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De Montpellier
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Le 30 novembre 1900 à 46 ans, meurt à Paris Oscar Wilde
dont le nom complet est Oscar Fingal O'Flahertie Wills Wilde, écrivain Romancier Dramaturge, Poète, britannique d'origine irlandaise, né à Dublin le 16 octobre 1854, il écrit roman, Théätre et nouvelles dans la mouvance "esthétisme", ses Œuvres les plus remarquables sont : "L'Importance d'être Constant" en 1895 et " Le Portrait de Dorian Gray " en 1890. La célébrité d'Oscar Wilde tient à son destin. Prodigieusement doué, d'un esprit étincelant qui subjugua la société londonienne, fin lettré, nourri de Swinburne, de Ruskin, de Walter Pater, il a surtout été considéré comme un esthète décadent et révolté : son procès pour mœurs acheva de faire de lui une figure publique entourée d'éclat, de honte et de scandale. Lui-même savait combien la vie empiétait dangereusement sur son art et sur sa personne quand il confiait à Gide avoir mis tout son génie dans sa vie et son talent seulement dans son œuvre. Son personnage fut, et par sa propre faute, entouré par une légende de causeur génial et d'écrivain mineur, mais ses poèmes, son roman Le Portrait de Dorian Gray, sa correspondance, dont la lettre si importante dite De profundis écrite à lord Alfred Douglas en 1897, révèlent une personnalité divisée et tragique, un profond narcissisme, une attirance de l'échec qui l'apparentent aux romantiques et sur lesquels il faut de nouveau s'interroger.
Il naît dans la bourgeoisie irlandaise et protestante de Dublin, d’un père ophtalmologiste renommé et d’une mère poétesse, Oscar Wilde se distingue par un parcours scolaire brillant. Nourri de culture classique, couronné de prix au sein du Trinity College de Dublin, il intègre le Magdalene College de l'université d’Oxford, où il se construit un personnage d’esthète et de dandy, sous l’influence des préraphaélites et des théories de L'art pour l’art de Walter Pater, John Ruskin ou Whistler. À l’issue de ses études, Wilde s’installe à Londres, où il parvient à s'insérer dans la bonne société et les cercles cultivés, s’illustrant dans plusieurs genres littéraires. S’il publie, conformément aux exigences de l’esthétisme le plus pur, un volume de poésie, il ne néglige pas des activités moins considérées des cercles littéraires, mais plus lucratives : ainsi, il se fait le porte-parole de la nouvelle Renaissance anglaise dans les arts dans une série de conférences aux États-Unis et au Canada, puis exerce une prolifique activité de journaliste. Au tournant des années 1890, il précise sa théorie esthétique dans une série de dialogues et d’essais, et explore dans son roman Le Portrait de Dorian Gray en 1890 les liens entretenus par la beauté, la décadence et la duplicité. Sa pièce Salomé en 1891, rédigée en français à Paris l’année suivante, ne peut être jouée en Angleterre, faute d’avoir obtenu la licence d’autorisation, au motif qu’elle met en scène des personnages bibliques. Confronté une première fois aux rigueurs de la morale victorienne, Wilde enchaîne cependant avec quatre comédies de mœurs, qui font de lui l’un des dramaturges les plus en vue de Londres. Indissociables de son talent littéraire, sa personnalité hors du commun, le mordant de son esprit, le brillant de sa conversation et de ses costumes assuraient sa renommée. Au faîte de sa gloire, alors que sa pièce maîtresse L'Importance d'être Constant 1895 triomphe à Londres, Oscar Wilde poursuit le père de son amant Alfred Bruce Douglas pour diffamation, après que celui-ci a entrepris de faire scandale de son homosexualité. Après une série de trois procès retentissants, Wilde est condamné pour grave immoralité à deux ans de travaux forcés. Ruiné par ses différents procès, condamné à la banqueroute, il écrit en prison De Profundis, une longue lettre adressée à son amant dont la noirceur forme un contraste saisissant avec sa première philosophie du plaisir. Dès sa libération en mai 1897, il quitte définitivement la Grande-Bretagne pour la France. C’est dans ce pays d’accueil qu’il met un point final à son œuvre avec La Ballade de la geôle de Reading 1898, un long poème commémorant l’expérience éprouvante de la vie en prison. Il meurt à Paris en 1900, dans le dénuement à l'âge de quarante-six ans.
En bref
L'hérédité et l'éducation jouent un rôle particulièrement important dans la vie d'Oscar Wilde : sa mère, Jane Francisca Elgee, ardente poétesse qui avait choisi comme pseudonyme Speranza, collaborait au journal nationaliste irlandais The Nation quand un procès retentissant mit fin à ses activités littéraires. Comme d'autres furent accusés d'avoir composé les appels aux armes dont elle était l'auteur, elle revendiqua la paternité de ses écrits. Cette Junon théâtrale, courageuse, capable de grandeur comme de grotesque, finit par épouser William Wilde, oculiste célèbre et chirurgien, don Juan obstiné, d'une infatigable activité. La carrière brillante de ce médecin fut à son tour interrompue par les accusations venimeuses d'une maîtresse abandonnée, d'où un procès entouré de ridicule qui signa la déchéance d'un des hommes les plus remarquables d'Irlande. Oscar Wilde et son frère, Willie, assistèrent à cette lente dégradation qui se termina par la mort de leur père avant la cinquantaine. À la naissance d'Oscar à Dublin, lady Wilde désirait à tout prix une fille ; elle déguisa sa déception en travestissant son fils qui fut élevé comme la fille qu'elle n'avait pas eue. La naissance d'une petite Isola n'y changea rien et la mort à l'âge de neuf ans de cette sœur fut un grand drame dans l'enfance de Wilde : Toute ma vie est enterrée là , jetez de la terre dessus, écrira-t-il dans un poème. Drame d'autant plus marquant que la mère demeurait, plus que jamais, l'unique figure féminine qui sût le retenir. Ainsi ce fils d'un couple fantasque, original, ce produit d'une famille sale, désordonnée, hardie, imaginative et cultivée, selon les termes de Yeats, sera-t-il la victime d'une enfance étrange et d'une hérédité aux mains chargées de présents. Ce n'est pas notre propre vie que nous vivons, mais la vie des morts, écrira-t-il dans Intentions 1891. Comme le souligne Robert Merle dans le remarquable ouvrage qu'il lui a consacré, le goût du vêtement, de l'apparence, du travesti et du mot d'esprit hérité de sa mère, le deuil d'Isola qui le frustrait d'une présence féminine bénéfique, un mariage sans passion durable avec une jeune héritière, Constance Lloyd, dépourvue de personnalité, le dégoût du physiologique et de la procréation, la peur de la vieillesse, un narcissisme insatiable parce que dès l'abord blessé, une nature fluctuante et masochiste, tout prédisposait Wilde à l'homosexualité. Certes, ses goûts devaient déjà être définis dès son adolescence, il fit ses études au Trinity College de Dublin en 1871-1874, et à Oxford en 1874-1878, mais ce fut la rencontre d'Alfred Douglas qui les affirma avec éclat. Étrangement, le roman d'Oscar Wilde Le Portrait de Dorian Gray, The Picture of Dorian Gray, 1891 précéda cette passion, et l'on ne peut qu'être frappé par la prescience que dévoile ce récit du sort qui attendait son auteur. Le père de Douglas, homme irascible et violent, accusa Wilde de pervertir son fils par ses mœurs ; Wilde releva le défi, d'où le troisième procès de la famille Wilde, à l'image de ceux qui le précèdent. L'attitude de Wilde révèle une identification à la mère dans le fait qu'il ne chercha aucunement à éviter l'accusation ; et l'on devine le souvenir de la dégradation paternelle dans une sorte de vertige de l'échec et de l'autopunition, car, après l'épreuve du procès qui s'était terminé par une condamnation à deux ans de travaux forcés à la geôle de Reading, Wilde s'enfonça dans la maladie et la tristesse. C'est en prison qu'il composa De profundis, sorte de règlement de comptes bouleversant avec Alfred Douglas et document des plus révélateurs sur sa propre nature. Il y commença sa fameuse Ballade de la geôle de Reading, The Ballad of Reading Gaol, 1898, qu'il termina en Italie au sortir de prison. Wilde, qui séjourna près de Dieppe, puis à Naples où il retrouva Douglas, adopta comme pseudonyme Melmoth, nom du Juif errant dans le roman de l'écrivain irlandais Charles Robert Maturin, son grand-oncle. Il mourut d'une méningite à Paris, et il est enterré au cimetière du Père-Lachaise.
