| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Les Forums - Tous les messages

 Bas   Précédent   Suivant

« 1 ... 33 34 35 (36) 37 38 39 ... 60 »


Vladimir Fédorovski
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 27 avril 1950 à Moscou naît Vladimir Fédorovski en russe :

Владимир Федоровский


écrivain et ancien diplomate russe, docteur en histoire né le 27 avril 1950 à Moscou, d'origine ukrainienne, et aujourd'hui français.

Vladimir Fédorovski est né à Moscou en 1950. Son père, ukrainien, est un héros de l'Armée rouge. S'il nourrit un rêve d'adolescent, être écrivain et vivre à Paris, il suit raisonnablement les cours de l'institut d'état des relations internationales de Moscou et apprend français, anglais et arabe. Cela lui permet de devenir l'interprète de Léonid Brejnev, alors maitre du Kremlin. Une partie de son rêve se réalise lorsqu'en 1970, il devient conseiller culturel de l'ambassade soviétique à Paris, y côtoie l'intelligentsia et y passe un doctorat d'état en histoire de la diplomatie française. Après un intermède moscovite pendant lequel il se lie avec un conseiller de Gorbatchev, il retourne à Paris en 1985 pour assurer la promotion de la glasnost en France.

Il trouve cependant que les réformes ne vont pas assez vite, démissionne de la diplomatie en 1990 et crée l'année suivante l'un des premiers partis démocratiques russes. Il s'installe définitivement à Paris en 1995, obtient la nationalité française et commence une carrière d'écrivain. Son premier roman, Les deux soeurs, paraît en 1997, bientôt suivi par une trilogie sur l'histoire de la Russie, Le roman de Saint Pétersbourg, Le roman du Kremlin pour lequel il a eu accès à des archives inédites et Le roman de la Russie insolite. Il prend la direction de cette collection Le roman de et l'enrichit lui-même d'une dizaine de titres, du Roman de Tolstoï au Roman de la perestroika. Son écriture qui allie rigueur historique et art narratif accompli, a été récompensée par de nombreux prix.

Vladimir Fédorovski a d'abord été élève à l'Institut d'État des relations internationales de Moscou (MGIMO). Ayant acquis une parfaite connaissance des langues anglaise, française et arabe, il a commencé par travailler comme attaché à l'ambassade soviétique de Mauritanie, avant d'être nommé dans les années 1970 interprète au Kremlin, assistant Léonid Brejnev dans ses rencontres avec les dirigeants des pays arabes. En 1977, il est nommé à l'ambassade soviétique à Paris et en 1985, passe un doctorat d'État en histoire sur le rôle des cabinets dans l'histoire de la diplomatie française.

De retour à Moscou, il travaille au ministère des affaires étrangères comme chef de cabinet du vice-ministre Vladimir Petrovski qui écrit les discours de Léonid Brejnev et du ministre Gromyko, et fait la connaissance d'Alexandr Iakovlev, émince de Gorbatchev et futur inspirateur de la perestroïka ; Fédorovski sera ensuite nommé conseiller diplomatique pendant la période de la glasnost. Partisan de Gorbatchev, il est porte-parole du Mouvement des réformes démocratiques pendant le putsch de Moscou d'août 1991, s'opposant à la ligne dure du Parti communiste.
Devenu écrivain, il enseigne à HEC depuis 1992, a été fait officier des Arts et des Lettres et a obtenu la nationalité française en 1995. Membre de la Société des auteurs de Normandie, il est également conseiller historique au Mémorial de Caen pour la période de la guerre froide, et a été distingué de plusieurs prix littéraires dont le prix d'histoire André Castelot en 2006. Il a publié son premier roman en 1997, Les Deux sœurs Lattès, puis une série romanesque de l'histoire russe en trois volumes Le Roman de Saint-Petersbourg, Le Roman de Moscou, et Le Roman de la Russie insolite de 2003 à 2004 ; il dirige par ailleurs la collection Le Roman des lieux magiques des Éditions du Rocher et est Président d'honneur de la Fédération Française des Salons du livre.

Sa vie

Vladimir Fédorovski est le fils d'un héros de la Seconde Guerre mondiale et d'une mère spécialiste de la planification. À 14 ans, son rêve était de devenir écrivain et d'écrire ses livres à la terrasse des Deux Magots à Paris. Il a d'abord été élève à l'Institut d'État des relations internationales de Moscou MGIMO. Doué pour l'apprentissage des langues, il acquiert une parfaite connaissance des langues anglaise, française et arabe.
Il est l'écrivain d'origine russe le plus édité en France.

Diplomate de la pérestroïka

En 1972, il commence par travailler comme attaché à l'ambassade de l'URSS en Mauritanie, puis il sert d'interprète au Kremlin, assistant Léonid Brejnev dans ses rencontres avec les dirigeants des pays arabes4. En 1977, il est nommé attaché culturel à Paris, fréquentant Dalí, Chagall, Aragon, leurs égéries. En 1985, il passe un doctorat d'État en histoire sur le rôle des cabinets dans l'histoire de la diplomatie française.
De retour à Moscou, il travaille au MAE comme chef de cabinet du vice-ministre Vladimir Petrovski qui écrit les discours de Léonid Brejnev et du ministre Gromyko. Il se lie d'amitié avec Alexandre Iakovlev, éminence de Gorbatchev, et considéré comme l'inspirateur de la perestroïka en 1983. Fédorovski sera ensuite nommé conseiller diplomatique pendant la période de la glasnost pour laquelle il assure, de 1985 à 1990, la promotion de la perestroïka en France avec comme objectif de faire naître une nouvelle Russie, ouverte aux échanges et à la technologie et arrimée à l'Europe. Lassé par l'incohérence de Gorbatchev il quitte la carrière diplomatique en 1990 pour participer à la création d'un des premiers partis démocratiques russes : le Mouvement des réformes démocratiques. S'opposant à la ligne dure du Parti communiste de l'Union soviétique et du KGB, il est porte-parole du mouvement des réformes démocratiques pendant la résistance au putsch de Moscou d'août 1991.

Alexandre Iakovlev, idéologue de la perestroïka, le présentait ainsi dans le Figaro du 26 avril 1996 : Il fut un des premiers à rompre avec les habitudes de la caste diplomatique pour s'engager dans la démarche de la perestroïka. Depuis 1985 on se souvient de son visage à la télévision associé au vent de changement. Quand Gorbatchev fit marche en arrière, Fédorovski n'hésita pas à quitter la carrière. Je l'ai vu à l'œuvre, lorsqu’il fut porte-parole du mouvement des réformes démocratiques dans les jours fatidiques de la résistance au putsch communiste de Moscou en août 1991.

Écrivain français

En 1991 Il a publié L'Histoire sécrète d'un coup d'état, puis son roman Les Deux sœurs Lattès, suivi d'une série romanesque sur l'histoire russe en trois volumes, Le Roman de Saint-Pétersbourg, Le Roman du Kremlin, et Le Roman de la Russie insolite de 2003 à 2004. Fédorovski a pu écrire Le Roman du Kremlin après avoir eu accès aux archives inédites du Kremlin. À l'occasion du centenaire de la mort de Tolstoï, il publie Le roman de Tolstoï.
Il dirige par ailleurs la collection Le Roman des lieux magiques, une grande réussite éditoriale : une centaine d'ouvrages publiés. Il est aussi président d'honneur de la Fédération française des Salons du livre.
Il fait récemment paraître Le Roman des tsars s'appuyant sur les recherches ADN et des archives inédites puis Le Roman de la perestroïka révélant les secrets de cette grande rupture de l'Histoire. Il y consacra une grande série de chroniques sur France Info. Écrits en français, ses ouvrages sont devenus des succès internationaux et sont traduits dans vingt-huit pays.

Vladimir Fédorovski est souvent consulté par la presse française pour ses connaissances concernant la politique et l'histoire russe, ses ouvrages historiques s'adressant essentiellement à un grand public.

Prix et récompenses

Devenu écrivain à succès, il a été fait officier des Arts et des Lettres et a obtenu la nationalité française en 1995. Membre de la Société des auteurs de Normandie, il a été élu à l'Académie de Caen, au siège du président Senghor pour sa contribution à la francophonie et a été distingué de plusieurs prix littéraires dont le prix d'histoire André Castelot, le prix Louis-Pauwels, le prix de l'Europe, etc.
En mars 2012 il reçut le Grand prix du roman historique-Palatine pour le Roman de Raspoutine la biographie de Vladimir Fedorovski par Isabelle Saint Bris op.cit., Le Monde du 3 septembre 2003 et l'annuaire de l’Académie des sciences, arts et belles lettres de Caen 2013.

Autres fonctions

Président d'honneur de l'Union des auteurs et créateurs de France

Ouvrage

Histoire de la diplomatie française, Académie diplomatique, 1985
Histoire secrète d'un coup d'État, avec Ulysse Gosset, Lattès, 1991
Les Égéries russes, avec Gonzague Saint Bris, Lattès, 1994
Les Égéries romantiques, Lattès, 1995
Le Département du diable, Plon, 1996
Les Deux sœurs ou l'art d'aimer, Lattès, 1997, 2004
prix des Romancières
Le Triangle russe, Plon, 1999
Les Tsarines, les femmes qui ont fait la Russie, éditions du Rocher 2000
De Raspoutine à Poutine, les hommes de l'ombre, Perrin, 2001
prix d'Étretat
Le Retour de la Russie, avec Michel Gurfinkiel, Odile Jacob, 2001
L'Histoire secrète des ballets russes, Éditions du Rocher, 2002
prix des écrivains francophones
La Guerre froide, Mémorial de Caen, 2002
Les Tsarines, Éditions du Rocher, 2002
La Fin de l'URSS, Mémorial de Caen, 2002
Le Roman de Saint-Pétersbourg, Éditions du Rocher, 2003
prix de l'Europe
Le Roman du Kremlin, Éditions du Rocher-Mémorial de Caen, 2004
prix Louis Pauwels, prix du meilleur document de l'année
Diaghilev et Monaco, Éditions du Rocher, 2004
Le Roman de la Russie insolite : du Transsibérien à la Volga, Éditions du Rocher 2004wikt:
Paris - Saint-Pétersbourg : la grande histoire d'amour, Presses de la Renaissance, 2005
Le Roman de l'Orient Express, Éditions du Rocher, 2006, prix André Castelot
Le Fantôme de Staline, Éditions du Rocher, 2007
Les Amours de La Grande Catherine, Éditions Alphée. Jean-Paul Bertrand, 2008
Le Roman de l'âme slave, Éditions du Rocher, 2009
Napoléon et Alexandre, Éditions Alphée, 2009
Les romans de la Russie éternelle, Éditions du Rocher, 2009
Le Roman de Tolstoï, Éditions du Rocher, 2010
Le Roman de l'espionnage, Éditions du Rocher, 2011
Le Roman de Raspoutine, Éditions du Rocher, 2011
le Grand prix du roman historique-Palatine
Le Roman du siècle rouge avec Alexandre Adler, Éditions du Rocher, 2012
L'islamisme va-t-il gagner : le roman du siècle vert avec Alexandre Adler éditions du Rocher, 2012
La magie de Saint-Pétersbourg, Éditions du Rocher, 2012
Le Roman des Tsars, Éditions du Rocher, 2013
Le Roman de la perestroïka, Éditions du Rocher, 2013
Le Roman des espionnes, Éditions du Rocher, janvier 2014

Bibliographie

Daniel Vernet, Vladimir Fédorovski, De Moscou à Paris , Le Monde, le 3 septembre 2003
Isabelle Saint-Bris, Vladimir Fédorovski : secrets et confidences, Le Rocher, 2008
Vladimir Fédorovski, La chute du Mur n'était pas inévitable, Le Spectacle du Monde, un entretien recueilli par Gérard Olivier, pages 34–37, novembre 2009

Liens

http://youtu.be/5PmC8v9lhFc Interview au salon du livre
http://youtu.be/TNaklaE-N7s les mystères de St Pétersbourg
http://youtu.be/9-H6IDqDGqQ Le roman de la pérestroÏka
http://youtu.be/XWseNDq2dec Interview
http://youtu.be/vo5fXcn9kBc Interview
http://youtu.be/J6WX-uLHcYw Le grand ratage Ukraine/Russie
http://youtu.be/mZeAxTuzh7c Raspoutin


Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l


Posté le : 26/04/2014 10:19
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Projet Martin Gray
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 27 avril 1922, à Varsovie, naît Martin Gray,

de son vrai nom Mietek Grayewski,


écrivain franco-américain, d'origine polonaise, Juif connu pour son livre "Au nom de tous les miens", dans lequel il décrit une partie de sa vie et notamment le drame d'avoir perdu à deux reprises toute sa famille, d'abord dans les camps d'extermination nazis, puis dans l'incendie de sa maison dans le Sud de la France. Ce livre, qui fut rédigé par Max Gallo, a été accusé de mêler fiction et réalité
.

"Faire que les blessures deviennent si l'espérance l'emporte sur la souffrance, les veines dans lesquelles ne cesse de battre le sang de la vie."
Martin Gray. Monument érigé non loin de sa résidence bruxelloise pour la Seconde Guerre mondiale

Le 1er septembre 1939, les nazis envahissent la Pologne. Martin Gray a alors quatorze ou dix-sept ans, au gré des sources. Transféré dans le ghetto de Varsovie où son père travaille au Judenrat, il trouve le moyen d'en sortir en soudoyant des soldats nazis et devient ainsi un contrebandier. Plusieurs fois par jour, il fait des aller-retour pour ramener de la nourriture dans le ghetto grâce aux tramways. Lors d'une rafle, son père est attrapé pour être déporté. Grâce à ses connaissances, Martin lui sauve la vie en l'aidant à s'échapper.

Plus tard, sa mère, ses deux frères et lui-même sont déportés à Treblinka, où sa mère et ses frères sont exterminés immédiatement. Compte tenu de sa santé physique il n'est pas tué, et travaille dans divers kommandos, dont les sonderkommandos, qui sont chargés d'extraire les corps des chambres à gaz. Il réussit à s'échapper de ce secteur et à retravailler dans les secteurs de réception des déportés.
Il travaille alors dans un kommando chargé de trier le linge et de le charger dans les wagons. Il peut ainsi s'enfuir de Treblinka en se camouflant dans un wagon. De nuit, il se jette hors du train et traverse divers villages où il informe la population de ce qui se passe à Treblinka, mais personne ne le croit.
À son retour à Varsovie, il retrouve son père, qu'il croyait mort, mais qui, quelques jours plus tard, lors de l'insurrection du ghetto, sera abattu devant ses yeux, parmi un groupe de Juifs qui s'étaient jetés sur des SS après s'être rendus.
Il rejoint ensuite l'Armée rouge où il finit la guerre, et marche sur Berlin le 30 avril 1945. Comme officier, il est décoré d'ordres prestigieux de l'Armée rouge : ordre de l’Étoile rouge, ordre de la Guerre patriotique et Ordre d'Alexandre Nevski. Cent dix membres de sa famille sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale.

Après la guerre

Après la guerre, il décide d'aller rejoindre sa grand-mère maternelle à New York en 1947.
Il s'y enrichit en vendant à des antiquaires américains des porcelaines et des lustres non antiques, qu'il fait fabriquer en Europe.
Citoyen américain en 1952, il rencontre Dina Cult en 1959 qui devient son épouse et avec qui il a quatre enfants. Ils s'installent dans le Sud-Est de la France, à Tanneron, non loin de Mandelieu, où il devient exploitant agricole.
Le 3 octobre 1970, lors de l'incendie du Tanneron, il perd son épouse et ses quatre enfants Au bord du suicide, il décide de lutter pour devenir un témoin et trouve encore une fois la force de survivre et l'écriture devient alors pour lui une thérapie.
Depuis, Martin Gray s'est remarié deux fois et est père de cinq enfants.

En 2001, après plus de quarante ans passés dans le Var, Martin Gray s'installe en Belgique, à Uccle, dans l'agglomération de Bruxelles. À partir de 2005, il habite à Cannes.
En 2012, il s'installe à Ciney dans le Condroz belge où il est fait citoyen d'honneur le 21 juillet 2013 .

Activités philanthropiques. Fondation Dina Gray
S'attachant à faire vivre le souvenir des siens, il crée la fondation Dina Gray18 à vocation écologique, chargée de lutter contre les incendies de forêts et pour la protection de l'Homme à travers son cadre de vie.

Arche de la Défense
Martin Gray a été le président de l'Arche de la Défense à Paris durant plusieurs années 1989-2001.

Coordination française pour la Décennie
Il est également membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence.

Œuvre

Malgré une douzaine d'ouvrages publiés, Martin Gray dit ne pas se considérer lui-même comme écrivain, mais plutôt comme un témoin. Je n'écris pas, je crie affirme-t-il dans une interview récente.
Ses livres sont au service de ses activités philanthropiques, comme le montre la préface de Max Gallo à Au nom de tous les miens : « Martin Gray voulait dire sa vie. Parce que, pour les siens disparus, pour lui-même, pour sa fondation, il avait besoin de parler, besoin qu'on sache21. »

Une controverse existe au sujet d'Au nom de tous les miens. Gitta Sereny22 accuse Gray et Max Gallo d'avoir inventé le séjour de Gray à Treblinka. Pierre Vidal-Naquet, après avoir d'abord emboîté le pas à Gitta Sereny, s'est laissé convaincre par des attestations fournies par Martin Gray et a retiré ses accusations contre lui, mais a continué à reprocher à Max Gallo d'avoir pris des libertés avec la vérité.

Bibliographie
Au nom de tous les miens, en collaboration avec Max Gallo
La Prière de l'enfant
La Maison humaine
Le Nouveau Livre
La vie renaîtra de la nuit
Le Livre de la vie.
Les Forces de la vie
Vivre debout
Les Pensées de notre vie
Entre la haine et l'amour.
J'écris aux hommes de demain
Au nom de tous les hommes.

Distinctions

2007 : citoyen d'honneur de la commune d'Uccle, en Belgique.
Prix international Dag Hammarskjoeld pour Au nom de tous les miens.
Docteur honoris causa de l'Université américaine de Paris, de l'Université de Genève de diplomatie et relations internationales
Médaille d'or du Mérite européen.
21/07/2013 : citoyen d'honneur de la ville de Ciney en Belgique


"Au nom de touis les miens " le livre


Au nom de tous les miens est un livre autobiographique de Martin Gray, rédigé par Max Gallo et paru en 1971. L'action se situe en Pologne durant la Seconde Guerre mondiale. La véracité de certains épisodes a été mise en doute.

Le livre fut porté à l'écran en 1983 et décliné en téléfilm sous le même titre.

Résumé

En 1939, la Pologne est envahie par les Allemands. À Varsovie, les Juifs sont parqués dans un ghetto. Le livre semble dire que Martin Gray a alors 14 ans1, ce qui est en contradiction avec le site officiel de Martin Gray, d'après lequel il est né le 27 avril 1922. Alors que les habitants du ghetto meurent de faim, Martin se met à faire du marché noir avec l'extérieur. Ces passages du mur du ghetto sont ses premiers actes de résistance contre les Nazis. Il échappe aux camps de concentration pour un temps, mais finit par se faire arrêter avec sa mère et ses deux frères. Par sa rage de vivre et sa force de caractère, il s'échappe du camp d'extermination de Treblinka pour participer à la Résistance. Il participe ainsi au soulèvement du ghetto de Varsovie.

Après la guerre, dans l'unique but de faire revivre les siens à travers ses enfants, il fonde une famille en France après avoir fait fortune dans le commerce entre l'Europe et les États-Unis. Mais le malheur continue à s'acharner contre lui puisque sa femme et ses quatre enfants périssent, le 3 octobre 1970 dans un feu de forêt, lors de l'incendie du Tanneron.

Controverse sur Treblinka

Selon Gitta Sereny et Pierre Vidal-Naquet, la partie du récit de Gallo se déroulant à Treblinka est romancée. Ils ont vérifié des dates, interrogé des témoins et acquis la certitude que Max Gallo avait romancé cet épisode tragique de la vie de Martin Gray et cela sans parvenir à faire la part du vécu et du fictif. Selon Gitta Sereny, ce chapitre aurait été ajouté à la demande de l'éditeur, afin de rendre plus dramatique cette partie de l'ouvrage. Il serait inspiré en particulier du roman de Jean-François Steiner, Treblinka, répétant les erreurs commises par celui-ci. Elle précise qu'interrogé à ce propos, Martin Gray lui avait répondu : "Mais est-ce important ? La seule chose importante n'est-elle pas que Treblinka ait eu lieu, qu'il fallait écrire là-dessus et que certains juifs devaient être montrés comme des héros ?. "
Pierre Vidal-Naquet quant à lui ne met pas en cause Martin Gray mais la transcription de Max Gallo. Les deux historiens condamnent d'une même voix le procédé de Gallo qui, en mélangeant les genres, alimente les polémiques autour de l'holocauste et le discours de négationnistes comme Robert Faurisson.
Pour Jean-François Forges, ce livre fait partie de ceux qui mélangent indistinctement histoire avérée et imagination de l'auteur .


Film "Au nom de tous les miens
"

Au nom de tous les miens est un film franco-canado-hongrois réalisé par Robert Enrico, sorti en 1983 et basé sur le livre biographique controversé du même titre, écrit par Martin Gray et Max Gallo

Synopsis

Le film retrace, en suivant en gros le livre du même titre de Martin Gray et Max Gallo, y compris ses éléments controversés, l'histoire de Martin Gray qui fut déporté pendant la Seconde Guerre mondiale ainsi que sa mère et ses frères et sera le seul à survivre. Il parvient à s'échapper du camp d'extermination de Treblinka pour retrouver son père à Varsovie. Mais quand son père se fait tuer, il rejoint l'armée soviétique pour un temps, puis il part aux États-Unis, y rencontre Dina, et s'installe en France avec elle pour fonder une famille. Mais sa famille meurt dans un incendie de forêt dont il est le seul rescapé.

Fiche technique

Titre : Au nom de tous les miens
Réalisation : Robert Enrico
Scénario : Robert Enrico, Tony Sheer, Martin Gray, Max Gallo
Sociétés de production : Les Productions Mutuelles Ltée, Producteurs Associés et TF1 Films Production
Production : Pierre David, André Djaoui, Robert Enrico et Jacques-Eric Strauss
Musique originale : Maurice Jarre
Photographie : François Catonné
Photographe de plateau : Yves Mirkine
Montage : Patricia Nény
Décors : Jean-Louis Povéda
Pays : Canada, France, Hongrie
Dates de sortie :
Canada : 12 octobre 1983
France : 9 novembre 1983

Distribution

Michael York : Martin Gray à 40 ans / Le père de Martin
Brigitte Fossey : Dina Gray
Jacques Penot : Martin Gray jeune
Helen Hughes : la grand-mère de Martin
Macha Méril : la mère de Martin
Jean Bouise : le docteur Ciljimaster
Wolfgang Müller : Mokotow

Lien externe

Au nom de tous les miens sur l’Internet Movie Database

Discographie

Maurice Jarre, Au nom de tous les miens : bande originale de film, Music Box Records,‎ 2013 (ISBN 3770002531327, présentation en ligne)
La présentation en ligne, sur le site de Music Box Records, donne le détail des 30 plages, d'une durée de 78 min 41 s.

