages dégénérés, meurtres sanglants sont les ingrédients courants de cette série.
Le Dr Gideon Fell, calqué sur l'écrivain anglais et idole de Carr G. K. Chesterton, apparaît pour la première fois en 1933 dans Le Gouffre aux sorcières. Obèse au point de se déplacer avec une ou plusieurs cannes, perpétuellement échevelé et pourvu d'une moustache de brigand, c'est un bon vivant, plaisamment excentrique et grand amateur de bière. Certains des livres où il mène l'enquête sont considérés par les amateurs comme les plus grandes réussites de l'auteur, notamment Trois cercueils se refermeront, consacré en 1981 meilleur roman de chambre close de tous les temps par un panel d'experts américains.
Sir Henry Merrivale, surnommé parfois H. M, Her Majesty, est, quant à lui, inspiré à la fois de Winston Churchill et de Mycroft Holmes, le frère de Sherlock, en hommage à Conan Doyle10. Obèse tout comme Gideon Fell, Henry Merrivale est toutefois, à l'image de son modèle, beaucoup plus actif et humoristique. Indifférent aux règles et aux normes sociales, en guerre permanente contre l'establishment auquel pourtant il appartient, il est toujours prêt à râler ou à dire quelques obscénités. Il n'en est pas moins doté d'un intellect aussi affûté qu'une lame de rasoir. D'abord assez macabres, ses aventures évoluèrent progressivement vers le slapstick.
Le colonel Perceval March, enfin, n'apparaît que dans une poignée de nouvelles. Il dirige à Scotland Yard un Service des Causes Bizarres, le D-5, chargé de tous les cas de crimes impossibles. Boris Karloff lui prêta ses traits dans une série télévisée britannique de 26 épisodes : Les Aventures du colonel March 1954 - 1956.
Hormis La Chambre ardente, un seul autre roman de Carr, Un coup sur la tabatière, a été porté à l'écran sous le titre That Woman Opposite 1957 par Compton Bennett avec Phyllis Kirk, Dan O'Herlihy et Petula Clark. Toutefois, nombre de ses romans et nouvelles, et même sa pièce radiophonique Cabine B-13, sont devenus des téléfilms ou des épisodes de séries policières.
En France, la collection Le Masque a publié, traduit ou réédité la quasi-totalité des romans de John Dickson Carr de la fin des années 1980 au début des années 2000. En outre, 7 volumes omnibus regroupant près de la moitié de la production de l'auteur sont parus chez cet éditeur entre octobre 1991 et juin 2003. De 2006 à 2009, les Éditions L'Atalante ont publié l'intégrale en 4 volumes des pièces radiophoniques de Carr, sous la houlette de Roland Lacourbe. Parmi les derniers romans de Carr traduit en français, on dénombre En dépit du tonnerre, Paris, Rivages/Mystère, 1987, et Les Nouveaux Mystères d'Udolpho, Paris, Rivages/Noir, 2010. En date d'avril 2014, exception faite de l'étude historique The Murder of Sir Edmund Godfrey, le roman The Ghost's High Noon demeure le seul inédit en France.

Œuvre
Romans et recueils de nouvelles de John Dickson Carr

Titre français Année de parution française
et éventuelle dernière réédition Type Éventuel héros détective Année de publication Titre britannique Éventuel titre américain
Le marié perd la tête Le Masque no 1802, 1985 roman policier Henri Bencolin 1930 It Walks by Night
La Mort sous un crâne Le Masque no 2065, 1991 roman policier Henri Bencolin 1931Castle Skull
Le Secret du gibet L'Empreinte no 10, 1932
Le Masque no 2016, 1990 roman policier Henri Bencolin 1932 The Lost Gallows
La Main de marbre Le Masque no 268, 1939 - 1995 roman policier Patrick Rossiter 1932 Poison in Jest
Clés d'argent et Figures de cire Le Masque no 639, 1959 - 1994 roman policier Henri Bencolin 1932 The Corpse in the Waxworks The Waxworks Murder
Le Gouffre aux sorcières Le Masque no 1944, 1989 roman policier Dr Gideon Fell 1933 Hag's Nook
Le Chapelier fou Le Masque no 2108, 1992 roman policier Dr Gideon Fell 1933 The Mad Hatter Mystery
Le Huit d'épées Le Masque no 2172, 1994 roman policier Dr Gideon Fell 1934 The Eight of Swords
Le Barbier aveugle Le Masque no 2113, 1993 roman policier Dr Gideon Fell 1934 The Blind Barber
Les Meurtres de Bowstring L'Énigme, 1948
Le Masque no 1954, 1989 roman policier historique John Gaunt 1934 The Bowstring Murders
La Maison de la peste L'Énigme, 1949
Le Masque no 2087, 1992 roman policier Sir Henry Merrivale 1934 The Plague Court Murders
La Mort dans le miroir /
autrefois titré : S.M. intervient Détective-club Suisse no 8, 1945
Le Masque no 2096, 1992 roman policier Sir Henry Merrivale 1934 The White Priory Murders
L'Arme à gauche Le Masque no 2159, 1994 roman policier Dr Gideon Fell 1935 Death-Watch
Trois cercueils se refermeront Le Masque no 1923, 1988
Le Club des Masques no 606, 1991 roman policier Dr Gideon Fell 1935 The Hollow Man The Three Coffins
La Maison du bourreau L'Empreinte no 97, 1936
Le Masque no 1863 1986 roman policier Sir Henry Merrivale 1935 The Red Widow Murders
Les Meurtres de la licorne Le Masque no 2041, 1991 roman policier Sir Henry Merrivale 1935 The Unicorn Murders
Le Meurtre des Mille et Une Nuits Le Masque no 1960, 1989 roman policier Dr Gideon Fell 1936 The Arabian Nights Murder
inédit en français étude historique d'un meurtre de 1678 1936 The Murder of Sir Edmund Godfrey
Arsenic et Boutons de manchette L'Énigme, 1947
Le Masque no 1976, 1989
Le Club des Masques no 626, 1993 roman policier Sir Henry Merrivale 1936 The Punch and Judy Murders The Magic Lantern Murders
La police est invitée L'Empreinte no 144, 1938
Le Masque no 1946, 1989
Le Club des Masques no 634, 1994 roman policier Sir Henry Merrivale 1937 The Ten Teacups The Peacock Feather Murders
Feu sur le juge ! Le Yard no 43, 1952
Le Masque no 2129, 1993 roman policier fondé sur une pièce radiophonique Commissaire-adjoint Marquis 1937 The Third Bullet
La Chambre ardente L'Empreinte police no 23, 1948
Le Masque no 1986, 1990
Masque poche no 35, 2014 roman policier fantastique Gaudan Cross 1937 The Burning Court
Le Retour de Bencolin Le Masque no 1957, 1989 roman policier Henri Bencolin 1938 The Four False Weapons
À réveiller les morts Le Masque no 1973, 1989 roman policier Dr Gideon Fell 1938 To Wake the Dead
Le Naufragé du Titanic L'Empreinte no 174, 1939
Le Masque no 1891, 1987 roman policier Dr Gideon Fell 1938 The Crooked Hinge
La Flèche peinte Loisirs-Police, 1941
Le Masque no 1934, 1988 roman policier Sir Henry Merrivale 1938 The Judas Window The Crossbow Murders
Ils étaient quatre à table Détective-club Suisse
no 11, 1945
Le Masque no 2024, 1990 roman policier Sir Henry Merrivale 1938 Death in Five Boxes
Les Yeux en bandoulière J'ai lu policier no 69, 1968
Le Masque no 1843, 1986
Le Club des Masques no 607, 1991 roman policier Dr Gideon Fell 1939 The Black Spectacles The Problem of the Green Capsule
Meurtre après la pluie Détective-club Suisse
no 24, 1947
Le Masque no 1906, 1987 roman policier Dr Gideon Fell 1939 The Problem of the Wire Cage
Mort dans l'ascenseur
(en collaboration avec John Rhode Le Limier no 39, 1951
Masque no 1950, 1989
Le Club des Masques no 627, 1993 roman policier Inspecteur Hornbeam et
Dr Horatio Glass 1939 Drop to his Death Fatal Descent
Le lecteur est prévenu L'Empreinte no 182, 1940
Le Masque no 1940, 1988
Le Club des Masques no 617, 1992 roman policier Sir Henry Merrivale 1939 The Reader is Warned
Service des affaires inclassables Le Masque no 1919, 1988 nouvelles policières Colonel Perceval March 1940 The Department of Queer Complaints
Un fantôme peut en cacher un autre Le Masque no 1898, 1987 roman policier Dr Gideon Fell 1940 The Man Who Could Not Shudder
Eh bien, tuez maintenant ! Le Masque no 1968, 1989 roman policier Sir Henry Merrivale1940 An So to Murder
Impossible n'est pas anglais/
autrefois titré : Le fantôme frappe trois coups Un mystère no 534, 1960
Le Masque no 1274, 1973 - 1986
Le Club des Masques no 423, 1980 roman policier Sir Henry Merrivale 1940 Murder in the Submarine Zone Nine and Death makes Ten / Murder in the Atlantic
Suicide à l'écossaise Détective-club Suisse
no 13, 1946
Le Masque no 1735, 1984
Le Club des Masques no 635, 1994 roman policier Dr Gideon Fell 1941 The Case of the Constant Suicides
On n'en croit pas ses yeux Détective-club Suisse no 15, 1946
Le Masque no 1799, 1985
Le Club des Masques no 619, 1992 roman policier Sir Henry Merrivale 1941 Seeing is Believing Cross of Murder
Le juge Ireton est accusé Détective-club Suisse
no 1, 1945
Le Masque no 1794, 1985 roman policier Dr Gideon Fell 1942 The Seat of the Scornful Death Turns the Tables
Un coup sur la tabatière Détective-club Suisse
no 5, 1946
Le Masque no 2033, 1991 roman policier Dr Dermot Kinross 1942 The Emperor's Snuffbox
L'Homme en or L'Énigme, 1947
Le Masque no 1917, 1988
Le Club des Masques no 628, 1993 roman policier Sir Henry Merrivale 1942 The Gilded Man The Dead and the Gilded Man
Je préfère mourir Détective-club Suisse no 19, 1946
Le Masque no 1883, 1987 roman policier Sir Henry Merrivale 1943 She Died a Lady
À la vie, à la mort Le Cercle rouge, 1946
Le Masque no 2027, 1990 roman policier Dr Gideon Fell 1944 Till Death Do Us Part
Il n'aurait pas tué Patience Le Cercle rouge, 1946
Le Masque no 2007, 1990 roman policier Sir Henry Merrivale 1944 He Wouldn't Kill Patience
L'habit fait le moine Détective-club Suisse no 23, 1947
Le Masque no 2018, 1990 roman policier fondé sur une pièce radiophonique Sir Henry Merrivale 1945 The Lord of Sorcerers The Curse of the Bronze Lamp
Celui qui murmure Détective-club Suisse
no 28, 1947
Le Masque no 2012, 1990 roman policier Dr Gideon Fell 1946 He Who Whispers
La Maison de la terreur L'Énigme, 1948
Le Masque no 1910, 1988
Le Club des Masques no 605, 1991 roman policier Sir Henry Merrivale 1946 My Late Wives
Le Sphinx endormi Détective-club Suisse no 35, 1947
Le Masque no 1785, 1985
Le Club des Masques no 604, 1991 roman policier Dr Gideon Fell 1947 The Sleeping Sphinx
Le Squelette dans l'horloge Fleuve noir LP no 12, 1983
Le Masque no 2104, 1992 roman policier Sir Henry Merrivale 1948 The Skeleton in the Clock
Satan vaut bien une messe J'ai lu policier no 80, 1968
Le Masque no 1850, 1986 roman policier Dr Gideon Fell / Patrick Butler 1949 Below Suspicion
Passe-passe Le Masque no 719, 1961 - 1989 roman policier Sir Henry Merrivale 1949 A Graveyard to Let
La Vie de Sir Arthur Conan Doyle Robert Laffont, 1958 biographie 1949 The Life of Sir Arthur Conan Doyle
La Fiancée du pendu Le Masque no 2078, 1992 roman policier historique 1950 The Bride of Newgate
La Nuit de la Veuve ricanante Sinfonia, 1987
Le Masque no 2348, 1997 roman policier Sir Henry Merrivale 1950 Night at the Mocking Widow
Le Diable de velours Le Masque no 2258, 1996 roman policier fantastique et historique 1951 The Devil in Velvet
Les Neuf Mauvaises Réponses Éditeurs français réunis, 1964
Le Masque no 2056, 1991 roman policier Bill Dawson 1952 The Nine Wrong Answers
Les Exploits de Sherlock Holmes
en collaboration avec Adrian Conan Doyle Robert Laffont, 1958
Le Livre de poche no 2423, 1968
in Sherlock Holmes, vol. 2, Robert Laffont, Bouquins, 1979 nouvelles policières Sherlock Holmes 1952 The Exploits of Sherlock Holmes
Le Rideau cramoisi Le Masque no 2403, 1998 roman policier Sir Henry Merrivale 1952 Behind the Crimson Blind
Le Fantôme du cavalier Le Masque no 2125, 1993 roman policier Sir Henry Merrivale 1953 The Cavalier's Cup
Capitaine Coupe-Gorge Le Masque no 2001, 1990 roman policier historique 1954 Captain Cut-Troath
Patrick Butler à la barre Le Masque no 1926, 1988
Le Club des Masques no 636, 1994 roman policier Patrick Butler 1956 Patrick Butler for the Defense
À chacun sa peur Le Masque no 2268, 1996 roman policier fantastique et historique 1956 Fear is the same
Hier, vous tuerez J'ai lu policier no 95, 1969
Le Masque no 1991, 1990 roman policier fantastique et historique Superintendant John Cheviot 1957 Fire, Burn!
Le mort frappe à la porte /
autrefois titré : Qui a peur de Charles Dickens ? J'ai lu policier no 99, 1969
Le Masque no 2005, 1990 roman policier historique Dr Gideon Fell 1958 The Dead Man's Knock
La Mort en pantalon rouge Le Masque no 1876, 1987
Le Club des Masques no 618, 1992 roman policier historique 1959 Scandal at High Chimneys: A Victorian Melodrama
En dépit du tonnerre Rivages/Mystère no 5, 1987 roman policier Dr Gideon Fell 1960 In Spite of Thunder
La Sorcière du Jusant Le Masque no 2210, 1995 roman policier historique 1961 The Witch of the Low Tide: An Edwardian Melodrama
Les Démoniaques Red Label no 13, 1978
Le Masque no 2045, 1991 roman policier historique 1962 The Demoniacs
(inédit en français sous cette forme nouvelles policières Fell/Merrivale/March 1964 The Men Who Explained Miracles
Le Grand Secret Le Masque no 2318, 1997
Labyrinthes no 95, 2001 roman policier historique 1964 Most Secret
Le Spectre au masque de soie Le Masque no 2427, 1999 roman policier Dr Gideon Fell 1965 The House at Satan's Elbow
Panique dans la baignoire Le Masque no 2221, 1995 roman policier Dr Gideon Fell 1966 Panic in Box C
Lune sombre Red Label no 16, 1978
Le Masque no 1979, 1989 roman policier Dr Gideon Fell 1967 Dark of the Moon
Papa là-bas Le Masque no 2141, 1993 roman policier historique 1968 Papa La-Bas
inédit en français roman policier historique 1970 The Ghost's High Noon
Le Manoir de la mort Le Masque no 2053, 1991 roman policier historique 1971 Deadly Hall
Les Nouveaux Mystères d'Udolpho Rivages/Noir no 758, 2010 roman policier historique Wilkie Collins 1972 The Hungry Goblin: A Victorian Detective Novel
Grand Guignol Le Masque no 2250, 1995 nouvelles policières Henri Bencolin 1980 The Door Doom and Other Detections
reprise partielle de ce recueil en français

Nouvelles isolées de la série Henri Bencolin

The Shadow of the Goat 1926
Publié en français sous le titre L'Ombre du malin, dans Vingt mystères de chambres closes, Paris, Terrain Vague/Losfeld, 1988 ; réédition dans Grand Guignol, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2250, 1995
The Fourth Suspect 1927
Publié en français sous le titre Le Quatrième Suspect, dans Grand Guignol, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2250, 1995
The Ends of Justice 1927
Publié en français sous le titre Justice aveugle, dans Grand Guignol, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2250, 1995
The Murder in Number Four 1928
Publié en français sous le titre Le Mystère du compartiment quatre, dans Les Détectives de l'impossible, Paris, Terrain Vague/Losfeld, 1991 ; réédition dans Grand Guignol, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2250, 1995
Grand Guignol 1929, longue nouvelle ou court roman
Publié en français sous le titre Grand Guignol, dans Grand Guignol, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2250, 1995

Nouvelles isolées de la série Gideon Fell

The Wrong Problem 1936
Publié en français sous le titre L'À-côté de la question, Paris, Opta, Mystère magazine no 3, mars 1948 ; réédition dans le recueil Feu sur le juge !, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2129, 1993 ; réédition dans John Dickson Carr Tome 6, Librairie des Champ-Élysées, coll. Intégrales du Masque, 1999
The Proverbial Murderer ou The Proverbial Murder 1940
Publié en français sous le titre Tragédies et Proverbes, Paris, Opta, Mystère Magazine no 2, février 1948 ; réédition, Paris, Opta, L'Anthologie du Mystère no 6, mars 1965 ; réédition dans le recueil Feu sur le juge !, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2129, 1993 ; réédition dans John Dickson Carr Tome 6, Librairie des Champ-Élysées, coll. Intégrales du Masque, 1999
The Locked Room 1940
Publié en français sous le titre Le Bureau fermé, Paris, Opta, Mystère Magazine no 4, avril 1948 ; réédition, Paris, Opta, L'Anthologie du Mystère no 3, 1963 ; réédition dans Les Chefs-d'oeuvre du crime, Bruxelles, Gérard Marabout Géant no 254, 1966 ; réédition, Paris, Opta, L'Anthologie du Mystère no 17, 1973 ; réédition dans Le Masque vous donne de ses nouvelles, Paris, Librairie des Champ-Élysées, Le Masque, 1989 ; réédition dans Le Récit policier II, Paris, Nathan, 1994 ; réédition dans John Dickson Carr Tome 6, Librairie des Champ-Élysées, coll. Intégrales du Masque, 1999
The Incautious Burglar ou A Guest in the House 1940
Publié en français sous le titre Le Cambrioleur imprudent, Paris, Opta, Mystère Magazine no 124, septembre 1971 ; réédition dans le recueil Feu sur le juge !, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2129, 1993 ; réédition dans John Dickson Carr Tome 6, Librairie des Champ-Élysées, coll. Intégrales du Masque, 1999
Death by Invisible Hands ou King Arthur's Chair 1949
Publié en français sous le titre La Mort par des mains invisibles, Paris, Opta, Mystère Magazine no 126, juillet 1958 ; réédition dans le recueil Feu sur le juge !, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2129, 1993 ; réédition dans John Dickson Carr Tome 6, Librairie des Champ-Élysées, coll. Intégrales du Masque, 1999

Nouvelles isolées de la série Henry Merrivale

The House of Goblin Wood 1947, nouvelle mettant en scène Sir Henry Merrivale
Publié en français sous le titre La Maison de Goblin Wood, dans Ellery Queen présente 14 histoires de meurtres, Paris, Chanteclerc, 1979 ; réédition dans Les Meilleures Histoires de chambres closes, Paris, Minerve, 1985
Ministry of Miracles ou ou The Man Who Explained Miracles ou All in a Maze 1956, longue nouvelle ou court roman
Publié en français sous le titre L'Homme qui expliquait les miracles, dans le recueil L'Homme qui expliquait les miracles, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2183, 1994

Autres nouvelles isolées

As Drink the Dead... 1926, nouvelle historique
The Red Heels 1926, nouvelle historique
The Dim Queen 1926, nouvelle historique
The Blue Garden 1926, nouvelle historique
The Devil-Gun 1926
The Inn in the Seven Swords 1927, nouvelle historique
Publié en français sous le titre À l'Auberge des Sept Épées, dans le recueil L'Homme qui expliquait les miracles, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2183, 1994
The Deficiency Expert 1927
The Dark Banner 1928
The Man Who Was Dead 1935
The Door to Doom 1935
Publié en français sous le titre Aux portes de l'épouvante, Paris, Polar no 6, octobre 1979 ; réédition dans L'Homme qui expliquait les miracles, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2183, 1994
Terror's Dark Tower 1935
Publié en français sous le titre La Tour de la terreur, dans Vingt-cinq histoires de chambres closes, Nantes, L'Atalante, « Bibliothèque de l'évasion », 1997
Harem-Scarem 1939, nouvelle historique
The Diamond Pentacle 1939
Publié en français sous le titre Le Pentacle de diamants, dans le recueil L'Homme qui expliquait les miracles, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2183, 1994
Strictly Diplomatic 1939
Publié en français sous le titre Immunité diplomatique, Paris, Opta, Mystère Magazine no 8, août 1948 ; réédition, Paris, Opta, L'Anthologie du Mystère no 1, 1961 ; réédition dans le recueil L'Homme qui expliquait les miracles, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2183, 1994
The Clue of the Red Wig 1940
Publié en français sous le titre L'Affaire de la perruque rousse, Paris, Opta, Mystère Magazine no 42, juillet 1951 ; réédition dans le recueil L'Homme qui expliquait les miracles, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2183, 1994
The Gentleman from Paris 1950
Publié en français sous le titre Le Testament perdu, Paris, Opta, Mystère Magazine no 69, octobre 1953 ; réédition dans le recueil L'Homme qui expliquait les miracles, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2183, 1994
Publié en français dans une autre traduction sous le titre Un gentilhomme de Paris, Paris, Opta, Mystère Magazine no 265, mars 1970
Publié en français dans une autre traduction sous le titre Le Gentleman de Londres, dans Petits Crimes du temps jadis, Paris, Éditions du Masque, 2001
The Black Cabinet 1951
Publié en français sous le titre Le Mouchard, Paris, Fayard, Le Saint détective magazine no 33, novembre 1957 ; réédition dans le recueil L'Homme qui expliquait les miracles, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2183, 1994
Detective's Day Off 1957
Stand and Deliver! 1973

Pièces radiophoniques

Cabin B-13 1943
Publié en français sous le titre Le Mari fantôme, dans le recueil L'Homme qui expliquait les miracles, Paris, Librairie des Champs-Élysées, Le Masque no 2183, 1994
Les titres ci-dessous ont été traduits dans l'intégrale des pièces radiophoniques, Rendez-vous avec la peur, vol.1, traduction de Danièle Grivel, publiée chez L'Atalante en 2006 :
Who Killed Matthew Corbin? 1939, traduit sous le titre Qui a peur de Matthew Corbin ?
The Black Minute 1940, traduit sous le titre La Mort dans les ténèbres
The Devil in the Summer-House 1940, traduit sous le titre Le Diable dans le pavillon
The Hangman Won't Wait 1943, traduit sous le titre Le bourreau n'attendra pas
The Dead Sleep Lightly 1943, traduit sous le titre Les morts ont le sommeil léger

Prix et distinctions

Edgar du Grand Maître Grand Master Award 1963 pour l'ensemble de sa carrière, décerné par les Mystery Writers of America
Grand prix de littérature policière 1969 du meilleur roman policier étranger pour Hier vous tuerez

Adaptations Au cinéma

1951 : The Man with a Cloak de Fletcher Markle , d'après la nouvelle Le Gentleman de Londres.
1953 : Meurtre à bord Dangerous Crossing de Joseph M. Newman, d'après la pièce radiophonique Cabine B-13.
1957 : That Woman Opposite de Compton Bennett, d'après le roman Un coup sur la tabatière.
1962 : La Chambre ardente de Julien Duvivier, d'après le roman homonyme.