Sa vie
Oscar Wilde est né au 21, Westland Row à Dublin, aujourd'hui le siège de l'Oscar Wilde Centre, Trinity College. Il est le second des trois enfants de Sir William Wilde et de Jane Francesca Elgee, de deux ans le cadet de son frère aîné William. Sa mère ne se départit jamais sa vie durant de son soutien à la cause nationaliste irlandaise, bien qu'elle restât fidèle à la tradition anglicane de ses grands-pères, tous deux pasteurs. Elle s'enorgueillissait tout particulièrement de ses poésies nationalistes, dont elle avait commencé la composition en 1845, après la mort du journaliste et poète Thomas Davis, l'une des figures de proue des Jeunes Irlandais. Publiées sous le pseudonyme de Speranza dans le journal The Nation, l'organe de presse du mouvement cofondé par Davis, ces poésies jouissaient d'une certaine estime dans le milieu littéraire irlandais. W. B. Yeats lui-même ne manquait pas d'en faire l'éloge. Les poèmes des Young Irelanders, que leur mère leur lisait régulièrement, firent dès le plus jeune âge partie intégrante de l'univers culturel dans lequel baignaient les deux frères Oscar et Willie Wilde. Les peintures et les bustes antiques dont la maison familiale était ornée témoignaient quant à eux de l'engouement maternel pour la mode néo-classique de l'époque. L'influence de Jane Wilde sur Oscar ne se limita pas au cadre culturel dans lequel grandit son fils : elle ne cessa, dès qu'elle eut perçu chez lui les prémices d'une vocation littéraire, de l'encourager et de la nourrir. William Wilde était un médecin oculiste éminent, il soigna notamment la reine Victoria elle-même, Napoléon III ou le roi de Suède Oscar II qui tint à le remercier en devenant le parrain d'Oscar Wilde, d'où le prénom original donné à celui-ci. William Wilde fut annobli, et devint chevalie en 1864 pour les services rendus comme conseiller médical et commissaire adjoint au recensement de l'Irlande. Il était par ailleurs versé dans l'érudition locale et écrivit plusieurs ouvrages traitant de l'archéologie et du folklore irlandais. Philanthrope reconnu, il ouvrit un dispensaire à l'intention des pauvres de Dublin qui préfigurait le Dublin Eye and Ear Hospital, situé de nos jours à Adelaide Road. En 1855, la famille Wilde emménagea au 1, Merrion Square, où leur fille Isola vit le jour deux ans plus tard. La nouvelle résidence, à la hauteur de la notoriété grandissante du couple, lui permit de tenir un salon composé de l'élite culturelle et médicale de la ville. Ces réunions, qui se tenaient les samedis après-midis, pouvaient réunir jusqu'à cent invités, et comptaient parmi ses habitués des noms tels que Sheridan Le Fanu, Charles Lever , George Petrie, Isaac Butt, William Rowan Hamilton et Samuel Ferguson. Sa mère Jane Francesca Elgee aurait préféré une fille à la naissance d'Oscar, elle l'éleva comme tel jusqu'à l'âge de sept ans : toute sa vie Oscar Wilde restera dans sa tête ce jeune garçon ambigu, transformé par sa mère en petite idole hindoue. Jusqu'à l'âge de neuf ans, Oscar Wilde fut éduqué à domicile, sous la garde d'une bonne française et d'une gouvernante allemande. Il fréquenta ensuite la Portora Royal School à Enniskillen, dans le comté de Fermanagh, établissement qui se targuait d'être l'Eton irlandais. Pendant son adolescence, il passa l'essentiel de ses étés dans la villa familiale de Moytora, dans le comté de Mayo où il fréquentait avec son frère le futur écrivain George Moore. Sa jeune sœur Isola mourut à 11 ans d'une méningite. Wilde lui a dédié le poème Requiescat.