Liens

http://youtu.be/jsC7WYOA75g Interview
http://youtu.be/_byL8EWxMPw Conférence
http://youtu.be/-Y8D0rQr7cs "Au nom de tous les miens" bande annonce



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l




Posté le : 23/04/2014 17:27

Edité par Loriane sur 24-04-2014 18:22:37
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Charles Maurras Partie 1
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 20 avril 1868 à Martigues, Bouches-du-Rhône

naît Charles Marie Photius Maurras,


journaliste, essayiste, homme politique, pamphlétaire et poète français, théoricien du nationalisme intégral,de langue française et provençale, il appartient au mouvement néoclassiste, royaliste, positiviste, il occupa le fauteuil 16, à l'académie française, ses Œuvres principales sont Enquête sur la monarchie en 1900, Anthinéa en 1901, Kiel et Tanger en 1910, Mes idées politiques en 1937, L'ordre et le désordre en 1948, il meurt à 84 ans le 16 novembre 1952 à Saint-Symphorien-lès-Tours Indre-et-Loire

Écrivain provençal appartenant au Félibrige et agnostique dans sa jeunesse, il se rapproche ensuite des catholiques et dirige le journal L'Action française, fer de lance du mouvement Action française, autour de Léon Daudet, Jacques Bainville, et Maurice Pujo. Nationaliste et contre-révolutionnaire, l'Action française prône alors une monarchie héréditaire, antiparlementaire et décentralisée, mais également un antisémitisme d'État et devient le principal mouvement intellectuel et politique d'extrême droite sous la Troisième République.
Son talent littéraire donne à ses ouvrages théoriques une grande influence dans les milieux cultivés et conservateurs de France, et ses qualités de polémiste lui assurent une réelle audience dans d'autres, comme l'Académie française à laquelle il est élu le 9 juin 1938. Outre Léon Daudet et Jacques Bainville, Maurras compta parmi ses soutiens des intellectuels comme Georges Bernanos, Jacques Maritain, Thierry Maulnier, Philippe Ariès, Raoul Girardet et la droite littéraire de l'après-guerre Roger Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon, Antoine Blondin en fut proche. Avec plus de dix mille articles publiés entre 1886 et 1952, il fut le journaliste politique et littéraire le plus prolifique de son siècle.
Maurras soutint le régime de Vichy, ce qui lui valut d'être condamné pour intelligence avec l'ennemi à la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale, le 28 janvier 1945. De cette dernière condamnation découla son exclusion automatique de l'Académie française qui attendit cependant son décès pour procéder à son remplacement. Il meurt en 1952.
Son image de théoricien d'un mouvement politique, due aux traditions savantes et à lui-même, a parfois masqué sa complexité originelle, quand il était un littérateur bohème lié aux avant-gardes, ayant une œuvre et des modes d'action très diversifiées.
Impressionniste à ses débuts, il passe rapidement, à travers le Chemin de paradis 1895, à un conservatisme social, une certaine amertume et une éloquence soutenue, caractéristiques de l'œuvre à venir. Fondateur de l'École parisienne du félibrige , pratiquant une esthétique néoclassique, il se lance dans une campagne antiromantique après avoir fixé, dans les Amants de Venise 1902, sa doctrine littéraire et morale : il faut à la France une contre-révolution littéraire. En tant que journaliste, traditionaliste, monarchiste et antidreyfusard, il fait de l'Action française, à partir de 1899, le fer de lance du nationalisme intégral et du néoroyalisme antiparlementaire et décentralisateur, exaltant ce qui fit la France d'autrefois et combattant le mouvement démocrate-chrétien. Mais son agnosticisme et son utilisation de l'Église catholique comme Église de l'ordre font condamner l'Action française par Rome en 1926. Adversaire des défaitistes de 1914-1918, mais saluant l'avènement de Vichy 1940 comme une divine surprise , Maurras sera arrêté en 1944, condamné à la détention perpétuelle en 1945 et gracié peu avant sa mort.
Royalisme nouveau parce que Maurras, fidèle à sa pensée philosophique, ne croit pas au droit divin des rois. S'il prône la monarchie héréditaire, c'est que l'éducation lui semble primordiale dans la formation d'un roi comme dans celle d'un artisan ou d'un diplomate et quelle meilleure éducation que celle de la famille et du milieu ? Il s'agit en quelque sorte d'une famille de spécialistes, comme devrait l'être l'ensemble des familles françaises pour un « meilleur rendement humain ». Les théories monarchistes de Maurras trouvent une large part de leur fondement dans le scientisme, dans le positivisme de son maître à penser, Auguste Comte.
Ces activités politiques ne diminuent en rien l'œuvre littéraire où s'ajoutent, aux analyses politiques, les ouvrages du félibre toujours présent en Maurras, comme Musique intérieure 1925, recueil de poèmes. Et quand il connaît la prison, en 1935, à la suite des menaces de mort qu'il avait adressées aux parlementaires coupables d'avoir voté les sanctions contre Mussolini à l'occasion de la guerre d'Éthiopie, non seulement il continue à rédiger son article quotidien, mais il élabore largement des ouvrages qui deviendront Mes Idées politiques 1937, bilan synthétique de sa doctrine, Arles au temps des fées 1937, Les Vergers sur la mer 1937, Devant l'Allemagne éternelle 1937, Jeanne d'Arc, Louis XIV, Napoléon 1937.
Son art de la polémique, son talent littéraire et la participation constante de l'Action française en tête de l'agitation des ligues donnèrent à Maurras, surtout dans le milieu étudiant, une large audience. Des hommes aussi différents que Daudet et Massis, Brasillach et Bernanos, sans oublier Pierre Gaxotte, Jacques Maritain, Thierry Maulnier, Kléber Haedens et, au début de l'Action française, Barrès, Henri Bordeaux, Jacques Bainville, Paul Bourget se trouvèrent un moment rassemblés sous l'étendard maurrassien. Mais comme Maritain en 1926, Bernanos en 1932, Brasillach en 1941, beaucoup le quittèrent, soit en raison de sa doctrine sur le christianisme judaïsant, Le Venin juif de l'Évangile, soit en raison de son antisémitisme qui prenait trop souvent les apparences du racisme, soit en raison de ses atermoiements devant toute entreprise de conquête du pouvoir, soit encore à la suite de la condamnation de Rome. Dès avant 1914, l'Église s'inquiétait en effet de l'influence sur les esprits chrétiens de ce maître qui, tout en proclamant son respect et son admiration pour elle, demeurait un agnostique, alors qu'il dirigeait un journal et un mouvement surtout composés de catholiques. Pour Maurras, l'Église n'était qu'une autorité utile pour l'ordre, un temple des définitions du savoir. Déjà ses principaux ouvrages avaient été mis à l'Index quand, en 1926, le Vatican condamna son mouvement : lecture du journal et appartenance au mouvement d'Action française étaient interdites sous peine d'être exclu des sacrements. Le coup fut durement ressenti, et il était trop tard pour que le journal retrouvât vraiment toute son influence ; la rupture avec le prétendant, Henri, comte de Paris, qui « pour ne pas compromettre les chances de la monarchie » se désolidarisait de ses supporters nov. 1937 lui portait un nouveau coup. En 1939, à la suite des articles de Maurras sur la guerre d'Espagne, Pie XII abrogea la condamnation prononcée par Pie XI.

Sa vie

En 1868, le 20 avril, naît à Martigues, au 13 quai Saint-Sébastien, Charles Marie Photius Maurras , en Provence. Il est le second fils de Jean Aristide Maurras 1811-1874, un percepteur aux convictions libérales, et de Marie, née Garnier, son épouse, profondément catholique.
Ce couple de condition assez modeste se fait apprécier par les aides qu'il prodigue aux plus pauvres. Quelques mois avant la naissance de Charles, ils ont perdu leur premier fils, Romain, âgé de deux ans.
En 1872, la naissance de François Joseph Emile permet d'agrandir la famille. La famille Maurras s'est installée à Martigues au XVIIe siècle ; elle était originaire du pays gavot Haut Var, au sud de Gréoulx, près de Saint-Julien-le-Montagnier.
En 1873, Charles est mis à l'école communale : sa famille est épatée par sa vivacité, ses dons et sa capacité à réciter l'histoire sainte et l'histoire romaine mais il est réprimandé quand il rapporte du provençal à la maison. Charles Maurras écrira que s'il lui était donné de revivre une période de se vie, ce serait sa petite enfance.
Le 3 janvier 1874, il devient orphelin de père. À six ans, Charles part vivre avec sa mère et son petit frère à Aix-en-Provence.
En octobre 1876, Charles entre en classe de huitième au collège catholique, à Aix-en-Provence, rue Lacépède. À la fin de la septième, il obtient onze prix et pendant quatre ans, il remporte le premier prix de latin.
En 1879, promu élève d'honneur, il reçoit le premier prix d'instruction religieuse mais ce n'est pas un élève sage et il a souvent des sautes d'humeur. Malhabile en mathématiques et en anglais, le latin et le grec le ravissent. Au collège, il se lie avec Xavier de Magallon, auquel le lie une passion pour la poésie et Alfred de Musset, puis il s'enthousiasme pour Frédéric Mistral.
À quatorze ans, il est, soudain, atteint de surdité, cela dégrade aussi ses capacités vocales. Désespéré, le jeune Charles voit s'effondrer tous ses projets, dont celui d'entrer à l'École navale comme le père de sa mère. L'abbé Jean-Baptiste Penon, futur évêque de Moulins et premier latiniste et helléniste du diocèse, propose à Mme Maurras d'aider son fils et celui-ci dira que cette offre spontanée fut la grande bénédiction de sa vie. L'abbé Penon donne des cours particuliers au jeune Charles, ce qui lui permet de revenir parfois au collège pour des cours de rhétorique et philosophie. Alors que Maurras est en révolte contre sa surdité, la lecture de Pascal, qu'il assimile au dolorisme, contribue à lui faire perdre la foi. La perte de la foi et sa surdité le désespèrent et le conduisent à une tentative de suicide qui échouera et n'est connue que par des témoignages indirects.
En 1884, il se raccroche progressivement à la vie et est désigné par ses maîtres, avec quelques-uns de ses amis et condisciples, pour donner des conférences organisées au collège du Sacré-Cœur : Charles Maurras y prononce sa première conférence, qui est aussi son premier texte publié, sur saint Thomas d'Aquin étudiant et lecteur de l'Université à Paris. La même année, il est reçu – avec mention – à son premier baccalauréat, en 1884, où il excelle en latin et en grec. Il approfondit alors ses lectures philosophiques, s'intéresse à Hippolyte Taine et Ernest Renan qui, pourtant éloignés des milieux cléricaux, remettent en cause l'héritage révolutionnaire et les vagues d'idéalisme qui ont conduit plusieurs fois la France à la défaite et à la Terreur depuis la Révolution.
En 1885, après un échec au second baccalauréat en juillet du fait d'une copie de philosophie jugée trop thomiste, Charles Maurras est admis en novembre de la même année avec la mention Bien : il est reçu en premier en sciences et en philosophie. L’abbé Penon incite Charles Maurras à monter à Paris car il souhaite l’introduire dans les revues et journaux qu’il connaît, ce qui amène la famille Maurras à quitter Martigues et à s'installer à Paris le 2 décembre 1885.


Période de formation avant l'Action française

Avant la création de l'Action française, Charles Maurras approfondit ses questionnements métaphysiques, s'implique dans la vie littéraire et enrichit sa réflexion politique tout en se lançant dans le journalisme.

Réflexion philosophique

Charles s’inscrit en histoire à la faculté des lettres de Paris, rencontre l’historien orléaniste Paul Thureau-Dangin mais ne peut suivre les cours du fait de son infirmité. En revanche, il se montre un bourreau de travail : lectures innombrables à la bibliothèque Sainte-Geneviève, à l’Arsenal, à la Sorbonne, annotations et rédactions d’articles, perfectionnement de son latin, notamment pour éviter les traductions de Lucrèce en alexandrins qui lui font mal à force de le faire rire.
Maurras écrit dans La Réforme sociale, revue conduite par le sociologue Frédéric Le Play, qui développe une analyse de la société moderne critiquant l’individualisme et prônant des idées corporatistes et familiales dans l’esprit des encycliques papales ; il écrit également pendant cinq ans dans les Annales de philosophie chrétienne, revue dont l’ambition est de combiner la théologie du Docteur Angélique et les idées modernes issues de Lamennais. Entre 1886 et 1888, il collabore au Polybiblion littéraire pour des comptes-rendus d’ouvrages sociologiques ; à partir de l'automne 1886, il rédige aussi le feuilleton bibliographique Les livres de la semaine de L’Instruction publique, revue de l’enseignement supérieur d’inspiration conservatrice et libérale jusqu’en 1890.

La tournure de sa pensée est encouragée par l’atmosphère intellectuelle du temps qui oscille entre le déterminisme kantien et le pessimisme de Schopenhauer. Il affirme : Le nœud de tous les doutes peut être tranché en un point : en résolvant les problèmes de causalité. ... L’unique mobile de ma vie est l’espoir de rencontrer la vérité
Entre 1886 et 1889, son questionnement philosophique s'amplifie comme le dialogue épistolaire entre le jeune homme et l’abbé Penon qui tente de le guider vers l’aperception de l’origine divine de la causalité première mais Maurras bute sur la substitution des témoignages de la tradition chrétienne aux preuves rationnelles. Il reconnaît être troublé par la philosophie kantienne de la connaissance ; tout en admirant la méthode géométrique de saint Thomas, il qualifie d’ enfantine la théorie scolastique de la connaissance. Charles Maurras dialogue avec l’abbé Huvelin, vicaire de l’église Saint-Augustin, animal convertisseur selon l’expression de Pierre Boutang, avec des amis séminaristes, avec des philosophes catholiques comme Maurice Blondel et Léon Ollé-Laprune qui ont apprécié ses articles ; mais son exigence de la certitude scientifique empêche Maurras de rencontrer la foi : tiraillé entre le travail de la raison et le désir de certitude religieuse, son agnosticisme se renforce. Ne trouvant pas la foi, Charles Maurras trouve la paix intellectuelle dans la distraction de la littérature car la poésie l’éblouit et dans la méthode positiviste car l’histoire et la philosophie le passionnent.

Activité littéraire

En 1886, Maurras découvre Mistral dans le texte ; il rêve de constituer une anthologie de poésie et de prose provençales et commence un travail de documentation dans ce but.
En 1887, se définissant comme un pur contemplatif et un solitaire dans le goût sinon de l'école de Spinoza et s'investit dans La Réforme sociale avec pas moins de cent soixante-dix articles jusqu'en juin 1891. Le 23 décembre 1887, il entre au quotidien catholique L’Observateur français dont il deviendra secrétaire de rédaction en octobre 1888 et auquel donnera cent-soixante quatorze articles mais cette grande activité ne fait refluer son amour et sa nostalgie de la Provence. Très vite, le jeune homme rencontre des félibres comme Paul Arène et Albert Tournier.
En 1888, il obtient le prix du Félibrige pour un éloge du poète provençal Théodore Aubanel, il devient membre de cette académie qui s’est fixée comme objectif la restauration de la langue et de la culture d’oc. Durant l’été de la même année, il fait la connaissance de son compatriote Frédéric Mistral, puis, en décembre, du Lorrain Maurice Barrès. À l'âge de vingt ans, il est un des membres les plus influents du Félibrige. Pétri de culture classique Virgile, Lucrèce, Racine et moderne Musset, Lamartine, Mistral, le jeune Maurras éprouve aussi un amour infini pour sa Provence natale.
En 1889, il rencontre Frédéric Amouretti lors des Fêtes félibréennes de Sceaux et devient le secrétaire du Félibrige de Paris. Il publie son premier ouvrage, consacré à Aubanel et devient journaliste littéraire.
En 1890, il rencontre Jean Moréas et devient le théoricien de l'École romane, fondée par le poète du Pèlerin passionné, prônant un néo-classicisme peu enclin à l'académisme. Maurras cherchera à rapprocher félibres et poètes romans,

le plus grand moraliste de l'Antiquité. Il se lie d'amitié à Anatole France, ce qui contribue au renforcement de son agnosticisme. Il travaille avec ses amis à faire connaître les poètes provençaux au public parisien et à établir des ponts entre symbolisme et provençalisme, notamment en travaillant à un numéro spécial de La Plume.
En 1891, il consacre son deuxième essai critique au poète Jean Moréas, le chef de file de l’École romane, qui lui a été présenté l’année précédente. Il prépare également un court traité visant à établir une doctrine de vivre et de mourir La Merveille du monde qui ramasse la recherche philosophique du jeune Maurras mais ne l'achève pas.
Au début de 1892, il rédige la déclaration des Jeunes Félibres fédéralistes qui, soutenue par Mistral, est lue par Frédéric Amouretti. Il ne s’agit plus seulement de défendre culturellement la Provence, mais d’engager une politique de haute lutte qui vise à donner un destin à cette terre et à son peuple.
En 1894, Maurras publie Le Chemin de paradis, mythes et fabliaux.
Jusqu'en 1898, c'est dans la Revue encyclopédique que Maurras livre quelques-uns de ses plus beaux fleurons littéraires : il chronique ainsi les œuvres de Paul Bourget, Jules Lemaitre, Jean Psichari, Willy, Jules Tellier, Gabriele D'Annunzio, Paul Adam, Tristan Bernard, Marcel Schwob, Frédéric Plessis, Jean de Tinan, Remy de Gourmont, Stuart Merrill, Jean Moréas, Hugues Rebell, Pierre Louÿs, Marcel Proust, Henri de Régnier, Pierre Quillard… Dans un article du 1er janvier 1895 de la Revue encyclopédique, le jeune Martégal, qui a lu et analysé l'œuvre de Verlaine, décèle dans les écrits de l’ancien décadent un retour vers le classicisme qu’il salue et contextualise

Évolution politique

Avant sa conversion au monarchisme en 1896, la réflexion politique de Charles Maurras se développe progressivement. De 1885 à 1889, Charles Maurras ne s'intéresse qu'à la philosophie mais le centenaire de la Révolution et le boulangisme qu'il soutient du bout des lèvres ainsi que des recherches historiques en Provence le conduisent à centrer sa réflexion sur la politique.
En 1889, lors du centenaire de la Révolution française, une ébullition historique et philosophique contraste avec la célébration officielle ; des penseurs de différentes tendances, monarchistes, libéraux, conservateurs, catholiques, positivistes mènent une réflexion critique sur les principes revendiquées par la République et qui selon eux menacent le destin français : Ernest Renan affirme que le jour où la France a coupé la tête de son roi, elle a commis un suicide, Edmond Scherer analyse les limites de la démocratie, Émile Montégut parle de la banqueroute de la Révolution. Colloques, publications, débats dans la presse marquent l'anticentenaire intellectuel auquel Maurras participe en suggérant aux hommes les plus intelligents après les cris de triomphe officiels, de douloureux examens de conscience. Charles Maurras, ancien rédacteur de La Réforme sociale fonde sa critique de la Révolution en suivant les développements de l'école de Frédéric Le Play : elle dresse un bilan négatif de la révolution en défendant un programme fondé sur la famille, la hiérarchie sociale, la commune, la participation des citoyens à leur administration, l'indépendance du gouvernement par rapport aux divisions de l'opinion45.
De fait, s'il est hostile à la Révolution, il est encore républicain et concède que la République est « le meilleur gouvernement pour la France. Il fonde alors sa critique de la philosophie politique de Jean-Jacques Rousseau sur les analyses de Pierre Laffitte qui en soulignent les contradictions plus que sur les théories de Louis de Bonald et de Joseph de Maistre.
Cependant, il est fondamentalement attaché à la décentralisation : en août 1889, se rendant aux archives de Martigues pour une analyse des documents remontant à cent ans en arrière, il découvre les systèmes coutumiers et empiriques, des mécanismes de protection sociale et de solidarité, servant de relais et de protection entre l'individu et l'État central, certains obsolètes mais d'autres utiles et vivaces. Pour Maurras, avec la centralisation, la République n'a pas fait des Français des citoyens mais des administrés. Il développe à l'opposé de l'image de historiographie révolutionnaire d'un roi au pouvoir illimité, une image paternelle nourrie de bienveillance et de savoir-faire au sommet d'un État fort mais limité.
En 1894, se rapproche du nationalisme en collaborant à la La Cocarde de Maurice Barrès.
En 1895, Maurras amorce sa conversion au principe monarchique, suivant une démarche intellectuelle se combinant avec le respect pour la personne du comte de Paris50,note 3. Jusque là il s'est accommodé d'un sentiment politique conservateur, acceptant volontiers de travailler avec des démocrates et des socialistes. Son patriotisme est viscéral, mais cela ne constitue pas une originalité, la gauche de l'époque articulant généralement le discours sur la justice sociale avec l'impératif patriotique et les austères valeurs républicaines. L'échec de la décentralisation dans le cadre républicain, l'inefficacité du régime parlementaire dans le domaine primordial de la politique étrangère face au danger allemand, l'admiration qu'il porte comme homme d'ordre et de tradition pour le système britannique qui a établi l'équilibre politique et social du peuple de Grande-Bretagne, la lecture de Démosthène et du rôle de la démocratie dans l'effondrement de la Grèce, constituent autant de thèmes de réflexion qui l'inclinent au royalisme en 1895. Il accepte alors de collaborer au journal royaliste Le Soleil.
Du 8 avril au 3 mai 1896, La Gazette de France le charge de couvrir comme reporter les premiers jeux Olympiques modernes, à Athènes. Se basant sur les exemples allemands et anglais, il en revient convaincu que le régime monarchique rend plus fortes les nations qui l'adoptent.

Naissance de l'Action française

En avril 1898, Henri Vaugeois et Maurice Pujo fondent un Comité d'Action française, qui ne compte aucun royaliste et vise en prévision des élections à ranimer l'esprit de 1875 en instaurant une République patriote conforme au nationalisme originel de la révolution ; républicains, ils avaient participé à l'union pour l'Action morale de Paul Desjardins, groupement d'inspiration kantienne, attaché à faire triompher la morale et la vertu dans les affaires publiques ; Vaugeois se veut l'héritier consciencieux du républicanisme révolutionnaire, auquel le relie la mémoire de son grand-oncle conventionnel ; Maurras rejoint ce groupe même s'il aurait préféré le nom d'intérêt commun à celui d'Action française, moins poignant mais plus précis.
En septembre 1898, Maurras se range dans le camp des antidreyfusards, participant à la campagne contre le capitaine Alfred Dreyfus. Il fait l'éloge d'Hubert Henry, qui avait fabriqué plusieurs faux pour faire croire à la culpabilité du capitaine Dreyfus. Revenant sur l'Affaire Dreyfus en 1930, Maurras dira : Je ne veux pas rentrer dans le vieux débat, innocent ou coupable. Mon premier avis là-dessus avait été que, si Dreyfus était innocent, il fallait le nommer maréchal de France, mais fusiller une douzaine de ses principaux défenseurs pour le triple tort qu'ils faisaient à la France, à la paix et à la raison. Il avait écrit en décembre 1898 à Maurice Barrès : Le parti de Dreyfus mériterait qu'on le fusillât tout entier comme insurgé. Léon de Montesquiou rappellera le rôle cruciale de l'Affaire Dreyfus dans la naissance de l'Action française qui s'était fixée comme objectif de lutter contre la trahison, non pas tant la trahison de Dreyfus que celle des Dreyfusards. Il s'agit pour l'Action française de défendre l'armée comme première condition de vie du pays et des hommes qui le composent contre une justice qui lui porterait tort. Pour Maurras, l'Affaire et la mise en cause de l'armée nuisent à la préparation d'une guerre inévitable, où il s'agit de retrouver des provinces perdues ; cette polémique ferait perdre de vue au pays le réalisme politique dans un contexte international menaçant. Maurras prétend ainsi défendre la raison d'État en soutenant l'armée coûte que coûte pour éviter le désastre d'une nouvelle guerre perdue contre l'Allemagne. Il affirme les lois d'un réalisme politique fondé sur un mélange de machiavélisme raisonné et de froide prudence car, selon lui, la confusion entre morale et politique peut engendrer des tragédies pires que les injustices qu'elle prétend corriger. Maurras combat moins le capitaine Dreyfus comme personne que le dreyfusisme comme courant d'opinion qui fragiliserait un pays entouré de grands carnassiers.
En janvier 1899, Maurras rencontre ce groupe55 puis rejoint la revue l’Action française, fondée par Maurice Pujo et Henri Vaugeois ; en novembre 1899, sa stratégie et son ambition prennent corps : convertir au royalisme tous les nationalistes français à l'heure où le nationalisme est associé au nom de Déroulède et Barrès63 ; il devient l'inspirateur de la mouvance gravitant autour de la revue qu'il convertit du nationalisme républicain au nationalisme royaliste et au milieu de 1901, la revue est en passe de devenir monarchiste. En revanche, le débat tourne court avec les antisémites de La Libre Parole qui refusent la royauté et préfèrent rester républicain.
En 1905, il fonde la Ligue d'Action française – dont Henri Vaugeois est le président et Léon de Montesquiou le secrétaire général – pour lever des fonds en faveur de L'Action française, devenue l'organe de presse du mouvement. Maurras publie L’Avenir de l’intelligence, qui met en garde contre le règne de l’argent et son emprise sur les intellectuels. Jules Monnerot, François Huguenin, Élisabeth Lévy ont placé haut ce livre, préparé par quinze ans de fréquentation des milieux littéraires et politiques, manifeste pour la liberté de l'esprit, précurseur d'Orwell et Bernanos, voire de la critique situationniste.
En 1906, l’Institut d’action française voit le jour et, en mars 1908, paraît le premier numéro du quotidien L’Action Française, né de la transformation de la revue mensuelle du même nom créée neuf ans plus tôt.
En 1909, Maurras publie, ensuite, une deuxième édition de sa célèbre Enquête sur la monarchie, dans laquelle il se prononce en faveur d’une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée .
En 1911, il préside le Cercle Proudhon, lancé par de jeunes monarchistes hostiles au capitalisme libéral et appelant à l’union avec le courant syndicaliste révolutionnaire inspiré par Georges Sorel. Il reste, cependant, davantage influencé par les conceptions corporatistes et associationnistes du catholique social René de la Tour du Pin.
La campagne de l'Action française contre l'Allemagne commence tôt, dès avant la guerre : en 1911, à l'occasion de la crise d'Agadir, Léon Daudet lance des accusations contre les firmes traitant avec l'Allemagne, les laiteries Maggi-Kub par exemple et mène des campagnes de boycottage. L'Action française ne souhaite pas la guerre, mais elle veut, si elle intervient, contribuer à l'unité des Français dans la lutte ; elle dénonce les antimilitaristes dont l'action concrète se traduit selon elle par un affaiblissement de la France, au risque d'une hécatombe de la jeunesse française en cas probable de guerre.