À la télévision

1952 : The Devil in Velvet, téléfilm américain réalisé par Paul Nickell, d'après le roman Le Diable de velours.
1956 : Les Aventures du colonel March ou Colonel March, série britannique de 26 épisodes de 26 minutes, d'après les nouvelles mettant en scène Perceval March, avec Boris Karloff dans le rôle-titre.
1956 : Till Death Do Us Part, adaptation du roman À la vie, à la mort pour un épisode de la série télévisée américaine General Motors Presents saison 1, épisode 32, avec Corinne Conley et Patrick Macnee.
1960 : The Burning Court, épisode de série américaine Dow Great Mysteries, avec Barbara Bel Geddes et George C. Scott, d'après La Chambre ardente.
1961 : Los Suicidios constantes, téléfilm argentin, d'après Suicide à l'écossaise.
1964 : The Judas Window, épisode 5, saison 1, réalisé par Edgar Wreford pour la série britannique Detective, d'après le roman La Flèche peinte.
1969 : And So to Murder, épisode 5, saison 1, réalisé par Douglas Camfield pour la série britannique Detective, d'après le roman Eh bien, tuez maintenant !.
1979 : La Dama Dei Veleni, mini-série italienne réalisée par Silverio Blasi, d'après La Chambre ardente.
1979 : Morte a Passo di Valzer, mini-série italienne réalisée par Giovanni Fago, d'après le roman Hier, vous tuerez.
1981 : Tri Colpi di fucile, adaptation du roman À la vie, à la mort pour un épisode réalisé par Umberto Ciapetti de la série italienne Programa a Cura di ida Crimi.
1982 : L'Occhio di Guida, adaptation du roman La Flèche peinte pour un épisode réalisé par Umberto Ciapetti de la série italienne Programa a Cura di ida Crimi.
1983 : Mano no naka no satsujin, téléfilm japonais réalisé par Yoshio Inoue, d'après le roman Un coup sur la tabatière.
1989 : Les Yeux en bandoulière, épisode de la série franco-belge Le Masque réalisé par Patrick Guinard, d'après le roman homonyme.
1992 : Treacherous Crossing, téléfilm réalisé par Tony Wharmby, d'après la pièce radiophonique La Cabine B-13, avec Lindsa
Liens
http://youtu.be/2IyZTKIns9Y Suspense (Anglais)



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#247 Fernando de Passoa
Loriane Posté le : 29/11/2014 21:38
Le 30 novembre 1935, meurt Fernando António Nogueira Pessoa

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à 47 ans, des suites de son alcoolisme, à Lisbonne Portugal, écrivain, critique, polémiste et poète portugais trilingue anglais, dans une faible mesure français, et principalement portugais.Il a pour autre pseudos Bernardo Soares, Alberto Caeiro, Ricardo Reis, Alvaro de Campos, né le 13 juin 1888 à Lisbonne, ville où il meurt , il a vécu une partie de son enfance en Afrique du Sud.
Théoricien de la littérature engagé dans une époque troublée par la guerre et les dictatures, inventeur inspiré par Cesário Verde du sensationnismecf, ses vers mystiques et sa prose poétique ont été les principaux agents du surgissement du modernisme au Portugal.
... est-ce que je sais que je vis, ou bien seulement que je le sais ?
— Poèmes inconnus d'Alberto Caeiro.
Pessoa flâneur, poète de l'errance, auteur d'une flânerie, Lisbon revisited, et d'un guide touristique posthume anglais

En bref

Né et mort à Lisbonne, mais élevé en Afrique du Sud, alors britannique, poète bilingue, à la fois cosmopolite et nationaliste, sentimental et cynique, rationaliste et mystique, classique et baroque, Fernando Pessoa éprouvait très fortement le sentiment de n'être personne, à moins d'être plusieurs. C'est autour de cette intuition que s'organise son œuvre. Incapable de gérer ses contradictions dans la vie, il en a fait la matière de ses livres. Prenant Shakespeare pour modèle, il définit son entreprise comme un drama em gente, drame en personnes ; il fait dialoguer entre eux les divers moi qui existent virtuellement en lui et leur donne une réalité fictive par l'écriture. Mais on peut aussi lire son œuvre comme une sorte d'épopée intellectuelle, qui décrit l'exploration non de terres lointaines, comme celle de Camões, mais de modes d'être inconnus.
Ce qui déconcerte ou fascine ses lecteurs, c'est l'existence en lui de tous ces auteurs hétéronymes dont il a écrit les œuvres et assumé les personnalités : le poète paysan Alberto Caeiro, le docteur Ricardo Reis, l'ingénieur Álvaro de Campos, l'employé de bureau Bernardo Soares et bien d'autres. L'auteur orthonyme, Fernando Pessoa lui-même c'est, paradoxalement, son vrai nom, qui signifie personne, joue sa partie dans ce concert, au même titre que les autres. Pessoa est donc à lui seul plus qu'une pléiade. Il est à la fois chacun des poètes qui la constituent et le poète total qui les contient tous. Mais cet éclatement de son être en plusieurs personnes distinctes ne serait qu'une curiosité clinique s'il ne s'agissait pas aussi d'un acte créateur, destiné à changer la vie.

Sa vie

L'enfant, qui a grandi en face de l'opéra de Lisbonne, 4 place Saint-Charles dans le quartier du Chiado, perd à l'âge de cinq ans son père, emporté le 13 juillet 1893 dans sa quarante quatrième année par la tuberculose. Ce père, Joaquim de Seabra Pessoa , fils d'un général qui s'était illustré durant la Guerre civile portugaise, travaillait comme fonctionnaire du secrétariat à la Justice et publiait régulièrement des critiques musicales dans le Diário de Notícias il a en outre publié une brochure sur le Hollandais Volant. Le 2 janvier 1894, c'est au tour de son frère né en juillet 1893, Jorge, de mourir. Le garçon, alors que la famille a dû en novembre emménager avec une grand-mère maternelle dans une maison plus modeste 104 rue Saint Marcel, s'invente un double, le Chevalier de Pas, et dédie un premier poème annonciateur de prédilections futures À ma chère maman.
Sa mère, Maria Magdalena Pinheiro Nogueira, îlienne de Terceira, femme de culture quadrilingue et versificatrice à ses heures, de qui le père, directeur général du ministère de la Reine, fréquentait entre autres personnalités le poète Tomás Ribeiro, avait appris l'anglais auprès du précepteur des infants. Elle s'était remariée, par procuration, en décembre 1895 avec le consul du Portugal à Durban, le commandant João Miguel Rosa, qui lui avait été présenté à Lisbonne quatorze mois plus tôt, avant la nomination de celui-ci. Elle embarqua avec son fils le 7 janvier 1896 pour rejoindre son nouvel époux au Natal, colonie autonome d'Afrique du Sud, où l'éducation de l'enfant se poursuivit en anglais. Celui-ci franchit en deux années les quatre de l'enseignement primaire dispensé par les sœurs irlandaises et françaises de l'école catholique Saint-Joseph.

Vie en Angleterre

Introverti et modeste dans ses échanges, Fernando Pessoa se montre un frère amuseur en organisant des jeux de rôles ou en faisant le clown devant la galerie, attitude ambivalente qu'il conservera toute sa vie.
Devenu le crac solitaire et inapte au sport du lycée de Durban il est premier en français en 1900, il est admis en juin 1901 au lycée du Cap de Bonne Espérance. C'est l'année où meurt sa seconde demi-sœur, Madalena Henriqueta, âgée de deux ans, et où il s'invente le personnage d'Alexander Search dans lequel il se glisse pour écrire des poèmes, en anglais, langue qui restera, sans exclusivité, celle de son écriture jusqu'en 1921. Il y en aura cent dix-sept, le dernier datant de 1909. Ses tentatives d'écrire des nouvelles, parfois sous le pseudonyme de David Merrick ou de Horace James Faber, sont des échecs.
Cependant, à la rentrée scolaire, il est avec sa famille sur le paquebot qui conduit via Alexandrie le corps de sa sœur jusqu'à une sépulture lisboète. En mai 1902, le voyage familial se prolonge aux Açores où habite la famille maternelle. Sa belle-famille, rentrant sans lui, le laisse visiter de son côté sa famille paternelle à Tavira en Algarve. C'est seul qu'il regagne Durban en septembre. Préparant seul son entrée à l'université, il suit parallèlement des cours du soir au Lycée de Commerce de Durban. En novembre 1903, il est lauréat d'anglais, sur huit cent quatre-vingt-dix-neuf candidats, à l'examen d'admission à l'Université du Cap de Bonne Espérance.
C'est toutefois de nouveau au lycée de Durban qu'il suit l'équivalent d'une khâgne. Ébloui par Shakespeare, il compose alors, en anglais, Le Marin, première et seule pièce achevée des cinq œuvres dramatiques qu'il produira. Il est publié pour la première fois en juillet 1904 par Le Mercure du Natal pour un poème signé Charles Robert Anon, comme anonyme. Le journal du lycée de décembre 1904 révèle par un article intitulé Macaulay ses talents de critique. Il achève ses études undergraduate en décembre 1904 en obtenant précocement le diplôme Intermediate Examination in Arts.

Immigré à Lisbonne, exilé à soi-même

La dictature ne favorise pas la jeunesse. Les plus riches s'exilent à Paris. Fernando Pessoa rêve alors de s'éditer lui-même. C'est un échec.
En 1905, à l'âge de dix-sept ans, il part pour Lisbonne vivre auprès de sa grand-mère paternelle atteinte de démence à éclipses, Dionísia Perestrelo de Seabra, laissant sa mère à Durban, ce dans le but de devenir diplomate. Une santé fragile qu'il tente de maintenir par psychothérapie et gymnastique suédoise lui fait perdre une année universitaire et en octobre de l'année suivante, il s'inscrit au Cours Supérieur de Lettres, qui n'était pas encore faculté, mais son cursus est compromis par sa participation aux grèves estudiantines suscitées par le coup d'État du dictateur João Franco.
Fernando Pessoa à vingt ans en 1908. Devenu indépendant, tout en poursuivant en autodidacte des études littéraires et philosophiques, il entre alors dans la vie active et simultanément en écriture.
À la mort de sa grand-mère en août 1907, il se fait engager par l'agence américaine d'information commerciale R.G. Dun & Company. En septembre, il utilise la part d'héritage que sa grand-mère lui a laissé, pour ouvrir, 38 rue de la Conception de Gloire, un atelier de typographie et d'édition intitulé Ibisnote 8 et écrit sa première nouvelle aboutie, A Very Original Dinner, récit d'humour noir et de cannibalisme. En quelques mois, l'affaire tourne au désastre financier et en 1908 il se fait embaucher au journal Comércio comme correspondant étranger.
Il trouve également à travailler comme rédacteur de courrier commercial et traducteur indépendant pour différents transitaires du port. C'est en tant que traducteur commercial qu'il tirera jusqu’à la fin de sa vie son revenu de subsistance, revenu précaire qui l'aura fait passer par vingt maisons différentes, parfois deux ou trois simultanément.
C'est encore en 1908 qu'il inaugure une recherche intérieure, une longue marche vers soi, vers la connaissance d'un soi qui se révèle multiple, sous la forme d'un journal intime transcrivant dans ce qui devait devenir un drame en cinq actes, Tragédie subjective, le monologue de Faust, monologue qui ne s’arrêtera qu'avec la mort de l'écrivain et dont seuls des fragments ont été publiés. Cette quête intérieure répond à une errance physique, de chambre louée en chambre louée, de quartier en quartier, qui ne cessera qu'en 1921 et se ponctue de crises cénestopathiques.
Conscient de son état, il lit en 1910 Max Nordau, qui décrit le fou comme un dégénéré enfermé dans une subjectivité artistique, lecture qui le persuade que son génie à objectiver la perception du monde l'écarte de la folie. Aussi, en 1911, commence-t-il la rédaction, en anglais, de poèmes sensationnistes. Dépassant l'interprétation symboliste des correspondances de Baudelaire, le poète tend à travers celles-ci à restituer une perception non teintée de subjectivité d'un au-delà présent. Il réalise ainsi le projet nietzschéen d'une tragédie délivrée du moi de l'artiste. Il est conforté dans le sens mystique d'un tel dépassement par les expériences de dépersonnalisation décrites par Edgar Poe, écrivain qu'il a beaucoup lu depuis son arrivée à Lisbonne et qu'il traduira à l'instar d'un Mallarmé qu'il a également étudié de façon approfondie. Après le refus de Constable & Robinson de l'éditer, le 6 juin 1917, l'expérience sensationniste s'achèvera là sous cette forme, laissant place entièrement au projet futuriste, avant d'être repris comme testament de l'artiste. Les cinquante-deux poèmes composant The Mad Fiddler ne seront publiés qu'après 1979, quatre autres volumes et une tragédie en anglais, que l'auteur jugeait imparfaits, restant inédits.

Du critique au pasticheur maniaque

En 1912, il publie sa première critique en portugais suivies de deux autresnote 10 dans la revue nostalgiste L'Aigle, organe de la Renaissance Portugaise . Introduit par le frère de son beau-père, le général retraité Henrique Rosa, il entre dans le groupe Orpheu, cercle littéraire qui se forme autour de celui-ci et qui se réunit au moderne café A Brasileira. Il propose régulièrement de publier leurs créations à Alvaro Pinto, rédacteur de L'Aigle dans laquelle il prophétise la venue d'un super Camoens. À la fin de l'année, il trouve un hébergement, qu'il conservera jusqu'à la guerre, chez sa marraine et tante maternelle, Ana Luísa Pinheiro Nogueira dite Anica, 18 place des Carmes.
C'est alors, en 1913, qu'il verse dans l'ésotérisme et qu'il entame en la personne lusophone de Bernardo Soares, la rédaction décousue du Livre de l'intranquillité qui s'étalera également jusqu'à la mort de l'écrivain. La même revue, L'Aigle, innove en en publiant un extrait, Dans la forêt du songe, premier poème en prose portugaise, et entérine la mutation, fortement encouragée par l'amitié du poète, dramaturge et nouvelliste Mário de Sá-Carneiro, du critique en poète. Cependant une divergence grandit entre les écrivains avides d'ouverture que soutient Fernando Pessoa et la ligne nostalgiste de L'Aigle. En deux jours, du 11 au 12 octobre, Fernando Pessoa reprend le manuscrit de sa pièce Le Marin qu'il destinait au public anglais dans le but de surpasser en raffinements le prix Nobel de littérature Maurice Maeterlinck, ce à quoi il parvient excessivement.
En février 1914, Renascença, Renaissance publie dans ce qui fut l'unique numéro de la revue ses poèmes Impressions du crépuscule et O cloche de mon village qui rallient la jeune garde littéraire à la bannière d'une forme de post-symbolisme initié par Camilo Pessanha, le paulisme ou succédentisme. Dès lors, il se sentira, comme maints de ses prédécesseurs portugais, investi d'une mission de promouvoir une sorte de révolution culturelle pour sauver la nation de la stagnation. En l'occurrence, il se fait une religion de l'intersectionnisme ou sensationnisme à deux dimensions, application à la littérature du simultanéisme qu'avaient expérimentée Apollinaire et Sá-Carneiro. Le 8 mars 1914, lui apparait au cours d'une transe l'hétéronyme Alberto Caeiro, syncope de Carneiro, qui, pendant plusieurs jours, lui dicte en portugais les trente neuf poèmes en vers libres du Gardeur de troupeau. Suivront les deux disciples de cette allégorie du Poète, le portuan Ricardo Reis, Richard Rois, figure intellectuelle auteur des Odes, et le judéo algarvois Alvaro de Campos, Aubéron des Champs, écrivain du cœur qui lui rédigera sans pause ni rature les quelque mille vers de l'Ode maritime.

Le génie du modernisme

Le n° du 28 juin 1915 dont la rédaction était dirigée par Pessoa & Sá-Carneiro sera le dernier de la revue.
L'effervescence du moment est amplifiée par le retour consécutif à l'entrée en guerre de la France d'une jeunesse exilée, durant le régime de João Franco, à Paris où elle a vécu les expériences d'un surréalisme naissant.
Le 28 mars 1915, avec son alter ego Mário de Sá-Carneiro et l'argent du père de celui-ci, ainsi que d'autres artistes engagés contre les mouvements réactionnaires opposés ou favorables à la Première République, Fernando Pessoa lance une revue, Orpheu , référence à l'orphisme. Plus qu'une revue moderne et plus qu'un objet d'art, Orpheu se veut un acte créateur et même l'art en acte. Calligrammes, vers libres, détournement de la ponctuation, éclectisme de l'orthographe et des styles, néologismes, archaïsmes, anachronismes, ruptures et synchronie du discours, paradoxes amphigouriques et antithèses ironiques, ekphrâsis à satiété, interjections, pornographie et allusions homosexuelles, outrances déclenchent le fracas dans toute la presse lisboète et jusqu'en province. L'avant-gardisme provocateur et suicidaire de la revue, la dénonciation d'une sexualité bourgeoise et hypocrite, le défi lancé à une littérature compassée et conformiste, le mépris affiché pour une critique étouffante choquent tant celle-ci que le public et révèlent au sein de la rédaction des clivages politiques envenimés par une diatribe de Fernando Pessoa contre le chef du Parti Républicain, Afonso Costa. C'est à cette occasion qu'il tue le maître sensationniste Alberto Caeiro. Malgré les maquettes qu'il s'obstinera à concevoir, la revue ne survit pas à l'opposition du pseudonote 16 éditeur, António Ferro et au suicide dandy de Mário de Sá-Carneiro. Elle ne comptera que deux numéros premier et deuxième trimestre 1915 ; le troisième numéro imprimé ne fut pas diffusé.
Thème astral de l'hétéronyme Ricardo Reis élaboré par Pessoa. Après le deuil de Sá-Carneiro, traduction des ouvrages de théosophie et séances de spiritisme lui ont été un secours au point d'envisager la carrière d'astrologue.
En septembre 1917, en pleine guerre, Alvaro de Campos, inspiré par le Manifeste du futurisme du nationaliste italien Marinetti, appelle, par un Ultimatum aux générations futuristes portugaises du XXe siècle publié dans le premier et dernier numéro de la revue Portugal futuriste, au renvoi de tous les mandarins européens et à l'avènement d'une civilisation technicienne de surhommes. Quelques mois après, en 1918, parce qu'ils contiennent des insultes tant contre les Alliés que contre le Portugal qui attisent les divisions entre germanophiles et républicains, la police de Sidónio Pais, dans les suites de l'arrestation d'Afonso Costa et du coup d'état du 5 décembre 1917 que pourtant Fernando Pessoa approuve, saisit les exemplaires restants et poursuit les auteurs au prétexte qu'un des dix poèmes d'Almada Negreiros y figurant, Apologie du triangle féminin, est pornographique. Inversement, Antinoüs, poésie où passion charnelle et spiritualité s'entremêlent, et 35 sonnets, plus élizabethains que Shakespeare lui-même et tout emprunts de métaphysique, valent à Fernando Pessoa une critique élogieuse venue de Londres.

L'écrivain mélancolique

En 1920, il s'installe à Campo de Ourique, un quartier de Lisbonne, au 16 rue Coelho da Rocha, avec sa mère invalide devenue une seconde fois veuve et bientôt reléguée dans un hospice de Buraca, campagne du nord-ouest de Lisbonne. Il déserte désormais le café A Brasileira pour l'antique café Martinho da Arcada, place du Commerce. Une correspondance amoureuse et une relation intense avec une secrétaire de dix-neuf ans très entreprenante rencontrée en janvier chez un de ses employeurs, Ofélia Queiroz, coïncide avec un état qui lui fait envisager son propre internement et se solde en octobre par la rupture.
La prestigieuse revue londonienne Athenaeum avait publié le 30 janvier de cette année Meantime, un des cinquante-deux poèmes de The Mad Fiddler qui avait été refusé en 1917, classant ainsi son auteur au Parnasse anglais. L'année suivante, il fonde avec deux amis la librairie Olisipo qui opère également comme maison d’édition. Celle-ci publie English Poems en trois séries. À partir de 1922, il donne de nombreux textes à la revue littéraire Contemporaine dont Le banquier anarchiste, brûlot à l'humour provocateur fustigeant tant l'ordre bourgeois que l'intellectualisme des révolutionnaires. Destinée à une traduction anglaise, ce fut la seule œuvre que l'auteur considéra comme achevée66 quoique la naïveté de sa construction la fit dédaigner des spécialistes. En octobre 1924, il fonde avec Ruy Vaz la revue de poésie Athena dans laquelle il continue de publier mais en portugais.

Fernando Pessoa martyr de la génération montante des modernes.

Le 17 mars 1925, il perd sa mère, dont il ne désespérera jamais retrouver par delà la mort l'affection69 éteinte par la maladie, renonce à poursuivre sa revue Athena, et c'est sa première demi-sœur Henriquetanote 25 et son beau-frère, le colonel Caetano Dias, qui viennent habiter avec lui. En 1926, alors qu'il envisage à son tour le suicide, un de ses demi-frères le fait venir à ses côtés à la direction de la Revue de Commerce et de Comptabilité.
À partir de 1927, il est, avec maints de ses jeunes admirateurs, un des collaborateurs de la nouvelle revue Presença, laquelle revendique la ligne moderne de l'éphémère revue Orpheu. En 1928, il publie dans la brochure gouvernementale L'interrègne une Justification de la dictature militaire au Portugal, appelant à la remise en ordre du pays et soutenant la répression militaire de février 1927, position qu'il regrettera et reniera après l'instauration de la dictature civile. Alvaro de Campos écrit son désenchantement ironique dans Bureau de tabac et lui-même entame à partir de son poème Mer portugaise publié en 1922 dans Contemporânea la rédaction de ce qui deviendra Message.
Fidèle à l'esthétique paronomastique du futurisme que lui avait fait partager Mário de Sá-Carneiro de trouver la poésie dans la réclame, il forge cette même année le slogan pour Coca-Cola nouvellement implanté au Portugal. Il concevra aussi la publicité d'une laque pour carrosseries d'automobiles.

Approfondissements intérieurs

En septembre 1929, il renoue avec Ofélia, seule histoire d’amour qui lui soit connue, mais leur liaison ne connaîtra pas de suite après 1931. En septembre 1930, il rencontre, en tant que disciple gnostique de la société secrète dite de l'Ordre des Templiers, le thélémite Aleister Crowley, qu'il avait impressionné au cours de leur correspondance par son érudition astrologique, alors que celui-ci est de passage en compagnie d'une magicienne de dix-neuf ans, Hanni Larissa Jaeger. La farce du faux suicide de son hôte à la Boca do Inferno à Cascais, rivage prédestiné à l'ouest de Lisbonne, est tout à fait dans l'esprit mystificateur du poète et devait servir, en alertant toutes les polices d'Europe, au lancement d'une série de romans policiers qui restera à l'état d'ébauche, les enquêtes du Docteur Parcequime, déchiffreur qui se seraient voulues une méthode d'investigation de la criminalité de l'homme. Fernando Pessoa fait l'objet d'un article paru à Paris.
En 1931, il écrit Autopsychographie, art poétique en trois quatrains. Il observe la mode du freudisme auquel il reproche de rabaisser l'homme au sexe tout en prétendant dépasser la psychanalyse et conçoit une nouvelle en forme d'étude psychiatrique, Marcos Alves. Sa candidature au poste de bibliothécaire du musée de Cascais est rejetée en 1932. En 1933, paraissent les premières traductions de ses textes. Dans un poème, il rationalise son sentiment d'une vie double, l'une rêvée et vraie, l'autre vécue et fausse.
En 1934, il publie son premier recueil en portugais, Message. Ces quarante cinq poèmes mystiques composent en trois parties une sorte d’épopée rosicrucienne dont le messianisme sébastianiste prophétise une humanité nouvelle et l'avénement du Cinquième Empire de paix universelle. Présentés par ses soins au jury du prix Antero de Quental fondé l'année précédente par l'ex éditeur de la revue Orpheu, António Ferro devenu chef de la propagande de l'Estado Novo, ils lui valent de remporter le second prix, sa création étant jugée trop éparse pour un premier prix.
Fernando Pessoa vieilli prématurément peu avant son décès à l'âge de 47 ans.
À la suite d'un projet de loi d'interdire les sociétés secrètes, il publie dans la presse une apologie de la franc-maçonnerie85 et des pamphlets contre Salazar. L’année suivante, il refuse d’assister à la cérémonie de remise de son prix présidée par celui-ci. En octobre, en guise de protestation contre la censure, il décide de cesser de publier au Portugal.