Études supérieures Trinity College
Wilde quitta Portora en ayant obtenu une bourse royale pour le prestigieux Trinity College de Dublin qu'il fréquenta de 1871 à 1874, en compagnie de son frère, dont il partageait la chambre. Il reçut l'enseignement de R.Y. Tyrell, Arthur Palmer, Edward Dowden et surtout de son tuteur, le révérend J.P. Mahaffy, vieil érudit qui éveilla son intérêt pour la culture grecque antique et la passion des questions nobiliaires. Malgré des réserves tardives, Wilde tenait encore en 1893 Mahaffy pour son premier et meilleur maître, celui qui lui apprit à aimer les œuvres grecques. De son côté Mahaffy se vanta dans un premier temps d'avoir créé Wilde, puis dans un second temps, après les revers de fortune de son élève, déplora qu'il fût la seule tache de son tutorat. Les deux hommes entretenaient à l'époque une relation suffisamment étroite pour que Mahaffy jugeât de citer nommément son élève en exergue de son ouvrage Social Life in Greece from Homer to Menander. Cette découverte de l'hellénisme alla pour Wilde de pair avec un approfondissement de ses conceptions esthétiques, qui commencèrent à se préciser. Outre les enseignements de Mahaffy, il subit pendant cette période l'influence des poètes et des peintres préraphaélites, en premier lieu de Dante Gabriel Rossetti et d'Algernon Swinburne, qui orienta ses lectures vers Baudelaire puis Walt Whitman. Sous l'effet de ces théories esthétiques, inséparables d'une conception plus générale, et assez exigeante, des rapports entre l'art et la vie, il commença à modeler le personnage d'esthète qui devait faire sa réputation. Wilde devint également un membre actif de l'University Philosophical Society, une société de débats qui publiait une feuille de chou. Remarqué pour ses activités parascolaires, il brillait également sur le terrain plus proprement académique : premier de sa classe lors de sa première année, récipiendaire d'une bourse par concours la seconde, il remporta finalement la médaille d'or de Berkeley, la récompense suprême de l'université en grec pour clore son cursus. Il était dans la logique du système universitaire britannique qu'un élève aussi brillant intégrât l'une des prestigieuses universités anglaises. Encouragé par Mahaffy, il postula pour une bourse spéciale du Magdalene College de l'université d'Oxford, qu'il remporta aisément.
Oxford
Pendant sa scolarité à Oxford, Wilde gagna rapidement une certaine renommée parmi ses condisciples pour son esthétisme affiché et son rôle dans le mouvement décadent. Il portait les cheveux longs, méprisant ouvertement les sports virils, qui jouaient un rôle central dans la vie sociale des étudiants d'Oxford, bien qu'il pratiquât occasionnellement la boxe. Dans sa chambre, les plumes de paon, les fleurs de lys ou de tournesol côtoyaient des porcelaines de Chine bleues, des photographies du pape et des gravures de peintres préraphaélites. Il confia un jour à des amis qu'il lui était chaque jour plus difficile de se montrer digne de sa porcelaine bleue ; la phrase fit rapidement le tour du campus, reprise comme un slogan par les esthètes et utilisés contre eux par ceux qui l'érigeaient en symbole de leur vacuité. L'hostilité de certains étudiants contre ces excentriques qui se distinguaient par leurs poses languides et leurs costumes tape-à -l'œil pouvait parfois tourner à la provocation physique. Attaqué par un groupe de quatre jeunes gens, Wilde désarçonna un jour tous ces critiques en répondant seul du tac au tac à l'aide de ses poings. Dès sa troisième année à Oxford, il avait définitivement posé les bases de son personnage de dandy et assis sa notoriété, qui reposait pour partie sur la distance désinvolte qu'il adoptait avec l'imposante institution qu'était l'université d'Oxford. Il fut ainsi exclu provisoirement, après avoir manqué le début des cours à l'issue d'un voyage en Grèce en compagnie du Professeur Mahaffy. Plusieurs professeurs d'Oxford exercèrent une influence décisive sur sa trajectoire. Si Wilde ne fit pas la connaissance de Walter Pater avant sa troisième année, il avait été enthousiasmé par la lecture de ses Studies in the History of the Renaissance, publiées alors qu'il était encore étudiant à Trinity24. Pater considérait que la sensibilité esthétique de l'homme devait être cultivée avant toute chose, et accordait une attention toute particulière à l'expérience, dont la splendeur et la terrible brièveté exigeaient qu'elle mobilise la concentration de tout notre être. Des années plus tard, dans De Profundis, Wilde reconnut l'influence si étrange que l'ouvrage de Pater avait eue sur sa vie. Il en connaissait des extraits par cœur et l'emporta avec lui en voyage jusque dans ses dernières années. Si Pater donna à Wilde son sens du dévouement à l'art, on peut créditer John Ruskin d'avoir donné un but à cet investissement esthétique. La fin de son cycle oxonien fut couronnée de succès. Il sortit diplômé du Magdalene College en ayant obtenu les mentions les plus hautes first class honours dans ses deux matières principales après avoir remporté le prix de poésie de l'université d'Oxford, le Newdigate Prize, exercice de style dont le thème imposé était cette année-là Ravenne. La ville ne lui était pas inconnue puisqu'il l'avait visitée l'année précédente. Ce prix assez prestigieux, doté de la somme confortable de 21 livres, lui donnait le droit à son récipiendaire de lire son poème lors de la cérémonie annuelle, mais lui assurait surtout une petite notoriété dans le monde des lettres.
Carrière artistique et premiers succès londoniens
Son diplôme en poche, Wilde retourna à Dublin où il rencontra Florence Balcombe, dont il s'amouracha, mais la jeune femme se fiança à l'écrivain Bram Stoker qu'elle épousa en 1878. Peu après avoir appris ses fiançailles, Wilde lui annonça son intention de retourner en Angleterre, probablement pour de bon. Incertain de la marche à suivre pour lancer sa carrière, il s'enquit d'abord auprès de plusieurs connaissances de positions libres à Oxbridge. Puis, profitant de la part d'héritage qu'il avait reçu de son père, il s'installa peu après, comme pensionnaire du peintre Frank Miles, d'abord près du Strand, puis à partir de 1880 au 1, Tite Street dans le quartier de Chelsea. La capitale paraissait être la rampe de lancement idéal pour un apprenti artiste ambitieux. Wilde put y profiter des relations dont Miles bénéficiaient déjà dans le monde du théâtre londonien. Il devint proche des comédiennes Lillie Langtry, Ellen Terry, avant de devenir un intime de Sarah Bernhardt. Bien qu'il se destinât avant tout à une carrière de critique d'art, ce fut par le biais de la poésie qu'il parvint à se faire un nom dans le monde littéraire de la capitale britannique. Dès son entrée à Trinity College, Wilde avait publié de la poésie dans de petites revues telles que Kottabos et le Dublin University Magazine. Inspiré par ses voyages en Grèce et en Italie, il n'avait depuis jamais cessé d'écrire, publiant occasionnellement dans des magazines. En 1881, un recueil titré Poems, publié quasiment à compte d'auteur, réunit ses premières compositions et des œuvres jusqu'alors inédites. Il reçoit un bon accueil et l'écoulement rapide des 750 premiers exemplaires rend nécessaire une nouvelle édition l'année suivante.