La Première Guerre mondiale

Dans l'immédiat avant-guerre, Maurras pointe avec angoisse les effets de la politique de ses adversaires ; selon lui, les campagnes dreyfusardes ont occasionné l'affaiblissement de l'armée, notamment par le démembrement du Deuxième bureau, ce qui participera à l'impréparation de la France et fait que l'Allemagne sait qu'elle combattra un ennemi borgne. Dans Kiel et Tanger, il vitupère un régime qui ne sait contrer ni les aléas de l'opinion et qui vit de ses divisions, forcément néfaste pour tout pays cerné d'ennemis : au bas mot, en termes concerts, la faiblesse du régime doit nous représenter 500 000 jeunes Français couchés froids et sanglants, sur leur terre mal défendue. En 1913, il écrit : La République nous a mis en retard sur l'Europe entière : nous en sommes à percevoir l'utilité d'une armée forte et d'une marine puissante … à l'heure où les organisations ennemies sont prêtes.
Maurras note au contraire la rapidité des directions impériales allemandes où l'aristocratie et l'institution monarchique jouent comme des forces génératrices de compétence et de production ; il souligne la supériorité institutionnelle de l'Allemagne : Nous avons perdu quarante ans à entrechoquer les syndicats patronaux et les syndicats ouvriers dans la fumée d'une lutte des classes singulièrement favorable au concurrent et à l'ennemi germanique ; pendant ce temps, Guillaume II négociait entre ses socialistes, ses armateurs et ses financiers, dont les forces uniques, se faisant notre parasite, fructifiaient à nos dépens.
Il soutient alors toutes les initiatives permettant le renforcement de la France et Louis Barthou dira à Pujo à propos de la loi des trois ans de service militaire : sans vos Camelots du roi, je n'aurais jamais pu la faire passer. Inversement, Maurras dénonce les campagnes antimilitaristes des socialistes contre la folie des armements » qui n'auront selon lui pour conséquence que de conduire au massacre de la jeunesse française : comme Tardieu et Poincaré, il s'oppose aux conséquences concrètes de l'utopisme pacifiste et de l'irréalisme des internationalistes et dénonce la faiblesse des budgets militaires.
En 1914, il s'insurge contre l'idée répandue par ses adversaires que Raoul Villain est d'Action Française alors qu'il fut membre du Sillon et avant-tout un déséquilibré. Il constate l'impuissance des théories niant le fait national et le manque de réalisme des socialistes qui avaient conçu l'avenir suivant un développement unilinéaire …, les faits nationaux devant se décomposer.
Dès la déclaration de guerre, il appelle ses partisans à l'union nationale et renonce à la lutte systématique contre le régime républicain comme y invite le duc d'Orléans dans un appel solennel dans L'écho de Paris du 23 avril 1914. Comme preuve de sa bonne volonté, Maurras supprime le chiffre 444 en une du journal, qui renvoyait au décret qui avait innocenté. Il soutient le gouvernement radical de Viviani et même Aristide Briand, bête noire de l'Action française ou Albert Thomas ancien rédacteur de L'Humanité et ministre des armements.
L'Action française dénonce les industriels traitant avec l'Allemagne. Il en résulte de nombreux procès en diffamation, dont un conduit à la confiscation du quotidien pendant une semaine. Des descentes de police dans les locaux du journal ont lieu de même que des perquisitions chez Charles Maurras, Marius Plateau ou encore Maxime Real del Sarte. En octobre 1917, au cours de l'une de ces perquisitions, diverses armes sont saisies. Le journal de l'Action française tourne alors en dérision le complot des panoplies, le gouvernement recule et, en novembre 1917, Clemenceau remplacera Painlevé mis en minorité avec l'appui de l'Action française.
En avril 1917, L'Action française lance une campagne en faveur des soldats et de leurs familles ; Maurras défend la création d'une caisse de primes militaires qui associera le combattant aux produits de la Victoire ; ce projet reçoit le soutien de Poincaré et l'État autorisera en juin 1918 la souscription lancée par l'action française. De même, Maurras se met à la disposition de Poincaré pour combattre l'influence germanique en Espagne, en particulier dans les milieux catalans.
C'est avec l'appui de l'Action française qu'en novembre 1917 Georges Clemenceau est nommé à la tête du gouvernement en dépit de la réticence de Maurras pour ce jacobin anticlérical et qui refusé l'offre de paix séparée proposé par l'impératrice Zita ; néanmoins, Clemenceau cherche l'appui moral de l'Action française via l'entremise du député royaliste Jules Delahaye.

L'entre-deux-guerres Le renforcement du prestige de Maurras

La Grande guerre est pour Charles Maurras une période de développement de l'audience de son journal et de sa pensée. En 1917, le journal voit son nombre d'abonnés augmenter de 7500. Le journal comptait 1500 lecteurs en 1908, 22 000 en 1912, 30 000 en 1913, et tire à 156 000 exemplaires en 191875. Les souscriptions augmentent également, ce qui permet en 1917 à L'Action française de quitter son local de la Chaussée d'Antin dans lequel elle avait emménagé en 1908 pour la rue de Rome. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Charles Maurras et son mouvement bénéficient d'un grand prestige dans l'opinion publique, bien au-delà de son courant politique y compris dans l'établissement politique républicain.
D'après Bainville, dans les milieux républicains et radicaux, on dit alors que Maurras, en restaurant la grande discussion politique en France a rendu un immense service à la République elle-même en l'obligeant à faire son examen de conscience. Poincaré se justifie de sa politique auprès en écrivant à Maurras et le félicite de délicieuse préface de Trois aspects du président Wilson, elle aussi chargée de pensée et illuminée de raison française. Le 1er mars 1925, élu Prince ces écrivains par les membres de La plume, succédant ainsi à Anatole France.
Cette popularité de l'Action française au lendemain de la Grande guerre se traduit par l'élection de Léon Daudet comme député de Paris à la Chambre bleue horizon ou par la publication par Henri Massis dans Le Figaro du 19 juillet 1919 d'un manifeste Pour un parti de l'intelligence signé par cinquante-quatre personnalités dont Daniel Halévy, Francis Jammes, Jacques Maritain.
Cependant, un grand nombre des espoirs militants et dirigeants de l'Action française sont tombés et Maurras leur rendra hommage dans Tombeaux en 1921 : Henry Cellerier, André du Fresnois, Pierre Gilbert, Léon de Montesquiou, Lionel des Rieux, Jean-Marc Bernard, Albert Bertrand-Mistral, vingt-et-un rédacteurs de la Revue critique comme Joachim Gasquet, Octave de Barral, Henry Lagrange, Augustin Cochin.
L'assassinat de Marius Plateau en 1923, celui d'Ernest Berger en 1925 et d'autres attentats commis contre l'Action française contribuent aussi à créer un élan de solidarité autour de Charles Maurras, dont témoignent les paroles de Jacques Maritain : L'idée des dangers que vous courez, rend encore plus cher au cœur de tous ceux qui aiment la France et l'intelligence.

Critique de la paix de Versailles

Pour Maurras, la république répare mal la guerre, ne peut la gagner qu'en renonçant à elle-même et assure mal la paix ; reprenant la formule de l'historien socialiste Alphonse Aulard, la guerre a été gagnée par des procédés de dictature monarchique qui ont permis de rattraper les erreurs de l'avant-guerre mais au prix de la mort d'un million cinq cent mille Français, trois fois plus qu'annoncé dans Kiel et Tanger.
En 1918, Maurras réclame donc une paix française qui serve le mieux les intérêts de la nation : la division de l'Allemagne, l'annexion du Landau et de la Sarre, un protectorat français sur la Rhénanie.
L'Action française se prononce contre l'application sans discernement du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. S'il salue la visite de Wilson au Pape, ses Quatorze points le scandalisent par leur naïveté utopique car nulle revanche du droit n'est sérieuse sans un équilibre du fait. Là où les politiques parlent de droit, de morale, de générosité, l'école de l'Action française réaffirme la nécessité du réalisme pour parvenir aux équilibres internationaux.
Maurras affirme que si on ne démembre pas l'Allemagne, celle-ci réclamera le couloir de Danzig ; il prétend que la crainte du bolchevisme n'est pas une raison suffisante pour permettre à l'Allemagne de se réorganiser. Maurras est favorable aux indemnités de guerre qui permettent de remettre la France à flot tout en affaiblissant l'Allemagne. En effet, selon l'analyse de Jacques Bainville, l'Allemagne et la Russie soviétique sont les ennemis de la France, et son seul allié possible est l'Italie. La paix doit affaiblir l'Allemagne au point de permettre à la France de s'appuyer sur des troupes régulières accomplissant un temps de service long et de ne plus recourir à la conscription. L'immédiat après-guerre est marqué par des appels renouvelés à la vigilance face à l'Allemagne.

Le 6 février 1934 et ses conséquences

Lors de la crise du 6 février 1934, Maurras se trouve rue du Boccador avec Marie de Roux : pour lui la manifestation contre la corruption du régime, dont deux morts sur trois seront royalistes, ne peut déboucher sur le coup de force car les nationalistes non royalistes ne suivraient pas l'Action française et le préalable au renversement du régime est absent : l’armée, la police, l’administration n’ont pas été infiltrées, ce qui aurait nécessité des mois de préparation et un personnel spécifique dont l’Action française était dépourvue ; de plus, la perspective d'une guerre civile lui répugne.
Après le 6 février 1934, si L'Action française gagne dix mille abonnés de plus, Maurras perd le magistère de la rébellion contre le régime auprès de certains des militants qui la quittent alors comme Pierre de Bénouville, Jacques Renouvin, Michel de Camaret. Le comte de Paris est également déçu et le 6 février le déterminera à s'émanciper.
De plus, si les années 1930 voient éclore une nouvelle génération de nouveaux jeunes penseurs maurrassiens comme Thierry Maulnier, Jean-Pierre Maxence, Jean de Fabrègues, ceux-ci n’hésiteront pas à prendre du recul par rapport au vieux maître, critiquant notamment son nationalisme — vu par eux comme étroit — et son évolution conservatrice – qu’ils estiment inadaptée aux nouveaux enjeux sociaux. L'échec du 6 février les confortera dans cette prise de distance.

Emprisonnement

Le 13 février 1936, passant en automobile à proximité du cortège des funérailles de l’historien Jacques Bainville, boulevard Saint-Germain, à Paris, Léon Blum est pris à partie par d’anciens camelots du roi : la Ligue d’action française, les camelots et la Fédération nationale des étudiants d’action française sont dissous par le gouvernement intérimaire, dirigé par le radical Albert Sarraut. Fulminant dans ses articles contre ces mesures et les députés favorables aux sanctions contre l’Italie risquant de pousser celle-ci à une alliance avec l'Allemagne aux conséquences qu'il prévoit désastreuses pour la France, Maurras est condamné à quatre mois de prison ferme. Il réagit en menaçant Léon Blum pour le jour où sa politique nous aura amené la guerre impie qu’il rêve contre nos compagnons d’armes italiens. Ce jour-là, il ne faudra pas le manquer. Déjà, dans L'Action française du 9 avril 1935, Maurras écrivait à propos de Léon Blum : C’est un monstre de la République démocratique. C’est un hircocerf de la dialectique heimatlos. Détritus humain à traiter comme tel… … C’est un homme à fusiller, mais dans le dos. Le 21 juillet 1936, il est condamné à huit mois de prison ferme et effectue sa peine à la prison de la Santé.
Les maurrassiens s'indignent d'une condamnation qu'ils jugent politique, en rappelant que dans Le Populaire, on avait écrit un an plus tôt que si la guerre était déclarée, les mobilisés abattront MM. Béraud et Maurras comme des chiens. De fait, Maurras reçoit de très nombreuses marques de soutien dont celui du pape Pie XI et de mère Agnès, sœur aînée de sainte Thérèse de Lisieux et supérieure du Carmel ; de cent députés et sénateurs alsaciens signeront une protestation88. Le 8 juillet 1937, entre quarante à soixante mille personnes, viennent rendre hommage à Maurras à l’occasion de sa libération au Vélodrome d’Hiver en présence de la maréchale Joffre.
Pendant sa captivité, Charles Maurras écrit chaque jour son article politique pour L’Action Française ainsi que plusieurs ouvrages : Les Vergers sur la mer, Dans Arles aux temps des fées, Devant l’Allemagne éternelle, la Dentelle du rempart et Mes idées politiques.

Entrée à l'Académie française

Entretemps, Maurras a été élu à l’Académie française au fauteuil de l’avocat Henri-Robert. Après un premier échec en 1923 contre Charles Jonnart, il est élu à l’Académie française le 9 juin 1938 au fauteuil 16, succédant à Henri-Robert, par 20 voix contre 12 à Fernand Gregh ; il fut reçu le 8 juin de l’année suivante par Henry Bordeaux.

Mise en garde contre l'hitlérisme

Dès 1922, Maurras a des informations précises sur Hitler en provenance d'un agent secret à Munich par le président Raymond Poincaré91. Dès lors, s'il dénonce le pangermanisme de la classe politique allemande de la République de Weimar, comme celui de Stresemann favorable à l'Anschluss, il attire régulièrement l'attention de ses lecteurs sur les dangers propres du national-socialisme : ainsi, en 1924, il dénonce la déroute des Wittelsbach au profit du racisme antisémite du NSDAP et le rapide accroissement du bloc dit raciste sorti de terre en quelques mois et fondé ou échafaudé sur de vieilles imaginations périmées avec sa philosophie abracadabrante de la Race et du Sang.
En 1930, Maurras dénonce l’abandon de Mayence par l’armée française et titre Le crime contre la Patrie là où Léon Blum écrit la paix est faite. La même année, L’Action française publie une série d'articles sur le parti national-socialiste allemand, présentée comme un des plus grand dangers pour la France, alors que le 1er janvier 1933, Le Populaire annonce sa prochaine disparition.
L'obsession de la menace hitlérienne se traduit par l'ouverture du journal à des officiers d’État-major signant parfois sous pseudonyme : comme chroniqueurs militaires, ils suivront l’évolution du budget militaire allemand avec une inquiétude croissante jusqu’au désastre. En 1932, le général Weygand, proche de l'Action française, dénonce dans ses rapports secrets la politique de désarmement menée par la gauche : L’armée française est descendue au plus bas niveau que permette la sécurité de la France mais son légalisme l'empêche d'exprimer publiquement sa proximité avec Maurras.
En 1933, Maurras écrit : Quoi que fassent ces barbares, il suffit d’appartenir au monde officiel, au monde de la gauche française, pour incliner à leur offrir de l’encens, le pain, le sel et la génuflexion. Maurras voit dans l’arrivée d’Hitler au pouvoir la confirmation de ses pronostics101 et dénonce le prohitlérisme : Le halo du prohitlérisme joue autour de ces brigandages, les défend et les auréole, ce qui permet aux forces de Hitler un rapide, puissant et formidable accroissement continu. Nous aurons laissé dépouiller et envahir nos amis.
En 1934, après la nuit des longs couteaux, il dénonce l’ abattoir hitlérien et félicite la presse britannique énergique dans sa condamnation et annonce le pacte germano-soviétique : Je le répète : il n’y a pas de plus grand danger que l’hitlérisme et le soviétisme. À égalité ! Et ces égaux-là sont faits pour s’entendre. La carte le confirme. L’avenir le vérifiera.Pour Maurras, il n’y a pas de ménagement possible avec Hitler : l’invasion progressive du centre et de l’est européen entraînera celui de la Belgique et donc la soumission de la France à un géant écrasant le continent de sa puissance. Maurras, Bainville et Daudet rivalisent de démonstrations et d’accents polémiques pour que la France s'arme suffisamment pour se défendre et éventuellement attaquer préventivement. La menace allemande constitue le fil rouge de ses préoccupations : dans ses écrits, les débats intérieurs lui sont subordonnés : la politique étrangère qu’il défend consiste à ménager les puissances secondaires d’Europe, celles que menacent l’URSS et le Reich allemand : Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie. Il exalte l’union des pays latins France, Italie, Espagne, Roumanie avec la Grande-Bretagne, la Hongrie, la Pologne.
En 1936, Maurras écrit la préface de l'ouvrage contre le nazisme de la comtesse Joachim de Dreux-Brézé qui sera sa maîtresse106 ; il y déplore l'assassinat de Dollfuss par les nationaux-socialistes. Le 7 mars 1936, le Reich occupe la Rhénanie et alors que la plupart des journaux appellent au calme et que le gouvernement à six semaines des élections refuse de réagir, L’Action française réclame une riposte militaire immédiate.
En 1937, il publie Devant l’Allemagne éternelle, sous-titré Chronique d’une résistance ; il rassemble quarante ans d’écrits sur l’Allemagne, le pangermanisme et l’influence allemande en France.
Maurras essaie de détourner Mussolini de l'alliance avec Hitler : la « supériorité générique qu’invoque l’hitlérisme se formule par rapport à ce que l’on appelle les races latines et comme il n’y a pas de race latine sur ce qu’il faut appeler l’esprit latin. Mussolini doit savoir cela aussi bien que nous, il l’oublie, il veut l’oublier. Mais l’oubli se paie cher L’erreur. Pour Maurras, le tort italien est déterminé par la conduite de Londres et Paris, qui par leurs sanctions contre l’Italie ont poussé cette dernière à fauter; pour Maurras, le Front populaire, en plaçant l’antifascisme avant la politique équilibre, contribue à renforcer l’Allemagne et à préparer des lendemains douloureux au pays : il attaque violemment Léon Blum et ceux qui ont mené des campagnes de désarmement lorsque la France était plus puissante que l’Allemagne et veulent désormais engager une guerre incertaine pour des raisons idéologiques alors que la France n’a plus les moyens de la victoire.
En 1938, il défend les accords de Munich, non qu’il soit devenu favorable à un rapprochement avec l’Allemagne, mais car il estime que la France n’est pas prête militairement et court à la défaite ; il accepte les accords comme une défaite sanctionnant les erreurs de la politique étrangère de la République, tout en appelant au réarmement. Il s'agit d'éviter de déclencher prématurément une guerre pour des raisons de doctrine et de préparer la France à l'affronter avec de vraies chances de succès : cette position se veut le contraire d'une position germanophile, il s'agit d'appliquer le si vis pacem, para bellum, de ne pas lâcher la Pologne mais de sauver d'abord la France pour sauver l'avenir polonais.
En 1939, Maurras titre La mort d’un peuple quand les Allemands envahissent la Tchécoslovaquie dont il a admiré la renaissance littéraire et se lamente que l'on n'ait pas écouté vingt ans de mises en garde. Il ne veut pas la guerre car il croit que la France a toutes les chances de la perdre, comme l'écrit le colonel Gauché du Deuxième Bureau : Jamais, à aucune période de son histoire, la France ne s'est engagée dans une guerre dans des conditions aussi défavorables. Mais il affirme que si elle advient, elle devra être menée avec détermination. Inquiet, il prend diverses initiatives pour renforcer les chances de la France.
Il lance une campagne de souscription en faveur de l’aviation militaire : vingt quotidiens parisiens, cinquante journaux de province le rejoignent mais Daladier s’y oppose.
Il écrit à Franco afin de le convaincre de détourner l’Italie de l’alliance avec l’Allemagne. Maurras a salué la victoire de Franco, gage de sécurité contre le communisme et les persécutions contre les catholiques et dont il pense qu’elle ne peut être que l’ennemie de l’Allemagne. L'obsession allemande a d'ailleurs influé sur la position de Maurras quant à la guerre civile espagnole : il a soutenu les insurgés mais, à l'arrivée du Front populaire, il défend une neutralité de principe pour éviter une entrée en guerre officielle de l'Allemagne aux côté de Franco qui le satelliserait et ruinerait la politique méditerranéenne de la France. La victoire acquise et ce danger écarté, le pari stratégique de Maurras sera confirmé dans les faits : Franco refusera la possibilité à Hitler de traverser le territoire espagnol pour envahir l'Afrique du Nord, ce qui aura un impact important sur l'issue de la guerre.
En liaison avec des intellectuels britanniques, il prône l’alliance avec l’Angleterre jusqu’à l’extrême limite du possible.
Il soutient le gouvernement républicain d'Édouard Daladier dans sa volonté d'interdire le parti communiste dont des militants ont participé à des opérations de sabotage au profit de l'Allemagne nationale-socialiste.
En 1940, un message en caractères énormes ouvre le journal : Le chien enragé de l’Europe, les hordes allemandes envahissent la Hollande, la Belgique, le Luxembourg. Maurras écrit : Nous avons devant nous une horde bestiale et, menant cette horde, l’individu qui en est la plus complète expression. Nous avons affaire à ce que l’Allemagne a de plus sauvagement barbare, c’est-à-dire une cupidité sans mesure et des ambitions que rien ne peut modérer. … Nul avenir ne nous est permis que dans le bonheur des armes.

La Seconde Guerre mondiale

Dès que la guerre est déclarée, le 3 septembre 1939, Charles Maurras reprend les accents bellicistes de l’Union sacrée. Apportant, jusqu’aux derniers combats de juin 1940, un soutien sans faille à l’effort de guerre, il approuve, comme la quasi-totalité des Français, l’armistice. Maurras est regardé comme un adversaire par les autorités d'occupation qui font piller par la Gestapo les bureaux de l'Action française et placent certains livres de Maurras sur la liste Otto des livres interdits ; en 1943, le haut responsable des forces d'occupation en France, le conseiller Schleier, place Maurras parmi les personnes à arrêter en cas de débarquement.

Nature et formes du soutien au Maréchal Pétain

Maurras décide d'apporter son soutien au Maréchal Pétain. La victoire allemande sur la France le désespère et il dira au moment de l'arrivée de soldats allemands en Provence voir réalisé le cauchemar de son existence. La raison principale de ce soutien est la recherche de l'unité française comme condition du redressement et donc de la revanche contre l'Allemagne, indépendamment de toute considération idéologique.
Maurras affirme lui-même que le soutien au gouvernement Pétain est de même nature que celui apporté aux gouvernements républicains de la Première guerre mondiale ; à Pierre Gaxotte, il déclare : e soutiens Pétain comme j’ai soutenu tous les gouvernements pendant la guerre de 1914-1918 ; ce soutien procède de la volonté de sauver l'unité française coûte que coûte car elle est la « condition de l'Espérance. À Pierre Boutang, il affirme que l'unité française est un outil de revanche. Pour Maurras, le vainqueur de Verdun ne peut que défendre les intérêts du peuple français et toute dissidence affaiblit la France et compromet son rétablissement. Le soutien à Pétain est alors général : il est notamment estimé de Léon Blum à cause de sa réputation de soldat républicain, contrairement à Weygand ou Lyautey, jugés monarchiste. Dans cette optique, le soutien à Vichy n'est donc pas originellement un choix idéologique, ni tactique, c'est une donnée, posée au-dessus de toute référence, par l'exigence de l'unité du pays. Ce soutien se veut de même nature que celui que Maurras a apporté à la Troisième république pendant la Première Guerre mondiale contre les monarchies traditionnelles allemande et autrichienne, il s'agit de faire le choix de l'union sacrée qui passe par le soutien à l'État. Dans les deux cas, c'est le souci de l'unité française qui prime mais, autant après 1918, ce soutien au gouvernement français aura été profitable au prestige et l'influence de l'Action française, autant après 1945, il aura des conséquences désastreuses sur l'aura de Maurras, en ruinant le crédit d'un demi-siècle d'aventure intellectuelle, en occultant tout un mouvement varié de pensée que l'on ne peut réduire par amalgame au régime de Vichy.
Pour Maurras, la France demeure et n'a besoin ni de l'Angleterre, ni de l'Allemagne pour être ; ceux qui le croient et rejoignent ce qu'il appelle le clan des yes et le clan de ja , deviennent des agents de l'étranger : ce thème est celui de la France seule. À l'été 1940, malgré les conseils de Pierre Gaxotte, Maurras fait reparaître L'Action française à Lyon, avec en tête le slogan La France seule.
Maurras apprécie également l'idée d'une remise en cause des idées démocratiques et la défaite « a eu le bon résultat de nous débarrasser de nos démocrates. En effet, pour Maurras, l'invasion et l'occupation du territoire français sont le résultat de l'application de la politique révolutionnaire et de la rupture avec la sagesse de la politique étrangère de l'Ancien Régime, en 1940 comme en 1814, 1815, 1870. Maurras a d'ailleurs déclaré au préfet de la Vienne : Que voulez-vous, monsieur le Préfet, soixante-dix ans de démocratie, ça se paie ! La divine surprise n'est pas la victoire de l'Allemagne comme certains ont cherché à le faire croire à la Libération mais l'accession au pouvoir du Maréchal Pétain. En effet, sur certains plans, des convergences peuvent être détectées entre les thèmes de la Révolution nationale et ceux de l'Action française. En septembre 1940, lorsque le maréchal Pétain lui demande sa conception de la Révolution nationale, il répond un bon corps d'officiers et un bon clergé, une position qu'il appelle : défendre l'héritage en l'absence d'héritier. Il parle d'une divine surprise à propos de l'accession au pouvoir du Maréchal Pétain. Il soutient le régime de Vichy, non la politique de collaboration138 car il est un nationaliste profondément germanophobe mais certains aspects du discours de la Révolution nationale. Il se félicita par exemple de l'abolition par Vichy du décret Crémieux très mal vu des populations musulmanes.
Mais ce soutien va surtout à la personne du Maréchal Pétain et non à tous les dirigeants ou toute la politique de Vichy : Maurras fêta le renvoi de Laval dans les locaux de L'Action française. Maurras chercha à user de son influence auprès des dirigeants de Vichy comme il le fit auprès de Raymond Poincaré pour contrer les mesures qui lui semblaient mauvaises. Au cours des mois de juillet et août 1940, il joue de ses relations auprès du maréchal Pétain qu’il rencontre le 27 juillet pour faire échec au projet de parti unique lancé par Marcel Déat. Il écrit que de toute évidence, Marcel Déat est égaré par l’exemple de l’Allemagne et de l’Italie. À un journaliste japonais, Marcel Déat confiera qu’il s’est heurté par-dessus tout dans son projet d'État totalitaire et de nouvel ordre européen à la résistance de l’Action française. Maurras s'oppose à toute orientation germanophile ; il voit dans les partisans de la collaboration les continuateurs de Jaurès et Briand et note comme l’un des hauts responsables nazis en France, Schleier, que la grande majorité des partisans de la politique de collaboration vient de la gauche française : Déat, Doriot, Pucheu, Marion, Laval, une grande partie de l’ancien personnel briandiste.
La question de l'influence de la pensée de Maurras sur l'idéologie et la politique de Vichy est débattue par l'historiographie : pour Loubet del Bayle, Vichy se situe à l'intersection des idées du technocratisme planiste, d'Action française, du catholicisme social, du personnalisme. L'influence propre de l'Action française est difficile à identifier et isoler ; certains nient l'influence de la pensée de Maurras comme Limore Yagil ; d'autres, comme François Huguenin, voient dans Vichy l'héritière de l'esprit des années 1930 et d'abord de ses rejets, rejets dont certains se retrouvent aussi dans la Résistance : antiparlementarisme, anticapitalisme, anti-individualisme, anticommunisme. Simon Epstein rappelle que Vichy n'attend pas longtemps pour se délester d'une bonne partie de ses maurrassiens: dès 1941, Raphaël Alibert, ministre de la Justice, Paul Baudouin ministre des affaires étrangères en 1941, Georges Groussard, ancien cagoulard qui commande les groupes de protection de Vichy et qui procéda à l'arrestation de Laval trop favorable à l'Allemagne et s'orienta vers la Résistance quittent Vichy. Ceux qui ne sont pas partis quitteront le gouvernement lors du retour de Laval en 1942 : Pierre Caziot, Serge Huard, Yves Bouthillier, René Gillouin, Henry du Moulin de Labarthète, Xavier Vallat, c'est-à-dire avant l'entrée des partisans d'une franche collaboration avec l'Allemagne nationale-socialiste. Ces Maurassiens étaient mal vus des amis de Pierre Laval qui les accusent d'avoir favorisé son renvoi, des Allemands qui n'apprécient pas leur hostilité à la collaboration, des collaborationnistes qui les accusent d'être réactionnaires à l'intérieur et germanophobes à l'extérieur. Les Dreyfusards collaborateurs tels Armand Charpentier et René de la Marmande attaquèrent régulièrement ses positions. Les pacifistes des années 1920 reprochaient à Maurras d'être hostile au rapprochement franco-allemand. Devenus collaborateurs, ces pacifistes témoigneront de ténacité idéologique et constance argumentaire, puisqu'ils lui feront le même reproche sous l'Occupation. Néanmoins, certains opposants à Pétain et à ses soutiens voudront faire de Maurras l'apologiste inconditionnel du gouvernement du maréchal Pétain.
Après la Seconde Guerre mondiale, Charles Maurras fera le point sur ses rapports avec Philippe Pétain et démentira avoir exercé une influence sur lui : après avoir rappelé qu'ils se voyaient à peine avant 1939, il protesta contre la fable intéressée qui fait de moi une espèce d'inspirateur ou d'Éminence grise du Maréchal. Sa doctrine est sa doctrine. Elle reste républicaine. La mienne est restée royaliste. Elles ont des contacts parce qu'elles tendent à réformer les mêmes situations vicieuses et à remédier aux mêmes faiblesses de l'État. … L'identité des problèmes ainsi posée rend compte de la parenté des solutions. L'épouvantable détresse des temps ne pouvait étouffer l'espérance que me donnait le remplacement du pouvoir civil impersonnel et irresponsable, par un pouvoir personnel, nominatif, unitaire et militaire.