Il est enterré un mois et demi plus tard, le 2 décembre 1935, pauvre et méconnu du grand public, estimé d'un petit cercle d'amis. Le 29 novembre, veille de son décès et jour de son admission à l’hôpital Saint-Louis des Français pour une cirrhose décompensée, il écrivait son dernier mot, I know not what tomorrow will bring

Ses œuvres complètes seront éditées de 1942 à 1946. Des recherches plus complexes ont permis de faire resurgir son théâtre en 1952 et des inédits en 1955 et 1956. L'inventaire dressé par la Bibliothèque nationale du Portugal à la suite de son achat, à l'hiver 1978-197926, des manuscrits aux héritiers a permis de composer un certain nombre de publications dont Le Livre de l'intranquillité en 1982 et Faust en 1988. Les articles publiés de son vivant ainsi que les manuscrits inédits font l'objet de reconstitutions qui paraissent sous formes d'essais ou de recueils.

L'homme fait œuvre Hétéronymie

Fernando Pessoa. Hétéronymes.
Pessoa a créé une œuvre poétique multiple et complexe sous différents hétéronymes en sus de son propre nom :

Alberto Caeiro, qui incarne la nature et la sagesse païenne;
Ricardo Reis, l'épicurisme à la manière d'Horace;
Alvaro de Campos, le modernisme et la désillusion;
Bernardo Soares, modeste employé de bureau à la vie insignifiante s'il n'était l'auteur du Livre de l'intranquillité,
et alii soixante-douze en incluant les simples pseudonymes.
Bernardo Soares est considéré par lui comme son semi-hétéronyme, plus proche de l'auteur orthonyme. Il signe aussi quelques textes en prose sous son propre nom, comme Le Banquier anarchiste. L'hétéronymie deviendra sa façon d'être. De multiples autres hétéronymes auront des fonctions diverses, de l'astrologie à l'auteur de rébus.
Il reste que les grands hétéronymes littéraires auront une telle force, seront à l'origine d'une création littéraire si unique que l'auteur leur trouvera même à chacun une biographie justifiant leurs différences. Fernando Pessoa deviendra le cas Pessoa pour grand nombre d'intellectuels, de critiques, de littérateurs, de simples lecteurs.

Nombreux sont ceux qui vivent en nous ;
Si je pense, si je ressens, j’ignore
Qui est celui qui pense, qui ressent.
Je suis seulement le lieu
Où l’on pense, où l’on ressent..
— Version du "je" est un autre rimbaldien de Ricardo Reis, double philosophe de Fernando Pessoa.

Une œuvre transocéanique

Prolifique et protéiforme, Pessoa est un auteur majeur de la littérature de langue portugaise dont le succès mondial croissant depuis les années quatre-vingt a été consacré par la Pléiade. Son œuvre, dont de nombreux textes écrits directement en anglais, a été traduite dans un grand nombre de langues, des langues européennes au chinois. Des hommes de théâtre, des chorégraphes, des compositeurs se sont désormais emparés de cette œuvre très riche pour des spectacles. Le cinéma également a produit des films inspirés par ce poète.
Pessoa a la singularité d'être simultanément un écrivain anglophone. En volume, approximativement un dixième de sa production est anglaise, nonobstant l'apport qualitatif de cette production à la littérature. Élevé à Durban, capitale du Natal britannique, brillantissime diplômé de l'Université du Cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud, c'est en tant que dramaturge shakespearien qu'il y commence en 1904 le métier d'écrivain et en tant que poète anglais qu'il le poursuit jusqu'en 1921 dans sa Lisbonne natale. De son vivant, sa production en portugais a été principalement celle d'un critique et les poèmes portugais qu'il a alors donnés l'ont été bien souvent pour le service de cette critique.
Pessoa a aussi écrit, souvent à des dates inconnues, en français, langue de la relation privilégiée avec une mère réinventée par delà les conflits familiaux. Cinq dossiers de ses archives regroupent ses poèmes français, sa prose française et les traductions qu'il a faites de ses poèmes anglais. De cette production, seuls trois poèmes ont été publiés : Trois chansons mortes, Aux volets clos de ton rêve épanoui, Le sourire de tes yeux bleus. Les poèmes français de Pessoa, tel Je vous ai trouvé, ressemblent plus souvent à des chansons.
Le portugais deviendra, cependant, la langue de sa grande créativité, la perfection de son anglais donnant en revanche à celui-ci un air factice. Il affirmera avec force ma patrie est la langue portugaise alors même qu'il ne cessera de penser en anglais, passant naturellement d'une langue à l'autre au cours d'un même écrit.

L'échec et la gloire

Sa sensibilité avait été blessée dès l'enfance par la mort de son père, le remariage de sa mère et l'arrachement à son village natal, le quartier du Chiado, au centre de Lisbonne. Pessoa passe toutes ses années de formation, de sept à dix-sept ans, à Durban, où son beau-père est consul du Portugal et où il reçoit une formation entièrement anglaise. À son retour, il se fixe à Lisbonne, qu'il ne quittera plus, et décide de se consacrer à la littérature. Il devra se contenter, pour gagner sa vie, d'emplois subalternes dans plusieurs maisons de commerce.
Il fait ses débuts littéraires en 1912 dans la revue du mouvement de la Renaissance portugaise. Dans ces premières années de la République proclamée en 1910, il partage l'exaltation messianique du poète Teixeira de Pascoaes. Il cherche sa voie du côté du symbolisme. La rencontre du jeune poète Mário de Sá-Carneiro, qui vit à Paris, l'oriente vers l'avant-garde. Le tournant de sa carrière se situe en 1914. L'apparition en lui des hétéronymes marque le début d'une période d'extraordinaire fièvre créatrice : il invente une philosophie, le néo-paganisme , découvre la théosophie et l'occultisme, participe au mouvement futuriste, propose une nouvelle esthétique, fonde des écoles littéraires intersectionnisme , sensationnisme. En 1915, il crée, avec Sá-Carneiro et quelques autres amis, dont Almada Negreiros, une revue d'avant-garde, Orpheu, dont la brève existence inaugure le modernisme portugais.
Le suicide de Sá-Carneiro, en 1916, l'affecte très profondément. Désormais, sans cesser de participer à la vie littéraire, il vit de plus en plus à l'écart, sacrifiant tout à son œuvre, y compris le seul amour qu'on lui connaisse, celui de la jeune Ophelia Queiroz. En près de vingt ans de solitude, Pessoa écrit des milliers de pages, mais il n'aura publié de son vivant que trois plaquettes de vers anglais, dont deux sur des sujets érotiques et, tout à la fin, un recueil épique et mystique, Mensagem, Message, considéré aujourd'hui par les Portugais comme leur grand poème national, au même titre que les Lusiades.
Un prix lui est décerné, en décembre 1934, pour ce livre, par le secrétariat à la propagande du gouvernement Salazar, dont il semble avoir, pendant quelque temps, approuvé l'idéologie. Quelques années plus tôt, il avait été redécouvert par les jeunes poètes de Coimbra réunis autour de la revue Presença. Ce n'est donc pas un inconnu qui meurt à quarante-sept ans, détruit par la boisson. Pessoa laisse une œuvre énorme, mais fragmentaire, dont il n'existe encore aujourd'hui aucune édition critique. C'est au fil des années, puis des décennies, que paraissent, dans le désordre, les ouvrages dont les manuscrits s'entassaient dans un coffre arca devenu légendaire, et que commence à se dessiner l'immense figure du poète qui prend place dans le panthéon national portugais auprès des deux gloires du passé, Vasco de Gama et Camões.
Pessoa avait désiré et prévu cet accomplissement posthume, comme il avait accepté l'échec de sa vie terrestre. Son héros emblématique est dom Sébastien, le roi caché, dont la défaite et la mort au combat, en 1578, ont précipité le déclin du Portugal, mais qui doit réapparaître un jour pour fonder en esprit un empire portugais éternel et universel.

Tout sentir de toutes les manières

On peut répartir les ouvrages de Pessoa en six grands massifs : l'œuvre poétique écrite en portugais sous son propre nom Cancioneiro, Message ; l'œuvre dramatique Le Marin, Faust ; l'œuvre poétique en anglais The Mad Fiddler, Sonnets, Antinoüs, Epithalame ; les fictions de l'interlude , regroupant tous les poèmes des hétéronymes Alberto Caiero, Ricardo Reis et Alvaro de Campos ; le Livro do desassossego Livre de l'intranquillité, journal intime attribué au demi-hétéronyme Bernardo Soares ; enfin l'ensemble des autres écrits en prose récits, essais, articles, presque tous posthumes, la plupart inachevés, qui traitent des sujets les plus variés : littérature, philosophie, théologie, beaux-arts, psychologie, sociologie, politique, économie et même comptabilité. Une place à part peut y être faite au seul récit publié du vivant de l'auteur, le Banquier anarchiste, dont l'humour tranche sur la tonalité tragique de l'ensemble de l'œuvre.
L'expérience fondamentale de Pessoa, c'est celle de l'excès de conscience de soi, qui lui donne le sentiment d'une totale irréalité de soi-même et du monde. Plus je vois clair en moi, plus obscur est ce que je vois, dit son Faust, qui éprouve à la fois la douleur d'être lui-même et « l'horreur métaphysique de l'Autre. La poésie élégiaque que Pessoa signe de son nom est la plainte d'une conscience privée d'être, qui s'analyse au lieu de sentir et qui feint l'émotion qu'elle ne ressent pas, ou même celle qu'elle ressent trop confusément pour pouvoir l'exprimer. Cette poésie est un lyrisme critique. Pessoa est le poète de l'ère du soupçon. Il a la nostalgie d'une culture primitive, antérieure au platonisme et au christianisme, où il était possible à l'homme de vivre en relation immédiate avec la nature. C'est pour retrouver cette innocence qu'il devient Alberto Caeiro, puis Ricardo Reis. Sous ces identités différentes, il fait l'expérience d'une autre forme de la condition humaine, où le critère de la vérité n'est plus intellectuel mais sensoriel, sensuel. Au lieu de postuler une valeur transcendante, le poète païen reconnaît dans la diversité des choses la présence concrète et plurielle des dieux, dont le philosophe du néo-paganisme, Antonio Mora encore un hétéronyme annonce le retour. Dans le Gardeur de troupeaux, Alberto Caeiro célèbre ses noces avec la terre : il refuse de penser le monde ; il se borne à constater son existence, pour s'en émerveiller. Ricardo Reis, dans ses Odes horatiennes, exprime la sérénité d'une conscience qui accepte sa condition mortelle et choisit de jouir de l'instant fugitif. Le troisième grand hétéronyme, Álvaro de Campos, choisit la voie dionysiaque. Il s'abandonne à la violence des sensations et des sentiments, jusqu'à éprouver le vertige du sacré. Disciple de Walt Whitman, il est le poète des grands espaces sauvages, mais aussi de la civilisation urbaine industrielle. Il crie l'intensité de son désir dans d'immenses Odes plus de mille vers pour la seule Ode maritime, dont l'éloquence délirante contraste avec la retenue de Caeiro et de Reis.
Pessoa va se débarrasser assez vite des deux premiers poètes païens. Il garde auprès de lui Campos, qui sera de plus en plus son double ; mais c'est un Campos différent. Sa soif de vivre ne peut pas être étanchée ; elle n'est pas à la mesure du réel. Il se fait le chantre de son propre échec et de l'échec humain en général. Si l'auteur orthonyme est le plus harmonieux des poètes de la constellation Pessoa, Caeiro le plus sobre, Reis le plus artiste, le jeune Campos le plus puissant, le Campos des dernières années en est le plus pathétique et le plus ironique. Dans ses poèmes en vers libres, dont le plus célèbre est Bureau de tabac, il met son cœur à nu comme jamais Pessoa « lui-même » n'aurait osé le faire. Insomniaque, alcoolique, angoissé mais cynique, il n'attend plus rien de son existence injustifiable, sinon le sommeil qui procure les rêves, ou alors cette forme d'éveil qu'est peut-être la mort.

Alberto Caeiro

C'est l'un des trois principaux personnages dans lesquels Fernando Pessoa s'est dédoublé. D'après les précisions de Pessoa lui-même, il ne s'agit pas d'un pseudonyme mais d'un hétéronyme, une création véritable tout à fait indépendante de son auteur, douée de sentiments particuliers et même d'un style propre. Il a été considéré comme un maître non seulement par Pessoa, mais aussi par les deux autres hétéronymes majeurs : Ricardo Reis et Álvaro de Campos. Il énonce dans ses poèmes des préceptes qui permettent de vivre sans angoisse, comme une plante, et de mourir sans panique, naturellement, comme le jour se meurt. Caeiro apparaît, en effet, comme une sorte de grande mère, Álvaro de Campos l'appelle dans un de ses poèmes : présence humaine de la terre maternelle, le giron où Pessoa et ses autres se cachent pour échapper à la mort en apprenant, par un certain mimétisme avec les bêtes et les plantes, à entrer pour toujours dans le cycle de la sève. Caeiro est tout le contraire de Pessoa, qui l'a justement créé pour qu'il lui apprenne à prendre le réel tel qu'il est, une présence qui finit en elle-même et ne renvoie à aucune absence. C'est pourquoi il privilégie le sens de la vue, il veut apprendre à ses disciples la sagesse de voir au détriment de la pensée. En écrivant sa biographie, Pessoa l'a conçue comme celle d'un autodidacte vivant à la campagne, une sorte de guérisseur avec lequel il voulait apprendre la santé d'exister des arbres et des plantes. Les poèmes-monologues de Caeiro ont été réunis après la mort de Pessoa dans un seul volume intitulé simplement Poèmes.

Álvaro de Campos

C'est l'hétéronyme le plus fécond de Fernando Pessoa. Tandis que Ricardo Reis et Alberto Caeiro ont été créés pour apprendre à leur auteur une certaine sérénité devant la vie et la mort, Campos feint la douleur que Pessoa réellement ressent. Ainsi, dans la présentation que Pessoa fait de lui, on voit que Campos est le portrait non seulement physique mais aussi moral de son auteur, qui exprime à travers ce personnage sa profonde inquiétude, son incapacité de trouver le chemin qui mène vers la vie. Le culte du paradoxe, si caractéristique de Pessoa – la seule façon pour lui d'approcher la vérité –, prend avec Campos une expression dramatique ; il y a, en effet, deux Campos : un personnage turbulent, provocateur, qui doit un peu au futurisme, et son contraire, un personnage nocturne, tourné vers l'intérieur de lui-même, penché vers le puits qu'il se sent être. Pessoa s'exprime, en prose et en vers, au nom de Campos tout au long de sa vie. Sous ce masque, il fait en quelque sorte son journal de voyage, celui de l'éternel voyageur, une valise à la main, tel que son compagnon de route Almada Negreiros l'a représenté. Pour Campos et pour Pessoa, tout est voyage : sensations Sentir, c'est voyager, aventure esthétique, Je n'évolue pas, je voyage , la vie même, Nous sommes tous nés à bord. Les poèmes d'Álvaro de Campos ont été réunis après la mort de Pessoa dans un volume intitulé Poésies et publié, ainsi que les poèmes des autres hétéronymes et de Pessoa lui-même, par l'éditeur Ática Lisbonne. Ses autres textes sont dispersés dans les recueils de prose de Fernando Pessoa.

Ricardo Reis

C'est le troisième hétéronyme du poète. Son créateur le fait naître à Porto en 1887 et élever dans un collège de Jésuites, où il devient un fervent latiniste. Brun, mat, petit et sec, il se réfugie, comme son modèle Horace, dans une sagesse épicurienne et des Odes qui laissent percer l'angoisse de la mort. Il est probablement le plus énigmatique des hétéronymes, ce qui lui valut de devenir le personnage d'un roman de José Saramago, l'Année de la mort de Ricardo Reis 1984. La postérité de Fernando Pessoa semble ainsi s'affirmer prodigue, et autonom

La vie est un songe

Rêver sa vie, à défaut de pouvoir vivre ses rêves : tel est le parti que prend Bernardo Soares. Petit employé perdu dans la foule anonyme, il domine pourtant le monde de toute la hauteur majestueuse de ses rêves. Dans son recueil de poèmes de jeunesse écrits en anglais, The Mad Fiddler, Pessoa affirmait que seul le rêve est vrai. Naufragé du réel, Soares veut bâtir sa demeure dans l'imaginaire. Il voyage abstraitement, sans sortir de sa chambre, comme Des Esseintes. Puisqu'il n'est pas possible d'atteindre le réel pour en exprimer la beauté, l'art consiste à exprimer la beauté de cette impossibilité même d'en exprimer la beauté.
Écrit dans une prose somptueuse, le Livre de l'intranquillité, révélé au public près d'un demi-siècle après sa mort, est sans doute l'ouvrage où Pessoa accomplit le plus parfaitement son projet paradoxal : vivre l'impossibilité de vivre. Mais le poète orthonyme, Pessoa lui-même, à certains moments, est allé encore beaucoup plus loin dans le refus du monde visible. À la devise que Soares emprunte à Calderón, la vie est un songe, répond, chez le Pessoa occultiste, celle qui s'inspire de la foi gnostique : il n'y a pas de mort. La vie est une forme de mort. C'est ce que nous appelons la mort qui est la vraie vie absente. Passionné par l'alchimie et la magie, pratiquant lui-même l'astrologie, héritier de la tradition secrète du christianisme, issue de la cabale juive et du spiritualisme néo-platonicien, qui affleure, au cours des siècles, dans l'ordre du Temple, la fraternité Rose-Croix ou la franc-maçonnerie, le poète initié décrit, dans Message et dans certains des poèmes lyriques du Cancioneiro, un univers dans lequel le mythe est la réalité absolue, l'échec la valeur suprême et l'absence l'attribut essentiel de Dieu. Il se voit lui-même sous l'apparence du moine-chevalier du Moyen Âge, appelé à poursuivre toute sa vie une quête sans objet, vers des plaines sans horizon.

Écrivain posthume

Les cendres de Fernando Pessoa, monument de la littérature, ont été transférées en 1988 pour le centenaire de sa naissance au Monastère des Hiéronymites à une centaine de pas de Camoens et Gama.
De son vivant, Fernando Pessoa a régulièrement écrit dans des revues littéraires portugaises dont celles qu'il a créées. En outre, il a fait paraître en anglais deux ouvrages mais sa mort prématurée ne lui a laissé le temps de publier qu'un seul livre en portugais, qui eut toutefois un succès retentissant : le recueil de poèmes Message, en 1934.

Le livre de la malle

À sa mort, on découvrit, enfouis dans une malle, 27 543 textes que l'on a exhumés peu à peu. Le Livre de l'intranquillité n'a été publié qu'en 1982 et son Faust en 1988. Tous ces manuscrits se trouvent depuis 1979 à la Bibliothèque Nationale de Lisbonne.
Son apport à la langue portugaise a été comparé au cours de l'hommage national officiel rendu le jour anniversaire de sa naissance, en 1988, à celui de Luís de Camões.
Le nom ou l'image-symbole de Fernando Pessoa ont été donnés à de nombreuses institutions portugaises. Depuis 1996, il existe une Université Fernando Pessoa à Porto.

Œuvres

Fiction

Alexander Search, Un souper très singuliernote 34 inédit en langue originale nouvelle gothique écrite en 1907 en anglais d'environ 60 pp.
Tsarkresko, in M.L. Machado de Sousa, O Horror na Literatura Portuguesa, Instituto de Cultura Portuguesa, Lisbonne, 1989 conte gothique en anglais.
Le vainqueur du temps, inachevé, in Textos Filosóficos, vol. II, Ática, Lisbonne, 1968 conte métaphysique.
Bernardo Soares, Le Livre de l'intranquillité, Ática, Lisbonne, 1982 journal aphoristique.
Fables pour les jeunes nations, Pessoa Inédito, pp. 266-270, Livros Horizonte, Lisbonne, 1993
cinq fablesnote 35 auxquelles s'ajoute Soie rose, parue in Le Journal nº1, Lisbonne, 4 avril 1915.
Le Pèlerin, Mealibra nº 23, Centro Cultural do Alto Minho, Viana do Castelo Portugal, 2009 nouvelle d'environ 88 pp.
Le Banquier anarchiste, Contemporânea, Lisbonne, 1922 pamphlet social.
Marcos Alves, inachevé, in T.R. Lopes, Pessoa por Conhecer - Textos para um Novo Mapa, Estampa, Lisbonne, 1990 portrait psychologique.
Quaresma, déchiffreur, Assírio & Alvim, Lisbonne, 2008, 477 pages nouvelles policières.

Essais en portugais Attribués à des hétéronymes

Fernand Pessoa en flagrant délitre vers 1928.
Álvaro de Campos, Ultimatum, Portugal Futurista no 1, Lisbonne, 1917.
Álvaro de Campos, Notes en mémoire de mon maître Caeiro, in Textos de Crítica e de Intervenção, Ática, Lisboa, 1980 étude littéraire posthume rassemblant autour d'articles publiés du vivant de l'auteur sous ce titre des manuscrits portant sur le même sujet.
António Mora, Introduction à l'étude de la métaphysique, titre prévu par l'auteur d'un essai dont divers manuscrits écrits sous divers hétéronymes à différentes époques font la substance, in Textos Filosóficos, vol. I & II, Ática, Lisbonne, 1968.
António Mora, La morale, titre prévu par l'auteur d'un essai dont la substance morale de la Force, morale de la Domination de soi, morale de l'Idéal, l'Humilité, l'Ascétisme a été retrouvé dans divers manuscrits, in Textos Filosóficos, vol. I, p. 226, Ática, Lisbonne, 1968.
António Mora, Le retour des dieux, inachevé, in G.R. Lind & J. do Prado Coelho, Páginas Íntimas e de Auto-Interpretação, Ática, Lisbonne, 1996 apologie d'un retour à une religion polythéiste.
Bernardo Soares ou baron de Teive, L'éducation du stoïcien, Assirio & Alvim, Lisbonne, 1999 essai sur le suicide.