Tournée nord-américaine
Bien qu'il n'eût alors que peu produit, Wilde profita pleinement de la notoriété de son cercle d'amis pour faire valoir ses qualités mondaines ; il était déjà une figure suffisamment célèbre pour que son style hors norme fît l'objet de caricatures dans la presse. Cette notoriété prit une nouvelle ampleur en 1881 lorsque Gilbert et Sullivan, deux compositeurs en vogue, s'inspirèrent directement de Wilde pour l'un des personnages de leur nouvel opéra intitulé Patience35. Lorsque la pièce fut produite aux États-Unis, on lui proposa une série de conférences visant à familiariser le public américain aux ressorts de l'esthétisme britannique. Wilde arriva aux États-Unis le 3 janvier 1882, précédé d'une réputation d'homme d'esprit. Il s'empressa de confirmer cette réputation devant la foule venue l'accueillir dès sa descente de bateau en répondant à un douanier qu'il n'avait rien d'autre à déclarer que son génie. Le succès fut au rendez-vous dans des proportions que les organisateurs n'avaient pas su prévoir : programmée initialement pour quatre mois, la tournée dura finalement plus d'un an, avec un crochet final par le Canada. Le séjour américain de Wilde lui fut finalement extrêmement profitable. Ce détour transatlantique, autorisé à l'origine par la petite notoriété dont il jouissait à Londres, lui permit en retour de se parer d'une aura plus grande encore qui affermit considérablement sa position en Angleterre. D'un point de vue intellectuel, l'exercice difficile de la conférence publique et la diversité des auditoires auxquels il fut confronté, se produisant aussi bien dans les salons de la grande bourgeoisie que face à des parterres d'ouvriers, lui permit d'affuter sa pensée dans le domaine de l'esthétique. Ces nouveaux développements, inspirés de la lecture de Théophile Gautier, Baudelaire ou William Morris, nourrirent directement les premiers essais qu'il devait publier à son retour en Angleterre.
Parenthèse parisienne
À peine revenu à Londres, Wilde s'embarqua pour Paris où il séjourna de février à la mi-mai 1883. Les revenus tirés de ses conférences et les gains qu'il attendait d'une pièce en cours d'écriture, La Duchesse de Padoue, lui permirent de revenir dans une ville qui avait déjà marqué son adolescence et était un des hauts lieux de la vie intellectuelle européenne. Il fit peu de temps après son arrivée la connaissance du jeune poète Robert Sherard qui devait devenir son biographe. L'ascendance glorieuse de Sherard, qui n'était autre que l'arrière-petit-fils du poète William Wordsworth, lui ouvrait les portes des plus illustres écrivains. Dans son sillage, Wilde put dîner chez Victor Hugo. Son étape parisienne marqua un changement notable dans le style de Wilde, qui entra alors, selon Schiffer, dans sa deuxième période esthétique. Troquant ses tenues extravagantes contre des costumes toujours aussi soignés, mais plus sobres, il fit également couper ses fameux cheveux longs, qui lui valaient maints commentaires sarcastiques de la presse, pour une coupe qu'il qualifiait fièrement d'à la Néron. Paris marqua également la rencontre de Wilde avec le décadentisme français ; s'il fit la connaissance de Marcel Proust, il fut néanmoins beaucoup plus marqué par sa rencontre avec Maurice Rollinat, avec lequel il s'entretint à plusieurs reprises. Les soirées organisées par le peintre Giuseppe De Nittis furent également l'occasion pour Wilde de côtoyer les peintres impressionnistes Edgar Degas et Camille Pissaro.
Mariage
Dès son retour en Angleterre, Wilde convia Constance Lloyd, la fille d'Horace Lloyd, un riche conseil de la Reine, au thé dominical donné par sa mère. À l'issue d'une cour assidue, il se fiança avec la jeune femme le 26 novembre 1883, avant de l'épouser en grande pompe le 29 mai 1884 dans la très distinguée église St James, à Londres dans le quartier de Paddington. L'entreprise de séduction, savamment orchestrée, tombait à point nommé pour mettre fin aux racontars sur son homosexualité, qui s'étaient accentués lors de son séjour français. De cette union naîtront deux enfants, Cyril et Vyvyan. Avant même son mariage, le jeune couple s'afficha assez ouvertement lors de la série de conférences sur ses Impressions personnelles sur l'Amérique, La mode ou La valeur de l'art dans la vie moderne dans laquelle Wilde, à nouveau à court d'argent après son dispendieux séjour parisien, avait été contraint de se lancer. Le conférencier ne tarissait pas d'éloges sur sa nouvelle femme qui incarnait à ses yeux l'essence même du modèle préraphaélite et dont le caractère était trempé aux nouvelles idées féministes. Le 9 mai 1884, Oscar s'était rendu, avec son frère et sa mère, chez Charles Carleton Massey, pour assister à la première réunion de la loge théosophique de l'Hermetic Society. Les revenus annuels de Constance Lloyd s'élevaient à 250 livres, somme généreuse pour une jeune femme, mais qui était bien le moins qu'il fallait à un chantre de l'esthétisme qui devait maintenant incarner les principes qu'il s'était fait profession d'enseigner aux autres. Le 16, Titre Street, qui devait abriter le jeune couple, fut rénové à grand frais, consumant l'intégralité des 5 000 livres d'avance sur héritage que le grand-père de Constance lui avait consenti. La villa dont la décoration fut confiée à l'architecte Edward William Godwin accueillit les trésors que Wilde avait amassés, comme le bureau de travail de Thomas Carlyle. Il devint rédacteur en chef de The Womans' World. En 1886, il rencontra Robert Ross qui devient son amant et sera plus tard son exécuteur testamentaire.
Le Portrait de Dorian Gray
Publié dans sa première version le 20 juin 1890, Le Portrait de Dorian Gray The Picture of Dorian Gray est le produit d'une commande de l'éditeur américain J.M Stoddart pour sa revue, le Lippincotts Monthly Magazine. Il parut en volume, augmenté de six chapitres, l'année suivante aux États-Unis et en Angleterre et déclencha une tempête de protestations parmi les critiques anglais. La qualité littéraire du texte n'était certes pas mise en cause. À l'instar du Scots Observer, qui mena campagne contre le roman aux côtés du Daily Chronicle et de la St James Gazette, la plupart des critiques reconnaissaient à Wilde de l'intelligence, de l'art et du style. Ils lui reprochaient en revanche de compromettre ses qualités en illustrant des thèmes qui portaient atteinte à la morale publique. Art travesti que celui de Wilde, car son intérêt est d'ordre médico-légal ; il travestit la nature, car son héros est un monstre ; il travestit la morale, car l'auteur ne dit pas assez explicitement qu'il ne préfère pas un itinéraire de monstrueuse iniquité à une vie droite, saine et sensée. Wilde ne fut pas pour rien dans l'ampleur que prit la controverse. Il ne se déroba pas face aux critiques et choisit de répondre avec vigueur à chacune des objections de ses détracteurs. Sa défense fut pour lui l'occasion de mettre en lumière, et parfois même de préciser, les lignes du programme qu'il venait de développer dans son essai Le Critique comme artiste 1891. Elle tenait dans l'affirmation de l'indépendance que l'art doit maintenir vis-à -vis de la morale, et plus généralement dans la supériorité de l'Esthétique sur l’Éthique. En 1891, il rencontre Lord Alfred Douglas de Queensberry, s'en éprend et tous deux mènent une vie débridée en affichant en public leur homosexualité. Le père d'Alfred, John Douglas, 9e Marquis de Queensberry et frère de Florence Dixie, désapprouve cette relation et provoque Wilde à plusieurs reprises. Cela entraînera le scandale Queensberry et un procès.