Division des partisans de Maurras

Pendant l'occupation, les membres et anciens proches de l'Action française se divisèrent en trois groupes opposés : celui des maurrassiens orthodoxes soutenant le régime de Vichy conduit par le maréchal Pétain, celui des collaborationnistes et ouvertement pro-allemands tels Robert Brasillach, Charles Lesca, Louis Darquier de Pellepoix ou Joseph Darnand, celui des résistants contre les nazis tels Honoré d'Estienne d'Orves, Michel de Camaret, Henri d'Astier de la Vigerie, Gilbert Renault, Pierre Bénouville, Daniel Cordier ou Jacques Renouvin.
Il n'y a pas de statistiques sur la répartition de ces trois groupes mais, à l'époque, l'idée que les dirigeants suivent Maurras dans son soutien à Pétain mais qu'une majorité des sympathisants maurrassiens soutient la Résistance contre l'avis de Maurras est répandue. Pierre Mendès France soutiendra cette position : L’Action française, sous l’influence directe de Maurras, suit Vichy, mais là encore, la principale partie des troupes a abandonné les chefs. Comme la plupart des anciens Croix-de-feu, les militants de l’Action française, surtout les éléments jeunes, sont aujourd’hui antiallemands et absolument hostiles à la soumission à l’occupant. Le colonel Rémy dira que sa décision de résister résulta de son imprégnation de la pensée de Maurras : Le réflexe qui m'a fait partir pour l'Angleterre le 18 juin 1940 trouvait son origine dans l'enseignement que, depuis vingt ans, je recevais quotidiennement sous sa signature. Si les maurrassiens résistants affirment parfois comme le colonel Rémy que leur engagement dans la résistance résulte d'une application de la pensée de Maurras, ceux qui ont rejoint le collaborationnisme reconnaissent qu'ils ont rompu avec l'essence de sa pensée comme Lucien Rebatet qui se déchaînera contre Maurras dans de nombreux écrits ou comme Robert Brasillach que Maurras refusera de revoir.
La diversité des parcours posés entre 1940 et 1945 relève parfois du tempérament, voire du hasard des événements : la grille idéologique ne permet souvent pas d'expliquer seule tant de prises de positions différentes, ni d'analyser des choix157.

Hostilité aux collaborationnistes

L'écrivain Jean Grenier note au sujet de l'agence de presse Inter-France que Charles Maurras est tout à fait opposé au groupe de journalistes qui a fondé l'agence de presse Inter-France germanophile .
L'anglophobie de Maurras ne compensait pas aux yeux des Allemands sa germanophobie virulente, ce qui lui valut en 1942 d'être mis au rang des incorrigibles ennemis de l'Allemagne aux côtés de Massis, Claudel et Mauriac par le docteur Payr, dirigeant de l'Amt Schrifttum, dépendant de l'Office Rosenbeg, quand il rend compte de la littérature française. Le conseiller Schleier dénonce dans une note au ministre Ribbentrop son comportement fondamental d'antiallemand. Maurras rompt avec Brasillach, en 1941, quand celui-ci envisage de refaire paraître Je suis partout à Paris : Je ne reverrai jamais les gens qui admettent de faire des tractations avec les Allemands.
Les collaborationnistes Marcel Déat, Robert Brasillach, Lucien Rebatet se déchaîneront en attaques contre Maurras ; Rebatet écrit que Maurras est de tous les Français celui qui détestait le plus profondément l'Allemagne, s'insurge contre les propos de Maurras qui qualifie le Führer de possédé, condamne la germanophobie aveugle et maniaque de L'Action française.
Le collaborationniste Pierre-Antoine Cousteau dira après la guerre : Maurras m’inspirait une horreur sacrée, uniquement parce qu’il faisait de la pérennité des guerres franco-allemandes la base de son système et que j’étais déjà convaincu c’est le seul point sur lequel je n’ai jamais varié que l’Europe ne serait jamais viable sans entente franco-allemande, que c’était le premier de tous les problèmes, le seul vraiment important, celui dont dépendait la guerre et la paix, la vie et la mort.

Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=5308#forumpost5308

Posté le : 20/04/2014 00:57
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Charles Maurras partie 2
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Hostilité aux collaborationnistes

L'écrivain Jean Grenier note au sujet de l'agence de presse Inter-France que Charles Maurras est tout à fait opposé au groupe de journalistes qui a fondé l'agence de presse Inter-France germanophile .
L'anglophobie de Maurras ne compensait pas aux yeux des Allemands sa germanophobie virulente, ce qui lui valut en 1942 d'être mis au rang des incorrigibles ennemis de l'Allemagne aux côtés de Massis, Claudel et Mauriac par le docteur Payr, dirigeant de l'Amt Schrifttum, dépendant de l'Office Rosenbeg, quand il rend compte de la littérature française. Le conseiller Schleier dénonce dans une note au ministre Ribbentrop son comportement fondamental d'antiallemand. Maurras rompt avec Brasillach, en 1941, quand celui-ci envisage de refaire paraître Je suis partout à Paris : Je ne reverrai jamais les gens qui admettent de faire des tractations avec les Allemands.
Les collaborationnistes Marcel Déat, Robert Brasillach, Lucien Rebatet se déchaîneront en attaques contre Maurras ; Rebatet écrit que Maurras est de tous les Français celui qui détestait le plus profondément l'Allemagne, s'insurge contre les propos de Maurras qui qualifie le Führer de possédé, condamne la germanophobie aveugle et maniaque de L'Action française.
Le collaborationniste Pierre-Antoine Cousteau dira après la guerre : Maurras m’inspirait une horreur sacrée, uniquement parce qu’il faisait de la pérennité des guerres franco-allemandes la base de son système et que j’étais déjà convaincu c’est le seul point sur lequel je n’ai jamais varié que l’Europe ne serait jamais viable sans entente franco-allemande, que c’était le premier de tous les problèmes, le seul vraiment important, celui dont dépendait la guerre et la paix, la vie et la mort.

Hostilité aux résistants

Par hantise de la guerre civile, Maurras se proclame antigaulliste et qualifie les résistants de terroristes appelant à la répression la plus violente contre eux : Il exigeait des otages et des exécutions, il recommandait la mise à mort des gaullistes faits prisonniers, sans autre forme de procès, il déclarait que si la peine de mort n'était pas suffisante pour mettre un terme aux activités des gaullistes, il fallait se saisir des membres de leur famille comme otages et exécuter ceux-ci.
Maurras écrit en 1944 que si les Anglo-Américains devaient gagner, cela signifierait le retour des francs-maçons, des Juifs et de tout le personnel politique éliminé en 1940, et que soutenir les Alliés serait prendre parti du mauvais côté »165. Dans une lettre à Jean Arfel en 1948, Maurras affirme qu'il y avait une part de feinte destinée à tromper les Allemands dans son hostilité aux gaullistes et aux maquisards et le souci d'éviter une guerre civile en France : Mon escrime quotidienne contre les collaborationnistes et philoboches était toujours accompagnée, comme sa feinte protectrice, d'une pointe contre le Gaullisme et les maquisards, feinte qui a toujours trompé les Allemands à leur grand détriment … Je voulais tout tenter, à tout prix, pour épargner à la France le malheur de redevenir un champ de bataille et pour obtenir qu'elle fût libérée autrement, que par la guerre sur le territoire national.
Yves Chiron et François Huguenin affirment que le jeu de la censure allemande fait qu'il est imprudent d'interpréter la pensée de Maurras et d'avoir une idée juste de ses réactions en se référant à ses écrits pendant la guerre.

La Libération

En 1944, Charles Maurras maintient sa méfiance pour la France Libre qu'il pense manipulée par Moscou169. Le débarquement de Normandie le déconcerte à cause de la destruction des villes françaises par des bombardements massifs ; en revanche, celui d’Italie le réjouit car il obéit à une progression inoffensive pour les populations170.

Après le débarquement, il préconise de ne rien faire pour aggraver les maux publics car il craint plus que tout la guerre civile : cette position attentiste est scandaleuse selon les collaborationnistes mais elle ne satisfait pas non plus les résistants ; Maurras ne veut rien faire pour empêcher que la libération puisse se faire et laisser au Maréchal Pétain la possibilité de négocier avec les libérateurs, illusion qu’il partage avec l’amiral Auphan en tractation secrète avec les Américains. Maurras exulte lorsqu’il apprend la libération de Paris et le 3 septembre 1944, il arrose l’événement chez son ami Henri Rambaud, ivre de joie et de vin ; mais les communistes saccagent ses bureaux le 6 septembre et le 9 septembre, il est arrêté à l'instigation d'Yves Farge, lui-même proche du parti : il faudra deux mois pour que Maurras prenne connaissance de son inculpation et son procès commencera le 24 janvier 1945.
Pendant son procès, au cours duquel sera mise en avant sa critique de la résistance gaulliste et communiste, Charles Maurras rappellera quelques-unes de ses positions d'ennemi de toujours de l'Allemagne et de l'hitlérisme et des résistants comme Georges Gaudy ou le capitaine Darcel témoigneront en sa faveur :
Dans une conférence au café Neuf de Lyon, le 3 février 1943, Maurras proclama publiquement que l’Allemagne restait pour la France l’ennemi n°1, la censure empêchant que ses prises de position soient publiées.
S’il a approuvé dans un premier temps la création de la Milice comme une police qui protégerait les gens contre les attentats communistes qui visaient indifféremment de vrais collaborationnistes et des pétainistes antiallemands, il la désapprouva énergiquement dès qu’il appris que son commandement était soumis à l’autorité allemande et interdit à ses partisans de s’y engager ; de fait, les miliciens réquisitionnèrent ses bureaux et lui firent une figure féroce.
À un correspondant qui lui proposait d'annoncer une exposition antisoviétique dans L'Action française, il répondit que ce n'étaient pas les Russes qui occupaient la France et que si on organisait une exposition antiallemande, il en rendrait compte dans ses articles.
Il met en avant que ses articles visaient à tromper la censure pour mieux faire passer un message antiallemand ; ainsi, le 12 février 1943, il montre l’impossibilité d’intégrer la France dans un ensemble européen et pour son partisan Pierre Boutang, il ne pouvait y avoir alors de tract clandestin plus utile contre l’occupant.
Concernant l'antisémitisme, il dira qu'il ignorait qu'en février 1944, désigner un Juif à l'attention publique, c'était le désigner lui ou sa famille aux représailles de l'occupant, à la spoliation et aux camps de concentration, peut-être à la torture ou à la mort. Il dira également que ses invectives étaient des menaces et ne résultaient pas d'une volonté de nuire physiquement, affirmation dont François Huguenin juge qu'elle peut paraître intolérable mais qui demeure plausible compte tenu du milieu confiné dans lequel vivait Maurras à Lyon et de la vieille habitude pratiquée par Maurras de l'invective violente jamais suivie d'effet. C’est en 1945 que Maurras apprendra l’horreur des camps et qu’il prononcera des paroles de compassion. Il a été cependant ému par la mort de Georges Mandel assassiné par des miliciens : il lui consacre dans L'Action française du 21 juillet 1944 un article fleuve à la fois critique et élogieux, rappelant ses divergences tout en déplorant la mort d’un homme qu’il a rencontré plusieurs fois depuis 1918, qui a rendu par son entremise un service aux Orléans.
Le 28 janvier 1945, la cour de justice de Lyon déclare Charles Maurras coupable de haute trahison et d'intelligence avec l'ennemi et le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale.
Maurras commenta sa condamnation par une exclamation célèbre : C'est la revanche de Dreyfus !. Selon Eugen Weber, le procès qui dura seulement trois jours fut un procès politique : les jurés ont été choisis sur une liste établie par des ennemis politiques de Maurras, les vices de forme et les trucages ont été nombreux, le motif choisi est le plus infamant et le plus contradictoire avec le sens de sa vie et pour ses partisans le régime condamne celui qui n'a cessé de le mettre en face de ses responsabilités et lui fait payer le prix de ses propres erreurs
De sa condamnation,article 21 de l'ordonnance du 26 décembre 1944, découle son exclusionnote 12 automatique de l'Académie française, l'ordonnance prévoit l'exclusion de l'Institut. Conformément à la loi, l'Académie déclare vacant le siège de Maurras lors de la séance du 1er février 1945, mais, selon la décision du secrétaire perpétuel Georges Duhamel, ne procède pas au vote de radiation. L’Académie décida de ne procéder à l'élection du remplaçant de Maurras qu'après son décès, ce qui ne sera pas le cas pour les académiciens collaborationnistes comme Abel Bonnard et Abel Hermant, remplacés de leur vivant.

L'après Seconde Guerre mondiale

Entre 1945 et 1952, Charles Maurras publia quelques-uns de ses textes les plus importants. Bien qu'affaibli, il collabore sous le pseudonyme d'Octave Martin à Aspects de la France, journal fondé par des maurrassiens en 1947, à la suite de l'interdiction de l'Action française. Il dénonce l'épuration et s'en prend particulièrement à François de Menthon, pour avoir été le ministre de la Justice du Gouvernement provisoire de la République française188. Ses dernières années, passées en grande partie à la prison de Clairvaux, furent aussi l'occasion d'une introspection sur la question de la Résistance ou du traitement infligé aux Juifs pendant la guerre.
Ainsi, en 1948, il fait part de son admiration pour l'épopée Leclerc et pour les belles pages du maquis et reconnaît une erreur dont il a conscience et tente d'excuser : il n'a pas su distinguer dans l'ensemble de la Résistance et son incapacité à voir clair découlerait alors de l'obsession de la mort de la France, crispation défensive qui lui fit ignorer les perspectives — minces au début, puis plus larges — d'une victoire possible.
Tout en continuant d'affirmer la nécessité d'un antisémitisme d'État du fait que les Juifs possèderaient une nationalité propre qu'il reconnaît glorieuse mais différente de la française, il s'oppose à Maurice Bardèche sur le drame de la déportation : Français ou non, bons ou mauvais habitants de la France, les Juifs déportés par l'Allemagne étaient pourtant sujets ou hôtes de l'État français, et l'Allemagne ne pouvait pas toucher à eux sans nous toucher ; la fierté, la justice, la souveraineté de la France devaient étendre sur eux une main protectrice.
Le 10 août 1951, Charles Maurras est transféré à l’hôtel-Dieu de Troyes. Il publie peu après plusieurs ouvrages : Jarres de Biot – où il redit sa fidélité au fédéralisme, revendiquant même la qualité de plus ancien fédéraliste de France.
Le 21 mars 1952, bénéficiant d'une grâce médicale accordée par le président de la République Vincent Auriol, grâce réclamée maintes fois par l'écrivain Henry Bordeaux, auprès du président, par divers courriers, Charles Maurras est transféré à la clinique Saint-Grégoire de Saint-Symphorien-lès-Tours. Quelques mois avant sa mort, Maurras écrivait qu’il n’avait pas fait un pas dans la direction des choses éternelles ; les théologiens qui l’entouraient ne cessaient d’espérer un signe de conversion, mais Maurras était las de cet empressement et souhaitait qu’on mît fin à cette volonté obstinée de donner à boire à un âne qui n’a plus soif. Cependant, il meurt le 16 novembre 1952, après avoir reçu les derniers sacrements et plusieurs témoins ont attesté de la profondeur de sa conversion à l'article de la mort.

Idées politique Maurrassisme.

La principale originalité de Maurras réside dans le fait qu’il a réalisé avec toutes les apparences de la rigueur la plus absolue, l’amalgame de deux tendances jusqu’alors bien distinctes : le traditionalisme contre-révolutionnaire et le nationalisme. Ses travaux ont particulièrement marqué la droite française, incluant l'extrême droite, succès dû au fait qu'il parvint à théoriser un très grand nombre des idées politiques défendues par les différentes familles politiques de droite en une seule et unique doctrine cohérente en apparence. Trois autres raisons sont mises en avant pour expliquer le rayonnement du nationalisme intégral:
Le nationalisme intégral se présente comme un ensemble parfaitement cohérent ; c'est avec le marxisme la seule doctrine s’offrant aux esprits soucieux de rigueur et ennemis de l’opportunisme ; d'après l'historien Alain-Gérard Slama, l'efficacité de Maurras tient justement dans le rassemblement intellectuellement ordonné d'idées provenant de divers courants de droite alors que les familles politiques de droite étaient jusqu'alors caractérisées par leur seule opposition à la gauche ;
Le nationalisme intégral est une doctrine d’opposition radicale qui peut séduire ceux qui éprouvent un profond dégoût pour le monde dans lequel ils sont condamnés à vivre ;
Le nationalisme intégral est défendu par des revues de grande qualité sur le plan intellectuel ; l'incontestable qualité littéraire de L'Action française, son intérêt apporté au cinéma, la densité, la liberté de ton et de goût de ses pages critiques, la confiance faite à de très jeunes gens comme Boutang, Maulnier, Brasillach contribuent au succès d'un quotidien dont Marcel Proust disait en 1920 qu’il lui était impossible d’en lire un autre.

La politique naturelle

Charles Maurras est le fondateur du nationalisme positiviste. Au sentimentalisme barrésien s'oppose le positivisme maurrassien. Le martéga considère la politique comme une science. Sa politique naturelle se veut une politique scientifique, fondée sur le réel, objectivement observable et descriptible, c'est-à-dire une politique fondée sur la biologie et sur l'histoire. Pour Maurras comme pour tous les théoriciens de la contre-Révolution, Burke, Maistre, Ernest Taine, la nature se confond avec l'histoire. Lorsqu'il écrit que les sociétés sont des faits de nature et de nécessité , il veut dire qu'il faut se conformer aux leçons de l'histoire : Notre maîtresse en politique c'est l'expérience.
De telles affirmations ne sont pas neuves mais ce qui distingue Maurras de Maistre et des théocrates sur ce plan, c'est le recours à la biologie ; ici se manifeste l'influence du comtisme et du darwinisme. Un des développements de Mes idées politiques est intitulé De la biologie à la politique. Si Maurras préconise le recours à la monarchie, ce n'est nullement parce qu'il croit au droit divin des rois. Il ne prend pas en compte cet argument théologique et prétend ne recourir qu'à des arguments scientifiques : la biologie moderne a découvert la sélection naturelle, c'est donc que la démocratie égalitaire est condamnée par la science ; les théories transformistes mettent au premier plan le principe de continuité : quel régime mieux que la monarchie peut incarner la continuité nationale ?
Pour Maurras, l'État est menacé de perdre l'indépendance de son pouvoir de décision et de son arbitrage ; il lui manque d'être ab-solutus, sans lien de dépendance avec des partis qui tendent à compromettre le service qu'il doit rendre à l'ensemble de la nation et non à l'une ou l'autre de ses composantes. Sa conception du bien commun et de la raison d'État doit aussi à une certaine lecture de saint Thomas d'Aquin et de l'encyclique diuturnum que ses maîtres d'Aix avaient publié dans La Semaine religieuse et ainsi commentée : une société ne peut exister ni être conçue sans qu'il y ait quelqu'un pour modérer les volontés de chacun de façon à ramener la pluralité à une sorte d'unité, et pour leur donner l'impulsion, selon le droit et l'ordre, vers le bien commun.
D'où la position centrale du nationalisme intégral dans ses idées politiques. Celles-ci sont les bases de son soutien tant au royalisme français qu'à l'Église catholique et au Vatican. Cependant, il n'avait aucune loyauté personnelle envers la maison d'Orléans, et était un agnostique convaincu, jusqu'au retour au catholicisme à la fin de sa vie.