Attribués à Fernando Pessoa

Chronique de la vie qui passe in M.I. Rocheta & M.P. Morão, Ultimatum e Páginas de Sociologia Política, Ática, Lisbonne, 1980
recueil des articles parus dans cette rubrique du Journal en 1915.
Erostratus in Páginas de Estética e de Teoria Literárias, Ática, Lisbonne, 1966 essai sur la création littéraire.
Recueil de critiques d'économie politique parus dans la presse, Páginas de Pensamento Político, vol. II, Publicações Europa-América, Mem Martins Portugal, 1986.
Lisbonne: ce que le touriste doit voir, Livros Horizonte, Lisbonne, 1992.
Le Paganisme Supérieur, titre prévu par l'auteur99 d'un recueil d'articles ésotériques et métaphysiques parus dans diverses publications posthumes.
Théorie de la République aristocratique, titre prévu par l'auteur100 d'un essai dont des articles parus de son vivant dans des journaux et des manuscrits de nature sociologique et politique parus dans diverses collections posthumes font la substance.
De la dictature à la république, inachevé, in M.I. Rocheta & M.P. Mourão, Da República 1910 - 1935, Ática, Lisbonne, 1979, histoire politique du Portugal moderne.
Le sens du sidonisme, inachevé, in M.I. Rocheta & M.P. Mourão, Da República 1910 - 1935, Ática, Lisbonne, 1979.
Le préjugé des révolutionnaires, inachevé, in M.I. Rocheta & M.P. Mourão, Ultimatum e Páginas de Sociologia Política, Ática, Lisbonne, 1980.
Cinq dialogues sur la tyrannie, inachevé, in M.I. Rocheta & M.P. Morão, Ultimatum e Páginas de Sociologia Política, Ática, Lisbonne, 1980 défense de la liberté individuelle et dénonciation de la dictature.
Commerce et civilisation, traduit du portugais par Simone Biberfeld et Parcidio Gonçalves, Éditions de la Différence, Paris, 2012

Poésie portugaise De Fernando Pessoa, orthonyme

Message, 1ª ed., 1934, troisième et dernier recueil de Pessoa publié de son vivant après ceux parus en anglais en 1918 et en 1921 hormis son manifeste Ultimatum, les poèmes de la revue Athéna, les textes parus dans Orpheu et Contemporânea, ainsi que ses nombreux articles...
Message, Império, Lisbonne, 1934.
Rubaiyat, trente deux quatrains.
Cancioneiro, titre prévu par l'auteur du recueil paru épars en éditions posthumes
Poésies, Ática, Lisbonne, 1942 reprend en sus les poèmes parus en revue du vivant de l'auteur.
Poésies inédites, Ática, Lisbonne, 1956.
Œuvre poètique, José Aguilar, Rio de Janeiro, 1960.
Nouvelles poésies inédites, Ática, Lisbonne, 1973.
Œuvre poétique et en prose, vol. I, Lello, Porto, 1986.
Patésnote 36 d'un goût populaire, Ática, Lisbonne, 1965.
Pessoa inédit, Livros Horizonte, Lisbonne, 1993 poèmes satiriques.

D'Alberto Caeiro, hétéronyme

Le Gardeur de troupeaux in João Gaspar Simões & Luís de Montalvor, Poemas de Alberto Caeiro, Ática, Lisbonne, 1946.
Le Berger amoureux in João Gaspar Simões & Luís de Montalvor, Poemas de Alberto Caeiro, Ática, Lisbonne, 1946.
Autres poèmes et fragments, titre prévu par l'auteur de poèmes parus en éditions posthumes
Fragments in T. Sobral Cunha, Pessoa por conhecer - Textos para um novo mapa, Estampa, Lisbonne, 1990.
Poèmes inconnus in T. Sobral Cunha, Poemas Completos de Alberto Caeiro, Presença, Lisbonne, 1994
Certains étaient parus dans Athena, Presença ou l'édition de 1946
D'António Mora, pseudonyme d'Alberto Caeiro
Le Retour des Dieux, titre prévu par l'auteur de poèmes néopaïens parus dans diverses publications posthumes.
De Ricardo Reis, hétéronyme
Livre premier, Presença no 1, Lisbonne, 1924
Odes, Ática, Lisbonne, 1946.
Poèmes, INMC, Lisbonne, 1994.
D'Alvaro de Campos, hétéronyme
Opiacé, Orpheu no 1, Lisbonne, 1er trimestre 1915.
Ode triomphale, Orpheu no 1, Lisbonne, 1er trimestre 1915.
Ode maritime, Orpheu no 2, Lisbonne, 2e trimestre 1915. Réédition France : Ode maritime et autres poèmes, traduit du portugais par Dominique Touti et Michel Chandeigne, présenté par Claude Michel Cluny, éd. bilingue, Éditions de la Différence, coll. Orphée, Paris, 1990.
Poésies d'Álvaro de Campos, Ática, Lisbonne, 1944.
Livre de vers, Estampa, Lisbonne, 1993.
Poésie des autres hétéronymes lusophones
in T.R. Lopes, Pessoa por Conhecer - Textos para um Novo Mapa, Estampa, Lisbonne, 1990.

Théâtre

Le point central de ma personnalité, en tant qu’artiste, c’est que je suis un poète dramatique
— Pessoa s'expliquant dans une lettre à un jeune universitaire.
Le marin, drame statique en un tableau, Orpheu no 1, Lisbonne, 1er trimestre 1915.
L"heure du Diable, Rolim, Lisbonne, 1988.
Un soir à Lima, inachevé.
Fragments
Dialogue à l'ombre in A. de Pina Coelho, Textos filosóficos vol. I - Fernando Pessoa, Ática, Lisbonne, 1968.
Mort du Prince in T.R. Lopes, Fernando Pessoa et le drame Symboliste, Fondation Calouste Gulbenkian, Paris, 1977..
Salomé in T.R. Lopes, Fernando Pessoa et le drame Symboliste, Fondation Calouste Gulbenkian, Paris, 1977.
Dialogue dans le jardin du Palais in T.R. Lopes, Fernando Pessoa et le drame Symboliste, Fondation Calouste Gulbenkian, Paris, 1977.
Sakyamuni fragments in T.R. Lopes, Fernando Pessoa et le drame Symboliste, Fondation Calouste Gulbenkian, Paris, 1977.
Tragédie subjective en cinq actes, inachevée, publiée sous le titre Faust Presença, Barcarena, 1988.
The Duke of Parm, tragedy, inédit.

Poésie anglaise

117 poèmes signés Alexander Search, Poesia Inglesa, Livros Horizonte, Lisbonne, 1995, devant composés
Delirium106
Agony106
Poésie signée Charles Robert Anon, pseudonyme d'Alexander Search, Pessoa Inédito, Livros Horizonte, Lisbonne, 1993, dont le poème
Meantime, publié dans l’Athenaeum, Londres, 30 janvier 1920.
Poésie inédite signée Thomas Crosse.
Le violoneux foun, INCM, Lisbonne, 1993, 1er pub. non critique Presença, Lisbonne, 1988.
Antinoüs, Monteiro, Lisbonne, 1918 .
35 Sonnets, Monteiro, Lisbonne, 1918.
Poèmes anglais I & II Antinoüs & Inscriptions, Olisipo, Lisbonne, 1921.
Poèmes anglais III Epithalamium, Olisipo, Lisbonne, 1921.
Deux poèmes anglais de Fernando Pessoa sur la Première Guerre mondiale in Ocidente nº 405, Lisbonne, janvier 1972.
Huit poèmes anglais inédits in G.R. Lind107, Estudos sobre Fernando Pessoa, INCM, Lisbonne, 1981.
30 poèmes non hétéronymiques, certains fragmentaires, écrits entre 1911 et 19357, Pessoa Inédito, Livros Horizonte, Lisbonne, 1993.

Essais en anglais

EPITAPH
Here lies who thought himself the best
Of poets in the world's extent;
In life he had not joy nor rest.
Alexander Search, 1907.

Œuvres de jeunesse inachevées signées Alexander Search

The portuguese regicide and the politicical situation in Portugal.
The philosphy of rationalism.
The mental disorder of Jesus
Selected Poems by Jonathan Griffin - Penguin Poetry

Fragments destinés à une publication portugaise

Le temple de Janus in Pessoa Inédito, Livros Horizonte, Lisbonne, 1993.
Le reste de la prose anglaise de Pessoa ou ses hétéronymes anglais n'est pas organisé correspondance, notes diverses, brouillons...

Œuvres traduites en français

Notes en souvenir de mon maître Caeiro
Chronique de la vie qui passe œuvres en prose en dehors du Livre de l'intranquillité
Ode maritime et autres poèmes 1915
Le Gardeur de troupeaux et les autres poèmes d'Alberto Caeiro avec Poésies d'Alvaro de Campos 1914
Erostratus Erostrate
Lisbonne
Le Marin
Bureau de tabac, traduit par Adolfo Casais Monteiro et Pierre Hourcade, ed. bilingue,éditions Inquérito Limitada, 1952.
Ode Maritime, préface et traduction d'Armand Guibert, éditions Seghers
Bureau de tabac et autres poèmes, préface et traduction d'Armand Guibert, éditions Caractères, 1955.
Le Gardeur de troupeaux et les autres poèmes d'Alberto Caeiro, traduit par Armand Guibert, Éditions Gallimard, collection blanche, 1960, 224 p.
Visage avec masques, poèmes des principaux hétéronymes, traduits et présentés par Armand Guibert, Alfred Eibel éditeur, Lausanne,1978, , 228 p.
Antinoüs, préfacé et traduit par Armand Guibert, éditions Fata Morgana, collection Dioscures, 1979, 64 p.
Le Gardeur de troupeaux, traduit par Rémy Hourcade et Jean-Louis Giovannoni, 1986. E.O Éditions Unes
L'Ode triomphale & douze poèmes de la fin d'Alvaro de Campos, traduits par Rémy Hourcade et Emmanuel Hocquard, éditions Royaumont, 1986, non paginé.
Cent cinquante-quatre quatrains, traduit et préfacé par Henry Deluy, 1986 Éditions Unes
Le Livre de l'inquiétude, traduit et préfacé par Inês Oseki-Dépré, 1987. E.O Éditions Unes
Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, présentés et traduits par Armand Guibert, Poésie/Gallimard, 1987
Alvaros de Campos, choix de poèmes traduits par Rémy Hourcade et Emmanuel Hocquard, éditions Royaumont, 1988, 64
Quatrains complets, traduit et préfacé par Henry Deluy, 1988. E.O Éditions Unes
Bureau de tabac, préface de Adolfo Casais Monteiro 1952 et postface de Pierre Hourcade 1975, traduit par Rémy Hourcade, 1993 - édition définitive
Ultimatum, 1993 - traduit par Michel Chandeigne et Jean-François Vargas E.O Éditions Unes
Opium à bord, traduit et préfacé par Armand Guibert, 1993 - nouvelle édition Éditions Unes
Sur les hétéronymes, traduit et préfacé par Rémy Hourcade, 1993 - édition définitive Éditions Unes
Quaresma, déchiffreur, 2010
Histoires d'un raisonneur, traduit de l’anglais par Christine Laferrière et du portugais par Michelle Giudicelli, 2014 Christian Bourgois
Publiés dans la collection Pléiade Gallimard, sous le titre Œuvres poétiques, préface par Robert Bréchon, traduction, notices et notes de Patrick Quillier.

Correspondance

Fernando Pessoa, José Blanco, Pessoa en personne, Paris, La Différence, 1986, rééd. coll. "Minos", 2003.
Correspondance avec Ofélia Queiroz, Cartas de Amor, Ática, Lisbonne, 1978.
Correspondance avec Armando Cortes Rodrigues, Cartas de Fernando Pessoa a Armando Côrtes-Rodrigues, Confluência, Lisbonne, 1944.
Correspondance avec João Gaspar Simões, Cartas de Fernando Pessoa a João Gaspar Simões, Europa-América, Lisbonne, 1957.
Correspondance diverse in Escritos Íntimos, Cartas e Páginas Autobiográficas, Europa-América, Mem Martins Portugal, 1986 & in Pessoa Inédito, Livros Horizonte, Lisbonne, 1993.

Œuvres inspirées de Pessoa

Musique
Bévinda : Pessoa em pessoas Celluloïd, 1997
Jean-Marie Machado : Leve leve muito leve - Rêves et déambulations d'après Fernando Pessoa Éditions Hortus, 2003
Mariza : Do vale a montanha, poème de 1932 dans Mensagem chanté sous le titre de Cavaleiro monge dans Fado curvo 2003

Films

Jean Lefaux : Pessoa l'inquiéteur Zaradoc, 1990 sur le site de Zaradoc
Benoît Laure : L'ami poète 2004 Film d'animation imaginant une rencontre poétique entre le poète portugais Fernando Pessoa et l'Argentin Jorge Luis Borges.

Liens
http://youtu.be/KUcZaBoOuyQ Poésie
http://youtu.be/zZoxPhi6rHs poésie
http://youtu.be/MMQ7eCpnp-E Phrases de Pessoa
http://www.ina.fr/video/I08046725/a-propos-de-pessoa-video.html a propos de Pessoa
http://www.ina.fr/video/CPC98003344/poemes-video.html I livre I jour, de Pessoa



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#248 Oscar Wilde
Loriane Posté le : 29/11/2014 21:04
Le 30 novembre 1900 à 46 ans, meurt à Paris Oscar Wilde

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dont le nom complet est Oscar Fingal O'Flahertie Wills Wilde, écrivain Romancier Dramaturge, Poète, britannique d'origine irlandaise, né à Dublin le 16 octobre 1854, il écrit roman, Théätre et nouvelles dans la mouvance "esthétisme", ses Œuvres les plus remarquables sont : "L'Importance d'être Constant" en 1895 et " Le Portrait de Dorian Gray " en 1890.
La célébrité d'Oscar Wilde tient à son destin. Prodigieusement doué, d'un esprit étincelant qui subjugua la société londonienne, fin lettré, nourri de Swinburne, de Ruskin, de Walter Pater, il a surtout été considéré comme un esthète décadent et révolté : son procès pour mœurs acheva de faire de lui une figure publique entourée d'éclat, de honte et de scandale. Lui-même savait combien la vie empiétait dangereusement sur son art et sur sa personne quand il confiait à Gide avoir mis tout son génie dans sa vie et son talent seulement dans son œuvre. Son personnage fut, et par sa propre faute, entouré par une légende de causeur génial et d'écrivain mineur, mais ses poèmes, son roman Le Portrait de Dorian Gray, sa correspondance, dont la lettre si importante dite De profundis écrite à lord Alfred Douglas en 1897, révèlent une personnalité divisée et tragique, un profond narcissisme, une attirance de l'échec qui l'apparentent aux romantiques et sur lesquels il faut de nouveau s'interroger.

Il naît dans la bourgeoisie irlandaise et protestante de Dublin, d’un père ophtalmologiste renommé et d’une mère poétesse, Oscar Wilde se distingue par un parcours scolaire brillant. Nourri de culture classique, couronné de prix au sein du Trinity College de Dublin, il intègre le Magdalene College de l'université d’Oxford, où il se construit un personnage d’esthète et de dandy, sous l’influence des préraphaélites et des théories de L'art pour l’art de Walter Pater, John Ruskin ou Whistler. À l’issue de ses études, Wilde s’installe à Londres, où il parvient à s'insérer dans la bonne société et les cercles cultivés, s’illustrant dans plusieurs genres littéraires.
S’il publie, conformément aux exigences de l’esthétisme le plus pur, un volume de poésie, il ne néglige pas des activités moins considérées des cercles littéraires, mais plus lucratives : ainsi, il se fait le porte-parole de la nouvelle Renaissance anglaise dans les arts dans une série de conférences aux États-Unis et au Canada, puis exerce une prolifique activité de journaliste. Au tournant des années 1890, il précise sa théorie esthétique dans une série de dialogues et d’essais, et explore dans son roman Le Portrait de Dorian Gray en 1890 les liens entretenus par la beauté, la décadence et la duplicité. Sa pièce Salomé en 1891, rédigée en français à Paris l’année suivante, ne peut être jouée en Angleterre, faute d’avoir obtenu la licence d’autorisation, au motif qu’elle met en scène des personnages bibliques. Confronté une première fois aux rigueurs de la morale victorienne, Wilde enchaîne cependant avec quatre comédies de mœurs, qui font de lui l’un des dramaturges les plus en vue de Londres. Indissociables de son talent littéraire, sa personnalité hors du commun, le mordant de son esprit, le brillant de sa conversation et de ses costumes assuraient sa renommée.
Au faîte de sa gloire, alors que sa pièce maîtresse L'Importance d'être Constant 1895 triomphe à Londres, Oscar Wilde poursuit le père de son amant Alfred Bruce Douglas pour diffamation, après que celui-ci a entrepris de faire scandale de son homosexualité. Après une série de trois procès retentissants, Wilde est condamné pour grave immoralité à deux ans de travaux forcés. Ruiné par ses différents procès, condamné à la banqueroute, il écrit en prison De Profundis, une longue lettre adressée à son amant dont la noirceur forme un contraste saisissant avec sa première philosophie du plaisir. Dès sa libération en mai 1897, il quitte définitivement la Grande-Bretagne pour la France. C’est dans ce pays d’accueil qu’il met un point final à son œuvre avec La Ballade de la geôle de Reading 1898, un long poème commémorant l’expérience éprouvante de la vie en prison. Il meurt à Paris en 1900, dans le dénuement à l'âge de quarante-six ans.

En bref

L'hérédité et l'éducation jouent un rôle particulièrement important dans la vie d'Oscar Wilde : sa mère, Jane Francisca Elgee, ardente poétesse qui avait choisi comme pseudonyme Speranza, collaborait au journal nationaliste irlandais The Nation quand un procès retentissant mit fin à ses activités littéraires. Comme d'autres furent accusés d'avoir composé les appels aux armes dont elle était l'auteur, elle revendiqua la paternité de ses écrits. Cette Junon théâtrale, courageuse, capable de grandeur comme de grotesque, finit par épouser William Wilde, oculiste célèbre et chirurgien, don Juan obstiné, d'une infatigable activité. La carrière brillante de ce médecin fut à son tour interrompue par les accusations venimeuses d'une maîtresse abandonnée, d'où un procès entouré de ridicule qui signa la déchéance d'un des hommes les plus remarquables d'Irlande. Oscar Wilde et son frère, Willie, assistèrent à cette lente dégradation qui se termina par la mort de leur père avant la cinquantaine.
À la naissance d'Oscar à Dublin, lady Wilde désirait à tout prix une fille ; elle déguisa sa déception en travestissant son fils qui fut élevé comme la fille qu'elle n'avait pas eue. La naissance d'une petite Isola n'y changea rien et la mort à l'âge de neuf ans de cette sœur fut un grand drame dans l'enfance de Wilde : Toute ma vie est enterrée là, jetez de la terre dessus, écrira-t-il dans un poème. Drame d'autant plus marquant que la mère demeurait, plus que jamais, l'unique figure féminine qui sût le retenir. Ainsi ce fils d'un couple fantasque, original, ce produit d'une famille sale, désordonnée, hardie, imaginative et cultivée, selon les termes de Yeats, sera-t-il la victime d'une enfance étrange et d'une hérédité aux mains chargées de présents. Ce n'est pas notre propre vie que nous vivons, mais la vie des morts, écrira-t-il dans Intentions 1891. Comme le souligne Robert Merle dans le remarquable ouvrage qu'il lui a consacré, le goût du vêtement, de l'apparence, du travesti et du mot d'esprit hérité de sa mère, le deuil d'Isola qui le frustrait d'une présence féminine bénéfique, un mariage sans passion durable avec une jeune héritière, Constance Lloyd, dépourvue de personnalité, le dégoût du physiologique et de la procréation, la peur de la vieillesse, un narcissisme insatiable parce que dès l'abord blessé, une nature fluctuante et masochiste, tout prédisposait Wilde à l'homosexualité. Certes, ses goûts devaient déjà être définis dès son adolescence, il fit ses études au Trinity College de Dublin en 1871-1874, et à Oxford en 1874-1878, mais ce fut la rencontre d'Alfred Douglas qui les affirma avec éclat. Étrangement, le roman d'Oscar Wilde Le Portrait de Dorian Gray, The Picture of Dorian Gray, 1891 précéda cette passion, et l'on ne peut qu'être frappé par la prescience que dévoile ce récit du sort qui attendait son auteur. Le père de Douglas, homme irascible et violent, accusa Wilde de pervertir son fils par ses mœurs ; Wilde releva le défi, d'où le troisième procès de la famille Wilde, à l'image de ceux qui le précèdent. L'attitude de Wilde révèle une identification à la mère dans le fait qu'il ne chercha aucunement à éviter l'accusation ; et l'on devine le souvenir de la dégradation paternelle dans une sorte de vertige de l'échec et de l'autopunition, car, après l'épreuve du procès qui s'était terminé par une condamnation à deux ans de travaux forcés à la geôle de Reading, Wilde s'enfonça dans la maladie et la tristesse. C'est en prison qu'il composa De profundis, sorte de règlement de comptes bouleversant avec Alfred Douglas et document des plus révélateurs sur sa propre nature. Il y commença sa fameuse Ballade de la geôle de Reading, The Ballad of Reading Gaol, 1898, qu'il termina en Italie au sortir de prison. Wilde, qui séjourna près de Dieppe, puis à Naples où il retrouva Douglas, adopta comme pseudonyme Melmoth, nom du Juif errant dans le roman de l'écrivain irlandais Charles Robert Maturin, son grand-oncle. Il mourut d'une méningite à Paris, et il est enterré au cimetière du Père-Lachaise.

Sa vie

Oscar Wilde est né au 21, Westland Row à Dublin, aujourd'hui le siège de l'Oscar Wilde Centre, Trinity College. Il est le second des trois enfants de Sir William Wilde et de Jane Francesca Elgee, de deux ans le cadet de son frère aîné William.
Sa mère ne se départit jamais sa vie durant de son soutien à la cause nationaliste irlandaise, bien qu'elle restât fidèle à la tradition anglicane de ses grands-pères, tous deux pasteurs. Elle s'enorgueillissait tout particulièrement de ses poésies nationalistes, dont elle avait commencé la composition en 1845, après la mort du journaliste et poète Thomas Davis, l'une des figures de proue des Jeunes Irlandais. Publiées sous le pseudonyme de Speranza dans le journal The Nation, l'organe de presse du mouvement cofondé par Davis, ces poésies jouissaient d'une certaine estime dans le milieu littéraire irlandais. W. B. Yeats lui-même ne manquait pas d'en faire l'éloge.
Les poèmes des Young Irelanders, que leur mère leur lisait régulièrement, firent dès le plus jeune âge partie intégrante de l'univers culturel dans lequel baignaient les deux frères Oscar et Willie Wilde. Les peintures et les bustes antiques dont la maison familiale était ornée témoignaient quant à eux de l'engouement maternel pour la mode néo-classique de l'époque. L'influence de Jane Wilde sur Oscar ne se limita pas au cadre culturel dans lequel grandit son fils : elle ne cessa, dès qu'elle eut perçu chez lui les prémices d'une vocation littéraire, de l'encourager et de la nourrir.
William Wilde était un médecin oculiste éminent, il soigna notamment la reine Victoria elle-même, Napoléon III ou le roi de Suède Oscar II qui tint à le remercier en devenant le parrain d'Oscar Wilde, d'où le prénom original donné à celui-ci. William Wilde fut annobli, et devint chevalie en 1864 pour les services rendus comme conseiller médical et commissaire adjoint au recensement de l'Irlande. Il était par ailleurs versé dans l'érudition locale et écrivit plusieurs ouvrages traitant de l'archéologie et du folklore irlandais. Philanthrope reconnu, il ouvrit un dispensaire à l'intention des pauvres de Dublin qui préfigurait le Dublin Eye and Ear Hospital, situé de nos jours à Adelaide Road.
En 1855, la famille Wilde emménagea au 1, Merrion Square, où leur fille Isola vit le jour deux ans plus tard. La nouvelle résidence, à la hauteur de la notoriété grandissante du couple, lui permit de tenir un salon composé de l'élite culturelle et médicale de la ville. Ces réunions, qui se tenaient les samedis après-midis, pouvaient réunir jusqu'à cent invités, et comptaient parmi ses habitués des noms tels que Sheridan Le Fanu, Charles Lever , George Petrie, Isaac Butt, William Rowan Hamilton et Samuel Ferguson.
Sa mère Jane Francesca Elgee aurait préféré une fille à la naissance d'Oscar, elle l'éleva comme tel jusqu'à l'âge de sept ans : toute sa vie Oscar Wilde restera dans sa tête ce jeune garçon ambigu, transformé par sa mère en petite idole hindoue. Jusqu'à l'âge de neuf ans, Oscar Wilde fut éduqué à domicile, sous la garde d'une bonne française et d'une gouvernante allemande. Il fréquenta ensuite la Portora Royal School à Enniskillen, dans le comté de Fermanagh, établissement qui se targuait d'être l'Eton irlandais. Pendant son adolescence, il passa l'essentiel de ses étés dans la villa familiale de Moytora, dans le comté de Mayo où il fréquentait avec son frère le futur écrivain George Moore. Sa jeune sœur Isola mourut à 11 ans d'une méningite. Wilde lui a dédié le poème Requiescat.