Le scandale Queensberry
Lord Alfred Douglas, surnommé Bosie , et Oscar Wilde. Le marquis de Queensberry a demandé à Wilde de s'éloigner de son fils. Début 1895, il remet au portier du club Albermarle, l’un des clubs d’Oscar Wilde, sa carte de visite où il écrit : For Oscar Wilde posing as Somdomite Pour Oscar Wilde, s’affichant comme Somdomite sic.l'orthographe fautive du mot sodomite créa en anglais le mot somdomite Wilde décide alors de lui intenter un procès pour diffamation, qu'il perd. Le marquis se retourne contre Wilde. C'est le premier des procès intentés contre Wilde. Il débute le 3 avril 1895. L'avocat de Queensberry, Edward Carson, va s'y révéler un accusateur habile et coriace, et les joutes verbales opposant les deux hommes vont rester fameuses. Wilde joue tout d'abord de son charme habituel, de son inégalable sens de la répartie, déclenchant l'hilarité du public, transformant par moment le tribunal en salle de théâtre. Mais il finit par se faire piéger pour un bon mot à propos de Walter Grainger, un jeune domestique de Lord Alfred Douglas à Oxford : Carson lui demandant s'il l'a jamais embrassé, Wilde répond Oh non, jamais, jamais ! C’était un garçon singulièrement quelconque, malheureusement très laid, je l'ai plaint pour cela. He was a particularly plain boy—unfortunately ugly—I pitied him for it.
Emprisonnement
Pressé par ses amis, Robert Ross en particulier, de s'enfuir sur le continent, il préfère attendre l'inéluctable. Daniel Salvatore Schiffer reprend l'explication de Yeats concernant cette attitude, citant les propos de Lady Wilde : "Si vous restez, et même si vous allez en prison, vous serez toujours mon fils.... Mais si vous partez, je ne vous adresserai jamais plus la parole"53. Il est arrêté le 6 avril dans sa chambre n°118 du palace londonien Cadogan Hotel, puis, après deux autres procès, il est condamné le 25 mai, en vertu d'une loi datant de 1885 interdisant l'homosexualité, à la peine maximale de deux ans de travaux forcés en 1895. Ses biens sont confisqués pour payer les frais de justice. Constance Lloyd, sa femme, se réfugie en Allemagne avec ses fils qui prennent le nom de Holland. Après quatorze mois de travaux forcés et à la suite de son transfert de la prison de Reading, Wilde se voit accorder le privilège exceptionnel de la part du directeur de la prison de posséder un petit matériel d’écriture et reçoit la permission d’écrire à condition de remettre tous les soirs ses écrits, son papier et son stylo aux autorités pénitentiaires. Il n'écrira en prison que de la correspondance, et en particulier une longue lettre adressée à Alfred Douglas qui sera, après sa mort, publiée sur le nom de De Profundis. Les travaux forcés et l'enfermement l'affecteront au point qu'il ne produira qu'une seule œuvre après sa libération, elle-même sur le thème de la prison: La Ballade de la geôle de Reading. Durant son incarcération, il continue de recevoir la visite de Robert Ross. Alfred Douglas est, quant à lui, poussé à l'exil en France et en Italie pendant plus de trois ans.
Après sa libération de prison
Vitre plastique protégeant sa tombe recouverte de nombreuses traces de rouge à lèvres laissées par des fans. Sa libération, en 1897, est un grand moment de joie, il s'exclame à de nombreuses reprises "Que le monde est beau" sur le quai de la gare, ce que ses amis lui reprochent puisqu'il lui est plus que nécessaire de se faire discret. Il souhaite épouser le catholicisme, à la suite de sa conversion spirituelle que lui a coûté la prison, et désire se retirer un an dans un cloître. Les Jésuites qu'il sollicite refusent d'accueillir un tel membre et lui conseillent d'attendre encore un an ou deux. Il quitte alors l'Angleterre pour la France, où il demeure quelque temps à Berneval, près de Dieppe en Normandie, sous le nom de Sébastien Melmoth, en référence au roman Melmoth, l'homme errant Melmoth the Wanderer, 1820 de Charles Robert Maturin, un des romans fondateurs du courant gothique en littérature, et du martyr Sébastien, personnage qui le fascine. Maturin était par ailleurs le grand-oncle de Wilde. Il vit sous la tutelle de Robert Ross, qui s'étonne de le voir se comporter tel un enfant. En effet, Wilde est très dispendieux alors même que ses ressources se sont taries. Traumatisé par son expérience de la prison, il semble avoir plus que besoin d'une présence à ses côtés, alors que Ross doit retourner à Londres pour affaires. Il s'étonne des réticences que Constance met à le rejoindre. Or cette dernière est non seulement très éprouvée, mais combat en plus la maladie. Extrêmement déçu, Wilde reçoit un billet de Lord Alfred Douglas et désire ardemment le retrouver malgré les avertissements de Ross et les menaces de Constance de lui couper les vivres. Vraisemblablement, Bosie n'a pas lu De Profundis, qui lui était pourtant originellement destiné, encore que cela fasse débat entre Ross qui devait le lui remettre, et Alfred Douglas qui assure encore dans son autobiographie ne l'avoir jamais eu en main. Finalement, une rencontre à Rouen le 28 août leur fait retrouver la vie commune. Et, après être passés par Paris afin d'obtenir les fonds nécessaires, généreusement offerts par O'Sullivan, les deux amants partent pour Naples en septembre 97. Ils entretiennent un train de vie très confortable, compte tenu de leurs revenus communs. Toutefois, lorsque Constance apprend la situation, elle met sa menace à exécution, et le couple s'enfonce alors dans le besoin. Oisif, il sort avec ses amis ou fréquente de jeunes hommes prostitués à Paris. Commence alors une période de déchéance dont il ne sortira pas et, malgré l'aide de ses amis qui lui prêtent de l'argent, ses revenus littéraires étant devenus insuffisants, notamment André Gide, Robert Ross, il finit ses jours dans la solitude et la misère. Oscar Wilde meurt probablement d'une méningite, âgé de 46 ans, en exil volontaire à Paris, le 30 novembre 1900. Plusieurs causes de cette mort ont été données par ses biographes : méningite consécutive à sa syphilis chronique, il n'en a jamais montré de symptômes ; consécutive à une opération chirurgicale, peut-être une mastoïdectomie selon Merlin Holland, unique petit-fils d'Oscar Wilde ; les médecins de Wilde, le Dr Paul Cleiss et Tucker A'Court, pensent que cette inflammation des méninges est la conséquence d'une « ancienne suppuration de l'oreille droite d'ailleurs en traitement depuis plusieurs années. Le 28 octobre 1900, il s'était converti au catholicisme. À cette occasion, la tradition voulant que l'on offre une coupe de champagne à un adulte qui se convertissait, il aurait eu ce mot : Je meurs comme j'ai vécu, largement au-dessus de mes moyens. Ses derniers mots, dans une chambre d'hôtel61 au décor miteux Hôtel d'Alsace, 13, rue des Beaux-Arts à Paris, devenu aujourd’hui L'Hôtel auraient été : Ou c'est ce papier peint qui disparaît, ou c'est moi. Guy-Louis Duboucheron, propriétaire de L'Hôtel, Jacques de Ricaumont et Maria Pia de Savoie présidente de l'Association des amis d'Oscar Wilde, ont créé le prix Oscar-Wilde remis par le Cercle Oscar-Wilde lors de la réouverture de l'établissement en 2000. Le premier prix a été attribué à Frédéric Mitterrand pour son livre Un jour dans le siècle.