Inégalité, justice et démocratie

Dans l'avant-propos de son ouvrage Mes idées politiques, Charles Maurras entend définir le domaine au sein duquel la notion de justice a un sens car pour lui de nombreuses erreurs politiques procèdent d'une extension abusive de ce domaine : L'erreur est de parler justice qui est vertu ou discipline des volontés, à propos de ces arrangements qui sont supérieurs ou inférieurs à toute convention volontaire des hommes. Quand le portefaix de la chanson marseillaise se plaint de n'être pas sorti des braies d'un négociant ou d'un baron, sur qui va peser son reproche ? À qui peut aller son grief ? Dieu est trop haut, et la Nature indifférente. Le même garçon aurait raison de se plaindre de n'avoir pas reçu le dû de son travail ou de subir quelque loi qui l'en dépouille ou qui l'empêche de le gagner. Telle est la zone où ce grand nom de justice a un sens.
Pour Maurras, l'inégalité peut être bienfaisante en ce qu'elle permet une répartition protectrice des rôles et il doit s'agir pour l'État non soumis à la démagogie de les organiser au bénéfice de tous ; il est vain de vouloir supprimer les inégalités, cela est même dangereux du fait des effets secondaires pires que le mal que l'on prétend résoudre : Les iniquités à poursuivre, à châtier, à réprimer, sont fabriquées par la main de l'homme, et c'est sur elles que s'exerce le rôle normal d'un État politique dans une société qu'il veut juste. Et, bien qu'il ait, certes, lui, État, à observer les devoirs de la justice dans l'exercice de chacune de ses fonctions, ce n'est point par justice, mais en raison d'autres obligations qu'il doit viser, dans la faible mesure de ses pouvoirs, à modérer et à régler le jeu des forces individuelles ou collectives qui lui sont confiées. Mais il ne peut gérer l'intérêt public qu'à la condition d'utiliser avec une passion lucide les ressorts variés de la nature sociale, tels qu'ils sont, tels qu'ils jouent, tels qu'ils rendent service. L'État doit se garder de prétendre à la tâche impossible de les réviser et de les changer ; c'est un mauvais prétexte que la justice sociale : elle est le petit nom de l'égalité. L'État politique doit éviter de s'attaquer aux infrastructures de l'état social qu'il ne peut pas atteindre et qu'il n'atteindra pas, mais contre lesquelles ses entreprises imbéciles peuvent causer de généreuses blessures à ses sujets et à lui-même. Les griefs imaginaires élevés, au nom de l'égalité, contre une Nature des choses parfaitement irresponsable ont l'effet régulier de faire perdre de vue les torts, réels ceux-là, de responsables criminels : pillards, escrocs et flibustiers, qui sont les profiteurs de toutes les révolutions. … Quant aux biens imaginaires attendus de l'Égalité, ils feront souffrir tout le monde. La démocratie, en les promettant, ne parvient qu'à priver injustement le corps social des biens réels qui sortiraient, je ne dis pas du libre jeu, mais du bon usage des inégalités naturelles pour le profit et pour le progrès de chacun.
Maurras voit dans la république démocratique un régime démesuré où la démagogie égalitaire inspirée par une fausse conception de la justice fragilise les murailles de la cité et finit par emporter les degrés de la civilisation. Dans la démocratie, Maurras discerne un régime entropique d’élimination de la polis à laquelle se substitue une société amorphe d'individus égaux et épars, point sur lequel il rejoint Tocqueville. Prise en fait la démocratie c'est le mal, la démocratie c'est la mort. Le gouvernement du nombre tend à la désorganisation du pays. Il détruit par nécessité tout ce qui le tempère, tout ce qui diffère de soir : religion, famille, tradition, classes, organisation de tout genre. Toute démocratie isole et étiole l'individu, développe l’État au-delà de la sphère qui est propre à l’État. Mais dans la Sphère où l’État devrait être roi, elle lui enlève le ressort, l'énergie, même l’existence. … Nous n'avons plus d’État, nous n'avons que des administrations.
Maurras ne rejette pas le suffrage universel, il invite ses lecteurs à ne pas être des émigrés de l'intérieur et à jouer le rôle des institutions et du suffrage universel qu’il s’agit non de supprimer mais de le rendre exact et utile en en changeant la compétence : ne pas diriger la nation mais la représenter. Abolir la République au sommet de l’État et l’établir où elle n’est pas, dans les états professionnels, municipaux et régionaux. Maurras demande à ses lecteurs de jouer au maximum le jeu des institutions, il faut voter à toutes les élections : le mot d'ordre est celui du moindre mal.

Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=5307#forumpost5307

Posté le : 20/04/2014 00:55
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Charles Maurras partie 3
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le nationalisme maurrassien

Le nationalisme maurrassien se veut contre-révolutionnaire, rationnel, réaliste, germanophobe, non ethniciste et conforme à la conception française de la nation.
Le nationalisme de Charles Maurras contrairement à celui de Péguy qui assume l'ensemble de la tradition française, ou à celui de Barrès qui ne récuse pas l'héritage de la Révolution, rejette l'héritage de 1789. Son nationalisme intégral rejetait tout principe démocratique qu'il jugeait contraire à l’inégalité protectrice, et critiquait les conséquences de la Révolution française : il prônait le retour à une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée. Le nationalisme de Maurras se veut intégral en ce que la monarchie fait partie selon lui de l'essence de la nation et de la tradition françaises. Maurras rejette le nationalisme de Paul Déroulède et son égalitarisme mystique, ancré sur les images de l'An II et 1848. Le royalisme est le nationalisme intégral car sans roi, tout ce que veulent conserver les nationalistes s'affaiblira d'abord et périra ensuite.
En contraste également avec Maurice Barrès, théoricien d'une sorte de nationalisme romantique basé sur l'ego, Maurras prétendait baser sa conception du nationalisme sur la raison plus que sur les sentiments, sur la loyauté et sur la foi. Mais Maurras exaltera la pensée de Maurice Barrès en ce que celle-ci est le fruit d'une évolution profonde ; partant des doutes et des confusions du moi, elle prit peu à peu conscience de la nation, de la tradition et de la sociabilité, qui la déterminent et l'élèvent : le culte du moi aboutit à une piété du nous.
La nation est pour Maurras une réalité avant d'être une idée ; il s'agit de dissocier le mot nation de son acception révolutionnaire : L'idée de nation n'est pas une nuée ; elle est la représentation en termes abstrait d'une forte réalité. La nation est le plus vaste des cercles communautaires qui soient au temporel solides et complets. Brisez-le et vous dénudez l'individu. Il perdra toute sa défense, tous ses appuis tous ses concours.
Le nationalisme de Charles Maurras est fondamentalement germanophobe ; Maurras, comme Fustel de Coulanges, était très hostile à l'idée de l'origine franque de la noblesse française et à la tendance à écrire l'histoire de France selon la méthode allemande208. La méfiance à l'égard de l'Allemagne se traduit par une vigilance sur la politique de ce pays ; Walter Benjamin note à cet égard que l’orientation de l’Action française lui semble finalement la seule qui permette sans s’abêtir, de scruter les détails de la politique allemande.
Cette hostilité à l'Allemagne induit une méfiance à l'égard de tout ce qui peut détourner la France de la Revanche ; en particulier, Maurras est opposé aux conquêtes coloniales de la Troisième république ; le nationalisme maurrassien n'est pas impérialiste et Maurras se décrira à Barrès, comme un vieil adversaire de la politique coloniale.
Par ailleurs, le nationalisme maurrassien n'est pas antibritannique ; Maurras s'inquiète ainsi de l'antibritannisme qui pourrait détourner de la Revanche. Maurras admire l'élan vital de l'Angleterre qui concilie sagement le cosmopolitisme et le mieux défendu des nationalismes. Il rappelle son goût ancien et très vif pour Shakespeare qu'en 1890, il avait nommé un grand Italien, tant son œuvre est selon lui mue par la tradition latine et par Machiavel. Le peuple anglais lui apporte une image de ce que les Français ne sont plus, fiers dans leur roi d'être ce qu'ils sont : C'est qu'en Angleterre les choses sont à leur place.
La théorie nationale de Maurras rejette le messianisme et l'ethnicisme que l'on retrouve chez les nationalistes allemands héritiers de Fichte. La nation qu'il décrit correspond à l'acception politique et historique de Renan dans Qu'est-ce qu'une nation ?, aux hiérarchies vivantes que Taine décrit dans Les Origines de la France contemporaine, aux amitiés décrites par Bossuet.
Le nationalisme maurrassien se veut un réalisme opposé aux idéalismes naïfs et utopies internationalistes qui par leur irréalisme sont des pourvoyeurs de cimetières.
Le nationalisme d'Action française est à la fois militariste, c'est-à-dire pour le renforcement permanent de l'armée afin que dans l'éventualité d'une guerre, la nation soit victorieuse et souffre le moins possible, mais pacifiste, c'est-à-dire qu'économe du sang français, elle ne prône la guerre que si la France est en position de l'emporter et pour éviter un péril grave pour elle. L'Action française ne sera pas favorable au déclenchement des hostilités, ni en 1914, ni en 1939, la France n'étant pas prête pour gagner selon elle ; en revanche, elle prônera une intervention militaire en 1936 contre l'Allemagne afin d'empêcher qu'elle ne devienne dangereuse et conquérante. Pour l'Action française, ce ne sont pas les nationalisme qui sont fauteurs de guerre mais les impérialismes.

Le royalisme maurrassien

Maurras entend dépasser le nationalisme, doctrine rendue nécessaire par les temps, en l'ouvrant à ce qui théoriquement ne procède pas d'un parti, à ce qui seul peut décrire l'unité politique d'une nation, au-dessus des opinions : le principe royal. On ne restaure la monarchie non pour elle-même mais pour ce qu'elle peut apporter à la nation. La conclusion de Maurras est le nationalisme intégral, c’est-à-dire la monarchie : sans la monarchie, la nation périra. Le fameux politique d’abord ne signifie pas que l’économie a moins d’importance que la politique, mais qu’il faut commencer par réformer les institutions : Ne pas se tromper sur le sens de politique d’abord. L’économie est plus importante que la politique. Elle doit donc venir après la politique, comme la fin vient après le moyen. La monarchie selon Maurras est traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée.
Les deux caractères, traditionnelle et héréditaire, résultent immédiatement de la politique naturelle. Tradition veut dire transmission, transmission d’un héritage. Maurras parle du devoir d’héritier ainsi que du devoir de léguer et de tester. Il souligne les bienfaits de l’institution parentale : Les seuls gouvernements qui vivent longuement, écrit-il dans la préface de Mes idées politiques, les seuls qui soient prospères, sont, toujours et partout, publiquement fondés sur la forte prépondérance déférée à l’institution parentale. Il est partisan d’une noblesse héréditaire, il conseille aux fils de diplomates d’être diplomate, aux fils de commerçants d’être commerçant, etc. La mobilité sociale lui paraît provoquer une déperdition du rendement humain, expression dont il se sert dans L’Enquête sur la Monarchie. Pour Maurras, le gouvernement légitime, le bon gouvernement c’est celui qui fait ce qu’il a à faire, celui qui fait le bien, celui qui réussit l’œuvre du bien public. Sa légitimité se vérifie à son utilité. Or, le souci vigilant de l’intérêt public est selon lui cruellement dispersé dans la démocratie alors qu'en monarchie il est rassemblé dans la personne du souverain : Ce que le prince aura de cœur et d’âme, ce qu’aura d’esprit, grand, petit ou moyen, offrira un point de concentration à la conscience publique : le mélange d’égoïsme innocent et d’altruisme spontané inhérent aux réactions d’une conscience de roi, ce que Bossuet nomme son patriotisme inné, se confondra psychologiquement avec l’exercice moral de des devoirs d’État : le possesseur de la couronne héréditaire en est aussi le serf, il y est attaché comme à une glèbe sublime qu’il lui faut labourer pour vivre et pour durer.La nation a intérêt à être dirigé par un dirigeant dont les intérêts coïncident avec les siens et dont l'égoïsme privé devient une vertu publique. L'égoïsme des politiciens tend à s'identifier avec celui des partis, celui du Roi tend à s'identifier avec celui de la Patrie.
La doctrine de Maurras est antidémocratique et antiparlementaire. Sur ce thème, il affirme que l'histoire prouve qu’une république fondée sur les aléas de la démocratie parlementaire est incapable d’avoir une politique étrangère cohérente dans la durée ou du moins d’avoir les moyens de sa politique : les intérêts à court terme des partis passent avant les intérêts à long terme de la patrie. Il s’en prend au respect du nombre et au mythe de l’égalité devant la loi, l’inégalité est pour lui naturelle et bienfaisante, au principe de l’élection, contrairement à ce que croient les démocrates, le suffrage universel est conservateur , au culte de l’individualisme. Il dénonce le panjurisme démocratique, qui ne tient aucun compte des réalités. Il attaque avec une particulière violence les instituteurs, les Juifs, les démocrates chrétiens. Il affirme qu’il n’y a pas un Progrès mais des progrès, pas une Liberté mais des libertés : Qu’est-ce donc qu’une liberté ? - Un pouvoir. D’autre part Maurras déteste le règne de l’argent, non pas les financiers et les capitalistes en tant que tels, mais l'influence illégitime qu'ils peuvent chercher à exercer sur l'État. Il souligne les liens entre démocratie et capitalisme ; son traditionalisme est opposé au pouvoir exclusif de la bourgeoisie ; sur ce point, il est d’accord avec Péguy et sa doctrine est en harmonie avec les sentiments des hobereaux plus ou moins ruinés qui constituaient souvent les cadres locaux de L’Action française.
Maurras est un adversaire de la centralisation napoléonienne. Il estime en effet que cette centralisation, qui a pour conséquence l’étatisme et la bureaucratie rejoignant ainsi les idées de Proudhon), est inhérente au régime démocratique. Il affirme que les républiques ne durent que par la centralisation, seules les monarchies étant assez fortes pour décentraliser. Maurras dénonce l'utilisation insidieuse du mot décentralisation par l'État, qui lui permet de déconcentrer son pouvoir tout en se donnant un prestige de liberté : à quoi bon créer des universités en province si l'État central les commande entièrement. Comme Maurice Barrès, Charles Maurras exalte la vie locale comme la condition même du fait politique et du civisme, annihilée ou atrophiée par la centralisation : c'est par le biais décentralisateur et fédéraliste, par la défense des traditions locales que doit s'effectuer le passage d'un nationalisme jacobin, égalitaire et étatiste, à un nationalisme historique et patrimonial appuyé sur les diversités de la nation française, hostile à l'emprise de l'État central : Il n'est guère enviable d'être mené comme un troupeau, à coup de règlements généraux, de circulaires contradictoires, ni d'être une organisation toute militaire. Pour Maurras, il faut refonder l'État, un État véritable : l'État redevenu la Fédération des régions autonomes, la région, la province redevenues une Fédération de communes ; et le commune, enfin, premier centre et berceau de la vie sociale. Pour Maurras, il ne s'agit pas de faire revivre les anciennes provinces de l'Ancien Régime car leur découpage a varié d'un siècle par l'effet des traités, des donations, des mariages, des coutumes du droit féodal à l'autre mais de réfléchir au projet de création régions épousant les désirs de la nature, ses vœux, ses tendances. Décentralisation territoriale sans doute, mais aussi et surtout décentralisation professionnelle, c’est-à-dire corporatisme : il faut redonner une vie nouvelle aux corps de métier, à toutes ces communautés naturelles dont l’ensemble forme une nation.
Charles Maurras est hostile à l'influence politique sur le royalisme du romantisme dans lequel il voit une manifestation d'un esprit incompatible au génie gréco-latin, à l'esprit d'ordre et de clarté qui soit selon lui animer l'esprit français. Il s'en prend en particulier à Chateaubriand dont la pensée ne constitue pas pour les royalistes français un appui solide ; il ne méconnaît pas le génie littéraire de l'homme mais il perçoit que Chateaubriand n'aime la monarchie qu'au passé : Chateaubriand n'a jamais cherché dans la mort et dans le passé, le transmissible, le fécond, le traditionnel, l'éternel : mais le passé, comme passé, et la mort, comme mort, furent ses uniques plaisirs. Il a habitué ses lecteurs à l'idée que la monarchie aussi belle qu'elle soit, n'était au fond qu'un beau souvenir, sans voir ce qu'elle pourrait apporter dans le futur.

Critique de la Révolution française et de ses sources

Charles Maurras était hanté par l'idée de décadence, partiellement inspirée par ses lectures d'Hippolyte Taine et d'Ernest Renan. Comme ses derniers, il pensait ainsi que la décadence de la France trouvait son origine dans la Révolution de 1789 ; la Révolution française, écrivait-il dans L’Observateur, était objectivement négative et destructive par les massacres, les guerres, la terreur, l'instabilité politique, le désordre international, la destruction du patrimoine artistique et culturel dont elle fut la cause.
L'origine de la Révolution se trouve selon lui dans les Lumières et à la Réforme ; il décrivait la source du mal comme étant des idées suisses, une référence à la nation adoptive de Calvin et la patrie de Jean-Jacques Rousseau. Ce dernier incarnait la rupture avec le classicisme que Maurras considérait comme l'expression du génie grec et latin, ce qui se ressent nettement dans ses recueils de poèmes, notamment La Musique intérieure et La Balance intérieure. La critique du protestantisme est thème récurrents de ses écrits : ainsi quand il définit la notion de Civilisation et son principe dans ses Œuvres Capitales, il affirme que la Réforme a eu pour effet le recul de la Civilisation. Il ajoutait que la Révolution n'était que l'œuvre de la Réforme en ce que l'esprit protestant symbolise selon lui l'individualisme exacerbé, destructeur du lien social et politique, tel qu'Auguste Comte le décrit et le condamne. Il y aura toutefois une composante protestante à l'Action française dont Jacques Delebecque et Henri Boegner sont les plus connus. Maurras tempèrera son antiprotestantisme par la suite et se livrera à la mort du géographe protestant Onésime Reclus à son panégyrique, regrettant sa rencontre manquée avec lui.
Pour Maurras, la Révolution française avait contribué à instaurer le règne de l'étranger et de l'Anti-France, qu'il définissait comme les quatre États confédérés des Protestants, Juifs, Francs-maçons, et métèques. En effet, pour lui, Protestants, Juifs et Francs-maçons étaient comme des étrangers internes dont les intérêts en tant que communautés influentes ne coïncidaient pas avec ceux de la France.
La pensée de Maurras est également caractérisée par un militantisme antimaçonnique. À propos de la franc-maçonnerie, il écrit dans son Dictionnaire politique et critique : Si la franc-maçonnerie était jadis un esprit, d’ailleurs absurde, une pensée, d’ailleurs erronée, une propagande, d’ailleurs funeste, pour un corps d’idées désintéressées ; n’est aujourd'hui plus animé ni soutenu que par la communauté des ambitions grégaires et des appétits individuels..
Maurras pensait ainsi que la Réforme, les Lumières, et la Révolution française ont eu pour effet l'invasion de la philosophie individualiste dans la cité françaisenote 15. Les citoyens la composant se préoccupant, d'après Maurras, avant tout de leur sort personnel avant de s'émouvoir de l'intérêt commun, celui de la nation. Il croyait alors que cette préoccupation individualiste et antinationale était la cause d'effets indésirables sur la France ; la démocratie et le libéralisme ne faisant qu'empirer les choses.
Différences avec les traditions orléaniste et légitimiste

Même si Maurras prônait un retour à la monarchie, par bien des aspects son royalisme ne correspondait pas à la tradition monarchiste française orléaniste, ou à la critique de la Révolution de type légitimiste. Son antiparlementarisme l'éloignait de l'orléanisme et son soutien à la monarchie et au catholicisme étaient explicitement pragmatiques et non fondés sur une conception providentialiste ou religieuse caractéristique du légitimisme.
L'hostilité de Maurras à la Révolution se combinait avec une admiration pour le philosophe positiviste Auguste Comte dans laquelle il trouvait une contre-balance à l'idéalisme allemand et qui l'éloignait de la tradition légitimiste. Du comtisme, Maurras ne retient ni la théorie des trois âges, ni la religion du Grand Être, ni la filiation avec l'athéisme philosophique mais l'idée que l’Église catholique a joué un rôle bénéfique pour la civilisation, la société et l'homme indépendamment de l'affirmation personnelle de foi. Contrairement au royalisme légitimiste qui met en avant la providence divine, Maurras se borne à vouloir chercher les lois de l'évolution des sociétés et non ses causes premières qu'il ne prétend pas identifier.
Certaines intuitions de Maurras à propos du langage annoncent le structuralisme et se détachent de toute recherche métaphysique : Ce qui pense en nous, avant nous, c'est le langage humain, qui est, non notre œuvre personnelle, mais l'œuvre de l'humanité, c'est aussi la raison humaine, qui nous a précédés, qui nous entoure et nous devance.
D'autres influences incluant Frédéric Le Play lui permirent d'associer rationalisme et empirisme, pour aboutir au concept d'empirisme organisateur principe politique monarchique permettant de sauvegarder ce qu'il y a de meilleur dans le passé.
Alors que les légitimistes rechignaient à s'engager vraiment dans l'action politique, se retranchant dans un conservatisme catholique intransigeant et une indifférence à l'égard du monde moderne considéré comme mauvais du fait de sa contamination par l'esprit révolutionnaire, Maurras était préparé à s'engager entièrement dans l'action politique, par des manières autant orthodoxes que non orthodoxes les Camelots du roi de l'Action française étaient fréquemment impliqués dans des bagarres de rue contre des opposants de gauche, tout comme les membres du Sillon de Marc Sangnier. Sa devise était politique d'abord.

Politique sociale

En dépit de l'appui mesuré et prudent qu'il donna au Cercle Proudhon, cercle d'intellectuels divers et indépendants, Charles Maurras défendit une politique sociale plus proche de celle de René de La Tour du Pin ; Maurras ne fait pas comme Georges Sorel et Édouard Berth le procès systématique de la bourgeoisie où il voit un appui possible. À la lutte des classes, Maurras préfère opposer comme en Angleterre, une forme de solidarité nationale dont le roi peut constituer la clef de voûte.
À l'opposé d'une politique de masse, il aspire à l'épanouissement de corps intermédiaires librement organisés et non étatiques, l'égoïsme de chacun tournant au bénéfice de tous. Les thèmes sociaux que traite Charles Maurras sont en concordance avec le catholicisme social et avec le magistère de l’Église tout en relevant également d'une stratégie politique pour arracher à la gauche son emprise sur la classe ouvrière.
Comme l'Action française, le cercle Proudhon est décentralisateur et fédéraliste, et insiste sur le rôle de la raison et de l'empirisme ; il se trouve loin de l'irrationalisme, du jeunisme du populisme, de l'intégration des masses dans la vie nationale qui caractériseront par exemple les ambitions du fascisme italien, gonflé par les conséquences sociales de la guerre. Charles Maurras veilla cependant à ce que le cercle Proudhon ne soit pas intégré à l'Action française : il rejetait en effet le juridisme contractualiste de Proudhon, qui représente pour lui un point de départ plutôt qu'une conclusion : Je ne dirai jamais : lisez Proudhon à qui a débuté par la doctrine réaliste et traditionnelle, mais je n'hésiterai pas à donner ce conseil à quiconque ayant connu les nuées de l'économie libérale ou collectiviste, ayant posé en termes juridiques ou métaphysiques le problème de la structure sociale, a besoin de retrouver les choses vivantes sous les signes sophistiqués ou sophistiqueurs ! Il y a dans Proudhon un fort goût des réalités qui peut éclairer bien des hommes.

Antisémitisme d'État

Charles Maurras hérite de la pensée de La Tour du Pin le principe de la lutte contre les États dans l'État et il l'applique à ce qu'il appelle les quatre États confédérés juif, protestant, franc-maçon et métèque étranger, expression qu'il reprend cependant à Henri Vaugeois qui l'utilise en juin 1899 ; Maurras souhaite que l'État ne soit plus soumis à l'influence de ces quatre États confédérés qui défendent leur intérêt et non celui de la nation. Contre l’hérédité de sang juif, il faut l’hérédité de naissance française, et ramassée, concentrée, signifiée dans une race, la plus vieille, la plus glorieuse et la plus active possible. … Décentralisée contre le métèque, antiparlementaire contre le maçon, traditionnelle contre les influences protestantes, héréditaire enfin contre la race juive, la monarchie se définit, on le voit bien, par les besoins du pays. Nous nous sommes formés en carré parce qu’on attaquait la patrie de quatre côtés.
Le problème juif est pour Maurras que l'intérêt juif rentre fatalement en concurrence avec l'intérêt français » et que si la France dans un régime fédéraliste peut être une fédération de peuples autonomes dans le cadre des provinces, il ne peut en être autrement des Juifs qui n'ont pas de sol à eux en France et qui en possèdent de droit un hors de France en Palestine. Chaque ligueur de l'Action française devait prêter un serment disant notamment : Seule, la Monarchie assure le salut public et, répondant de l’ordre, prévient les maux publics que l’antisémitisme et le nationalisme dénoncent. Selon Laurent Joly, la lutte antijuive est au cœur du combat contre la République. Jusque-là, l’AF était une association d’intellectuels qui se réunissaient au café de Flore et lançaient leurs mots d'ordre dans une revue paraissant tous les quinze jours. Dorénavant, le mouvement dispose de troupes préparées à l'agitation et au coup de poing. La doctrine est fixée, la stratégie également : ces combats prendront pour cible privilégiée les Juifs.
De fait, le discours antisémite n'est au moment de la naissance de l'Action française pas l'apanage des courants de pensée réactionnaires ou nationalistes ; François Huguenin, analysant l’antisémitisme de Maurras, rappelle que Voltaire évoqua Le plus abominable peuple de la Terre, que Marx développa dans La Question juive et Le Capital un antisémitisme farouche ; il affirme que Jaurès et Clemenceau auront contre les Juifs des formules que jamais Maurras n'osera.
Maurras n'écrira pas de livre spécifique sur la question juive mais dénoncera régulièrement l'influence juive en recourant à la violence verbale qui caractérise son style polémique, courante à son époque et qui touchait autant les non-Juifs. Ainsi, il déploya, avec ses principaux collaborateurs, une grande virulence, allant régulièrement jusqu'à la menace de mort explicite. Maurras publia ainsi une lettre ouverte à Abraham Schrameck, ministre de l'Intérieur, en 1925, après l'assassinat de plusieurs dirigeants de l'Action française comme Marius Plateau : Ce serait sans haine et sans crainte que je donnerais l'ordre de répandre votre sang de chien si vous abusiez du pouvoir public pour répandre du sang français répandu sous les balles et les couteaux des bandits de Moscou que vous aimez , ce qui lui valut d'être condamné pour menace de mort. Il récivide en 1935 et 1936 contre Léon Blum, avant comme après la nomination de celui-ci à la présidence du Conseil :
Ce Juif allemand naturalisé, ou fils de naturalisé la famille Blum était française de plein droit depuis 1791, qui disait aux Français en pleine Chambre qu’il les haïssait [Blum n'a jamais dit cela, n’est pas à traiter comme une personne naturelle. C’est un monstre de la République démocratique. Et c’est un hircocerf de la dialectique heimatlos. Détritus humain à traiter comme tel… L’heure est assez tragique pour comporter la réunion d’une cour martiale qui ne saurait fléchir. M. Reibel demande la peine de mort pour les espions. Est-elle imméritée pour les traîtres ? Vous me direz qu’un traître doit être de notre pays : M. Blum en est-il ? Il suffit qu’il ait usurpé notre nationalité pour la décomposer et la démembrer. Cet acte de volonté, pire qu’un acte de naissance, aggrave son cas. C’est un homme à fusiller, mais dans le dos.
C'est en tant que Juif qu'il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre le Blum. Ce dernier verbe paraîtra un peu fort de café : je me hâte d'ajouter qu'il ne faudra abattre physiquement Blum que le jour où sa politique nous aura amené la guerre impie qu'il rêve contre nos compagnons d'armes italiens. Ce jour-là, il est vrai, il ne faudra pas le manquer.
Certes, Maurras ne réservait pas, dans le deuxième cas, sa menace au seul Léon Blum mais contre l'ensemble des parlementaires partisans de sanction contre l'Italie fasciste, qui avait envahi l'Éthiopie, en violation de la charte de la Société des Nations ; mais, outre que seul Léon Blum fut victime d'une agression physique par des maurrassiens, en février 1936, du 6 au 21 juin 1936, au moins sept manchettes de L'Action française sont des attaques antisémites visant le gouvernement de Front populaire. De même, après l'attaque verbale de Xavier Vallat contre Léon Blum, ce fut essentiellement la presse d'Action française, Maurras en tête, qui fit de la surenchère antisémite. Déjà, en 1911, la plupart des articles publiés par Maurras cette année-là contenaient des attaques antisémites et une vingtaine étaient spécifiquement consacrés à la question juive. En 1938 que l'antisémitisme de Maurras franchit un palier lorsqu'il écrit : Le Juif veut votre peau. Vous ne la lui donnerez pas ! Mais nous l’engageons à prendre garde à la sienne, s’il lui arrive de nous faire accéder au massacre universel.