Études supérieures Trinity College

Wilde quitta Portora en ayant obtenu une bourse royale pour le prestigieux Trinity College de Dublin qu'il fréquenta de 1871 à 1874, en compagnie de son frère, dont il partageait la chambre. Il reçut l'enseignement de R.Y. Tyrell, Arthur Palmer, Edward Dowden et surtout de son tuteur, le révérend J.P. Mahaffy, vieil érudit qui éveilla son intérêt pour la culture grecque antique et la passion des questions nobiliaires. Malgré des réserves tardives, Wilde tenait encore en 1893 Mahaffy pour son premier et meilleur maître, celui qui lui apprit à aimer les œuvres grecques. De son côté Mahaffy se vanta dans un premier temps d'avoir créé Wilde, puis dans un second temps, après les revers de fortune de son élève, déplora qu'il fût la seule tache de son tutorat. Les deux hommes entretenaient à l'époque une relation suffisamment étroite pour que Mahaffy jugeât de citer nommément son élève en exergue de son ouvrage Social Life in Greece from Homer to Menander.
Cette découverte de l'hellénisme alla pour Wilde de pair avec un approfondissement de ses conceptions esthétiques, qui commencèrent à se préciser. Outre les enseignements de Mahaffy, il subit pendant cette période l'influence des poètes et des peintres préraphaélites, en premier lieu de Dante Gabriel Rossetti et d'Algernon Swinburne, qui orienta ses lectures vers Baudelaire puis Walt Whitman. Sous l'effet de ces théories esthétiques, inséparables d'une conception plus générale, et assez exigeante, des rapports entre l'art et la vie, il commença à modeler le personnage d'esthète qui devait faire sa réputation.
Wilde devint également un membre actif de l'University Philosophical Society, une société de débats qui publiait une feuille de chou. Remarqué pour ses activités parascolaires, il brillait également sur le terrain plus proprement académique : premier de sa classe lors de sa première année, récipiendaire d'une bourse par concours la seconde, il remporta finalement la médaille d'or de Berkeley, la récompense suprême de l'université en grec pour clore son cursus. Il était dans la logique du système universitaire britannique qu'un élève aussi brillant intégrât l'une des prestigieuses universités anglaises. Encouragé par Mahaffy, il postula pour une bourse spéciale du Magdalene College de l'université d'Oxford, qu'il remporta aisément.

Oxford

Pendant sa scolarité à Oxford, Wilde gagna rapidement une certaine renommée parmi ses condisciples pour son esthétisme affiché et son rôle dans le mouvement décadent. Il portait les cheveux longs, méprisant ouvertement les sports virils, qui jouaient un rôle central dans la vie sociale des étudiants d'Oxford, bien qu'il pratiquât occasionnellement la boxe. Dans sa chambre, les plumes de paon, les fleurs de lys ou de tournesol côtoyaient des porcelaines de Chine bleues, des photographies du pape et des gravures de peintres préraphaélites. Il confia un jour à des amis qu'il lui était chaque jour plus difficile de se montrer digne de sa porcelaine bleue ; la phrase fit rapidement le tour du campus, reprise comme un slogan par les esthètes et utilisés contre eux par ceux qui l'érigeaient en symbole de leur vacuité. L'hostilité de certains étudiants contre ces excentriques qui se distinguaient par leurs poses languides et leurs costumes tape-à-l'œil pouvait parfois tourner à la provocation physique. Attaqué par un groupe de quatre jeunes gens, Wilde désarçonna un jour tous ces critiques en répondant seul du tac au tac à l'aide de ses poings.
Dès sa troisième année à Oxford, il avait définitivement posé les bases de son personnage de dandy et assis sa notoriété, qui reposait pour partie sur la distance désinvolte qu'il adoptait avec l'imposante institution qu'était l'université d'Oxford. Il fut ainsi exclu provisoirement, après avoir manqué le début des cours à l'issue d'un voyage en Grèce en compagnie du Professeur Mahaffy.
Plusieurs professeurs d'Oxford exercèrent une influence décisive sur sa trajectoire. Si Wilde ne fit pas la connaissance de Walter Pater avant sa troisième année, il avait été enthousiasmé par la lecture de ses Studies in the History of the Renaissance, publiées alors qu'il était encore étudiant à Trinity24. Pater considérait que la sensibilité esthétique de l'homme devait être cultivée avant toute chose, et accordait une attention toute particulière à l'expérience, dont la splendeur et la terrible brièveté exigeaient qu'elle mobilise la concentration de tout notre être. Des années plus tard, dans De Profundis, Wilde reconnut l'influence si étrange que l'ouvrage de Pater avait eue sur sa vie. Il en connaissait des extraits par cœur et l'emporta avec lui en voyage jusque dans ses dernières années. Si Pater donna à Wilde son sens du dévouement à l'art, on peut créditer John Ruskin d'avoir donné un but à cet investissement esthétique.
La fin de son cycle oxonien fut couronnée de succès. Il sortit diplômé du Magdalene College en ayant obtenu les mentions les plus hautes first class honours dans ses deux matières principales après avoir remporté le prix de poésie de l'université d'Oxford, le Newdigate Prize, exercice de style dont le thème imposé était cette année-là Ravenne. La ville ne lui était pas inconnue puisqu'il l'avait visitée l'année précédente. Ce prix assez prestigieux, doté de la somme confortable de 21 livres, lui donnait le droit à son récipiendaire de lire son poème lors de la cérémonie annuelle, mais lui assurait surtout une petite notoriété dans le monde des lettres.

Carrière artistique et premiers succès londoniens

Son diplôme en poche, Wilde retourna à Dublin où il rencontra Florence Balcombe, dont il s'amouracha, mais la jeune femme se fiança à l'écrivain Bram Stoker qu'elle épousa en 1878. Peu après avoir appris ses fiançailles, Wilde lui annonça son intention de retourner en Angleterre, probablement pour de bon. Incertain de la marche à suivre pour lancer sa carrière, il s'enquit d'abord auprès de plusieurs connaissances de positions libres à Oxbridge. Puis, profitant de la part d'héritage qu'il avait reçu de son père, il s'installa peu après, comme pensionnaire du peintre Frank Miles, d'abord près du Strand, puis à partir de 1880 au 1, Tite Street dans le quartier de Chelsea. La capitale paraissait être la rampe de lancement idéal pour un apprenti artiste ambitieux. Wilde put y profiter des relations dont Miles bénéficiaient déjà dans le monde du théâtre londonien. Il devint proche des comédiennes Lillie Langtry, Ellen Terry, avant de devenir un intime de Sarah Bernhardt.
Bien qu'il se destinât avant tout à une carrière de critique d'art, ce fut par le biais de la poésie qu'il parvint à se faire un nom dans le monde littéraire de la capitale britannique. Dès son entrée à Trinity College, Wilde avait publié de la poésie dans de petites revues telles que Kottabos et le Dublin University Magazine. Inspiré par ses voyages en Grèce et en Italie, il n'avait depuis jamais cessé d'écrire, publiant occasionnellement dans des magazines. En 1881, un recueil titré Poems, publié quasiment à compte d'auteur, réunit ses premières compositions et des œuvres jusqu'alors inédites. Il reçoit un bon accueil et l'écoulement rapide des 750 premiers exemplaires rend nécessaire une nouvelle édition l'année suivante.

Tournée nord-américaine

Bien qu'il n'eût alors que peu produit, Wilde profita pleinement de la notoriété de son cercle d'amis pour faire valoir ses qualités mondaines ; il était déjà une figure suffisamment célèbre pour que son style hors norme fît l'objet de caricatures dans la presse. Cette notoriété prit une nouvelle ampleur en 1881 lorsque Gilbert et Sullivan, deux compositeurs en vogue, s'inspirèrent directement de Wilde pour l'un des personnages de leur nouvel opéra intitulé Patience35. Lorsque la pièce fut produite aux États-Unis, on lui proposa une série de conférences visant à familiariser le public américain aux ressorts de l'esthétisme britannique. Wilde arriva aux États-Unis le 3 janvier 1882, précédé d'une réputation d'homme d'esprit. Il s'empressa de confirmer cette réputation devant la foule venue l'accueillir dès sa descente de bateau en répondant à un douanier qu'il n'avait rien d'autre à déclarer que son génie.
Le succès fut au rendez-vous dans des proportions que les organisateurs n'avaient pas su prévoir : programmée initialement pour quatre mois, la tournée dura finalement plus d'un an, avec un crochet final par le Canada. Le séjour américain de Wilde lui fut finalement extrêmement profitable. Ce détour transatlantique, autorisé à l'origine par la petite notoriété dont il jouissait à Londres, lui permit en retour de se parer d'une aura plus grande encore qui affermit considérablement sa position en Angleterre. D'un point de vue intellectuel, l'exercice difficile de la conférence publique et la diversité des auditoires auxquels il fut confronté, se produisant aussi bien dans les salons de la grande bourgeoisie que face à des parterres d'ouvriers, lui permit d'affuter sa pensée dans le domaine de l'esthétique. Ces nouveaux développements, inspirés de la lecture de Théophile Gautier, Baudelaire ou William Morris, nourrirent directement les premiers essais qu'il devait publier à son retour en Angleterre.

Parenthèse parisienne

À peine revenu à Londres, Wilde s'embarqua pour Paris où il séjourna de février à la mi-mai 1883. Les revenus tirés de ses conférences et les gains qu'il attendait d'une pièce en cours d'écriture, La Duchesse de Padoue, lui permirent de revenir dans une ville qui avait déjà marqué son adolescence et était un des hauts lieux de la vie intellectuelle européenne. Il fit peu de temps après son arrivée la connaissance du jeune poète Robert Sherard qui devait devenir son biographe. L'ascendance glorieuse de Sherard, qui n'était autre que l'arrière-petit-fils du poète William Wordsworth, lui ouvrait les portes des plus illustres écrivains. Dans son sillage, Wilde put dîner chez Victor Hugo.
Son étape parisienne marqua un changement notable dans le style de Wilde, qui entra alors, selon Schiffer, dans sa deuxième période esthétique. Troquant ses tenues extravagantes contre des costumes toujours aussi soignés, mais plus sobres, il fit également couper ses fameux cheveux longs, qui lui valaient maints commentaires sarcastiques de la presse, pour une coupe qu'il qualifiait fièrement d'à la Néron. Paris marqua également la rencontre de Wilde avec le décadentisme français ; s'il fit la connaissance de Marcel Proust, il fut néanmoins beaucoup plus marqué par sa rencontre avec Maurice Rollinat, avec lequel il s'entretint à plusieurs reprises. Les soirées organisées par le peintre Giuseppe De Nittis furent également l'occasion pour Wilde de côtoyer les peintres impressionnistes Edgar Degas et Camille Pissaro.

Mariage

Dès son retour en Angleterre, Wilde convia Constance Lloyd, la fille d'Horace Lloyd, un riche conseil de la Reine, au thé dominical donné par sa mère. À l'issue d'une cour assidue, il se fiança avec la jeune femme le 26 novembre 1883, avant de l'épouser en grande pompe le 29 mai 1884 dans la très distinguée église St James, à Londres dans le quartier de Paddington. L'entreprise de séduction, savamment orchestrée, tombait à point nommé pour mettre fin aux racontars sur son homosexualité, qui s'étaient accentués lors de son séjour français. De cette union naîtront deux enfants, Cyril et Vyvyan. Avant même son mariage, le jeune couple s'afficha assez ouvertement lors de la série de conférences sur ses Impressions personnelles sur l'Amérique, La mode ou La valeur de l'art dans la vie moderne dans laquelle Wilde, à nouveau à court d'argent après son dispendieux séjour parisien, avait été contraint de se lancer. Le conférencier ne tarissait pas d'éloges sur sa nouvelle femme qui incarnait à ses yeux l'essence même du modèle préraphaélite et dont le caractère était trempé aux nouvelles idées féministes. Le 9 mai 1884, Oscar s'était rendu, avec son frère et sa mère, chez Charles Carleton Massey, pour assister à la première réunion de la loge théosophique de l'Hermetic Society.
Les revenus annuels de Constance Lloyd s'élevaient à 250 livres, somme généreuse pour une jeune femme, mais qui était bien le moins qu'il fallait à un chantre de l'esthétisme qui devait maintenant incarner les principes qu'il s'était fait profession d'enseigner aux autres. Le 16, Titre Street, qui devait abriter le jeune couple, fut rénové à grand frais, consumant l'intégralité des 5 000 livres d'avance sur héritage que le grand-père de Constance lui avait consenti. La villa dont la décoration fut confiée à l'architecte Edward William Godwin accueillit les trésors que Wilde avait amassés, comme le bureau de travail de Thomas Carlyle.
Il devint rédacteur en chef de The Womans' World. En 1886, il rencontra Robert Ross qui devient son amant et sera plus tard son exécuteur testamentaire.

Le Portrait de Dorian Gray

Publié dans sa première version le 20 juin 1890, Le Portrait de Dorian Gray The Picture of Dorian Gray est le produit d'une commande de l'éditeur américain J.M Stoddart pour sa revue, le Lippincotts Monthly Magazine. Il parut en volume, augmenté de six chapitres, l'année suivante aux États-Unis et en Angleterre et déclencha une tempête de protestations parmi les critiques anglais. La qualité littéraire du texte n'était certes pas mise en cause. À l'instar du Scots Observer, qui mena campagne contre le roman aux côtés du Daily Chronicle et de la St James Gazette, la plupart des critiques reconnaissaient à Wilde de l'intelligence, de l'art et du style. Ils lui reprochaient en revanche de compromettre ses qualités en illustrant des thèmes qui portaient atteinte à la morale publique. Art travesti que celui de Wilde, car son intérêt est d'ordre médico-légal ; il travestit la nature, car son héros est un monstre ; il travestit la morale, car l'auteur ne dit pas assez explicitement qu'il ne préfère pas un itinéraire de monstrueuse iniquité à une vie droite, saine et sensée.
Wilde ne fut pas pour rien dans l'ampleur que prit la controverse. Il ne se déroba pas face aux critiques et choisit de répondre avec vigueur à chacune des objections de ses détracteurs. Sa défense fut pour lui l'occasion de mettre en lumière, et parfois même de préciser, les lignes du programme qu'il venait de développer dans son essai Le Critique comme artiste 1891. Elle tenait dans l'affirmation de l'indépendance que l'art doit maintenir vis-à-vis de la morale, et plus généralement dans la supériorité de l'Esthétique sur l’Éthique.
En 1891, il rencontre Lord Alfred Douglas de Queensberry, s'en éprend et tous deux mènent une vie débridée en affichant en public leur homosexualité. Le père d'Alfred, John Douglas, 9e Marquis de Queensberry et frère de Florence Dixie, désapprouve cette relation et provoque Wilde à plusieurs reprises. Cela entraînera le scandale Queensberry et un procès.

Le scandale Queensberry

Lord Alfred Douglas, surnommé Bosie , et Oscar Wilde.
Le marquis de Queensberry a demandé à Wilde de s'éloigner de son fils. Début 1895, il remet au portier du club Albermarle, l’un des clubs d’Oscar Wilde, sa carte de visite où il écrit :
For Oscar Wilde posing as Somdomite
Pour Oscar Wilde, s’affichant comme Somdomite sic.l'orthographe fautive du mot sodomite créa en anglais le mot somdomite
Wilde décide alors de lui intenter un procès pour diffamation, qu'il perd. Le marquis se retourne contre Wilde.
C'est le premier des procès intentés contre Wilde. Il débute le 3 avril 1895. L'avocat de Queensberry, Edward Carson, va s'y révéler un accusateur habile et coriace, et les joutes verbales opposant les deux hommes vont rester fameuses. Wilde joue tout d'abord de son charme habituel, de son inégalable sens de la répartie, déclenchant l'hilarité du public, transformant par moment le tribunal en salle de théâtre. Mais il finit par se faire piéger pour un bon mot à propos de Walter Grainger, un jeune domestique de Lord Alfred Douglas à Oxford : Carson lui demandant s'il l'a jamais embrassé, Wilde répond Oh non, jamais, jamais ! C’était un garçon singulièrement quelconque, malheureusement très laid, je l'ai plaint pour cela. He was a particularly plain boy—unfortunately ugly—I pitied him for it.

Emprisonnement

Pressé par ses amis, Robert Ross en particulier, de s'enfuir sur le continent, il préfère attendre l'inéluctable. Daniel Salvatore Schiffer reprend l'explication de Yeats concernant cette attitude, citant les propos de Lady Wilde : "Si vous restez, et même si vous allez en prison, vous serez toujours mon fils.... Mais si vous partez, je ne vous adresserai jamais plus la parole"53. Il est arrêté le 6 avril dans sa chambre n°118 du palace londonien Cadogan Hotel, puis, après deux autres procès, il est condamné le 25 mai, en vertu d'une loi datant de 1885 interdisant l'homosexualité, à la peine maximale de deux ans de travaux forcés en 1895. Ses biens sont confisqués pour payer les frais de justice. Constance Lloyd, sa femme, se réfugie en Allemagne avec ses fils qui prennent le nom de Holland.
Après quatorze mois de travaux forcés et à la suite de son transfert de la prison de Reading, Wilde se voit accorder le privilège exceptionnel de la part du directeur de la prison de posséder un petit matériel d’écriture et reçoit la permission d’écrire à condition de remettre tous les soirs ses écrits, son papier et son stylo aux autorités pénitentiaires. Il n'écrira en prison que de la correspondance, et en particulier une longue lettre adressée à Alfred Douglas qui sera, après sa mort, publiée sur le nom de De Profundis. Les travaux forcés et l'enfermement l'affecteront au point qu'il ne produira qu'une seule œuvre après sa libération, elle-même sur le thème de la prison: La Ballade de la geôle de Reading. Durant son incarcération, il continue de recevoir la visite de Robert Ross. Alfred Douglas est, quant à lui, poussé à l'exil en France et en Italie pendant plus de trois ans.

Après sa libération de prison

Vitre plastique protégeant sa tombe recouverte de nombreuses traces de rouge à lèvres laissées par des fans.
Sa libération, en 1897, est un grand moment de joie, il s'exclame à de nombreuses reprises "Que le monde est beau" sur le quai de la gare, ce que ses amis lui reprochent puisqu'il lui est plus que nécessaire de se faire discret. Il souhaite épouser le catholicisme, à la suite de sa conversion spirituelle que lui a coûté la prison, et désire se retirer un an dans un cloître. Les Jésuites qu'il sollicite refusent d'accueillir un tel membre et lui conseillent d'attendre encore un an ou deux. Il quitte alors l'Angleterre pour la France, où il demeure quelque temps à Berneval, près de Dieppe en Normandie, sous le nom de Sébastien Melmoth, en référence au roman Melmoth, l'homme errant Melmoth the Wanderer, 1820 de Charles Robert Maturin, un des romans fondateurs du courant gothique en littérature, et du martyr Sébastien, personnage qui le fascine. Maturin était par ailleurs le grand-oncle de Wilde. Il vit sous la tutelle de Robert Ross, qui s'étonne de le voir se comporter tel un enfant. En effet, Wilde est très dispendieux alors même que ses ressources se sont taries. Traumatisé par son expérience de la prison, il semble avoir plus que besoin d'une présence à ses côtés, alors que Ross doit retourner à Londres pour affaires. Il s'étonne des réticences que Constance met à le rejoindre. Or cette dernière est non seulement très éprouvée, mais combat en plus la maladie. Extrêmement déçu, Wilde reçoit un billet de Lord Alfred Douglas et désire ardemment le retrouver malgré les avertissements de Ross et les menaces de Constance de lui couper les vivres. Vraisemblablement, Bosie n'a pas lu De Profundis, qui lui était pourtant originellement destiné, encore que cela fasse débat entre Ross qui devait le lui remettre, et Alfred Douglas qui assure encore dans son autobiographie ne l'avoir jamais eu en main. Finalement, une rencontre à Rouen le 28 août leur fait retrouver la vie commune. Et, après être passés par Paris afin d'obtenir les fonds nécessaires, généreusement offerts par O'Sullivan, les deux amants partent pour Naples en septembre 97. Ils entretiennent un train de vie très confortable, compte tenu de leurs revenus communs. Toutefois, lorsque Constance apprend la situation, elle met sa menace à exécution, et le couple s'enfonce alors dans le besoin.
Oisif, il sort avec ses amis ou fréquente de jeunes hommes prostitués à Paris. Commence alors une période de déchéance dont il ne sortira pas et, malgré l'aide de ses amis qui lui prêtent de l'argent, ses revenus littéraires étant devenus insuffisants, notamment André Gide, Robert Ross, il finit ses jours dans la solitude et la misère. Oscar Wilde meurt probablement d'une méningite, âgé de 46 ans, en exil volontaire à Paris, le 30 novembre 1900. Plusieurs causes de cette mort ont été données par ses biographes : méningite consécutive à sa syphilis chronique, il n'en a jamais montré de symptômes ; consécutive à une opération chirurgicale, peut-être une mastoïdectomie selon Merlin Holland, unique petit-fils d'Oscar Wilde ; les médecins de Wilde, le Dr Paul Cleiss et Tucker A'Court, pensent que cette inflammation des méninges est la conséquence d'une « ancienne suppuration de l'oreille droite d'ailleurs en traitement depuis plusieurs années.
Le 28 octobre 1900, il s'était converti au catholicisme. À cette occasion, la tradition voulant que l'on offre une coupe de champagne à un adulte qui se convertissait, il aurait eu ce mot : Je meurs comme j'ai vécu, largement au-dessus de mes moyens. Ses derniers mots, dans une chambre d'hôtel61 au décor miteux Hôtel d'Alsace, 13, rue des Beaux-Arts à Paris, devenu aujourd’hui L'Hôtel auraient été : Ou c'est ce papier peint qui disparaît, ou c'est moi. Guy-Louis Duboucheron, propriétaire de L'Hôtel, Jacques de Ricaumont et Maria Pia de Savoie présidente de l'Association des amis d'Oscar Wilde, ont créé le prix Oscar-Wilde remis par le Cercle Oscar-Wilde lors de la réouverture de l'établissement en 2000. Le premier prix a été attribué à Frédéric Mitterrand pour son livre Un jour dans le siècle.

Après un enterrement de sixième classe le dernier avant la fosse commune et une inhumation au cimetière de Bagneux, ses restes sont transférés en 1909 au cimetière du Père-Lachaise, division 89, à Paris. Son tombeau surmonté d’un monument s'inspirant d'un taureau ailé assyrien, conservé au British Museum et dont le visage est celui du dramaturge allusion au poème La Sphinge de Wilde, a été sculpté par l'artiste expressionniste Sir Jacob Epstein de 1911 à 1914.