Après un enterrement de sixième classe le dernier avant la fosse commune et une inhumation au cimetière de Bagneux, ses restes sont transférés en 1909 au cimetière du Père-Lachaise, division 89, à Paris. Son tombeau surmonté d’un monument s'inspirant d'un taureau ailé assyrien, conservé au British Museum et dont le visage est celui du dramaturge allusion au poème La Sphinge de Wilde, a été sculpté par l'artiste expressionniste Sir Jacob Epstein de 1911 à 1914.
Le drame de l'ambiguïté
Oscar Wilde connut les esprits les plus remarquables de l'Angleterre de son temps : Dante Gabriel Rossetti, Robert Browning, Meredith, Swinburne et Whistler. On n'a que trop insisté sur sa conversation éblouissante, son goût du paradoxe, ses aphorismes insolents, sur son cynisme et son humour que l'on retrouve dans les excellentes reparties de ses pièces. Entre 1887 et 1895, l'écrivain connut une période de grande créativité et de succès immédiat avec ses contes, comme Le Crime de lord Arthur Savile Lord Arthur Savile's Crime, 1891, son Portrait de Dorian Gray, roman prémonitoire étrangement torturé et puritain, ses pièces : L'Éventail de lady Windermere Lady Windermere's Fan, 1892, Une femme sans importance A Woman of No Importance, 1893, Un mari idéal An Ideal Husband, 1895, L'Importance d'être constant The Importance of Being Earnest, 1895. Mais l'intérêt de la personnalité de Wilde réside en son ambiguïté. Derrière l'insolence du dandy en apparence révolutionnaire se cache un autre Wilde, secrètement attiré par les forces de mort. Gide avait bien compris combien le théâtre de Wilde comportait sa propre image dans le tapis et que son esthétisme d'emprunt n'était pour lui qu'un revêtement ingénieux pour cacher en révélant à demi ce qu'il ne pouvait laisser voir au grand jour. Un autre écrivain aura l'intuition du fond tragique de l'œuvre wildienne : Hugo von Hofmannsthal. Dans son étude Sébastien Melmoth, il écrit : Le destin de cet homme aura été de porter successivement trois masques : Oscar Wilde, C. 3.3., Sébastien Melmoth, et de descendre vers la catastrophe du même pas qu'Œdipe aveugle et clairvoyant. Certaines hantises reviennent dans les contes, les essais et le théâtre, celles du masque, de la mort et de la femme liée à la destruction. Malgré la différence de ton entre leurs œuvres, ces hantises dénotent certaines affinités frappantes entre Wilde et Henry James : même passion du secret, même renversement des sexes, car les femmes sont fortes et les pères dominés ou absents Le Portrait de Mr. W. H., qui concerne le jeune inconnu des Sonnets de Shakespeare, a plus d'un point commun avec L'Image dans le tapis. Les essais groupés dans le recueil Intentions, où Wilde a exprimé sa théorie de l'art, mettent en relief la nécessité de remédier à l'inachèvement total de la nature par la création artistique et le rôle profond que doit jouer le masque dans l'œuvre et dans la vie. Ce rôle, la préface au Portrait de Dorian Gray l'annonçait déjà : Révéler l'art et cacher l'artiste, tel est le but de l'art. Le masque, pour Wilde, est lié au passé qu'il travestit ; comme il est posé sur un visage déjà existant, il demeure en quelque sorte commandé par ce qui fut. Aussi, rien de plus impitoyable : Un masque est plus révélateur qu'un visage ; ou encore : L'homme cesse d'être lui-même dès qu'il parle pour son propre compte, mais donnez-lui un masque et il vous dira la vérité Intentions. En fait, on se demande si la scandaleuse homosexualité de Wilde, tant affichée par lui, ne masquait pas, justement, un amour passionné et passif pour sa mère. L'analyse de certains poèmes, par ailleurs fort beaux, comme Charmides 1881 ou Le Sphinx 1894 révèle un attachement ambivalent envers une figure maternelle omnisciente et dévoratrice. Ce fantasme incestueux est flagrant dans un roman érotique, Teleny, dont le manuscrit circulait en 1893 à Londres et dont certaines parties sont attribuées à Wilde par Montgomery-Hyde. La femme, l'amour, la mort se retrouvent dans la Salomé 1896écrite par Wilde en français, traduite en anglais par Alfred Douglas, et créée par Sarah Bernhardt en 1896 au théâtre de l'Œuvre. L'ouvrage fut illustré par Aubrey Beardsley. Salomé y fait couper la tête de Jokanaan avec l'accord d'Hérodias : c'est peut-être pour venger tant de victimes masculines dans son œuvre que Wilde s'intéressa à l'assassin Wainewright, qu'il choisit comme héros d'un de ses essais les plus frappants, Plume, pinceaux, poison. Wainewright était bien un personnage qui pouvait tenter Wilde : il était maudit dès sa naissance puisqu'il coûta la vie à sa mère en venant au monde.
On voit combien la complexité d'un tel auteur l'éloigne de la réputation superficielle qui fut sienne. Il apparaît comme l'héritier des derniers romantiques. Peut-être la clef d'un tel personnage se trouve-t-elle dans cette confession désabusée qu'il fit à la fin de sa vie à Laurence Housman : La mission de l'artiste est de vivre une vie complète et le succès n'en est qu'un aspect, l'échec en est la vraie fin.