L'antisémitisme d'État de Maurras occupe cependant une place modeste dans son œuvre selon Léon Poliakov qui évoque les bons Juifs qu'avait distingués Maurras par leur engagement dans la Grande Guerre, comme Pierre David et René Groos, Juif d'Action française, pour qui la Monarchie, par le recours au Roi justicier et conciliateur, peut seule résoudre le problème juif. Pour François Huguenin, il n'y a pas chez Maurras, ni dans l'ensemble de la rédaction de L'Action française, une plus grande hostilité à la communauté juive qu'aux protestants, et qui sous-tendrait un racisme fondamental. Inversement, pour Laurent Joly, Chez Charles Maurras, la haine du Juif occupe une place prépondérante tant dans son univers mental que dans la construction politique qu’il a élaborée. Et il est exagéré de mettre, comme on le fait souvent, son antisémitisme sur le même plan que ses sentiments à l’égard des protestants et des francs-maçons, et de ne le considérer que comme une conséquence de son idéologie antilibérale et monarchiste. Habituellement virulent contre ses adversaires politiques, Maurras peut modérer son point de vue vis-à-vis des protestants, comme les Monod par exemple. Il ne manifestera jamais la même clémence à l’égard d’un Juif. Ce dernier peut rendre des services à la nation, il ne sera jamais un vrai Français. Laurent Joly s'appuie en particulier sur deux citations de Maurras. L'une à propos des protestants : Nous n’attaquons pas les protestants ; nous nous défendons contre eux, ce qui n’est pas la même chose. Nous n’avons jamais demandé d’exclure les protestants de l’unité française, nous ne leur avons jamais promis le statut des Juifs. L'autre à propos des francs-maçons et des protestants à la fois : Nous en avons à leur gouvernement et à leur tyrannie, non à leur existence, contrairement aux Juifs. S. Giocanti argue que Charles Maurras eut des propos positifs sur des politiciens juifs comme Benjamin Disraeli, mais Disraeli s'était converti au christianisme.
Charles Maurras est conscient du problème éthique posé par l'antisémitisme biologique : en 1937, il affirme : L'antisémitisme est un mal, si l'on entend par là cet antisémitisme de peau qui aboutit au pogrom et qui refuse de considérer dans le Juif une créature humaine pétrie de bien et de mal, dans laquelle le bien peut dominer. On ne me fera pas démordre d'une amitié naturelle pour les Juifs bien nés. Lors de la promulgation du statut des Juifs, Charles Maurras insistera sur cette distinction entre l'antisémitisme de peau et l’antisémitisme d'État ; Maurras condamne l'antisémitisme racial et biologique et affirme que l'État ne doit en vouloir ni à la foi religieuse des Israélites, ni à leur sang, ni à leur bien. En 1941, il réaffirme la spécificité de son antisémitisme d'État : On pose bien mal la question. Il ne s'agit pas de flétrir une race. Il s'agit de garder un peuple, le peuple français, du voisinage d'une peuple, qui, d'ensemble, vit en lui comme un corps distinct de lui …. Le sang juif alors ? Non. Ce n'est pas quelque chose d'essentiellement physique. C'est l'état historique d'un membre du peuple juif, le fait d'avoir vécu et de vivre lié à cette communauté, tantôt grandie, tantôt abaissée, toujours vivace. Dans sa Philosophie de l'antisémitisme, Michel Herszlikowicz affirme que Maurras avait compris les dangers du racisme et des mouvements de masse mais que son erreur consiste dans l'idée que l'antisémitisme peut devenir une conception dépouillée de toute sentimentalité et de toute brutalité. Inversement, pour Ralph Schor, dans la pratique, le maître à penser de l'Action française ne différait guère des autres antisémites ; la différence était théorique. De fait, Maurras prône pour les Juifs un statut personnel, la protection et la justice mais leur refuse l'accès aux fonctions publiques. Selon Stéphane Giocanti, cet antisémitisme se veut moins grossier que d'autres, en condamnant les théories pseudo-scientifiques, et en rejetant la haine ordurière que l'on trouve chez Édouard Drumont et il se présente comme une construction plus rationnelle et apte à séduire un public bourgeois, sensible à la bonne conscience. Toutefois, encore en 1911, Maurras qualifiait Drumont de maître génial et de grand Français qui a posé la difficile question de l’antisémitisme d’État. Maurras ajoutait : Le Juif d’Algérie, le Juif d’Alsace, le Juif de Roumanie sont des microbes sociaux. Le Juif de France est microbe d’État : ce n’est pas le crasseux individu à houppelande prêtant à la petite semaine, portant ses exactions sur les pauvres gens du village ; le Juif d’ici opère en grand et en secret.Et en 1907, l'Action française avait tenté de racheter La Libre Parole, journal de Drumont, car l'AF, à ce moment-là, « ambitionne de se poser en successeur légitime du père de La France juive Drumont Selon Jean Touchard et Louis Bodin, l'antisémitisme de Charles Maurras, de L'Action française en général, et de quelques autres auteurs d'extrême droite atteignit en 1936 un degré de violence qui fait paraître modérés les écrits d'Édouard Drumont.
Refusant le racisme et l'antisémitisme biologique, Charles Maurras reçut des témoignages de fidélité de juifs français, comme celui du sergent Pierre David que Maurras nommera le héros juif d'Action française. D'autres juifs deviendront des ligueurs d'Action française comme Marc Boasson, Georges et Pierre-Marius Zadoc, Raoul-Charles Lehman, le professeur René Riquier, les écrivains Louis Latzarus et René Groos. En 1914 le journal publie l'éloge funèbre d'Abraham Bloch, grand rabbin de Lyon, tué au cours de la bataille de la Marne.
Pour Maurras, l'antisémitisme est un instrument, un ressort dialectique et insurrectionnel, une idée à la fois contre-révolutionnaire et naturaliste261, un levier qui permet de mobiliser les énergies contre l'installation de la démocratie libérale, vision qu'il partage avec des syndicalistes révolutionnaires de l'extrême gauche engagés dans la lutte insurrectionnelle.
Certains maurrassiens théorisent l'antisémitisme ; ainsi, Octave Tauxier, pour qui l'antisémitisme, en manifestant que les communautés d'intérêt existent, agissent et vivent pour leur compte, ruine par les faits la théorie révolutionnaire jacobine refusant l'homme de chair mais concevant un homme abstrait comme une unité raisonnable forçant sa nature rebelle aux groupements que seule la tradition rend stable. Léon de Montesquiou déclare : Le Juif est l’agent destructeur de notre foi et de la patrie. Nous sommes prêts à sacrifier nos existences pour débarrasser la France des Juifs. Léon Daudet ajoute : La guerre est déclarée comme en 1870. … C’est une guerre franco-juive. Une première bataille a été livrée, elle a été gagnée ; il s’agit de continuer. Daudet écrit aussi, dans le contexte du Front populaire :
Du fait de la République, régime de l’étranger, nous subissons actuellement trois invasions : la russe, l’allemande, et notamment la juive allemande, l’espagnole. La crapule de ces trois nations s’infiltre et s’installe chez nous. Elle y pille, elle y corrompt et elle y assassine. Ce mouvement immonde, et qui va en accélérant, annonce la guerre. Il date de loin, de l’affaire du traître Dreyfus. La domination d’un Juif rabbinique, Léon Blum, totalement étranger à nos mœurs, coutumes et façons de comprendre et de ressentir, multiplie actuellement le danger par dix.
D’autres maurrassiens sont indifférents à ce thème et ne sont pas antisémites, comme Jacques Bainville sous la plume desquels on ne trouve aucun texte antijuif247.

Maurras et les dictatures européennes non communistes

Maurras et le fascisme

Pour François Huguenin, comprendre la position de Maurras face au fascisme nécessite de prendre en compte trois ordres de préoccupation autonomes parfois confondus : celui de la politique extérieure, celui de l'idéologie, celui de la réussite révolutionnaire.
Sur le plan de la technique de la prise de pouvoir, les maurrassiens seront impressionnés par la capacité du fascisme à mettre fin au désordre démocratique libéral.
Sur le plan de la politique extérieure, Maurras ne cessera de prôner face au péril allemand une union latine englobant la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal. En 1935, Maurras s'opposera aux sanctions contre le régime fasciste pour empêcher de pousser Mussolini à s'allier avec Hitler, alors que Mussolini souhaitait initialement contrer l'expansion du national-socialisme en liaison avec les alliés de l'Italie pendant la Première Guerre mondiale comme la France. L'idéologie ne dicte par cette volonté d'alliance orientée contre l'Allemagne qui explique la discrétion des critiques de Maurras contre le fascisme italien, critiques pourtant contenues dans l'anti-étatisme de Maurras.
Sur le plan idéologique, Maurras met en garde contre une trop grande admiration de Mussolini et sa position évolue avec l'évolution du fascisme ; au tout début du fascisme, avant le développement de l'étatisme et la théorisation par le fascisme du totalitarisme, Maurras souligne la parenté entre certaines de ses idées et celles du mouvement de Mussolini ; mais dès 1928, il écrit : C'est la naïveté courante. Ceux qui la formulent et la propagent innocemment ne se rendent pas compte qu'une action d'ordre et de progrès comme celle du fascisme italien suppose une base solide et stable, que la Monarchie fournit et qu'un certain degré d'aristocratie, ou, si l'on veut, d'antidémocratie doit encore la soutenir. Comme Massis, Maurras s'inquiétera des lois scolaires du fascisme. Quand en 1932, Mussolini déclare qu' en dehors de l'État, rien de ce qui est humain ou spirituel n'a une valeur quelconque, Maurras dénonce une conception aux antipodes de sa pensée : rappelant le double impératif de fortifier l'État et d assurer la liberté des groupes sociaux intermédiaires, il réaffirme combien les partisans du nationalisme intégral ne sont pas étatistes.
Le souci de ménager l'Italie pour éviter qu'elle ne s'engage militairement avec l'Allemagne et l'admiration de la réussite d'un coup de force tranchant avec l'impuissance des nationalistes français expliquent la faible insistance à souligner les divergences importantes avec le fascisme italien.
Charles Maurras, dans sa réflexion centrée sur la France, n'a jamais pris la peine de réfuter les expériences politiques étrangères, ce qui vaut pour le marxisme comme pour le fascisme et l'Action française s’accommodera pour l'étranger de régimes dont elle ne voudrait pas pour la France. C'est à un de ses disciples, Thierry Maulnier, que reviendra de dénoncer le fascisme, comme si l'attraction fasciste était plus sensible pour un homme de sa génération que pour un homme comme Maurras ; Thierry Maulnier multipliera dans le quotidien de Maurras ou dans d'autres publications les écrits contre le fascisme, ce collectivisme autoritaire, religieux, total et désolant et la civilisation française. De façon générale, nombre de maurrassiens ont affirmé que la pensée de Maurras les avaient prémunis de l'attraction du fascisme ; dans les années 1990, Raoul Girardet dira : Même ébréchée, la doctrine maurrassienne constituait à cet égard une barrière solide : la conception totalitaire de l'État et de la société lui était complètement étrangère.

Maurras et le national-socialisme

La condamnation du national-socialisme se fonde sur une série d'arguments se situant à différents niveaux d'analyse.
Maurras dénonce le racisme depuis le début de son activité politique : Nous ne pouvions manquer, ici d’être particulièrement sensibles : le racisme est notre vieil ennemi intellectuel ; dès 1900, ses maîtres français et anglais, Gobineau, Vacher de Lapouge, Houston Chamberlain, avaient été fortement signalés par nous à la défiance des esprits sérieux et des nationalistes sincères. Charles Maurras écrit en 1933 : Nous ne croyons pas aux nigauderies du racisme. Maurras traite de basses sottises les idées de Joseph de Gobineau et de Georges Vacher de Lapouge et rappelle : J'ai, pour mon compte, toujours pris garde de séparer les réflexions sur l'hérédité politique et économique d'avec les généralisations vagues, aventureuses et captieuses sur la stricte hérédité physiologique. Pour Maurras : Nous sommes des nationalistes. Nous ne sommes pas des nationalistes allemands. Nous n'avons aucune doctrine qui nous soit commune avec eux. Toutes les falsifications, tous les abus de textes peuvent être tentés : on ne fera pas de nous des racistes ou des gobinistes. Maurras écrit à propos du nazisme : l’entreprise raciste est certainement une folie pure et sans issue.
Maurras précise sa critique métaphysique du nazisme en soulignant fondements fichtéens : il dénonce l’image de l’homme allemand défini par Fichte, initiateur du narcissisme originel et fondamental où Hitler se retrouve ; Maurras insiste sur l'horreur fichtéenne d'Hitler pour le fédéralisme, sa démagogie métaphysique, son déisme à la Robespierre. Maurras est un des rares à souligner la dimension et l’inversion théologique du nazisme, son imitation caricaturale et perverse d’Israël et comme Alain Besançon, il voit le national-socialisme procéder à une contrefaçon fichtéenne de la notion de peuple élu. Dès le début des années 1930, Maurras et l'Action française mettent en garde contre le messianisme du nationalisme allemand dont le national-socialisme est l'expression accomplira jusqu'à la folie la logique dominatrice.
Le nationalisme de Maurras est héritier de Fustel de Coulanges et de Renan, historique et politique, on n'y trouve ni linguisticisme, ni racisme : politique d’abord ! … Entre tous, l’élément biologique est le plus faiblement considéré et le moins sérieusement déterminé. Dès lors, ces déterminations vagues d’une part, ces faibles déterminations d’autre part, ne peuvent porter qu’un effet : l’exaltation des fanatismes d’où sortent les exagérations que le Vatican dénonçait l’autre jour, et l’encouragement aux méprises et aux malentendus.
Sa critique du national-socialisme est aussi fondée sur le fait que celui-ci est selon lui un aboutissement logique du rousseauisme et de la démagogie démocratique : dans De Demos à César, il analyse l’évolution des régimes contemporains et discerne les liens de continuité entre la société démocratique et les tyrannies bolcheviques ou nazies, le prolongement que le despote moderne fournit au moi rousseauiste, en absorbant l’individu dans la collectivité
Bien qu'agnostique Maurras défend la civilisation catholique et il perçoit dans le nazisme un ennemi du catholicisme et de ses valeurs : lorsque le pape Pie XI promulgue Mit Brennender Sorge, le 25 mars 1937, Maurras approuve avec enthousiasme et précise sa position : Tous les esprits impartiaux qui ont étudié le nationalisme français, même intégral, surtout intégral, savent combien il est profondément hostile à ce que l'Encyclique d'hier appelle la théorie du sol et du sang, théorie métaphysique, bien entendu, qui substitue aux relations normales et objectives des hommes, au jeu naturel des apports collectifs nationaux et professionnels, une distribution toute subjective fondée sur les races et sur les climats, dérivée du principe que l'Homme allemand all-mann est l'Homme par excellence, le tout de l'Homme, et de ce que Luther incarna cet Homme dans l'histoire politique et dans l'histoire des religions. Les maurrassiens dénonceront le national-socialisme à la lumière d'une critique plus générale de l'esprit allemand.
Sa critique du national-socialisme est aussi une critique implicite du totalitarisme. C’est la nation que Maurras défend et pas l’idolâtrie de son État : un nationalisme n’est pas un nationalisme exagéré ni mal compris quand il exclut naturellement l’étatisme. Il discerne dans le totalitarisme une usurpation de l’État sur la société : Quand l’autorité de l’État est substituée à celle du foyer, à l’autorité domestique, quand elle usurpe les autorités qui président naturellement à la vie locale, quand elle envahit les régulateurs autonomes de la vie des métiers et des professions, quand l’État tue ou blesse, ou paralyse les fonctions provinciales indispensables à la vie et au bon ordre du pays, quand il se mêle des affaires de la conscience religieuse et qu’il empiète sur l’Église, alors ce débordement d’un État centralisé et centralisateur nous inspire une horreur véritable : nous ne concevons pas de pire ennemi.
Maurras s’inquiète de ce que certains pourraient voir dans l’Allemagne un rempart contre le communisme, il y voit un piège politique : Les cornichons conservateurs [ qui prendraient Hitler pour un sauveur de l’ordre – de l’ordre français - sont certainement coupables d’un crime devant l’esprit au moins égal à celui de nos moscoutaires . Il note même que l’intrigue hitlérienne est plus dangereuse que celle des Soviets. En avril 1936, Maurras dénonce le péril national-socialiste et le déclare même pire pour la France que le péril communiste : Hitler est encore notre ennemi numéro 1. Moscou est bien moins dangereux
Maurras dénonce Hitler qu'il appelait le chien enragé de l'Europe car son idéologie est porteuse de barbarie ; il s’en prend à la presse qui travaille à créer pour cette gloire de primate, un cercle de respect béant et d’inhibition ahurie à l’égard du dictateur walkyrien. Face à la barbarie nazie, Maurras écrit : Ce ne peut être en vain que la France a été pendant des siècles la civilisatrice et l’institutrice du monde. Elle a le devoir de ne pas renoncer à ce rôle. Hitler prépare la barbarisation méthodique de l'Europe.
Il alerte les Français sur l'eugénisme : Le 1er janvier 1934, une certaine loi sur la stérilisation est entrée en vigueur ; si elle joue contre l’indigène du Reich, croit-on que l’étranger s’en défendra facilement ? Afin de mettre en garde les Français sur ce qui les attend, il réclame une traduction non expurgée de Mein Kampf, dont certains passages laissant prévoir les ambitions hitlériennes avaient été censurés dans la version française.
Toutefois, il écrit dans L'Action française du 28 août 1942 : Avec toute la France, les prisonniers heureusement libérés remercient M. Hitler.

Maurras et la colonisation

Maurras est hostile à l'expansion coloniale impulsée par les gouvernements républicains qui détourne de la Revanche contre l'Allemagne et disperses ses forces ; de plus, il est hostile à la politique jacobine et républicaine d'assimilation qui vise à imposer la culture française à des peuples ayant leur propre culture. Comme Lyautey, il pense qu'il faut faire aimer la France et non imposer la culture française au nom d'un universalisme abstrait.
Cette dernière conception attire à lui des faveurs dans les élites des peuples colonisés ; ainsi, Ferhat Abbas, est d’abord un algérien maurrassien : il est le fondateur de L’Action algérienne, organe se réclamant du nationalisme intégral et se battant pour l’adoption de propositions concrètes : toutes vont dans le sens de la démocratie locale et organisée, la seule forme de démocratie pour laquelle Maurras militait, parce que d’après lui, elle est la seule vraiment réelle : autonomie des corporations indigènes locales et régionales, autonomie en matière de réglementation sociale et économique, suffrage universel dans les élections municipales, large représentation de corporations, des communes, des notables et chefs indigènes, constituant une assemblée auprès du gouvernement français : En 1920, écrit Abbas, les hommes de ma génération avaient vingt ans, personnellement je me mis à penser que l’Algérie ressemblait à la France d’ancien régime à la veille de 1789. Il n’y a rien dans le Livre saint qui puisse empêcher un Algérien musulman d’être nationalement un Français … au cœur loyal conscient de sa solidarité nationale. Parmi l’élite musulmane d’Algérie, Ferhat Abbas n'est pas le seul soutien de l’Action française : on compte parmi eux Hachemi Cherief, qui sera plus tard le conseiller juridique de Mohammed V et l’avocat de Ben Bella, ainsi que des Kabyles, gênés par la prépondérance arabe et attirés par la vision décentralisatrice de Charles Maurras.
S'il fut hostile à l'expansion coloniale, Maurras fut ensuite hostile à la liquidation brutale de l'empire colonial français après la Seconde Guerre mondiale, préjudiciable selon lui autant aux intérêts de la France qu'à ceux des peuples colonisés.

Maurras et le catholicisme

Les rapports de Charles Maurras avec le catholicisme et avec l'Église catholique ont évolué avec le temps.

Jeunesse

Dans son enfance et jusqu'à son adolescence, il reçoit une éducation religieuse marquée par la foi de sa mère qu'il partage.
Lors de son adolescence, sa surdité et la révolte qu'elle génère puis la difficulté à consolider sa foi par des arguments rationnels en plus de témoignages de la tradition chrétienne contribuent à la lui faire perdre.
Lors de ses premières années à Paris, désireux de préciser sa position sur le plan religieux, il noue un dialogue avec des théologiens, des philosophes, des prêtres, des séminaristes qui cherchent à le convertir mais n'y parviennent pas.
Dans la dernière décennie du XIXe siècle, la déception qui en découle conjugué à une hostilité croissante à l'esprit et l'influence hébraïques conduisent siècle à publier des textes empreints d'hostilité au christianisme au sein duquel il prétend distinguer ce qui relève de l'esprit juif et ce qui relève de l'esprit gréco-latin. Il ne croit pas aux dogmes de l'Église, ni aux Évangiles, écrits, selon son expression, par quatre obscurs juifs. Cependant, il persiste à admirer et aimer l'Église catholique pour être parvenue à concilier bien des dangereux apprentissages de la Bible dont il soupçonnait qu'ils avaient conduit à l'émergence des erreurs révolutionnaires en France et en Europe. L'interprétation de Maurras à propos de la Bible fut alors critiquée fermement par bien des membres du clergé. Dans Le chemin de Paradis, il guerroie contre la version la plus révolutionnaire du christianisme. Maurras s'avouant alors impuissant à croire affirmait néanmoins respecter la croyance religieuse : Je n'ai pas été dédaigneux de la foi ! On ne dédaigne pas ce qu'on a tant cherché. On ne traite pas sans respect la faculté de croire quand on l'estime aussi naturelle à l'homme et plus nécessaire que la raison.

Naissance de l'Action française

Dans les années 1900, sans retrouver la foi, Maurras se rapproche du catholicisme et renforce son soutien à l'Église catholique.
Il subit tout d'abord sous l'influence de Léon de Montesquiou, de Louis Dimier, de prêtres comme le bénédictin Dom Besse et de l'abbé de Pascal, tous désireux de le rapprocher du catholicisme voire de faire renaître en lui la foi.
Il s'appuie sur Auguste Comte qui lui permet d'étudier la réalité sociale, de penser la politique en l'absence de foi, tout en admirant le catholicisme. Il n'y a alors plus sous sa plume d'attaques indirectes contre le christianisme, d'autant que sa mère très croyante lit tout ce qu'il écrit ; il perçoit dans la morphologie historique du catholicisme un principe de paix et de civilisation300. Maurras voit dans l'Église le grand principe d'ordre qui arrache l'homme à l'individualisme, qui discipline les intelligences et les sensibilités. Maurras, amenant des Français de toutes origines à raisonner ainsi, en a conduit plusieurs à considérer le catholicisme comme le bien pour la France, voire à retrouver la foi.
Il s'appuie sur le lien historique entre le catholicisme et la tradition et l'identité françaises ; n'ayant jamais cessé de soutenir l'influence et le prestige de l'Église catholique comme composante politique, parce qu'elle était intimement liée à l'Histoire de France et que sa structure hiérarchique et son élite cléricale reflétaient l'image qu'il se faisait de la société idéale. Il considérait que l'Église devait être le mortier chargé d'unir la France, et la chaîne chargée de lier tous les Français. L'Action française se veut ouverte à tous : croyants, positivistes, sceptiques ; mais elle affirmait clairement que tout Français patriote se devait de défendre le catholicisme comme religion historique du peuple français.
Il s'engage fougueusement et sincèrement aux côtés de l'Église chaque fois que celle-ci se sent persécutée : affaire des Fiches, interdiction aux religieux d'enseigner, Inventaires, interventions de l'armée dans les monastères, exil de milliers de moines et de religieux, prescription aux instituteurs de dénigrer le christianisme renvoyé avec la monarchie dans les ténèbres de l'histoire de France.
Il s'en prend au laïcisme n'était pas une pure neutralité mais procédait d'une métaphysique d'État intolérante, véritable théologie d'autant plus ardente, fanatique, féroce, qu'elle évite de prononcer le nom de Dieu.
Il laisse voir dans ses écrits que son silence sur la foi et le surnaturel est suspensif et qu'il respecte la foi en autrui : La libre pensée ne consiste qu'à délier l'individu, elle dit : de ses chaînes ; nous disons : des ses points d'appui, de ses aides et des ses contrefort.
Ces prises de position firent que Maurras fut suivi par bien des monarchistes : à la suite des inventaires, deux officiers chassés de l'armée, Bernard de Vesins et Robert de Boisfleury rejoignent l'Action française comme le jeune Bernanos qui assimile les Camelots du roi à une nouvelle chevalerie chrétienne. Beaucoup d'ecclésiastiques sont déduits par le mouvement dont des assomptionnistes. En dépit de différences essentielles, il y a une coïncidence entre la métaphysique de l'Ordre chez Maurras et celle de saint Thomas. Ce soutien de milieux catholiques joua un rôle important dans le rayonnement de l'Action française et attira vers Maurras des théologiens comme Jacques Maritain. Dès sa naissance, l'Action française est apparue comme l'alliée du catholicisme antimoderne et du renouveau thomiste et comme un recours face à l'anticléricalisme croissant des républicains. L'Action française est nourrie par le catholicisme social d'Albert de Mun et de René La Tour du Pin et Charles Maurras loua le Syllabus, catalogue des erreurs modernes établi en1864 par le pape Pie IX.