Le drame de l'ambiguïté

Oscar Wilde connut les esprits les plus remarquables de l'Angleterre de son temps : Dante Gabriel Rossetti, Robert Browning, Meredith, Swinburne et Whistler. On n'a que trop insisté sur sa conversation éblouissante, son goût du paradoxe, ses aphorismes insolents, sur son cynisme et son humour que l'on retrouve dans les excellentes reparties de ses pièces. Entre 1887 et 1895, l'écrivain connut une période de grande créativité et de succès immédiat avec ses contes, comme Le Crime de lord Arthur Savile Lord Arthur Savile's Crime, 1891, son Portrait de Dorian Gray, roman prémonitoire étrangement torturé et puritain, ses pièces : L'Éventail de lady Windermere Lady Windermere's Fan, 1892, Une femme sans importance A Woman of No Importance, 1893, Un mari idéal An Ideal Husband, 1895, L'Importance d'être constant The Importance of Being Earnest, 1895. Mais l'intérêt de la personnalité de Wilde réside en son ambiguïté. Derrière l'insolence du dandy en apparence révolutionnaire se cache un autre Wilde, secrètement attiré par les forces de mort. Gide avait bien compris combien le théâtre de Wilde comportait sa propre image dans le tapis et que son esthétisme d'emprunt n'était pour lui qu'un revêtement ingénieux pour cacher en révélant à demi ce qu'il ne pouvait laisser voir au grand jour. Un autre écrivain aura l'intuition du fond tragique de l'œuvre wildienne : Hugo von Hofmannsthal. Dans son étude Sébastien Melmoth, il écrit : Le destin de cet homme aura été de porter successivement trois masques : Oscar Wilde, C. 3.3., Sébastien Melmoth, et de descendre vers la catastrophe du même pas qu'Œdipe aveugle et clairvoyant. Certaines hantises reviennent dans les contes, les essais et le théâtre, celles du masque, de la mort et de la femme liée à la destruction. Malgré la différence de ton entre leurs œuvres, ces hantises dénotent certaines affinités frappantes entre Wilde et Henry James : même passion du secret, même renversement des sexes, car les femmes sont fortes et les pères dominés ou absents Le Portrait de Mr. W. H., qui concerne le jeune inconnu des Sonnets de Shakespeare, a plus d'un point commun avec L'Image dans le tapis. Les essais groupés dans le recueil Intentions, où Wilde a exprimé sa théorie de l'art, mettent en relief la nécessité de remédier à l'inachèvement total de la nature par la création artistique et le rôle profond que doit jouer le masque dans l'œuvre et dans la vie. Ce rôle, la préface au Portrait de Dorian Gray l'annonçait déjà : Révéler l'art et cacher l'artiste, tel est le but de l'art. Le masque, pour Wilde, est lié au passé qu'il travestit ; comme il est posé sur un visage déjà existant, il demeure en quelque sorte commandé par ce qui fut. Aussi, rien de plus impitoyable : Un masque est plus révélateur qu'un visage ; ou encore : L'homme cesse d'être lui-même dès qu'il parle pour son propre compte, mais donnez-lui un masque et il vous dira la vérité Intentions.
En fait, on se demande si la scandaleuse homosexualité de Wilde, tant affichée par lui, ne masquait pas, justement, un amour passionné et passif pour sa mère. L'analyse de certains poèmes, par ailleurs fort beaux, comme Charmides 1881 ou Le Sphinx 1894 révèle un attachement ambivalent envers une figure maternelle omnisciente et dévoratrice. Ce fantasme incestueux est flagrant dans un roman érotique, Teleny, dont le manuscrit circulait en 1893 à Londres et dont certaines parties sont attribuées à Wilde par Montgomery-Hyde. La femme, l'amour, la mort se retrouvent dans la Salomé 1896écrite par Wilde en français, traduite en anglais par Alfred Douglas, et créée par Sarah Bernhardt en 1896 au théâtre de l'Œuvre. L'ouvrage fut illustré par Aubrey Beardsley. Salomé y fait couper la tête de Jokanaan avec l'accord d'Hérodias : c'est peut-être pour venger tant de victimes masculines dans son œuvre que Wilde s'intéressa à l'assassin Wainewright, qu'il choisit comme héros d'un de ses essais les plus frappants, Plume, pinceaux, poison. Wainewright était bien un personnage qui pouvait tenter Wilde : il était maudit dès sa naissance puisqu'il coûta la vie à sa mère en venant au monde.

On voit combien la complexité d'un tel auteur l'éloigne de la réputation superficielle qui fut sienne. Il apparaît comme l'héritier des derniers romantiques. Peut-être la clef d'un tel personnage se trouve-t-elle dans cette confession désabusée qu'il fit à la fin de sa vie à Laurence Housman : La mission de l'artiste est de vivre une vie complète et le succès n'en est qu'un aspect, l'échec en est la vraie fin.

Conceptions esthétique

En ces dernières décennies du XIXe siècle, Wilde incarne une nouvelle sensibilité qui apparaît en réaction contre le positivisme et le naturalisme.
Dans sa préface au Portrait de Dorian Gray, il défend la séparation de l'esthétique et de l'éthique, du beau et du moral :
« The artist is the creator of beautiful things. ... There is no such thing as a moral or an immoral book. Books are well written, or badly written. That is all. … No artist desires to prove anything. Even things that are true can be proved. … All art is quite useless.
L'artiste est le créateur de belles choses.… il n'y a pas de livre moral ou immoral. Les livres sont bien ou mal écrits. Voilà tout. … Aucun artiste ne désire prouver quoi que ce soit. Même une vérité générale peut être prouvée. … Tout art est plutôt inutile.
Vivian, le porte-parole de Wilde dans Le Déclin du mensonge, s'oppose clairement au mimétisme en littérature qu'implique le réalisme. Selon lui, la vérité est entièrement et absolument une affaire de style ; en aucun cas l'art ne doit se faire le reflet de l’humeur du temps, de l’esprit de l’époque, des conditions morales et sociales qui l’entourent. Wilde contestait d'ailleurs la classification d'Honoré de Balzac, dans la catégorie des réalistes : Balzac n'est pas plus un réaliste que ne l'était Holbein. Il créait la vie, il ne la copiait pas. Il ne cachait d'ailleurs pas son admiration pour Balzac, en particulier pour Illusions perdues, Le Père Goriot et surtout pour le personnage de Lucien de Rubempré dont il disait Une des plus grandes tragédies de ma vie est la mort de Lucien de Rubempré. C'est un chagrin qui ne me quitte jamais vraiment. Cela me tourmente dans les moments de ma vie les plus agréables. Cela me revient en mémoire si je ris.
Dans The Critic as Artist Le Critique en tant qu'artiste, Wilde s'oppose à une critique littéraire positiviste, qui voit dans l'objectivité le seul salut de la critique. Le critique, selon Wilde, ne doit considérer l'œuvre littéraire que comme un point de départ pour une nouvelle création, et non pas tenter d'en révéler, par l'analyse, un hypothétique sens caché. Selon lui, la critique n'est pas affaire d'objectivité, bien au contraire: le vrai critique n'est ni impartial, ni sincère, ni rationnel. La critique elle-même doit se faire œuvre d'art, et ne peut dès lors se réaliser que dans le subjectif ; à cet égard, dit Wilde, la critique est la forme la plus pure de l'expression personnelle. La critique ne peut caractériser l'art aux moyens de canons prétendument objectifs ; elle doit bien plutôt en montrer la singularité.
La théorie critique de Wilde a été très influencée par les œuvres de Walter Pater. Il reconnaîtra dans De profundis que le livre de Pater Studies in the History of the Renaissance a eu une si étrange influence sur sa vie.
Dans Le Portrait de M. W. H., Wilde raconte l'histoire d'un jeune homme qui, en vue de faire triompher sa théorie sur les sonnets de Shakespeare, va se servir d'un faux, puis décrit la fascination qu'exerce cette démarche sur d'autres personnages. Le fait que la théorie ne soit pas d'office disqualifiée, dans l'esprit du narrateur, par l'usage d'un faux, va de pair avec l'idée qu'il n'y a pas de vérité en soi de l'œuvre d'art, et que toute lecture, car subjective, peut ou doit donner lieu à une nouvelle interprétation.
On pourrait distinguer deux esthétiques correspondant aux deux périodes marquantes, bien qu'inégalement longues, de la vie littéraire de Wilde. La première, décrite ci-dessus, pourrait se résumer à l'éloge de la superficialité. L'intuition de Wilde, fortement influencée par les écrivains français de son temps qu'il lisait dans le texte, était que dans la forme même, gît le sens et le secret de tout art. Dans Le Portrait de Dorian Gray, il fait dire à Lord Henry : Seuls les gens superficiels ne jugent pas sur les apparences. Son écriture d'ailleurs correspond exactement à ses conceptions : se refusant aux descriptions naturalistes, il se contente de poser une ambiance en égrenant quelques détails : la couleur d'un rideau, la présence d'un vase, le passage d'une abeille près d'une orchidée. La deuxième période, celle de la prison et de la déchéance prend l'exact contre-pied théorique : dans son De Profundis, Wilde répète comme une litanie pénitentiaire ce refrain : Le crime, c’est d'être superficiel. On assiste dans cette œuvre, ainsi que dans l'autre production de cette période, dans la vie de Wilde, La Ballade de la geôle de Reading, à la reprise de formes d'écriture, comme la ballade, qui sont plus traditionnelles, jouant plus sur la répétition et l'approfondissement que sur la légèreté et l'effet de contraste.
La deuxième esthétique ne s'inscrit pas en faux envers la première : l'œil averti trouvera qu'elle la révèle. Le masque du Dandy et l'affectation de superficialité, chez un esprit aussi puissant et cultivé que Wilde, étaient la marque d'une volonté de dissimuler des conflits sous-jacents. L'éloge wildien n'était pas un éloge de la superficialité, ce qu'il révèlera lui-même lorsqu'il déchut de son statut de lion au XIXe siècle, on appelait lion les personnes en vue dans les salons anglais pour tomber en celui de réprouvé.

Œuvres

Poésie
Ravenna 1878 : poème pour lequel lui est attribué le prix Newdigate;
Poems 1881;
Poèmes en prose 1894 : publié dans The Fortnightly Review;
The Sphinge 1894: court texte lyrique généralement associé avec poèmes en prose
La Ballade de la geôle de Reading (The Ballad of Reading Gaol, long poème écrit en 1897 après sa libération et décrivant les derniers moments d'un condamné à mort, traduit en français par Henry D. Davray Mercure de France, 1898; il l'offrit à Octave Mirbeau n°237 du catalogue de la vente de la bibliothèque de Sacha Guitry, 25/03/1976 - arch. pers.
.
Théâtre

Véra ou Les Nihilistes 1880, pièce retirée de l'affiche la veille de la première
La Duchesse de Padoue The Duchess of Padua 1883, première pièce de théâtre tirée à douze exemplaires en 1883, elle fut représentée pour la première fois à New York en 1891;
L'Éventail de Lady Windermere Lady Windermere's Fan, jouée pour la première fois en février 1892, publiée en 1893;
Salomé 1893, pièce écrite en français pour Sarah Bernhardt ; traduite en anglais par Lord Alfred Douglas, illustrée par Aubrey Beardsley 1894 ;
Une femme sans importance A Woman of No Importance 1894
L'Importance d'être Constant The Importance of Being Earnest 1895;
Un mari idéal An Ideal Husband 1895;
La Sainte Courtisane, pièce qui ne fut publiée qu'en 1908, mais dont on pense qu'elle a été écrite en 1893;
Une tragédie florentine A Florentine Tragedy, pièce parue après la mort de Wilde en 1908.

Romans et nouvelles

Le Fantôme de Canterville et autres nouvelles Lord Arthur Savile's Crime and Other Stories;
Le Fantôme de Canterville The Canterville Ghost 1887 : aussi publié dans The Court And Society Review
Le Crime de Lord Arthur Savile Lord Arthur Savile's Crime 1887 : aussi publié dans The Court And Society Review ;
Le Modèle millionnaire The Model Millionaire1887: aussi publié dans The World;
Un Sphinx sans secret The Sphinx Without a Secret 1894;
Le Prince heureux et autres contes The Happy Prince and Other Stories 1888;
Le Portrait de Mr. W. H. The Portrait of M. W. H.
Le Portrait de Dorian Gray The Picture of Dorian Gray 1891 ;
Une maison de grenades A House of Pomegranates 1891 : second recueil de contes.
Teleny Etude physiologique Cosmopolis Leonard Smithers, Londres, 1893

Essais

La Vérité des masques sur Shakespeare 1886;
Trois volumes constituent son œuvre critique intégrale;
Essais de littérature et d'esthétique;
Nouveaux Essais de littérature et d'esthétique 1886-1887;
Derniers Essais de littérature et d'esthétique 1887-1890;
et aussi :
Intentions 1891, trad. 1905 : recueil d'essais contenant Le Déclin du mensonge; Le Critique comme artiste et La Vérité des masques;
L'Âme de l'homme sous le socialisme The Soul of Man under Socialism, court essai publié en 1891 et défendant une vision individualiste dans un monde socialiste; il a été republié en 2010 par les éditions aux Forges de Vulcain sous le titre L'Âme humaine et le socialisme.
voir différentes éditions sur Gallica

Autres publications

De Profundis écrit en prison 1897, version expurgée 1905, version intégrale corrigée 1962;
The Letters of Oscar Wilde 1960 ;
Epistola in Carcere et Vinculis ~ De Profundis 1905;
Teleny or The Reverse of the Medal Paris, 1893.

Recueils

Aristote à l'heure du thé et autres essais, traduction de Charles Dantzig, éditions 10/18 1999;
Le Prince heureux, recueil de contes, première parution en 1888, traduction par Léo Lack.

Adaptations cinématographiques

L'Éventail de Lady Windermere Lady Windermere's Fan d'Ernst Lubitsch 1925;
Le Portrait de Dorian Gray The Picture of Dorian Gray d'Albert Lewin 1945;
Un mari idéal An Ideal Husband d'Alexander Korda 1947
L'Éventail de Lady Windermere The Fan d'Otto Preminger 1949
Il importe d'être Constant The Importance of Being Earnest d'Anthony Asquith 1952 avec Michael Redgrave;
Oscar Wilde de Gregory Ratoff 1960;
Oscar Wilde de Brian Gilbert 1997;
Un mari idéal An Ideal Husband d'Oliver Parker 1999 avec Rupert Everett et Cate Blanchett;
L'Importance d'être Constant The Importance of Being Earnest d'Oliver Parker 1999 avec Rupert Everett et Colin Firth;
Le Procès d'Oscar Wilde de Christian Merlhiot France, 2008 avec Nasri Sayegh;
Le Portrait de Dorian Gray d'Oliver Parker 2009.

Adaptations musicales

Plusieurs opéras et ballets ont été composés sur des livrets traduisant ou adaptant des pièces de théâtre d'Oscar Wilde, parmi lesquels on peut citer :
Salomé, opéra de Richard Strauss sur un livret de Hedwig Lachmann, créé le 9 décembre 1905 au Hofoper de Dresde,
Salomé, opéra d'Antoine Mariotte composé à la même époque, créé le 30 octobre 1910 au Grand-Théâtre de Lyon,
La Tragédie de Salomé, op. 50, ballet de Florent Schmitt sur un livret de Robert d’Humières, créé le 9 novembre 1907 au Théâtre des Arts de Paris.
Eine florentinische Tragödie, opéra d'Alexander von Zemlinsky, sur un livret du compositeur d'après A florentine tragedy traduite en allemand par Max Meyerfeld, créé le 30 janvier 1917 au Hoftheater de Stuttgart,
Der Zwerg Le Nain , parfois traduit en français sous le titre L'anniversaire de l'infante, opéra d' Alexander von Zemlinsky sur un livret de George Klaren, d'après la nouvelle The Birthday of the Infanta, créé le 28 mai 1922 au Staatstheater de Cologne,
Le Fantôme de Canterville, opéra d'Heinrich Sutermeister composé en 1963.

Romans où Wilde apparaît comme personnage

1924 : Si le grain ne meurt, André Gide;
2002 : L'Instinct de l'équarrisseur : Vie et Mort de Sherlock Holmes, Thomas Day, éditions Mnémos Paris;
2007 : Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles Oscar Wilde and the Candlelight Murders, Gyles Brandreth, éditions 10/18 Paris,;
2008 : Oscar Wilde et le jeu de la mort Oscar Wilde and the Ring of Death, Gyles Brandreth, éditions 10/18 Paris, ;
2010 : Oscar Wilde et le cadavre souriant Oscar Wilde and the Dead Man's Smile, Gyles Brandreth, éditions 10/18 Paris,;
2011 : Oscar Wilde et le nid de vipères Oscar Wilde and the Nest of Vipers, Gyles Brandreth, éditions 10/18 Paris,;
2012 : Oscar Wilde et les crimes du Vatican Oscar Wilde and the Vatican murders, Gyles Brandreth, éditions 10/18 Paris, .


Liens

http://www.ina.fr/video/CPC95000027/g ... -d-oscar-wilde-video.html I jour I livre Wilde
http://youtu.be/30fiaasNNdc l'importance d'être constant de Oscar Wilde
http://www.ina.fr/video/3609252001/gy ... aux-chandelles-video.html le meurtre aux chandelles
http://www.ina.fr/video/CPC00005694/p ... an-oscar-wilde-video.html Oscar Wilde
http://www.ina.fr/video/CAB95008084/oscar-wilde-video.html Réhabilitation d'OscarWilde
http://www.ina.fr/video/CAB95057360/oscar-wilde-video.html C33
http://www.ina.fr/video/CPF86637015/salome-video.html Salomé d'Oxcar Wilde
http://www.ina.fr/audio/00142437/oscar-wilde-audio.html Dorian Gray
http://youtu.be/Zg7Qx6-s__c La vie de Dorian Gray Music




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[img width=600]http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0e/Oscar_Wilde_(1854-1900)_1889,_May_23._Picture_by_W._and_D._Downey.jpg[/img]

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#249 Roald Dahl
Loriane Posté le : 22/11/2014 14:38
Le 23 novembre 1990 à 74 ans, meurt à Oxford, Royaume-Uni Roald Dahl,
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né le 13 septembre 1916 à Llandaff, Cardiff, Royaume-Uni, écrivain gallois, auteur de romans et de nouvelles, qui s'adressent aussi bien aux enfants qu'aux adultes. Il épouse Felicity d'Abreu Crosland, de 1983 à 1990, puis Patricia Neal de 1953 à 1983. Il a 5 enfant, Lucy Dahl, Ophelia Dahl, Olivia Twenty Dahl, Tessa Dahl, Theo Matthew Dahl
Parmi ses œuvres les plus célèbres, on peut citer Charlie et la chocolaterie, adapté plusieurs fois au cinéma, ainsi que des recueils de nouvelles grinçantes Kiss Kiss et Bizarre ! Bizarre !.
L'humour de ses récits pour enfants, les Gremlins, 1943 se teinte de macabre dans ses romans pour adultes Kiss, Kiss, 1960.
En 1967, il signe le scénario du cinquième film de James Bond, On ne vit que deux fois.
Ce sont pourtant ses textes destinés à un public jeune qui lui valent d'être reconnu. Il publie en 1943 son premier livre pour enfants : Les Gremlins, qui inspirera très fortement un film de Joe Dante, 40 ans plus tard. Dans ses livres pour enfants, les héros sont souvent des enfants malheureux, qui prennent un jour leur revanche parfois cruelle sur leurs tortionnaires. L'effet est jubilatoire, et permet aussi au lecteur de relativiser ses propres problèmes.


Sa vie

Né en 1916 au pays de Galles à Llandaff de parents norvégiens le 13 Septembre 1916, Roald Dahl vit une enfance peu facile : En 1020 à l'âge de 3 ans il perd sa sœur aînée puis son père, courtier maritime, à l'âge de trois ans.
Il est élevé au pensionnat de Repton School dans le Derbyshire : expérience douloureuse qu'il relate dans l'un de ses deux écrits autobiographiques destinés aux enfants : Moi, Boy.
À dix-huit ans, il renonce aux études universitaires et travaille pour la grande compagnie pétrolière Shell, qui l'envoie en 1937 en Afrique orientale. La guerre l'y surprend et il s'engage comme pilote dans la Royal Air Force. Il part en Tanzanie en Afrique à 20 ans. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s'engage en tant que pilote de chasse à Nairobi au Kenya. Après quelques mois d'entraînement il est affecté à l'escadrille 80. Lors d'un vol pour rejoindre son escadrille il échappe de peu à la mort, son avion s'étant écrasé. Après s'être rétabli il rejoint son escadrille en Grèce où il combat héroïquement.
Il est gravement blessé en septembre 1940 en Libye : rescapé miraculeusement de son avion en flammes, il subira seize interventions chirurgicales et en sera profondément marqué. Cette période nourrit son second récit autobiographique : Escadrille 80. Avec humour, il affirmera que son imagination fertile lui est venue d'une bosse contractée lors de l'accident.
Envoyé en mission aux États-Unis, notamment pour convaincre les Américains d'intervenir dans le conflit, il fait la connaissance de l'écrivain américain C. S. Forester, qui le pousse à écrire et de Ian Fleming, espion britannique qui deviendra l'auteur des James Bond.
Il commence à écrire des livres en 1942, rencontre Walt Disney avec lequel il envisage de créer une fiction autour des légendaires créatures Gremlins auxquelles les pilotes de la Royal Air Force attribuent leurs problèmes mécaniques.Le premier récit qu'il publie est A Piece of Cake, qui décrit son accident d'avion en Libye. Mais, au vu de la situation mondiale, Disney renonce à produire ce film qui nécessiterait un tournage en Angleterre.
En 1942, Roald Dahl est attaché militaire à Washington, aux États-Unis, et écrit des nouvelles. Sa carrière d'écrivain commence avec un récit de guerre fait à l'écrivain C. S. Forrester, qui le proposera au Saturday Evening Post. Si son premier livre pour enfants, James et la grosse pêche, publié en 1961, ne rencontre pas un succès fulgurant, le deuxième, Charlie et la chocolaterie 1964, deviendra un best-seller de la littérature enfantine ; cinq millions d'exemplaires en ont été vendus dans le monde. Peuplés de géants ou de nains – à la manière de Swift ou de Dickens –, de sorcières et de monstres, son œuvre donne le mauvais rôle aux parents, maîtres d'école... et aux adultes en général, pour la plus grande joie des enfants. L'univers de l'écrivain est cruel, mais son ton toujours humoristique. Il l'expliquait ainsi : La vie est tellement dure, vraiment tellement dure. Il faut préparer les enfants à faire face au monde, leur donner un maximum d'atouts pour cela. L'Énorme Crocodile 1976, La Potion magique de Georges Bouillon 1981, Le Bon Gros Géant : le B.G.G. – une abréviation qui fait fureur chez les enfants – 1982, Sacrées Sorcières 1983 ou encore Matilda 1988, autant de titres illustrés par Quentin Blake, avec qui il forme un duo réussi qui ont séduit les enfants. Roald Dahl aimait à dire : Les enfants, il faut les passionner, sinon ils vous laissent tomber et vont regarder la télévision. J'essaie d'écrire des histoires qui les saisissent à la gorge, des histoires qu'on ne peut pas lâcher.
Comme dans ses livres pour enfants, Roald Dahl cultivait dans les ouvrages qu'il destinait aux adultes un humour très noir. Mais ses recueils de nouvelles et ses romans citons notamment Bizarre, bizarre, Kiss, Kiss ou, plus récemment, La Princesse et le braconnier n'ont pas eu le retentissement mondial de ses romans pour la jeunesse.
Mais ce géant bourru d'un mètre quatre-vingt-quatorze avait plus d'une corde à son arc : pour le cinéma, il est l'auteur du scénario des Gremlins avec Walt Disney, en 1943 et de celui d'un James Bond, On ne vit que deux fois 1967, ainsi que d'un scénario non utilisé pour Chitty Chitty Bang Bang 1968. Nombre de ses nouvelles ont été adaptées pour la télévision, notamment sous le titre de The Tales of the Unexpected. Gloire nationale en Grande-Bretagne, Roald Dahl restera comme l'un des maîtres incontestés de la littérature enfantine mondiale, lui qui n'avait d'autre but que de faire aimer la lecture aux enfants.

Œuvres livres traduits en français

Roman

Mon oncle Oswald My Uncle Oswald, 1979 Gallimard "Du monde entier" 1988

Recueils de nouvelles

À tire de plumes Over to You : Ten Stories of Flyers and Flying, 1945 Julliard 1976 ;
Bizarre ! Bizarre !, 1962 Someone Like You, 1948 ;
Kiss Kiss, 1962 Kiss Kiss, 1959 ;
La Grande Entourloupe - Grand Prix de l’Humour Noir 1976 Switch Bitch, 1974 Gallimard "Du monde entier" 1976 ;
L’Homme au parapluie et autres nouvelles - Short Story Edgar Award MWA 1980 Partiellement extrait de Mores Tales of the Unexpected, 1980 Gallimard "Du monde entier" 1982;
La Princesse et le braconnier : deux contes Two Fables, 1986 Gallimard 1988.
Le Connaisseur Taste, 1954 Gallimard 1962 dans Tel est pris qui croyait prendre.