Conceptions esthétique
En ces dernières décennies du XIXe siècle, Wilde incarne une nouvelle sensibilité qui apparaît en réaction contre le positivisme et le naturalisme. Dans sa préface au Portrait de Dorian Gray, il défend la séparation de l'esthétique et de l'éthique, du beau et du moral : « The artist is the creator of beautiful things. ... There is no such thing as a moral or an immoral book. Books are well written, or badly written. That is all. … No artist desires to prove anything. Even things that are true can be proved. … All art is quite useless. L'artiste est le créateur de belles choses.… il n'y a pas de livre moral ou immoral. Les livres sont bien ou mal écrits. Voilà tout. … Aucun artiste ne désire prouver quoi que ce soit. Même une vérité générale peut être prouvée. … Tout art est plutôt inutile. Vivian, le porte-parole de Wilde dans Le Déclin du mensonge, s'oppose clairement au mimétisme en littérature qu'implique le réalisme. Selon lui, la vérité est entièrement et absolument une affaire de style ; en aucun cas l'art ne doit se faire le reflet de l’humeur du temps, de l’esprit de l’époque, des conditions morales et sociales qui l’entourent. Wilde contestait d'ailleurs la classification d'Honoré de Balzac, dans la catégorie des réalistes : Balzac n'est pas plus un réaliste que ne l'était Holbein. Il créait la vie, il ne la copiait pas. Il ne cachait d'ailleurs pas son admiration pour Balzac, en particulier pour Illusions perdues, Le Père Goriot et surtout pour le personnage de Lucien de Rubempré dont il disait Une des plus grandes tragédies de ma vie est la mort de Lucien de Rubempré. C'est un chagrin qui ne me quitte jamais vraiment. Cela me tourmente dans les moments de ma vie les plus agréables. Cela me revient en mémoire si je ris. Dans The Critic as Artist Le Critique en tant qu'artiste, Wilde s'oppose à une critique littéraire positiviste, qui voit dans l'objectivité le seul salut de la critique. Le critique, selon Wilde, ne doit considérer l'œuvre littéraire que comme un point de départ pour une nouvelle création, et non pas tenter d'en révéler, par l'analyse, un hypothétique sens caché. Selon lui, la critique n'est pas affaire d'objectivité, bien au contraire: le vrai critique n'est ni impartial, ni sincère, ni rationnel. La critique elle-même doit se faire œuvre d'art, et ne peut dès lors se réaliser que dans le subjectif ; à cet égard, dit Wilde, la critique est la forme la plus pure de l'expression personnelle. La critique ne peut caractériser l'art aux moyens de canons prétendument objectifs ; elle doit bien plutôt en montrer la singularité. La théorie critique de Wilde a été très influencée par les œuvres de Walter Pater. Il reconnaîtra dans De profundis que le livre de Pater Studies in the History of the Renaissance a eu une si étrange influence sur sa vie. Dans Le Portrait de M. W. H., Wilde raconte l'histoire d'un jeune homme qui, en vue de faire triompher sa théorie sur les sonnets de Shakespeare, va se servir d'un faux, puis décrit la fascination qu'exerce cette démarche sur d'autres personnages. Le fait que la théorie ne soit pas d'office disqualifiée, dans l'esprit du narrateur, par l'usage d'un faux, va de pair avec l'idée qu'il n'y a pas de vérité en soi de l'œuvre d'art, et que toute lecture, car subjective, peut ou doit donner lieu à une nouvelle interprétation. On pourrait distinguer deux esthétiques correspondant aux deux périodes marquantes, bien qu'inégalement longues, de la vie littéraire de Wilde. La première, décrite ci-dessus, pourrait se résumer à l'éloge de la superficialité. L'intuition de Wilde, fortement influencée par les écrivains français de son temps qu'il lisait dans le texte, était que dans la forme même, gît le sens et le secret de tout art. Dans Le Portrait de Dorian Gray, il fait dire à Lord Henry : Seuls les gens superficiels ne jugent pas sur les apparences. Son écriture d'ailleurs correspond exactement à ses conceptions : se refusant aux descriptions naturalistes, il se contente de poser une ambiance en égrenant quelques détails : la couleur d'un rideau, la présence d'un vase, le passage d'une abeille près d'une orchidée. La deuxième période, celle de la prison et de la déchéance prend l'exact contre-pied théorique : dans son De Profundis, Wilde répète comme une litanie pénitentiaire ce refrain : Le crime, c’est d'être superficiel. On assiste dans cette œuvre, ainsi que dans l'autre production de cette période, dans la vie de Wilde, La Ballade de la geôle de Reading, à la reprise de formes d'écriture, comme la ballade, qui sont plus traditionnelles, jouant plus sur la répétition et l'approfondissement que sur la légèreté et l'effet de contraste. La deuxième esthétique ne s'inscrit pas en faux envers la première : l'œil averti trouvera qu'elle la révèle. Le masque du Dandy et l'affectation de superficialité, chez un esprit aussi puissant et cultivé que Wilde, étaient la marque d'une volonté de dissimuler des conflits sous-jacents. L'éloge wildien n'était pas un éloge de la superficialité, ce qu'il révèlera lui-même lorsqu'il déchut de son statut de lion au XIXe siècle, on appelait lion les personnes en vue dans les salons anglais pour tomber en celui de réprouvé.
Å’uvres
Poésie Ravenna 1878 : poème pour lequel lui est attribué le prix Newdigate; Poems 1881; Poèmes en prose 1894 : publié dans The Fortnightly Review; The Sphinge 1894: court texte lyrique généralement associé avec poèmes en prose La Ballade de la geôle de Reading (The Ballad of Reading Gaol, long poème écrit en 1897 après sa libération et décrivant les derniers moments d'un condamné à mort, traduit en français par Henry D. Davray Mercure de France, 1898; il l'offrit à Octave Mirbeau n°237 du catalogue de la vente de la bibliothèque de Sacha Guitry, 25/03/1976 - arch. pers. . Théâtre
Véra ou Les Nihilistes 1880, pièce retirée de l'affiche la veille de la première La Duchesse de Padoue The Duchess of Padua 1883, première pièce de théâtre tirée à douze exemplaires en 1883, elle fut représentée pour la première fois à New York en 1891; L'Éventail de Lady Windermere Lady Windermere's Fan, jouée pour la première fois en février 1892, publiée en 1893; Salomé 1893, pièce écrite en français pour Sarah Bernhardt ; traduite en anglais par Lord Alfred Douglas, illustrée par Aubrey Beardsley 1894 ; Une femme sans importance A Woman of No Importance 1894 L'Importance d'être Constant The Importance of Being Earnest 1895; Un mari idéal An Ideal Husband 1895; La Sainte Courtisane, pièce qui ne fut publiée qu'en 1908, mais dont on pense qu'elle a été écrite en 1893; Une tragédie florentine A Florentine Tragedy, pièce parue après la mort de Wilde en 1908.