Rapport avec le Sillon

En 1904, Maurras regarda avec sympathie la création par trois anciens du collège Stanislas à Paris, dont Marc Sangnier, du mouvement du Sillon afin de former des groupes pour faire rayonner les forces morales et sociales du catholicisme. Un rapprochement entre le Sillon et l'Action française eut alors lieu : pour Firmin Braconnier, les deux organisations ont le même but : le perfectionnement moral, intellectuel et social de la personnalité humaine rejetées ensemble par la gauche. Mais en dépit d'échanges de haut niveau et au début fort aimables, les deux hommes ne s'entendirent pas, Marc Sangnier voulant opposer le positivisme et le christianisme social, ce que Maurras percevait comme un faux dilemme car :
retrouver les lois naturelles par l'observation des faits et par l'expérience historique ne saurait contredire les justifications métaphysiques qui en constituent pour les chrétiens le vrai fondement ; car le positivisme, pour l'Action française, n'était nullement une doctrine d'explication mais seulement une méthode de constatation ; c'est en constatant que la monarchie héréditaire était le régime le plus conforme aux conditions naturelles, historiques, géographiques, psychologiques de la France que Maurras était devenu monarchiste : Les lois naturelles existent, écrivait-il ; un croyant doit donc considérer l'oubli de ces lois comme une négligence impie. Il les respecte d'autant plus qu'il les nomme l'ouvrage d'une Providence et d'une bonté éternelles.
le christianisme social se retrouve davantage dans l'Action française que dans le Sillon : s'il y a de nombreux chrétiens sociaux dans les rangs de l'Action française, c'est précisément car les chrétiens sociaux ont toujours préconisé « l'organisation d'institutions permanentes, capables de secourir la faiblesse des hommes ; or, pour Maurras, Marc Sangnier croyait qu'il fallait d'abord donner à l'individu une âme de saint avant de vouloir modifier les institutions. Dans cette optique Marc Sangnier est le continuateur du préjugé individualiste qui avait engendré la question sociale et contre lequel les catholiques sociaux, de Villeneuve-Bargemont à Albert de Mun et au marquis de La Tour du Pin avaient toujours réagi.
Le fondateur du Sillon s'expliqua sur sa conception de la démocratie, régime qui doit porter au maximum la conscience et la responsabilité de chacun. Il se défendait d'avoir voulu se fonder sur une unanimité de saints, une minorité lui suffisait : Les forces sociales sont en général orientées vers des intérêts particuliers, dès lors, nécessairement contradictoires et tendant à se neutraliser … Il suffit donc que quelques forces affranchies du déterminisme brutal de l'intérêt particulier soient orientées vers l'intérêt général pour que la résultante de ces forces, bien que numériquement inférieure à la somme de toutes les autres forces, soit pourtant supérieure à leur résultat mécanique. Et quel sera le centre d'attraction ? Le Christ est pour nous cette force, la seule que nous sachions victorieusement capable d'identifier l'intérêt général et l'intérêt particulier. Et d'expliquer : plus il y aura de citoyens conscients et responsables, mieux sera réalisé l'idéal démocratique. Cet optimisme suscita les objections renouvelées de Maurras, pour qui :
Rêver, en oubliant le péché originel, d'un État dont le fondement serait la vertu est irréaliste. Si la vertu est nécessaire et si la chrétienté a suscité de grands élans d'héroïsme et de sainteté, ce fut dans le respect de la « vénérable sagesse de l'Église », laquelle, sachant que la seule prédication du bien ne saurait suffire à transformer une société, a toujours voulu multiplier, pour encadrer l'individu, les habitudes, les institutions, les communautés qui le portaient à surmonter ses penchants égoïstes ; pour Maurras, s'il faut des élites morales, il faut aussi des chefs capables, eux, par la place qu'ils occupent, de savoir exactement en quoi consiste l'intérêt général car sinon les efforts de l'élite de saints risquent d'être vains.
« Être sublime à jet continu, héroïque à perpétuité, tendre et bander son cœur sans repos et dans la multitude des ouvrages inférieurs qui, tout en exigeant de la conscience et du désintéressement veulent surtout la clairvoyance, l'habileté, la compétence, la grande habitude technique, s'interdire tous les mobiles naturels et s'imposer d'être toujours surnaturel, nous savons que cela n'est pas au pouvoir des meilleurs. Maurras voit dans la démocratie de Sangnier une autre forme de celle de Rousseau, qui pensaient que le perfectionnement moral par l'accroissement de la liberté individuelle rendrait les hommes de plus en plus aptes au seul régime démocratique : Si la république réclame beaucoup de vertu de la part des républicains, cela tient à ce qu'elle est un gouvernement faible et grossier.
Ainsi, si Charles Maurras et Marc Sangnier cherchèrent à surmonter leurs différends, la tentative échoua. Les partisans du Sillon verront dans la condamnation de leur mouvement par le Pape Pie X, qui l'accusait de « convoyer la Révolution l'œil fixé sur une chimère, le résultat de l'influence de théologiens proches de l'Action française. À leur tour les maurrassiens prétendront que les hommes du Sillon se vengèrent en cherchant à faire condamner l'Action française. L'essentiel de ses échanges entre les deux hommes fut publié dans Le Dilemme de Marc Sangnier.

Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=5306#forumpost5306

Posté le : 20/04/2014 00:53
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Charles Maurras partie 4
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne

Rapport avec la papauté : la condamnation de l'Action française et sa levée

Sous Léon XIII, et en dépit du ralliement de 1893, essentiellement tactique, l'Église catholique continuait de se méfier de la République française, régime né de la Terreur, dont les soutiens travaillaient à l'extirpation de la religion de la sphère sociale et politique14. La doctrine politique de Léon XIII n'excluait pas la monarchie comme forme possible de régime, conformément à la théologie de saint Thomas d'Aquin qui la recommande et sur laquelle s'appuie largement le magistère de l'Église. En 1901, Maurras fut frappé par une encyclique de ce pape suggérant qu'une monarchie pouvait sous certaines conditions correspondre aux exigences de la démocratie chrétienne au sens où ce texte l'entend : une société organisée mais tournée vers Dieu305.
Sous Pie X, les relations avec la papauté se développèrent. Louis Dimier fut reçu par le Pape Pie X et ce voyage fut reçu par Maurras et ses amis comme un encouragement exaltant. Pie X s'opposa à ceux qui voulait condamner globalement Maurras à cause de certains écrits témoignant de son agnosticisme et d'une métaphysique non chrétienne.
Sous Pie XI, son agnosticisme suscita l'inquiétude d'une part de la hiérarchie catholique et en 1926, le pape Pie XI classa certains écrits de Maurras dans la catégorie des « Livres Interdits » et condamna la lecture du journal L'Action française. Cette condamnation du pape fut un grand choc pour bon nombre de ses partisans, qui comprenaient un nombre considérable de membres du clergé français, et causa un grand préjudice à l'Action française. Elle fut levée cependant par Pie XII en 1939, un an après que Maurras fut élu à l'Académie française.
Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer la condamnation de l'Action française par Pie XI puis sa réhabiliation par Pie XII. La pensée de Maurras ayant peu évolué pendant le quart de siècle pendant lequel l'Action française ne fit l'objet d'aucun blâme, des raisons liées au contexte politique et géopolitique ont été mises en avant. En 1921, la République a rétabli les relations diplomatiques avec le Saint-Siège et Pie XI préconise une politique d’apaisement systématique avec l’Allemagne : il approuve les accords de Locarno et l’entrée de l’Allemagne à la SDN, contrairement à Maurras qui les dénonce avec virulence car pouvant contribuer au renforcement et donc aux possibilités de revanche de l'Allemagne. L'Action française entre en opposition avec les objectifs de la diplomatie papale. En plus du contexte, un élément déclencheur provoque l'inquiétude de certains ecclésiastiques face à une influence jugée grandissante : dans une enquête de Louvain, les jeunes catholiques disent être fidèles à la Bible et à Maurras comme s’il était possible de les mettre sur le même plan ; mais une part du haut clergé français, des associations, des ordres religieux quelques-uns des principaux théologiens soutiennent Maurras en dépit des réserves qu’ils témoignent vis-à-vos de certains aspects de sa pensée. Pie XI entend néanmoins balancer l’influence prépondérante détenue au sein de l’Église par l’épiscopat nomme du temps de Pie X et de la réaction antimoderniste et son désir d’avoir les mains libres pour développer des mouvements d’action catholique du type de la JOC et de la JAC est fort.
Le Pape chargea alors le cardinal Andrieu de mettre en garde les fidèles contre l'Action française : celui-ci, qui avait chaleureusement remercié Maurras en 1915 pour l'envoi de L'Étang de Berre, qualifié de monument de piété tendre, lui disant qu'il défendait l'Église avec autant de courage que de talent, prétendait désormais percevoir chez lui l'athéisme, l'agnosticisme, l'antichristianisme, un antimoralisme individuel et social ; ces accusations publiées dans La Semaine religieuse d'août 1926 furent perçue comme excessives et Maurras et les siens furent rassurés par les soutiens dont ils bénéficièrent ; cependant, loin d'adopter une attitude soumise et humble, Maurras fit bruyamment savoir que si la soumission à l’autorité romaine doit être totale sur le plan spirituel, si celle-ci intervient dans le domaine politique de manière critiquable, alors la résistance s’impose sur le terrain. Réagissant à une allocution papale mettant indirectement en garde contre l'influence de l'Action française en décembre 1926, conseillés par plusieurs théologiens, les dirigeants catholiques de l’Action française publièrent une déclaration maladroite intitulée Non possumus qui fit d’eux des rebelles alors qu'ils s'y identifiaient aux premiers martyrs chrétiens. La condamnation fut publiée par décret de la Congrégation du Saint-Office tombe le 29 décembre 1926 : elle touchait Le Chemin de Paradis, Anthinéa, Les Amants de Venise, Trois idées politiques, L'Avenir de l'Intelligence, ouvrages présentant un caractère naturaliste au sens métaphysique et dont certains aspects peuvent être qualifiés de philo-païens, ainsi que le quotidien.
Appliquée par les évêques et les prêtres, la condamnation fut ressentie comme une blessure, une injustice et un drame par de nombreux croyants y compris au plus haut niveau de l'Église : pour le cardinal Billot, la condamnation fut une heure de la puissance des ténèbres Le 19 décembre 1927, il remit au pape sa pourpre cardinalice et se retire dans un monastère. Paradoxalement, elle ramena à l'Action française plusieurs catholiques comme Georges Bernanos qui dans Comœdia et La Vie catholique en prit la défense Maurras. La condamnation ne condamnait ni le royalisme ni le nationalisme. Bien que de nombreux catholiques firent le choix de rester à l'Action française, la condamnation affaiblit le mouvement.
Charles Maurras contesta avoir fait de l'adhésion à tous ses écrits une condition adhésion à l’Action française : jamais son positivisme et son naturalisme, d'ailleurs partiels, n’ont constitué des articles de foi pour les militants. Il ne fondait pas sa doctrine politique sur des conceptions philosophiques morales ou religieuses. On pouvait critiquer tel ou tel point de sa pensée mais non la rejeter en bloc. En 1919, dans la nouvelle version d’Anthinéa, il n’avait pas hésité à supprimer un chapitre entier pour ne pas heurter les catholiques. Il rappela que l'Action française avait contribué à ramener à la foi de nombreux français : dès 1913, Bernard de Vesins avait établi une liste de militants et abonnés entrés dans les ordres, tel André Sortais qui devint abbé général des Cisterciens réformés, afin d'illustrer le fait que le mouvement maurrassien fut une pépinière pour l’église.
Sous Pie XII, la condamnation sera levée ; il fut sans doute pris en compte que si Maurras avait été véritablement pleinement païen, sa rébellion eût été plus totale et sa vindicte antichrétienne eût trouvé de quoi se nourrir. Les tractations avaient commencé sous Pie XI qui ne rejeta pas Maurras et qui lui écrira même lorsqu'il fut emprisonné.

Liens avec le carmel de Lisieux

La ppensée de Maurras quant à la religion et sa philosophie ne fut jamais une chose figée et homogène ; ses doutes n'ont pas éteint en lui l'espérance de la foi ; c'est ce que qu'il explique dans une lettre non envoyée au père Doncœur, il expliquera avoir volontairement tu les doutes et tourments liés à la question de la foi et pourquoi il a gardé dans « le tête-à-tête solitaire de sa conscience et de sa pensée » ses doutes, rechutes et angoisses philosophiques et religieuses. Maurras eût eu tout intérêt à se convertir et donc à feindre la conversion ; les gains pour lui ou son mouvement eussent été énormes mais il ne le fit pas et en cela il est l'homme intègre décrit par ses opposants catholiques comme Marc Sangnier316. Comme Maritain le lui prédit, la condamnation fit renaître en lui le désir de retrouver la foi.
De fait, nombreux furent ceux qui prièrent pour sa conversion. En 1926, à l’heure de la condamnation, une jeune fille dont Maurras avait connu la mère entra au Carmel de Lisieux en offrant sa vie pour la conversion de Maurras. En 1936, lorsque cette carmélite mourut, en 1936, mère Agnès, sœur aînée de sainte Thérèse de Lisieux et supérieure du Carmel, écrivit une lettre à Maurras pour lui révéler le sens de cette mort et pour lui promettre d’intervenir auprès de Pie XI au sujet de la condamnation ; il s'ensuivra une correspondance suivie. De fait, Pie XI écrivit à Maurras pour lui apporter son soutien quand il fut emprisonné en 1937. Et Maurras lui répondit qu'à sa libération il irait se recueillir à Lisieux sur le tombeau de Celle dont les Sœurs et les Filles m’ont entrouvert un monde de beauté et de charité toujours en fleur, comme le mystique rosier de la petite et grande sainte Thérèse de l’Enfant Jésus Après la seconde guerre mondiale, les liens avec le Carmel de Lisieux se poursuivirent : il correspondit avec sœur Marie-Madelaine de Saint-Jospeh. En 1948, le carmel lui envoie une image de sainte Thérèse avec une prière de Mère Agnès : Ô Thérèse, Illuminez votre pèlerin et sanctifiez le dans la vérité. Le carmel lui envoie également les dix volumes de L’Année liturgique de Dom Guéranger.

Mort

Tombe de Charles Maurras au cimetière de Roquevaire, Bouches-du-Rhône, Provence.
Dans ses dernières années, Maurras confia à des prêtres comme l’abbé Van Den Hout, fondateur de La Revue catholique des idées et des faits en Belgique, la souffrance qu’il ressent dans la perte de la foi. Son agnosticisme est un agnosticisme insatisfait. Ceci transparaît dans ses dernières œuvres poétiques où il exprime l'idée que rétiens : la miséricorde de Dieu dépasse sa justice, autrement dit le symbole de la justice divine n’est pas la balance mais le don infini : Chère Âme, croyez-vous aux célestes balances ? Cet instrument d’airain n’est rêvé que d’en bas ; Du très Haut, du très Bon, du Très Beau ne s’élance Que l’or du bien parfait qu’il ne mesure pas.
Tous les témoignages attestent que les derniers mois de Maurras ont été marqués par le désir de croire et le 13 novembre 1952, il fait demander l’extrême onction. La question du retour de Maurras a la foi a longtemps constitué le fil directeur de la critique maurrassienne. Ivan Barko, en 1961, trouva plus intéressant d’imaginer un Maurras agnostique que jusqu’à la fin et ne conservant de l'extrême onction que la ritualité. Selon Stéphane Giocanti, une telle interprétation ne tient pas compte de l’extrême probité de l’homme à l’égard d’une foi qu’il mit toute sa vie à vouloir retrouver intacte, ayant la défiance de la moindre simulation.
Certains démocrates-chrétiens ont cherché à accréditer la thèse de la conversion inventée rétrospectivement, mais le témoignage et les commentaires de Gustave Thibon, penseur chrétien rigoureux et épris d’absolu atteste la réalité de l'expérience mystique finale de Maurras. Thibon n'a pu faire entrer la moindre complaisance dans le mouvement spirituel qu’il a discerné chez Maurras : Je n'en finirais pas d'évoquer ce que fut pour moi le contact avec Maurras : je l'ai vu deux fois à Tours et je l'entends encore me parler de Dieu et de la vie éternelle avec cette plénitude irréfutable qui jaillit de l'expérience intérieure. J'ai rencontré beaucoup de théologiens dans ma vie : aucun d'eux ne m'a donné, en fait de nourriture spirituelle, le quart de ce que j'ai reçu de cet "athée" ! Toute la différence entre le géographe et l'explorateur Luiqui préfère l’athée qui cherche Dieu au croyant installé dans les apparences de la foi.
Maurras parvint à suivre la cérémonie de l'extrême-onction avec attention et il récite le confiteor. Vers 23h30, le 15 novembre, il demanda son chapelet et selon ses proches, ses dernières paroles furent un alexandrin : « Pour la première fois, j’entends quelqu’un venir. Il meurt le matin du 16 novembre 1952.
L’abbé Giraud confiera au poète ardéchois Charles Forot sa réaction devant la mort de Maurras : Je revois, très souvent, mon inoubliable entretien avec le grand protégé de la Petite Thérèse. Sa fin chrétienne si édifiante ne m’a point surpris… Je l’attendais avec la plus totale confiance. … Lisieux ne l’oublie pas non plus, et son souvenir est souvent évoqué dans mon courrier par sœur Madeleine de Saint-Joseph, qui fut pour lui, l’ange gardien visible

L’influence de Charles Maurras En France Influence sur les intellectuels français

En tant que penseur, Charles Maurras exerça une très grande influence sur la vie intellectuelle de la France : il fut à l'origine de nombreuses aventures intellectuelles et littéraires. De nombreux auteurs ou hommes politiques ont subi l'influence de Maurras sans nécessairement se réclamer de lui.
En 1908, année de la fondation du quotidien L'Action française, les jeunes intellectuels maurrassiens se regroupaient autour de la Revue critique des idées et des livres, qui fut jusqu'en 1914 la grande rivale de la NRF d'André Gide. La revue défendait l'idée d'un « classicisme moderne », s'ouvrait aux théories nouvelles (Henri Bergson, Georges Sorel… et formait une nouvelle génération de critiques et d'historiens. Pendant l'entre-deux-guerres, l'expérience de la Revue Critique se poursuivit dans un grand nombre de revues : Revue universelle, Latinité, Réaction pour l'ordre, La Revue du siècle…
Le démocrate-chrétien Jacques Maritain était aussi proche de Maurras avant la condamnation du pape, et critiqua la démocratie dans l'un de ses premiers écrits, Une opinion sur Charles Maurras ou Le Devoir des Catholiques.
Chez les psychanalystes, Élisabeth Roudinesco a montré que Maurras a constitué une étape dans la genèse de la pensée de Jacques Lacan : ce dernier rencontra personnellement Maurras et participa à des réunions d’action française ; Lacan trouva chez son aîné un certain héritage positiviste, l’idée que la société se composait plus de familles que d’individus, l’insistance sur la longue durée au détriment de l’événementiel, l’inanité des convulsions révolutionnaires et l’importance primordiale du langage : Partant de Maurras, il arrivait ainsi à Freud, pour rappeler … combien la tradition, malgré les apparences, pouvait favoriser le progrès. Il faut également citer Édouard Pichon, le maître de Françoise Dolto, qui dans les années 1930 fera de la pensée maurrassienne l’axe de son combat pour la constitution d’un freudisme français.
Chez les libéraux, Daniel Halévy ou Pierre Lasserre ont subi le pouvoir d'attraction politique et philosophique du Maurrassisme alors qu'a priori leur héritage politique ne les prédisposait pas à être séduit par un penseur contre-révolutionnaire.
Dans les milieux littéraires, le climat patriotique de la première guerre mondiale, le prestige de Maurras et la qualité de son quotidien font que Henri Ghéon, Alfred Drouin, Marcel Proust, André Gide, Augustin Cochin, Auguste Rodin, Guillaume Apollinaire lisent tous L'Action française. Anna de Noailles prie Maurras de croire à ses sentiments de profonde admiration. Les années 1920 correspondent à l'apogée littéraire de Maurras avec une force d'attraction dont Jean Paulhan témoigne : Maurras ne nous laisse pas le droit en politique d'être médiocres ou simplement moyens. L'apogée littéraire se traduit par le portrait que publie Albert Thibaudet dan la série « Trente ans de vie française à la NRF, où Les Idées de Charles Maurras précèdent La Vie de Maurice Barrès et Le bergsonisme. Cette monographie est un livre important puisqu'en formulant objections et réserves, il éclaire la partie supérieure de la pensée et de l'œuvre de Maurras, celle qui sort du poids du quotidien et échappe au discours partisan et polémique.
Après la première guerre mondiale, il reçoit en abondance des lettres pleines de respect et d'admiration d'Arnold Van Gennep, Gabriel Marcel, René Grousset, Colette, Marguerite Yourcenar, Montherlant, Charles Ferdinand Ramuz, Paul Valéry ; le jeune Malraux à écrire une notice pour la réédition de Mademoiselle Monck et exprime son envie de rencontrer Maurras.
Charles Maurras eut une forte influence parmi les étudiants et la jeunesse intellectuelle de l'entre-deux-guerres : quand Jean-Baptiste Biaggi, futur compagnon de De Gaulle accueille Maurras au nom des étudiants en droit de Paris, il a autour de lui Pierre Messmer, Edgar Faure, Edmond Michelet et parmi les Camelots du Roi, on compte François Périer et Michel Déon ; Maurras reçoit Des témoignages d'admiration de Pierre Fresnay et Elvire Popesco et est entouré par les jeunes Raoul Girardet, François Léger, François Sentein, Roland Laudenbach, Philippe Ariès ; Maurras aime s'entourer de jeunes dont il pressent le talent et il prend pour secrétaires particuliers Pierre Gaxotte et Georges Dumézil, l'un le jour l’autre la nuit.