Nouvelles

L’homme du Sud Man from the South in Les Œuvres libres/Fayard no 113 nouvelle série 1955 ;
Jeu The Wish, 1948 in Les Chefs-d’œuvre de l’épouvante, Planète "Anthologie Planète" sd. Rééd. sous le titre Le Souhait in Tous des Sorciers ! JLu Jeunesse, 2002 ;
Un fameux dégustateur Taste, 1951 in EQMM no 113 1957 ;
En plein jus Dip in the Pool, 1952 in Alfred Hitchcock présente : Histoires à faire peur, Robert Laffont 1965 ;
Edward le conquérant Edward the Conqueror, 1953 in Alfred Hitchcock présente : Histoires épouvantables, Presses Pocket no 1724 1980 ;
Coup de gigot Lamb to the Slaughter, 1953 in EQMM no 88 1955 ;
Le Chemin du ciel The Way Up to Heaven, 1954 in EQMM no 112 1957 ;
Une vengeance artistique / Nunc Dimittis et le serpent A Connoisseur’s Revenge / Nunc Dimittis / The Devious Bachelor, 1955 in EQMM no 87 1955 & in Les Œuvres libres/Fayard no 129 nouvelle série 1957 ;
Un beau dimanche Parson’s Pleasure, 1958 À Vue d’œil 2000 ;
Gelée royale Royal Jelly, 1959 in Alfred Hitchcock présente : Histoires à lire toutes portes closes, Presses Pocket no 1815 (980);
Mon amour, mon petit pigeon My Lady Love, My Dove, 1958 in Les Œuvres libres/Fayard no 113 nouvelle série 1955 ;
La Poudre à boutons Spotty Powder, 1998 in Nuit blanche, Hachette-Livre 1999.

Romans pour la jeunesse

La plupart de ces textes sont illustrés avec beaucoup d'humour par Quentin Blake, illustrateur emblématique du livre pour enfants.
James et la grosse pêche James and the Giant Peach, 1961 Gallimard "La Bibliothèque blanche" 1966 ;
Charlie et la Chocolaterie Charlie and the Chocolate Factory, 1964 Gallimard "La Bibliothèque blanche" 1967 ;
Le Doigt magique The Magic Finger, 1966 Gallimard-Jeunesse "Enfantimages" 1979 ;
Fantastique Maître Renard Fantastic Mr. Fox, 1970 Gallimard-Jeunesse 1977 ;
Charlie et le Grand Ascenseur de verre Charlie and the Great Glass Elevator, 1972 Gallimard-Jeunesse 1978 suite de Charlie et la Chocolaterie ;
Danny champion du monde Danny, the Champion of the World, 1975 Stock "Mon Bel Oranger" 1978 ;
L’Énorme Crocodile The Enormous Crocodile, 1978 Gallimard-Jeunesse 1978;
Les Deux Gredins The Twits, 1980 Gallimard-Jeunesse "Folio junior" no 141 1980 ;
La Potion magique de Georges Bouillon George’s Marvelous Medecine, 1981 Gallimard-Jeunesse "Folio junior" no 215 1982 ;
Le Bon Gros Géant The BFG, 1982 Gallimard-Jeunesse "1000 soleils" 1984 ;
Sacrées Sorcières The Witches, 1983 Gallimard-Jeunesse "1000 soleils" 1984 ;
La Girafe, le pélican et moi The Girafe and the Pelly and Me, 1985 Gallimard-Jeunesse 1985 ;
Matilda Matilda, 1988 Gallimard-Jeunesse "1000 soleils" 1988 ;
Un amour de tortue Esio Trot, 1990 Gallimard-Jeunesse "Folio cadet/série bleue" no 232 1990 ;
Les Minuscules The Minpins, 1991 Gallimard-Jeunesse 1991 ;
Le Rétrovicaire de Nibbleswicke The Vicar of Nibbleswicke, 1991 Gallimard-Jeunesse 1992 ;
Le Trésor de Mildenhall The Midenhall Treasures, 1999 Gallimard-Jeunesse "Albums junior" 2000.

Recueils de nouvelles pour la jeunesse

L’Enfant qui parlait aux animaux sans équivalent en anglais Gallimard-Jeunesse 1981 ;
Un conte peut en cacher un autre Revolting Rhymes, 1982 Gallimard-Jeunesse 1982 recueil de contes détournés écrits en vers ;
Sales bêtes ! Dirty Beasts, 1983 Gallimard-Jeunesse "Folio cadet" no 14 1984 ;
Le Cygne suivi de La Merveilleuse histoire de Henry Sugar sans équivalent en anglais Gallimard-Jeunesse "Folio Junior/Piranha" no 361 (1986 ;
Mieux vaut en rire : douze histoires grinçantes The Great Automatic Grammatizator, 1991 Gallimard-Jeunesse "Hors série littérature" 1999 ;
Mauvaises intentions : neuf histoires à faire frémir Skin and Other Stories, 1991 Gallimard-Jeunesse "Hors série littérature" 2000 ;
Coup de Gigot (et autres histoires à faire peur sans équivalent en anglais Gallimard-Jeunesse "Folio Junior" no 1181 2003.

Direction d'anthologie

Histoires de fantômes Roald Dahl’s Book of Ghost Stories, 1983 Hachette-Jeunesse "Le Livre de Poche Jeunesse / Senior" no 209 (1985).

Autobiographies

Moi, Boy : souvenirs d’enfance Boy : Tales of Chilhood, 1984 Gallimard-Jeunesse "1000 soleils" 1985. Récit autobiographique de son enfance jusqu'à ses années au collège ;
Escadrille 80 Going Solo, 1986 Gallimard-Jeunesse "1000 soleils" 1986. Suite de son autobiographie, dans laquelle il évoque les paysages d'Afrique qu'il a survolés alors qu'il était pilote à la Royal Air Force.

Autres livres

Le Livre de l’année The Dahl Diary, 1992 Gallimard-Jeunesse "Lecture Junior" no 14 1992 ;
Les Irrésistibles recettes de Roald Dahl, recettes compilées par Josie Fison et Felicity Dahl Roald Dahl’s Revolting Recipes, 1994 Gallimard-Jeunesse 1995 ;
Le Grand livre de Roald Dahl The Roald Dahl Treasury, 1997 Gallimard-Jeunesse "Hors série Littérature" 1998 ;
Les Nouvelles recettes irrésistibles, recettes de Lori-Ann Newman Even More Revolting Recipes, 2001 Gallimard-Jeunesse 2002

Recueils de nouvelles en version originale

Someone Like You and Other Short Stories Le Livre de Poche no 8605, série Lire en anglais, 1988;
The Hitch-Hiker and Other Short Stories / L’Auto-stoppeur et autres nouvelles Le Livre de Poche no 8610, série Lire en anglais, 1989 ;
M.. Botibol and Other Stories Le Livre de Poche no 8665, série Lire en anglais, 1992 ;
The Princess and the Poacher / La Princesse et le braconnier Gallimard "Folio bilingue" no 9, 1990.

Pièces de théâtre

Il s'agit d'adaptations pour le théâtre de romans de Roald Dahl.
Charlie et la Chocolaterie 1976. Adapt. et proposition de mise en scène Richard R. George ; introd. Roald Dahl ; trad. Jean Esch. Gallimard jeunesse "Folio junior" no 1235 / Théâtre no 14 09/2002
James et la Grosse Pêche 1982. Adapt. et proposition de mise en scène Richard R. George ; introd. Roald Dahl ; trad. Jean Esch. Gallimard jeunesse "Folio junior" no 1272 / Théâtre no 16 03/2003
Charlie et le grand ascenseur de verre 1984. Adapt. et proposition de mise en scène Richard R. George ; introd. Roald Dahl ; trad. Jean Esch. Gallimard jeunesse "Folio junior" no 1426 / Théâtre no 23 10/2006
Sacrées sorcières The Witches, 2001. Adaptation de David Wood ; trad. Marie Saint-Dizier. Gallimard jeunesse "Folio junior" no 1452 / Théâtre no 25 (09/2007)

Filmographie Cinéma

Films tirés des œuvres de Roald Dahl

Charlie et la Chocolaterie Willy Wonka and the Chocolate Factory États-Unis, 1971. Réalisation : Mel Stuart. Scénario : David Seltzer.
Danny, le champion du monde Danny the Champion of the World - États-Unis, 1989. Réalisation : Gavin Millar. Scénario : John Goldsmith TV
Le Bon Gros Géant en Royaume-Unis, 1989 Réalisation : Brian Cosgrove. Scénario : John Hambley.
Les Sorcières The Witches,états-Unis, 1990. Réalisation : Nicolas Roeg. Scénario : Allan Scott.
Matilda Matilda États-Unis, 1996. Réalisation : Danny DeVito. Scénario : Nicolas Kazan et Robin Swicord
James et la pêche géante États-Unis, 1997. Réalisation : Henry Selick. Scénario : Karey Kirkpatrick, Jonathan Roberts et Steeve Bloom.
Charlie et la Chocolaterie Charlie and the Chocolate Factory États-Unis, 2005. Réalisation : Tim Burton. Scénario : John August.
Fantastic Mr. Fox États-Unis, 2009. Réalisation : Wes Anderson
Le Bon Gros Géant États-Unis, 2016. Réalisation : Steven Spielberg

Films tirés des scénarios de Roald Dah

Chitty Chitty Bang Bang 1968. Réal. : Ken Hughes. Scénario : Roald Dahl d’après un conte de Ian Fleming.
On ne vit que deux fois You only live twice, 1968. Réal. : Lewis Gilbert. Scénario : Roald Dahl d’après le roman de Ian Fleming.
The Night Digger États-Unis, 1971. Réalisation : Alastair Reid
Gremlins États-Unis, 1984. Réal. : Joe Dante. Scénario : Chris Colombus

Épisodes de la série Alfred Hitchcock série télévisée, 1955

1958 : Lamb to the slaughter L’Inspecteur se met à table, série Alfred Hitchcock presents no 106 ; épisode 28 de la 3e saison
1958 : A dip in the pool inédit en France, série Alfred Hitchcock presents no 111 ; épisode 35 de la 3e saison
1958 : Poison Poison, série Alfred Hitchcock presents no 116 ; épisode 1 de la 4e saison
1960 : Man from the south L’Homme du Sud, série Alfred Hitchcock presents no 166 ; épisode 15 de la 5e saison
1960 : Mrs. Bixby and the Colonel's coat Le Manteau, série Alfred Hitchcock presents no 190 ; épisode 1 de la 6e saison
1961 : The Landlady inédit en France, série Alfred Hitchcock presents no 208 ; épisode 19 de la 6e saison

Série Bizarre, bizarre

1979. Un os dans le gigot Lamb to the Slaughter, série Tales of the Unexpected / Bizarre, bizarre – 1re saison, n° ***
Série Alfred Hitchcock présente II
1985. MAN from the soult L’Homme du Sud, série Alfred Hitchcock presents / Alfred Hitchcock présent

Liens

http://youtu.be/Mwa9TWdj-Zw Roald Dahl Biogaphie et interview (anglais)
http://youtu.be/F5DS2DnsJ04 Dessin
http://youtu.be/Pq161aoLQ1A Le petit chaperon rouge
http://youtu.be/Nr_gJ3Ler7I Les Gremlings (anglais)
http://youtu.be/PIrd4172Czw Gremlings
http://youtu.be/kgfgiLlW-yw?list=PLF977919DA3442836 Gremlings Le film
http://youtu.be/rw86-BOQJUs Charlie et la chocolaterie bande annonce


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#250 Jean Le rond d''Alembert
Loriane Posté le : 16/11/2014 23:49
Le 16 novembre 1717 à Paris naît Jean le Rond D’Alembert
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mort, à 65 ans le 29 octobre 1783 dans la même ville, mathématicien, philosophe et encyclopédiste français de l'académie française et de l'académie des sciences
Il est célèbre pour avoir dirigé l’Encyclopédie avec Denis Diderot jusqu’en 1757 et pour ses recherches en mathématiques sur les équations différentielles et les dérivées partielles.

En bref

L'un des mathématiciens et physiciens les plus importants du XVIIIe siècle, d'Alembert fut aussi un philosophe marquant des Lumières. Dans les sciences aussi bien qu'en philosophie, il incorpora la tradition du rationalisme cartésien aux conceptions newtoniennes, ouvrant la voie du rationalisme scientifique moderne, du moins dans sa direction physico-mathématique. Il développa le calcul différentiel et intégral calcul aux dérivées partielles, généralisa et étendit la mécanique newtonienne et ses applications principe de d'Alembert, hydrodynamique, problème des trois corps : son œuvre représente une étape décisive avant celles de Lagrange et de Laplace. Ses analyses épistémologiques originales constituent une véritable philosophie des sciences liée à une théorie de la connaissance tributaire de Locke et Condillac et annoncent, par leur modernité, bien des développements ultérieurs. Codirecteur avec Diderot de l'Encyclopédie, dont il rédigea beaucoup d'articles, ami de Voltaire, membre de nombreuses académies, il fut un des protagonistes les plus éminents de la lutte des Lumières contre l'absolutisme religieux et politique.
Ses contributions à l'Encyclopédie débordèrent rapidement ses attributions initiales, puisque c'est à lui qu'échut la rédaction du Discours préliminaire publié en tête du premier volume en 1751, discours qui apparaît comme un véritable manifeste des Lumières et qui fut immédiatement salué comme un chef-d'œuvre. En même temps qu'il développait ses vues philosophiques dans des articles de l'ouvrage, par exemple Élémens des sciences aussi bien qu'en marge de ce dernier, Essai sur les élémens de philosophie, 1759 ; Éclaircissements à cet Essai, 1765 ; volumes de Mélanges, il participait à l'orientation idéologique de l'Encyclopédie par des préfaces très polémiques et des articles tels Dictionnaire, ou Genève, où il prenait nettement des positions antimétaphysiques et antiabsolutistes. Des divergences tactiques aussi bien que philosophiques l'opposèrent bientôt à Diderot, et il démissionna de l'Encyclopédie en mars 1759, mais revint quelques mois plus tard pour se consacrer uniquement à la partie mathématique et physique. Sa brouille avec Diderot dura jusqu'en 1765.
Cible privilégiée des adversaires de l'Encyclopédie, d'Alembert entretint par ailleurs des rapports étroits – surtout épistolaires – avec les « souverains éclairés Frédéric de Prusse et Catherine de Russie. Il refusa toutefois d'entrer à leur service, et déclina la présidence de l'Académie de Berlin que lui offrait Frédéric, la fonction de précepteur de son fils que lui proposait Catherine.
Méfiant à l'égard du pouvoir de l'aristocratie, mal vu par la Cour – son Essai sur les gens de lettres et sur les Grands paru en 1759 n'était pas fait pour améliorer ces relations –,il opposait à l'idéologie de la noblesse et du sang celle des talents et de l'égalité, les valeurs sur lesquelles la société devait s'appuyer étant la science et le commerce. Affirmant dès le Discours préliminaire l'existence d'un lien direct entre le progrès des connaissances et le progrès social, d'Alembert représente, comme la plupart des autres philosophes et encyclopédistes, l'intellectuel organique au sens de Gramsci qui exprime l'idéologie de la nouvelle classe montante, la bourgeoisie. Ce combat, il l'a mené par ses écrits de l'Encyclopédie, quelques rares pamphlets, dont La Destruction des Jésuites en France, publié anonymement en 1764, et surtout par son action au sein des académies, où son influence devint peu à peu prépondérante et où il assura la suprématie du parti philosophique.
Membre de l'Académie française depuis 1754, il en devint secrétaire perpétuel en 1772. Il y donna de nombreux éloges historiques, qui constituent une véritable histoire de l'Académie française de 1679 à 1687. Traducteur de Tacite, il donna aussi d'autres contributions littéraires de moindre importance.
Il mourut le 29 octobre 1783, au faîte de sa gloire, d'une maladie de la vessie.

Sa vie

Le 16 novembre 1717, on recueille sur les marches de l'église Saint-Jean-le-Rond, dans le cloître Notre-Dame, un nouveau-né abandonné dans une boîte de sapin. Porté à l'hospice des Enfants-Trouvés et baptisé sous un nom qui rappelle le lieu de sa découverte, il est ensuite confié à la femme d'un pauvre vitrier.
Fruit d’un amour illégitime entre la célèbre femme de lettres et salonnière Claudine Guérin de Tencin et le chevalier Louis-Camus Destouches, commissaire d’artillerie, D’Alembert naît le 16 novembre 1717 à Paris. Le lendemain, il est abandonné par sa mère qui le fait porter par un serviteur sur les escaliers de la chapelle Saint-Jean-le-Rond attenant à la tour nord de Notre-Dame de Paris. Comme le veut la coutume, il est nommé du nom du saint protecteur de la chapelle et devient Jean Le Rond. Il est d’abord placé à l’hospice des Enfants-Trouvés, mais son père le retrouve rapidement et le place dans une famille d’adoption. Bien qu’il ne reconnaisse pas officiellement sa paternité, le chevalier Destouches veille secrètement à son éducation en lui accordant une pension et le visite quelquefois chez sa nourrice, madame Rousseau, née Étiennette Gabrielle Ponthieux ca 1683 - 1775 la fameuse vitrière chez qui d’Alembert vivra jusqu’à ses cinquante ans.

Études Doué pour les mathématiques

Entré à douze ans au collège des Quatre-Nations, le jeune garçon étonne ses professeurs par ses dons pour les langues anciennes et la spéculation philosophique. Maître ès arts en 1735, auteur d'un commentaire de l'Épître de saint Paul aux Romains qui enthousiasme ses professeurs jansénistes, il refuse cependant de se consacrer à la théologie et suit les cours de l'École de droit.
Avocat en 1738, il s'essaie à la médecine, mais découvre assez vite sa véritable vocation : les mathématiques, qu'il a plutôt réinventées qu'apprises à l'aide de quelques leçons d'un unique professeur.

Premiers travaux scientifiques

À 21 ans, en 1739, il présente à l’Académie des Sciences, son premier travail en mathématiques à la suite d'une erreur qu’il avait décelée dans l’Analyse démontrée, ouvrage publié en 1708 par Charles-René Reynaud avec lequel D’Alembert avait lui-même étudié les bases des mathématiques. En 1741, il est admis à l'Académie royale des sciences de Paris et un an plus tard, il est nommé adjoint de la section d’Astronomie de l’Académie des sciences où son grand rival en mathématiques et en physique fut Alexis Clairaut. En 1743, il publie son célèbre Traité de Dynamique, qui dans l’histoire de la mécanique représente l’étape qu’il fallait franchir entre l’œuvre de Newton et celle de Lagrange. En 1746, il est élu associé géomètre.

Des travaux scientifiques à la pointe de son temps

Dès 1739, il adresse à l'Académie des sciences des observations sur l'Analyse démontrée du P. Reyneau, puis l'année suivante un mémoire sur la réfraction des corps solides. Le 29 mai 1741, il est nommé adjoint dans la section d'astronomie. Associé géomètre en 1746, pensionnaire surnuméraire en 1756, il ne sera titulaire qu'en 1765, mais il lui a fallu moins de dix ans pour donner l'essentiel de son œuvre scientifique, toute centrée sur la mécanique.
Son Traité de dynamique 1743 est fondé sur le « principe de d'Alembert », qui ramène la dynamique à la statique.
En 1752, il établit les équations rigoureuses et générales du mouvement des fluides.
Ses recherches de mécanique, d'acoustique et d'astronomie le conduisent à approfondir et à perfectionner l'outil analytique de son siècle. Il montre que le corps ℂ des nombres complexes suffit à tous les besoins de l'analyse et donne une démonstration, la première, du théorème fondamental de l'algèbre 1746. Premier à utiliser un développement de Taylor avec reste explicité sous forme d'intégrale 1754, il trouve la solution générale d'une équation aux dérivées partielles (Recherches sur les cordes vibrantes, 1747 et propose une méthode de résolution des systèmes d'équations différentielles. En 1768, il utilise, dans un cas particulier, le critère de convergence des séries qui porte son nom.

Il entre à l’Académie de Berlin à 28 ans. La suite de sa carrière à l’Académie des Sciences sera moins brillante. Nommé pensionnaire surnuméraire en 1756, ce n’est qu’en 1765, à 47 ans, qu’il devient pensionnaire.

L’homme de lettres

Ami de Voltaire et constamment mêlé aux controverses passionnées de ce temps, D’Alembert est un habitué des salons parisiens, notamment ceux de Marie-Thérèse Geoffrin, de Marie du Deffand et de Julie de Lespinasse, de la duchesse du Maine au Château de Sceaux, faisant partie des Chevaliers de la Mouche à Miel, invité des Grandes Nuits de Sceaux.
C’est là qu’il rencontre Denis Diderot, en 1746. L’année suivante, ils prennent conjointement la tête de L’Encyclopédie. En 1751, après cinq ans de travail de plus de deux cents contributeurs, paraît le premier tome de l’Encyclopédie dont D’Alembert rédige le Discours préliminaire.
En 1754, D’Alembert est élu membre de l’Académie française, dont il deviendra le secrétaire perpétuel le 9 avril 1772. L'année 1757 voit la parution de l’article Genève dans l’Encyclopédie, provoquant la vive réaction de Jean-Jacques Rousseau Lettre sur les spectacles, 1758. Après plusieurs crises, la publication de l’Encyclopédie est suspendue de 1757 à 1759. D’Alembert se retire de l’entreprise, en 1757, après s’être fâché avec Diderot.

Un homme fidèle

Célébré par les académies, d'Alembert est alors découvert par les salons : lancé par Mme Geoffrin, il devient, dès la fin de l'année 1748, l'un des hôtes les plus assidus de Mme du Deffand. Désireux de plaire et jaloux de son repos, irritable mais généreux, défenseur du goût et ne dédaignant pas le calembour, d'Alembert apparaît comme un personnage ondoyant, inégal : Je change à mon gré de visage …, lui fait dire Chamfort, je contrefais même le sage. Il possède, il est vrai, un véritable talent d'imitation il parodie les acteurs de l'Opéra ou ses savants confrères, qu'il n'hésite pas à faire applaudir jusque dans les séances publiques de l'Académie française.
Mais d'Alembert témoigne de qualités plus réelles, quoique plus discrètes. Ainsi la fidélité. À l'égard, d'abord, de la seule passion de sa vie, Julie de Lespinasse. Enfant naturelle comme lui, entrée chez Mme du Deffand comme demoiselle de compagnie, elle doit à d'Alembert de conserver la société des encyclopédistes lorsque la marquise la chasse en 1764. C'est lui qui la soigne lorsqu'elle est atteinte de la petite vérole. Il n'y a entre nous ni mariage ni amour, écrit-il à Voltaire, mais de l'estime réciproque et toute la douceur de l'amitié.
Fidélité aussi à sa nourrice : jusqu'à l'âge de quarante-sept ans, d'Alembert rentre chaque soir dans sa petite chambre de la rue Michel-le-Comte, qu'il ne quittera, atteint d'une fièvre en 1765, que sur les instances de son médecin.
Fidélité encore à ses amis : c'est pour eux qu'il mène une vie casanière, entrecoupée seulement d'un séjour aux Délices, chez Voltaire 1756, de deux voyages auprès du roi de Prusse Frédéric II, en 1755 à Wesel, en 1763 à Potsdam, d'une excursion en Provence en 1770. Il refuse de succéder à Maupertuis à la présidence de l'Académie de Berlin, il décline, en 1762, l'offre de Catherine II de Russie de diriger l'éducation de son fils, le grand-duc héritier.
Fidélité enfin à l'esprit philosophique, moins par l'exposé d'un système de pensée rigoureux que par son attachement à une certaine attitude mentale.