Romans et nouvelles
Le Fantôme de Canterville et autres nouvelles Lord Arthur Savile's Crime and Other Stories; Le Fantôme de Canterville The Canterville Ghost 1887 : aussi publié dans The Court And Society Review Le Crime de Lord Arthur Savile Lord Arthur Savile's Crime 1887 : aussi publié dans The Court And Society Review ; Le Modèle millionnaire The Model Millionaire1887: aussi publié dans The World; Un Sphinx sans secret The Sphinx Without a Secret 1894; Le Prince heureux et autres contes The Happy Prince and Other Stories 1888; Le Portrait de Mr. W. H. The Portrait of M. W. H. Le Portrait de Dorian Gray The Picture of Dorian Gray 1891 ; Une maison de grenades A House of Pomegranates 1891 : second recueil de contes. Teleny Etude physiologique Cosmopolis Leonard Smithers, Londres, 1893
Essais
La Vérité des masques sur Shakespeare 1886; Trois volumes constituent son œuvre critique intégrale; Essais de littérature et d'esthétique; Nouveaux Essais de littérature et d'esthétique 1886-1887; Derniers Essais de littérature et d'esthétique 1887-1890; et aussi : Intentions 1891, trad. 1905 : recueil d'essais contenant Le Déclin du mensonge; Le Critique comme artiste et La Vérité des masques; L'Âme de l'homme sous le socialisme The Soul of Man under Socialism, court essai publié en 1891 et défendant une vision individualiste dans un monde socialiste; il a été republié en 2010 par les éditions aux Forges de Vulcain sous le titre L'Âme humaine et le socialisme. voir différentes éditions sur Gallica
Autres publications
De Profundis écrit en prison 1897, version expurgée 1905, version intégrale corrigée 1962; The Letters of Oscar Wilde 1960 ; Epistola in Carcere et Vinculis ~ De Profundis 1905; Teleny or The Reverse of the Medal Paris, 1893.
Recueils
Aristote à l'heure du thé et autres essais, traduction de Charles Dantzig, éditions 10/18 1999; Le Prince heureux, recueil de contes, première parution en 1888, traduction par Léo Lack.
Adaptations cinématographiques
L'Éventail de Lady Windermere Lady Windermere's Fan d'Ernst Lubitsch 1925; Le Portrait de Dorian Gray The Picture of Dorian Gray d'Albert Lewin 1945; Un mari idéal An Ideal Husband d'Alexander Korda 1947 L'Éventail de Lady Windermere The Fan d'Otto Preminger 1949 Il importe d'être Constant The Importance of Being Earnest d'Anthony Asquith 1952 avec Michael Redgrave; Oscar Wilde de Gregory Ratoff 1960; Oscar Wilde de Brian Gilbert 1997; Un mari idéal An Ideal Husband d'Oliver Parker 1999 avec Rupert Everett et Cate Blanchett; L'Importance d'être Constant The Importance of Being Earnest d'Oliver Parker 1999 avec Rupert Everett et Colin Firth; Le Procès d'Oscar Wilde de Christian Merlhiot France, 2008 avec Nasri Sayegh; Le Portrait de Dorian Gray d'Oliver Parker 2009.
Adaptations musicales
Plusieurs opéras et ballets ont été composés sur des livrets traduisant ou adaptant des pièces de théâtre d'Oscar Wilde, parmi lesquels on peut citer : Salomé, opéra de Richard Strauss sur un livret de Hedwig Lachmann, créé le 9 décembre 1905 au Hofoper de Dresde, Salomé, opéra d'Antoine Mariotte composé à la même époque, créé le 30 octobre 1910 au Grand-Théâtre de Lyon, La Tragédie de Salomé, op. 50, ballet de Florent Schmitt sur un livret de Robert d’Humières, créé le 9 novembre 1907 au Théâtre des Arts de Paris. Eine florentinische Tragödie, opéra d'Alexander von Zemlinsky, sur un livret du compositeur d'après A florentine tragedy traduite en allemand par Max Meyerfeld, créé le 30 janvier 1917 au Hoftheater de Stuttgart, Der Zwerg Le Nain , parfois traduit en français sous le titre L'anniversaire de l'infante, opéra d' Alexander von Zemlinsky sur un livret de George Klaren, d'après la nouvelle The Birthday of the Infanta, créé le 28 mai 1922 au Staatstheater de Cologne, Le Fantôme de Canterville, opéra d'Heinrich Sutermeister composé en 1963.
Romans où Wilde apparaît comme personnage
1924 : Si le grain ne meurt, André Gide; 2002 : L'Instinct de l'équarrisseur : Vie et Mort de Sherlock Holmes, Thomas Day, éditions Mnémos Paris; 2007 : Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles Oscar Wilde and the Candlelight Murders, Gyles Brandreth, éditions 10/18 Paris,; 2008 : Oscar Wilde et le jeu de la mort Oscar Wilde and the Ring of Death, Gyles Brandreth, éditions 10/18 Paris, ; 2010 : Oscar Wilde et le cadavre souriant Oscar Wilde and the Dead Man's Smile, Gyles Brandreth, éditions 10/18 Paris,; 2011 : Oscar Wilde et le nid de vipères Oscar Wilde and the Nest of Vipers, Gyles Brandreth, éditions 10/18 Paris,; 2012 : Oscar Wilde et les crimes du Vatican Oscar Wilde and the Vatican murders, Gyles Brandreth, éditions 10/18 Paris, .
Liens
http://www.ina.fr/video/CPC95000027/g ... -d-oscar-wilde-video.html I jour I livre Wilde http://youtu.be/30fiaasNNdc l'importance d'être constant de Oscar Wilde http://www.ina.fr/video/3609252001/gy ... aux-chandelles-video.html le meurtre aux chandelles http://www.ina.fr/video/CPC00005694/p ... an-oscar-wilde-video.html Oscar Wilde http://www.ina.fr/video/CAB95008084/oscar-wilde-video.html Réhabilitation d'OscarWilde http://www.ina.fr/video/CAB95057360/oscar-wilde-video.html C33 http://www.ina.fr/video/CPF86637015/salome-video.html Salomé d'Oxcar Wilde http://www.ina.fr/audio/00142437/oscar-wilde-audio.html Dorian Gray http://youtu.be/Zg7Qx6-s__c La vie de Dorian Gray Music
[img width=600]http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0e/Oscar_Wilde_(1854-1900)_1889,_May_23._Picture_by_W._and_D._Downey.jpg[/img]
Posté le : 29/11/2014 21:04
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