Un esprit sceptique

Sceptique et doutant même de la valeur du scepticisme, il pense qu'il n'y a point de science qui n'ait sa métaphysique ; et en métaphysique non ne lui paraît guère plus sage que oui.
Cherchant à fonder la morale aussi bien que la logique sur des principes simples, il accorde cependant une place à l'intuition en mathématiques et finit par croire que tout ce que nous voyons n'est qu'un phénomène qui n'a rien hors de nous de semblable à ce que nous imaginons ».
On prétend qu'il confesse la vérité avec plus d'héroïsme dans sa correspondance que dans ses publications officielles. Mais il fait l'apologie du christianisme dans une lettre à Catherine II et regrette l'athéisme de Lucrèce dans la préface à ses Éloges de plusieurs savants 1779. Protagoras, le surnomme Voltaire. S'il a du sophiste grec le dédain du dogmatisme, il en a aussi la souplesse, l'art de persuader .
Le rôle de d'Alembert a été essentiel dans la diffusion des idées nouvelles, qu'il savait présenter sans agressivité, les colorant habilement de sa bonhomie et de son prestige. C'est ce talent qu'il sut si bien utiliser dans la présentation de l'Encyclopédie.

Après

Il quitte la maison familiale en 1765 pour vivre un amour platonique et difficile avec l’écrivain Julie de Lespinasse, qui disparaît en 1776.
Jusqu’à sa mort, il continue ses travaux scientifiques et disparaît au faîte de sa célébrité, prenant ainsi une revanche éclatante sur sa naissance. Il est enterré sans cérémonie religieuse.

Postérité

Nicolas de Condorcet en a fait l’éloge funèbre en 1783, soulignant ses apports scientifiques.
Son œuvre complète a été republiée en 1805 et en 1821-1822, toutefois sans les écrits scientifiques. La sortie en cours de ses Œuvres complètes aux Éditions du CNRS réparera cette omission.

Son œuvre L’Encyclopédie

Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers.
En 1745, D’Alembert, qui était alors membre de l’Académie des sciences, est chargé par André Le Breton, d’abord sous la direction de Gua de Malves, de traduire de l’anglais en français le Cyclopaedia d’Ephraïm Chambers. D’une simple traduction, le projet se transforme en la rédaction d’une œuvre originale et unique en son genre, l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. D’Alembert écrira le fameux Discours préliminaire ainsi que la plupart des articles sur les mathématiques, l’astronomie et la physique. Il rédige(sous la signature O ainsi près de 1700 articles, la plupart concernant les mathématiques au sens large mais baisse très sensiblement son niveau de participation à partir de 1762.
D'Alembert est l'un des quatre rédacteurs des articles d'astronomie, avec Jean-Baptiste Le Roy, Jean Henri Samuel de Formey, et Louis de Jaucourt. Il apporte des preuves de l'héliocentrisme avec les arguments nouveaux de la mécanique newtonienne. Adoptant un ton militant, il ne manque aucune occasion de se moquer des ecclésiastiques et critique sévèrement l'Inquisition, jugeant dans le Discours préliminaire que « l'abus de l'autorité spirituelle réunie à la temporelle forçait la raison au silence ; et peu s'en fallut qu'on ne défendit au genre humain de penser.
Penser d’après soi et penser par soi-même, formules devenues célèbres, sont dues à D’Alembert ; on les trouve dans le Discours préliminaire, Encyclopédie, tome 1, 1751. Ces formulations sont une reprise d’injonctions anciennes Hésiode, Horace.

Mathématiques Le théorème de D’Alembert

Dans le Traité de dynamique, il énonce le théorème de d'Alembert aussi connu sous théorème de Gauss-d’Alembert qui dit que tout polynôme de degré n à coefficients complexes possède exactement n racines dans, non nécessairement distinctes, il faut tenir compte du nombre de fois qu’une racine est répétée. Ce théorème ne sera démontré qu’au XIXe siècle par Carl Friedrich Gauss, qui localise plusieurs failles dans une démonstration proposée par d'Alembert. Louis de Broglie présente ce théorème ainsi : On lui doit le théorème fondamental qui porte son nom et qui nous apprend que toute équation algébrique admet au moins une solution réelle ou imaginaire Réf. en bibliographie.

Règle de D’Alembert pour la convergence des séries numériques

Soit une série à termes strictement positifs pour laquelle le rapport tend vers une limite . Alors :
si L<1 : la série de terme général converge ;
si L>1 : la série de terme général diverge car ;
si L=1 : on ne peut conclure.
Martingale de D’Alembert :
À un jeu où l’on gagne le double de la mise avec une probabilité de 50 % (par exemple à la roulette, en jouant pair / impair, passe / manque), il propose la stratégie suivante :
Miser une unité
Si l’on gagne, se retirer
Si l’on perd, miser le double (de quoi couvrir la perte antérieure et laisser un gain
continuer jusqu’à un gain… ou épuisement
Avec ce procédé, le jeu n’est pas forcément gagnant, mais on augmente ses chances de gagner un peu au prix d’une augmentation de la perte possible (mais plus rare). Par exemple, si par malchance on ne gagne qu’à la dixième fois après avoir perdu 9 fois, il aura fallu miser et perdre 1+2+4+8+16+32+64+128+256+512 = 210-1 unités, pour en gagner 1024, avec un solde final de seulement 1 ! Et il aura fallu être prêt à éventuellement supporter une perte de 1023, avec une probabilité faible (1/1024), mais non nulle. Même avec une richesse de départ infinie ? et une durée de jeu sans limite, il faut encore faire face à l’éventualité que le jeu ne s’arrête jamais.
Enfin, il faut s’abstenir de jouer à nouveau après un gain, puisque cela a l’effet inverse à celui de la martingale (augmenter la probabilité de la perte).
Il existe d’autres types de martingales célèbres, qui toutes nourrissent le faux espoir d’un gain certain.
L’attribution de cette martingale à D’Alembert est néanmoins sujette à caution.
Dans la réalité, la possibilité d'utiliser cette martingale est limitée par le plafonnement des mises par les casinos.
On peut d'ailleurs remarquer que dans un épisode de Futurama, série télévisée, le docteur Zoidberg applique cette loi en misant l'ensemble de ce qu'il a gagné à chaque fois.

Astronomie

Il étudia le problème des trois corps et les équinoxes, dans le mémoire publié en 1749 sur la précession des équinoxes. Ce phénomène, dont la période est de 26 000 ans, avait été constaté par Hipparque dans l’Antiquité. Newton avait compris que la cause de ce phénomène résidait dans l’action des forces de gravitation sur le corps non rigoureusement sphérique qu’est le globe terrestre. Mais c’est à D’Alembert qu’il revint de pousser les calculs et d’obtenir des résultats numériques en accord avec l’observation. D’Alembert fit également progresser le difficile problème que constituait pour les astronomes l’explication du mouvement lunaire. En ce sens, il est le précurseur de la Mécanique céleste de Laplace.
D’Alembert travailla également sur le problème de l’aberration chromatique qui limitait la précision des lunettes astronomiques, en concurrence avec Alexis Claude Clairaut et avec Leonhard Euler. Il proposa de superposer plusieurs lentilles de forme et d’indice différent. Il fit également des avancées sur le problème des aberrations hors-axe.
En 1970, l'Union astronomique internationale a attribué le nom de D'Alembert à un cratère lunaire en son honneur.

Physique

En 1743 dans le Traité de dynamique dans lequel il énonce le principe de la quantité de mouvement, qui est parfois appelé principe de D'Alembert.
Si l’on considère un système de points matériels liés entre eux de manière que leurs masses acquièrent des vitesses respectives différentes selon qu’elles se meuvent librement ou solidairement, les quantités de mouvements gagnées ou perdues dans le système sont égales.
Ce principe a servi de base au développement de la mécanique analytique. D’Alembert considère le cas général d’un système mécanique qui évolue en restant soumis à des liaisons ; il montre que les forces de liaison s’équilibrant, il doit y avoir équivalence entre les forces réelles qui impriment son mouvement au système et les forces qu’il faudrait mettre en œuvre si les liaisons n’existaient pas. Ce faisant, il éliminait les forces de liaison, dont les formes sont généralement inconnues, et, ramenait, d’une certaine manière, le problème de la dynamique envisagé à une question d’équilibre, c’est-à-dire de statique. Cela permettait de ramener tout problème de statique à l’application d’un principe général, qu’on nommait alors le principe des vitesses virtuelles. Ce faisant, D’Alembert jetait les bases sur lesquelles Lagrange allait bâtir l’édifice grandiose de la Mécanique céleste.

Il étudia aussi les équations différentielles et les équations à dérivées partielles.

En hydrodynamique, on lui doit d’avoir démontré le paradoxe qui porte son nom : il montra que, d’après les solutions les plus simples des équations hydrodynamiques, un corps devrait pouvoir progresser dans un fluide sans éprouver aucune résistance ou, ce qui revient au même, qu’une pile de pont plongée dans le cours d’un fleuve ne devait subir de sa part aucune poussée. C’était obtenir un résultat contraire à l’intuition et à l’expérience. Il fallut attendre la théorie des sillages, qui substitue aux solutions continues simples de l’hydrodynamique, des solutions de surfaces de discontinuités et mouvements tourbillonnaires, pour venir à bout de cette difficulté qu’avait soulevée D’Alembert.
Il est également à l’origine de l’équation de d'Alembert.

Philosophie

D’Alembert découvre la philosophie au collège janséniste des Quatre-Nations. Il s’intéresse également aux langues anciennes et à la théologie (il commente entre autres l’Épître de saint Paul aux Romains). À la sortie du collège, il laisse définitivement de côté la théologie et se lance dans des études de droit, de médecine et de mathématiques. De ses premières années d’études, il conservera une tradition cartésienne qui, intégrée aux conceptions newtoniennes, ouvrira la voie au rationalisme scientifique moderne.
C’est l’Encyclopédie, à laquelle il collaborera avec Diderot et d’autres penseurs de son temps, qui lui donnera l’occasion de formaliser sa pensée philosophique. Le Discours préliminaire de l’Encyclopédie, inspiré de la philosophie empiriste de John Locke et publié en tête du premier volume 1751, est souvent considéré, et avec raison, comme un véritable manifeste de la philosophie des Lumières. Il y affirme l’existence d’un lien direct entre le progrès des connaissances et le progrès social.
Contemporain du siècle des Lumières, déterministe et déiste, D’Alembert fut l’un des protagonistes, ainsi que son ami Voltaire, de la lutte contre l’absolutisme religieux et politique qu’il dénonce dans les nombreux articles philosophiques qu’il écrivit pour l’Encyclopédie. La compilation de ses analyses spirituelles de chaque domaine de la connaissance humaine traité par l’Encyclopédie, constitue une véritable philosophie des sciences.
Dans Philosophie expérimentale, D’Alembert définit ainsi la philosophie : La philosophie n’est autre chose que l’application de la raison aux différents objets sur lesquels elle peut s’exercer.
D’Alembert est représenté dans l’Entretien entre d’Alembert et Diderot, le Rêve de d’Alembert et la Suite de l’entretien été 1769 par Diderot.

La philosophie des sciences

En contrepoint à son œuvre scientifique et en relation avec elle, d'Alembert a développé une théorie de la connaissance influencée par Locke et le sensualisme de Condillac, mais centrée avant tout sur une épistémologie de la physique newtonienne. C'est à nos sensations que nous devons nos connaissances ; la première est la conscience d'exister, qui légitime l'exercice de la pensée, la deuxième est l'existence des objets extérieurs, qui assure le fondement de la validité des sciences. Mais la connaissance nécessite la médiation de la raison entre le réel et la pensée. Il y a une physique de l'âme – celle de Locke – et une physique des corps qui, bien que distinctes, entretiennent des relations. Les faits de la première sont de plain-pied avec l'attention de la raison, et l'esprit est une nature simple : de cette simplicité découle l'illumination de la connaissance mathématique. La physique des corps suppose l'attention au monde extérieur ; elle vise à l'unification des faits par la pensée rationnelle s'appuyant sur l'expérience. D'Alembert distingue les sciences empiriques, éloignées de cette unification, et les sciences physico-mathématiques, dont le statut est mixte, relatives à des objets concrets mais descriptibles par abstraction, au moyen des mathématiques : leurs propriétés peuvent être retrouvées par un raisonnement déductif, à partir des principes fondamentaux auxquels ils ont été ramenés. La mécanique est rationnelle en raison du degré de certitude auquel elle est parvenue, dû à son caractère mathématisé. Réaliste, prônant le recours à l'expérience, il fut en même temps profondément rationaliste dans la lignée de Descartes. Mais, bien que la raison ait été sa référence fondamentale, à tel point qu'il désirait fonder sur ses principes les plus évidents la science physico-mathématique – il essaya de « démontrer » les trois lois fondamentales de la mécanique, qu'il considérait comme des « principes » –, son programme ne peut être dit cartésien. Il rejette en effet les idées innées et accepte la critique d'une rationalité apparente requise par la considération de faits irréductibles. Le concept d'attraction revêt dans son épistémologie une importance considérable. L'attraction n'est pas réductible aux principes rationnels de la mécanique : ce sont les faits qui l'imposent, et ce concept nous oblige à réviser ce qu'il faut entendre par naturel, évident, rationnel. Il en résulte une modification, une critique en quelque sorte, de notre conception de la rationalité : une fois accepté le concept d'attraction, l'astronomie est rationnelle. La critique de l'évidence effectuée dans le cas de l'attraction est ensuite étendue à d'autres concepts qui paraissaient correspondre à une clarté immédiate, celui d'impénétrabilité par exemple. Sa critique des concepts physiques ou mathématiques vise à assurer les fondements d'une connaissance certaine, et se situe dans le courant d'une lutte contre la métaphysique scolastique. Son rejet du concept de force comme de la considération d'une texture intime des corps bien qu'il accepte l'atomisme semblent faire de lui, par le refus de ce qui ne serait pas directement mesurable, l'annonciateur du positivisme de Laplace et de Comte : mais d'Alembert considère que la pensée peut parvenir à la connaissance du réel, et il faut plutôt voir dans sa position un effet de sa conception sur la connaissance mathématique qui est seule vraiment illuminatrice de la raison.
Son épistémologie est en définitive un réalisme rationnel référé à l'être même de la nature – la raison et la nature se rejoignent en profondeur. Elle présente cette originalité d'intervenir à partir de et après la connaissance scientifique, ce qui lui permet de garantir une autonomie des sciences par rapport aux constructions à priori, au sein d'une théorie de la connaissance détachée des anciens systèmes métaphysiques, et de prétendre ainsi renouveler la métaphysique, en tant que recherche et énoncé des conditions de la connaissance. Pour cette raison, son épistémologie, qui s'attache à la considération de problèmes et de concepts précis, est indiscutablement moderne.

Sceptique en philosophie, il se rapprocha peu à peu d'un matérialisme dynamique proche de celui de Diderot. Son épistémologie précise et sa philosophie rationnelle mais informée de l'importance de l'expérience le situent à la croisée-amont des principaux courants philosophiques qui se fondent sur l'acquis des sciences : criticisme, positivisme, matérialisme.

Musique

D’Alembert est considéré comme un théoricien de la musique, en particulier dans Éléments de musique. Une controverse l’opposa à ce sujet à Jean-Philippe Rameau.
Étudiant la vibration des cordes, il parvint à montrer que le mouvement d’une corde vibrante est représenté par une équation aux dérivées partielles, et a indiqué la solution générale de cette équation. Cette équation des cordes vibrantes a été le premier exemple de l’équation des ondes. Cela fait de D’Alembert, l’un des fondateurs de la physique mathématique. Ses travaux ont été à l’origine de polémiques fécondes, lorsque Euler, à la suite de Bernoulli, eut donné sous la forme d’une série trigonométrique, une solution de l’équation des cordes vibrantes qui semblait totalement différer de celle de D’Alembert. Il a résulté de la discussion que la solution trigonométrique pouvait s’adapter à la représentation d’une forme initiale arbitraire de la corde.

Œuvres

Mémoire sur le calcul intégral 1739, première œuvre publiée
Traité de dynamique 1743 puis 1758
Traité de l’équilibre et du mouvement des fluides : pour servir de suite au Traité de dynamique
Réflexions sur la cause générale des vents 1747, Paris, David l'aîné
Recherches sur les cordes vibrantes 1747
Recherches sur la précession des équinoxes et sur la nutation de l’axe de la terre 1749
Discours préliminaire de l'Encyclopédie' 1751
Éléments de musique 1752
Mélanges de littérature et de philosophie 2 tomes 1753, 5 tomes 1759-1767
Essai sur les éléments de philosophie 1759
Éloges lus dans les séances publiques de l’Académie française 1779
Opuscules mathématiques 8 tomes, 1761
Œuvres complètes, Éditions CNRS, 2002
Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Flammarion, 1993
Trois Mois à la cour de Frédéric lettres inédites de d’Alembert publ. et annotées par Gaston Maugras, Paris, C. Lévy, 1886
Correspondance avec Frédéric le Grand, éd. Preuss, Berlin, Duncker 1854, et al.
Inventaire analytique de la correspondance 1741-1783, éd. de Irène Passeron, CNRS éditions, 2009

Bibliographie

Joseph Bertrand, d’Alembert, texte disponible en ligne sur le projet Gutenberg.
Louis de Broglie, Un mathématicien, homme de lettres : d’Alembert, L’Encyclopédie et le progrès des sciences et des techniques, Centre International de synthèse, Paris,
La formation de D’Alembert , Recherche sur Diderot et sur l’Encyclopédie, no 38,‎ 2008 résumé
D'Alembert : mathématicien des Lumières. Revue Pour la science

L'Encyclopédie de Denis Diderot et de Jean Le Rond d'Alembert

L'Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Denis Diderot (1713-1784) et de Jean Le Rond d'Alembert (1717-1783) a pris très tôt valeur de symbole. En elle se trouvent concentrés l'appétit de savoir qui habite le XVIIIe siècle, son goût des bilans et des sommes, l'intérêt porté aux sciences et techniques, l'extraordinaire développement que connaît alors l'imprimé, la présence militante de la philosophie, alliée à une nouvelle façon de concevoir le travail intellectuel. Enfin l'optimisme conquérant des Lumières apparaîtrait ici à son zénith. Sans nier toutes ces valeurs que la tradition lui attache, on s'interroge aujourd'hui, pour tenter de mieux le comprendre, sur la nature même du discours encyclopédique, sur sa diffusion réelle, ses lectures possibles et sa postérité.

Une archéologie, une histoire, une postérité

Le XVIIIe siècle n'a pas inventé l'Encyclopédie. Il y a dans son projet une pensée de l'homme et de la connaissance déjà présente dans la philosophie de la Renaissance, par exemple chez un Pic de la Mirandole. Et bien des tentatives l'ont précédée : en 1694, Thomas Corneille publie un Dictionnaire des arts et des sciences. En débattant de la notion d'antiquité, la querelle des Anciens et des Modernes a imposé l'idée d'un progrès des sciences et des arts. Le discours philosophique de Pierre Bayle prend la forme du Dictionnaire historique et critique 1697. En Angleterre se publient des dictionnaires techniques et la Cyclopaedia, or an Universal Dictionary of Arts and Sciences de Chambers 1728, que les libraires parisiens, en quête d'entreprises rentables, se proposent de traduire. En 1745, une équipe est constituée, des traducteurs désignés, un maître d'œuvre choisi : l'abbé Jean-Paul Gua de Malvés, qui s'attache les services de Diderot et de d'Alembert. Gua de Malvés est évincé en 1747 : la responsabilité de l'ouvrage est confiée à ses deux collaborateurs. Ces derniers recrutent un homme à tout écrire, Jaucourt, des plumes brillantes : Voltaire, Buffon, Rousseau, d'Holbach, Montesquieu, Marmontel, et toute une piétaille, essentielle à la bonne marche de l'entreprise.

Si le premier tome de l'Encyclopédie paraît en 1751, après la présentation générale du projet par Diderot dans son fameux Prospectus 1750, tout n'ira pas sans incidents de parcours, malgré la protection que lui accorda Malesherbes, directeur de la Librairie. Une première interdiction a lieu en 1752 : l'abbé de Prades, auteur de l'article Certitude voit sa thèse en Sorbonne condamnée par l'archevêque de Paris et le Parlement. Cette condamnation rejaillit sur les encyclopédistes, dénoncés comme une secte dangereuse. Le 7 février, le Conseil du roi condamne l'Encyclopédie au pilon. Un partie de la cour rassemblée défend l'ouvrage. L'attentat de Damiens contre le roi relance les attaques. D'Alembert abandonne la partie en 1758. La condamnation de De l'esprit d'Helvétius entraîne en 1759 celle de l'Encyclopédie, qui est interdite et mise à l'index. Les libraires font valoir les risques de ruine de l'édition parisienne et obtiennent un nouveau privilège. En 1759, on accuse les gravures de l'Encyclopédie de plagiat. C'est ainsi que les attaques les plus diverses accompagnèrent la publication des dix-sept tomes de l'Encyclopédie et de leurs onze volumes de planches, jusqu'en 1772. Mais de 1751 à 1782, on estime qu'il s'en vendit 25 000 exemplaires. À peine achevée, on la réédita ; on publia des suppléments, des abrégés. En 1782, le libraire Panckoucke entreprit la publication de l'Encyclopédie méthodique, qui compte plus de 200 volumes et fut achevée en 1832.

Le projet et les problèmes

L'ouvrage que nous commençons et que nous désirons de finir a deux objets : comme Encyclopédie, il doit exposer, autant qu'il est possible, l'ordre et l'enchaînement des connaissances humaines ; comme Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, il doit contenir sur chaque science et sur chaque art, soit libéral, soit mécanique, des principes généraux qui en sont la base, et les détails les plus essentiels qui en font le corps et la substance. Discours préliminaire de d'Alembert. Faire un bilan des connaissances, relier les sciences entre elles. Le projet est clairement défini dès l'origine. Diderot y ajoute la part faite aux techniques et aux métiers. Mais ce panorama vise aussi à dresser les efforts de l'esprit humain . Il n'est pas de savoir sans référence à la philosophie, qui exalte ici l'esprit des Lumières et se veut l'illustration d'une histoire des progrès de l'esprit humain en lutte contre l'ignorance. L'ouvrage est de consultation d'où son didactisme, son ordre alphabétique, le rôle donné au planches et, discrètement, de militantisme philosophique par le jeu des renvois ou, plus brutalement, par des articles qui dénoncent et prennent parti, comme l'article Prêtres que rédige d'Holbach.

Le temps et les poursuites dont elle fut victime aidant, on a interprété l'Encyclopédie comme un ouvrage éminemment subversif, incrédule et parfois athée. On a pris pour argent comptant les dénonciations de ses adversaires, et oublié les contraintes de lecture qu'il imposait. Son format in-folio et la durée de sa publication étalée sur plus de vingt ans, sa lecture de consultation, souvent strictement technique, rendaient peu efficace le système de renvois qui tourne court : il arrive qu'un renvoi annoncé n'existe pas. Il faut admettre que l'Encyclopédie est justiciable de diverses lectures : philosophiques, de consultation, de recours technique, de braconnage. Et toutes fondamentalement discontinues. On imagine mal aujourd'hui sa lecture de A à Z. Politiquement aussi, comme le prouvent les articles Peuple ou Autorité, l'Encyclopédie demeure prudente.

On a vu en elle, à la lumière d'une interprétation marxiste du XVIIIe siècle, une prise de possession triomphale du monde par une bourgeoisie en pleine ascension. Une telle vision n'est plus guère acceptée. L'Encyclopédie apparaît comme partagée entre l'orgueil intellectuel de classer, nommer, unifier et décrire, et la volonté de préserver les savoirs acquis d'une éventuelle destruction du monde civilisé, ainsi que l'affirme l'article Encyclopédie lui-même.

Lien

http://youtu.be/ZJBpRIIvzus Biographie courte
http://youtu.be/-vr6e0K85_E D'Alembert mathématicien
http://youtu.be/Su-B7859zTo?list=PL7x ... nXi7leEyXd6MmNOSJfNjrumzz


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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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