Maurras et De Gaule

Avant la Seconde Guerre mondiale, il semble que Charles de Gaulle, dont le père lisait L'Action française et se qualifiait de monarchiste de regret et qui discuta avec le comte de Paris de la possibilité d'une restauration de la royauté, ait été influencé par l'Action française et que cette dernière l'ait considéré avant la France libre avec sympathie.
En 1924, Charles de Gaulle dédicaça La Discorde chez l'Ennemi à Maurras en lui témoignant ses respectueux hommages.
Au printemps 1934, sous l'égide du cercle Fustel de Coulanges, une vitrine de l’Action française, Charles de Gaulle prononça une série de conférences à la Sorbonne335. De Gaulle savait qu’il avait dans l’Action française un allié attentif ; le 1er juin 1934, l'Action française consacra un article élogieux à Vers l’armée de métier qui défendait le principe d’une armée professionnelle très compétente et mobile se superposant à l’armée conscrite ; Le Populaire et Léon Blum suspectèrent le danger d’un coup d’État et c’est dans L’Action française que l’ouvrage fit l’objet du seul encadré publicitaire auquel il eut droit. De Gaulle écrira à Hubert de Lagarde, chroniqueur militaire de L'Action française : Monsieur Charles Maurras apporte son puissant concours à l'Armée de métier. Au vrai, il y a longtemps qu'il le fait par le corps de ses doctrines. Voulez-vous me dire s'il a lu mon livre que j'ai eu l'honneur de lui adresser au mois de mai ? Maurras avait découvert de Gaulle en lisant un article de La Revue hebdomadaire et s'était exclamé : Quelle confirmation de nos idées les plus générales sur l'armée!
Après la guerre Maurras ignorait si De Gaulle avait écrit sous pseudonyme dans l'Action française.
En 1940, la nomination au grade de général de Charles de Gaulle provoqua la jubilation de Charles Maurras dans L'Action française des 1er et 3 juin 1940 ; Maurras y qualifia de Gaulle de pénétrant philosophe militaire et affirmait avoir voulu rester discret à son endroit pour ne pas le gêner notamment : Sa thèse nous paraissait suffisamment contraire à la bêtise démocratique pour ne pas ajouter à ces tares intrinsèques, la tare intrinsèque de notre appui. Mieux valait ne pas compromettre quelqu'un que, déjà, ses idées compromettaient toutes seules.
Paul Reynaud, qui rencontra en captivité en Allemagne la sœur du général de Gaulle, Marie-Agnès Caillau, affirme que selon elle le chef de la France libre serait resté maurrassien jusqu'aux accords de Munich, soit seulement un an avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale : Très franche, intelligente et bonne, elle nous raconte que Charles était monarchiste, qu'il défendait Maurras contre son frère Pierre jusqu'à en avoir les larmes aux yeux dans une discussion. Mais au moment de Munich, il a désapprouvé entièrement l'attitude de Maurras.
Christian Pineau dira à André Gillois que le général avait reconnu devant lui qu’il avait été inscrit à l’Action française et qu’il s’était rallié à la République pour ne pas aller contre le sentiment des Français.
De Gaulle dit à Claude Guy qu'il n'aimait pas la révolution française : À entendre les républicains, la France a commencé à retentir en 1789 ! Incroyable dérision : c'est au contraire depuis 1789 que nous n'avons cessé de décliner. Il confia également à Alain Peyrefitte son peu d'enthousiasme pour la république : Je n'aime pas la république pour la république. Mais comme les Français y sont attachés, j'ai toujours pensé qu'il n'y avait pas d'autre choix. Il lui confia également en 1962, alors qu'il annonçait une initiative pour assurer la continuité de l'État, qu'un roi pourrait être utile à la France : Ce qu'il faudrait à la France, c'est un roi.
Charles de Gaulle dira à plusieurs témoins à propos de Charles Maurras : Maurras est un homme qui est devenu fou à force d'avoir raison.De fait, selon Claude Mauriac, chef du secrétariat particulier du général de Gaulle à la Libération, ce dernier porta une très grande attention au sort du théoricien du nationalisme intégral ; il interviendra ainsi pour que Maurras ne passe pas devant la cour de justice de Lyon en septembre 1944, mais devant la Haute Cour, réputée plus indulgente346. Le 13 mai 1958, Jean-Baptiste Biaggi fit remarquer à de Gaulle que d’autres et lui-même devaient leur nationalisme à Charles Maurras, ce dont le général convint, regrettant que Maurras l'ait critiqué : Aussi bien, je n’ai jamais rien dit contre lui. Que ne m’a-t-il imité ! Charles Maurras en voudra toujours à de Gaulle d'avoir rompu avec Pétain.

À l'étranger

Maurras et l'Action française ont exercé une influence sur différents penseurs se réclamant d'un nationalisme se voulant contre-révolutionnaire et chrétien dans le monde.
En Grande-Bretagne, Charles Maurras fut suivi et admiré par des écrivains et philosophes et a plusieurs correspondants britanniques, universitaires ou directeurs de revue ; en 1917, il a été sollicité par Huntley Carter du New Age et de The Egoist. Plusieurs de ses poèmes furent traduits et publiés en Grande-Bretagne où Maurras a de nombreux lecteurs parmi les High Church de l'anglicanisme et les milieux conservateurs. On compte parmi ses lecteurs T.S. Eliot ou T.E. Hulme. Eliot trouva les raisons de son antifascisme chez Maurras : son antilibéralisme est traditionaliste, au bénéfice d’une certaine idée de la monarchie et de la hiérarchie. Music within me, qui reprend en traduction les pièces principales de La Musique intérieure paraîtra en 1946, sous la houlette du comte G.W.V. Potcoki de Montalk, directeur et fondateur de la The Right Review. La condamnation de 1926 eut ainsi des effets jusqu'en Grande-Bretagne où elle détourna du catholicisme des partisans de la High Church, déçus par le juridisme romain : la conversion de T.S. Eliot à l’anglicanisme, l’éloignement du catholicisme de personnalité comme Ambrose Bebb sont liés à cet événement. Eliot inséra une citation en Français de L’Avenir de l’intelligence dans son poème Coriolan qu’il tenait pour un maître livre pour sa satyre des honneurs officieles.
Au Mexique, Jesús Guiza y Acevedo, surnommé « le petit Maurras », et l'historien Carlos Pereyra es.
En Espagne, il existe un mouvement proche de l'Action française Cultura Española et sa revue Acción Española.
Au Pérou, le marquis de Montealegre de Aulestia a été influencé par Maurras. Ce grand penseur réactionnaire péruvien, admiratif de sa doctrine monarchique, le rencontre en 1913.
En Argentine, le militaire argentin Juan Carlos Onganía, tout comme Alejandro Agustín Lanusse, avaient participé aux Cursillos de la Cristiandad, ainsi que les Dominicains Antonio Imbert Barrera es et Elias Wessin y Wessin es, opposants militaires à la restauration de la Constitution de 1963.
Au Portugal, António de Oliveira Salazar qui gouverna le pays de 1932 à 1968 admirait Maurras même s'il n'était pas monarchiste et il fit par de ses condoléances à sa mort en 1952.

Vie personnelle Caractère

Pour Stéphane Giocanti, l’image d’un Maurras froid et austère est un contre-sens ; il a au contraire un caractère sanguin et contrasté : à la fois tendre et violent, contemplatif et actif, patient et impatient, tantôt inflexible et obstiné, tantôt bon et généreux ; sachant à l'occasion reconnaître ses torts, pardonner et s’effacer devant les autres, il est tour à tour exaspérant et charmant : « Il peut s’entêter, se raidir, entrer dans des colères, devenir une teigne, quitte à le regretter ensuite comme Bossuet. Il a la frénésie de la discussion et de la dialectique car il a la passion de la vérité, de l’ordre, de l’unité. Il a l’intransigeance et la fierté d’un homme de la fin du dix-neuvième siècle qui ne revient pas sur sa parole et réserve ses doutes pour lui-même. Il s’engage radicalement et est prêt à mourir pour la Cause d’autant qu’il engage les autres dans son périple. Généreux vis-à-vis de ses amis d’une fidélité en amitié, il peut être un amant passionné, un charmeur blaguant, diseur de vers et buveur de bon vin. Très sensible aux femmes, il s’affirme bon causeur caustique, pétillant et aimant la complicité des dames élégantes.
Il suscita des attachement très forts et reçut d’innombrables marques de fidélité et d’admiration : ainsi, avant de gagner l’horizon polaire avec l’explorateur Roald Amundsen, deux pilotes survolant la maison de leur maître lâchèrent sur le jardin une pluie de pétales de roses, message de fidélité placé sous le signe de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Pierre Gaxotte écrivit à son propos : Maurras était en pleine force, insensible à la fatigue, aux incommodités, aux menaces, aux dangers. On était pris d'abord par son regard, où rayonnaient l'intelligence, l'autorité, l'énergie le courage, la bienveillance, une attention extrême et parfois la gaieté. Mais on était conquis aussi par sa jeunesse, son ardeur, son alacrité.
Charles Maurras qui aimait la simplicité et avait le sens de la pauvreté, gagnait volontairement moins que le plus petit ouvrier qualifié de son journal ; après 1940, il versa ses droits d'auteur à une œuvre de prisonniers.

Famille

Le 22 novembre 1925, lors d’une réunion organisée par l'Action française en réaction à la victoire du Cartel des Gauches à Luna Park où trente mille personne se rendent, Charles Maurras a la préscience de la mort de son frère. Il apprend le lendemain la mort au Tonkin du médecin et chirurgien Joseph Maurras, qui donnait une chronique médicale à L'Action française très suivie par la profession. Il télégraphie à sa belle sœur Henriette qu’il adopte son neveu Jaques et ses nièces Hélène et Jeanne ; il logera son neveu avec sa mère avenue Mozart et leur trouvera un précepteur, l’abbé Rupert ; Jacques sera bachelier au lycée Janson-de-Sailly, diplômé de l’École libre des sciences politiques, licencié en droit. Maurras était également le parrain de François Daudet, un des fils de Léon Daudet.

Relations avec les femmes

Charles Maurras eut une vie sentimentale riche et intense. Il eut de nombreuses relations féminines qui se terminèrent par des ruptures en douceur : son air parfois triste conjugué à l’ardeur de son regard pouvaient plaire.
Dans les années 1890, Maurras a dû affronter la séparation de la belle Valentine de Saint-Pons, puis il a été l'amant de la bouillonnante Mme Paul Souday qu'il continua de fréquenter amicalement après leur séparation.
Il tomba ensuite amoureux de la comtesse de la Salle-Beaufort, la nièce de Gustave Janicot, qui travaillait avec lui à La Gazette de France et qu'il connaissait depuis 1892 : la jeune femme, mariée et mère de plusieurs enfants, cultivée et touchée par cet amour ardent, ne voulut pas tout abandonner pour lui, ce qui lui donnera des envies de suicide360. Maurras ne rompait jamais avec les femmes : il correspondit avec la comtesse jusqu'en 1930.
En 1910 et jusqu'à son mariage, Pierre Chardon alias Mme Jules Stefani, née Rachel Legras fut l'amante de Maurras qui lui confia la publication de son Dictionnaire politique et critique, encyclopédie touchant tous les domaines auxquels Maurras toucha : politique littérature, histoire, sociologie philosophie.
En 1925, l’objet de ses sentiments amoureux fut Alice Gannat, intendant au collège des jeunes filles de la Légion d’honneur mais celle-ci ne consentit qu'à une relation amicale.
En 1928, il se lia avec la princesse Yvonne Rospigliosi, baronne de Villenfagne de Sorinnes marié au prince Ferdandino Carlo Rospiglios ; celle-ci habita chez Maurras rue de Verneuil et ils connurent des amours tempétueuses.
Sa dernière amie fut Mme de Dreux-Brézé, qui s'installa dans un logement tout près de sa prison et avec laquelle il eut une correspondance suivie après la Seconde Guerre mondiale. Il eut également une liaison avec Mme Espinasse-Mongenet.
De façon générale, Charles Maurras aimait les femmes et cela se traduisit par des prises de position politiques : en 1910, il salua l'entrée des femmes dans le cycle des études supérieures : Représentez-vous ce que les 2 500 étudiantes de Paris nous annoncent d'artistes, de lettrées, d'avocats, de doctoresses et tout ce qu'elles vont faire d'imitatrices, étudiantes de demain, parmi les fillettes qui sautent à la corde ou préparent leur première communion? Favorable au droit de vote des femmes, il rappelait que les femmes avaient voté sous Louis XVI dans les paroisses. Touchée par les pages que lui consacra Maurras, la poétesse saphique Renée Vivien compara Maurras à un Archange

Œuvres

1889 : Théodore Aubanel
1891 : Jean Moréas
1894 : Le Chemin du Paradis, mythes et fabliaux [lire en ligne sur archive.org le texte de l'édition remani
1896-1899 : Le Voyage d'Athènes (Lettres des Jeux olympiques, GF-Flammarion, prés. Axel Tisserand, 2004 (
1898 : L'Idée de la décentralisation
1899 : Dictateur et Roi
1899 : Trois idées politiques – Chateaubriand, Michelet, Sainte-Beuve
1900 : Enquête sur la monarchie
1901 : Anthinéa – d'Athènes à Florence
1902 : Les Amants de Venise, George Sand et Musset (éd. Flammarion, 1992)
1905 : L'Avenir de l'intelligence
1906 : Le Dilemme de Marc Sangnier
1910 : Kiel et Tanger
1910 : Les idées royalistes
1910 : * (et Henri Dutrait-Crozon, Si le coup de force est possible, Paris, Nouvelle librairie nationale, 1910. Repris dans Charles Maurras, Enquête sur la monarchie, Paris, Nouvelle librairie nationale, 1924; 1928 et 1937, Paris, Fayard; édition Kontre Kulture 2012.
1912 : La Politique religieuse (repris dans La démocratie religieuse, Nouvelles Éditions Latines, prés. Jean Madiran, 2008, contient aussi Le Dilemme de Marc Sangnier et L'Action française et la religion catholique
1914 : L'Action française et la religion catholique
1915 : L'Étang de Berre [lire en ligne sur archive.org]
1916 : Quand les Français ne s'aimaient
1916-1918 : Les Conditions de la victoire, 4 volumes
1917 : Le Pape, la guerre et la paix
1920 : Le Conseil de Dante
1922 : Inscriptions
1923 : Les Nuits d'épreuve (tiré à 1 200 exemplaires, particulièrement rare)
1923 : Poètes
1924 : L'Allée des philosophes
1925 : La Musique intérieure
1925 : Barbarie et poésie
1926 : La Bonne mort, conte, ill. par Paul Devaux
1926 : La Sagesse de Mistral (tiré à 530 exemplaires)
1927 : Lorsque Hugo eut les cent ans
1927 : La République de Martigues(tiré à 1 000 exemplaires)
1928 : Le Prince des nuées
1928 : Un débat sur le romantisme
1928 : Vers un art intellectuel
1928 : L'Anglais qui a connu la France
1929 : Corps glorieux ou Vertu de la perfection
1929 : Promenade italienne
1929 : Napoléon pour ou contre la France
1930 : De Démos à César
1930 : Corse et Provence
1930 : Quatre nuits de Provence
1931 : Triptyque de Paul Bourget
1931 : Le Quadrilatère
1931 : Au signe de Flore
1932 : Heures immortelles
1932-1933 : Dictionnaire politique et critique, 5 volumes
1935 : Prologue d'un essai sur la critique
1937 : Quatre poèmes d'Eurydice
1937 : L'Amitié de Platon
1937 : Jacques Bainville et Paul Bourget
1937 : Les vergers sur la mer
1937 : Jeanne d'Arc, Louis XIV, Napoléon
1937 : Devant l'Allemagne éternelle
1937 : Mes idées politiques
1937 : La Dentelle du Rempart
1940 : Pages africaines
1941 : Sans la muraille des cyprès
1941 : Mistral
1941 : La Seule France
1942 : De la colère à la justice
1943 : Pour un réveil français
1943 : Vers l'Espagne de Franco
1944 : Poésie et vérité
1944 : Paysages mistraliens
1944 : Le Pain et le Vin
1945 : Au-devant de la nuit
1945 : L'Allemagne et nous
1947 : Les Deux Justices ou Notre J'accuse
1948 : L'ordre et le désordre (L'Herne, Carnets, 2007, précédé de L'Avenir du nationalisme français
1948 : Réflexions sur la Révolution de 1789
1948 : Maurice Barrès
1948 : Une promotion de Judas
1948 : Réponse à André Gide
1949 : Au Grand Juge de France
1949 : Le Cintre de Riom
1950 : Mon jardin qui s'est souvenu
1951 : Tragi-comédie de ma surdité
1951 : Vérité, justice, patrie (avec Maurice Pujo)
1952 : À mes vieux oliviers
1952 : La Balance intérieure
1952 : Le Beau Jeu des reviviscences
1952 : Le Bienheureux Pie X, sauveur de la France
1953 : Pascal puni (posthume)
1958 : Lettres de prison (1944-1952) (posthume)
1966 : Lettres passe-murailles, correspondance échangée avec Xavier Vallat (1950-1952) (posthume)
2007 : Dieu et le Roi – Correspondance entre Charles Maurras et l'abbé Penon (1883-1928), présentée par Axel Tisserand, Privat, coll. « Histoire », Paris, novembre 2007, 750 p. (ISBN 978-2-7089-6881-3)
2008 : L’ordre et le désordre, préface de François L'Yvonnet, coll. Carnets, L’Herne, Paris.
2010 : Soliloque du prisonnier, préface de François L'Yvonnet, coll. Carnets, L’Herne, Paris.
2011 : La bonne mort, préface de Boris Cyrulnik et présentation de Nicole Maurras, coll. Carnets, L’Herne, Paris.
Charles Maurras, majoral du Félibrige, a publié une grande partie de son œuvre en provençal utilisant la graphie mistralienne.

Liens

http://youtu.be/D6yuoDqtG90 Sur les traces de Charles maurras
http://youtu.be/zc-gJ-R1HDA L'action Française de Charles Maurras 1
http://youtu.be/1dzOy0tHd7c L'action française Charles Maurras 2
http://youtu.be/9uvxXgm2TWs Duel à l'apaé en tre Paul de Cassagnac et Charles Maurras
http://youtu.be/kKPgD9pSvL8 L'action française
http://youtu.be/FbUak_IiUP4 Entretien avec Charles Maurras



Attacher un fichier:



jpg  h-20-1435030-1235474475.jpg (25.66 KB)
3_5353e480d4777.jpg 417X627 px

jpg  379743392.jpg (316.27 KB)
3_5353e48f39446.jpg 813X1024 px

jpg  pujo-2.jpg (37.70 KB)
3_5353e49e0de1f.jpg 381X360 px

jpg  Charles-Maurras-les-Libertés-2.jpg (585.68 KB)
3_5353e4b05fb96.jpg 1159X767 px

jpg  932932971.jpg (37.85 KB)
3_5353e4bf479ae.jpg 450X337 px

jpg  charles-maurras-olivier-dard.jpg (16.14 KB)
3_5353e4cc555e3.jpg 300X320 px

jpg  Jeanne-dArc-Daudet-et-Maurras.jpg (38.01 KB)
3_5353e4e90dfe7.jpg 550X436 px

jpg  Maurras_en_justice.jpg (200.27 KB)
3_5353e4f89f909.jpg 815X1250 px

jpg  maurras (1).jpg (46.01 KB)
3_5353e50e800e6.jpg 449X305 px

jpg  9782081221109.jpg (36.96 KB)
3_5353e51e17630.jpg 160X257 px

jpg  maurras-net-2.jpg (31.77 KB)
3_5353e533c2c3a.jpg 360X217 px

jpg  imgrod0065779.jpg (40.02 KB)
3_5353e559e57b0.jpg 361X450 px

jpg  Conférence-Olivier-Dard.jpg (51.98 KB)
3_5353e567cd298.jpg 826X583 px

jpg  41iq3NHepgL.jpg (29.70 KB)
3_5353e5758e401.jpg 309X500 px

jpg  lucalbertmoreauverdun19tc2.jpg (160.97 KB)
3_5353e5886fc07.jpg 444X357 px

jpg  maurras-Mistral.jpg (36.86 KB)
3_5353e5bb7f46d.jpg 416X398 px

jpg  nerf-de-la-guerre.jpg (27.21 KB)
3_5353e5d037425.jpg 299X260 px

jpg  Maurras-L-Herne.jpg (65.25 KB)
3_5353e5e02f421.jpg 300X386 px

jpg  Maurras-Charles-Oeuvres-Capitales-Essais-Politiques-Livre-975630555_ML.jpg (7.97 KB)
3_5353e5eb595e4.jpg 270X270 px

Posté le : 20/04/2014 00:50

Edité par Loriane sur 20-04-2014 17:21:54
Edité par Loriane sur 20-04-2014 17:23:06
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Michel Leiris
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 20 avril 1901 à Paris 16e naît Michel Leiris de son vrai nom

Julien Michel Leiris
,


écrivain, poète, ethnologue et critique d'art français, il meurt le 30 septembre 1990, à Saint-Hilaire dans l'Essonne

Comment rendre nécessaire le désordre d'une vie ? Comment doter de sens ce qui est le fruit du hasard ? Ces questions marquent le dilemme de l'entreprise autobiographique, et singulièrement de celle conduite par Michel Leiris. En effet, là où l'œuvre d'art vise à l'accomplissement et à la justification suprême qu'énonce Proust dans Le Temps retrouvé, le sujet autobiographique se sait voué à l'inachèvement et à la déception : il n'en finit jamais de renouer les fils de sa propre vie. Toute l'œuvre de Michel Leiris témoigne du savoir paradoxal qui naît de ce défaut de maîtrise.
En réaction à l'image de l'individu que proposaient les sociétés occidentales, l'un comme l'autre tendaient à redécouvrir une expérience du sacré qui situait l'homme face au monde dans une relation qui n'était plus de contingence mais de nécessité. Désireux d'approfondir son premier contact avec l'Afrique, Michel Leiris suit les cours de Marcel Mauss et devient ethnographe. Il partagera désormais son temps entre ses travaux scientifiques, sur la possession et les parlers rituels notamment et la littérature. Il effectue en 1945 un deuxième voyage en Afrique noire, puis deux séjours dans les Antilles il s'est également rendu en Chine populaire en 1955 et à Cuba en 1967 et 1968.
Michel Leiris s'est toujours attaché à discerner à travers rites et cultures des éléments primordiaux susceptibles d'étayer l'approche autobiographique qu'il allait tenter. Cette curiosité, il l'a également montrée pour des peintres et des écrivains auxquels il doit une plus juste évaluation de ses capacités artistiques. Ainsi en va-t-il de Raymond Roussel, dont la conception de la littérature comme procédé l'influença profondément, de Max Jacob qui fut son initiateur en poésie, de Georges Bataille avec qui il collabora lors de la fondation, en 1936, du Collège de sociologie et à qui est dédié L'Âge d'homme, de Robert Desnos et de Georges Limbour, également. Soulignons enfin les affinités, exprimées dans maints textes avec des peintres comme Masson, Miró, Picasso, Giacometti, Bacon.
À considérer l'œuvre, une chose frappe d'entrée : la pluralité des genres. Qu'il s'agisse de la poésie, Simulacre, 1925, Haut Mal, 1943, du roman, Aurora, des essais artistiques ou ethnographiques, Miroir de la tauromachie, 1938, on note une diversité extrême de l'écriture. Comme si les genres littéraires contraignaient l'auteur à ne se présenter que scindé, et débouchaient naturellement sur l'autobiographie, qui oblige celui qui s'y soumet à réinventer ce genre même au fur et à mesure que se crée l'autoportrait. Ainsi, c'est bien à partir du moment où, à la suite de Montaigne et de Rousseau, Michel Leiris a tenté d'explorer les virtualités de son moi que l'autobiographie est devenue pour lui un espace d'écriture autonome, avec ses contraintes et ses méthodes : notamment le lent travail de maturation et de filtrage, qui fait transiter le texte de la fiche,celle-ci parfois précédée d'une rédaction préliminaire dans son Journal au manuscrit et à la version dactylographiée.
Première tentative autobiographique avouée, L'Âge d'homme fut publié en 1939, l'essentiel de sa rédaction remonte cependant aux années 1934-1935. Leiris compare ce livre à un photomontage, soit à une œuvre en apparence composée à partir des éléments les plus hétéroclites, mais dont la simple juxtaposition finit par mettre au jour des indices essentiels. Privilégiant les souvenirs d'enfance ainsi que la description d'un érotisme où l'être désiré tend à se transformer en objet sacré, mixte de répulsion et de fascination, il s'attache à construire un livre qui serait la plus fidèle réplique possible de lui-même, ou du moins d'un fragment privilégié de sa durée intime. Simultanément, le souci d'exactitude se double d'un aveu d'ignorance – contradiction qui fait l'unité de l'ouvrage : Michel Leiris n'écrit qu'autant qu'il ne se connaît pas et cherche à atteindre une image de soi tellement dissimulée qu'il se voit contraint, par le recours au langage, à la recréer. Cette incertitude majeure explique le rôle ambigu que joue ici la mémoire : mémoire qui, à chaque instant, doit servir de fil conducteur et dont pourtant il faut se détacher, dans la mesure où le souvenir dans toute sa véracité n'apparaît qu'au terme de l'entreprise de restitution permise par l'écriture.
La structure parcellaire de L'Âge d'homme, en même temps qu'ordonnée selon une certaine rigueur chronologique, est un peu celle qui permet de voir se relier l'une à l'autre les pièces exposées dans un musée, en un mouvement d'intensification qui s'accroît à chaque étape. Un tel enrichissement du sens tient au choix fait par l'auteur de traiter les faits racontés non sous le simple jour du récit d'enfance, mais bien comme une véritable mythologie, avec ses événements rares ou funestes. D'où le rapport étroit qui se noue entre l'anecdote et des formes artistiques comme l'opéra ou la peinture. Ainsi la double figure de Judith et de Lucrèce peintes par Cranach est-elle l'axe principal à partir duquel s'ordonne et se déploie l'univers érotique de l'auteur. En effet, dans son désir de parvenir aux couches les plus profondes du moi, Michel Leiris n'a pu qu'aborder « le continent noir de la sexualité », avec ses fantasmes et ses peurs, approche qui contribue à faire de L'Âge d'homme une œuvre décisive.

Sa vie

Michel Leiris est né au sein d'une famille bourgeoise cultivée habitant au 41 rue d'Auteuil dans le 16e arrondissement de Paris. Sa famille le pousse contre son gré à faire des études de chimie alors qu'il est attiré par l'art et l'écriture. Il fréquente les milieux artistiques après 1918, notamment les surréalistes jusqu'en 1929. Il se lie d'amitié avec Max Jacob, André Masson, Picasso, etc. Son œuvre a marqué les recherches ethnographiques et ethnologiques.

En 1935, dans L'Âge d'homme, voici comme il se décrit :

" Je viens d’avoir trente-quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J’ai des cheveux châtains coupés court afin d’éviter qu’ils ondulent, par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont : une nuque très droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise, marque classique si l'on en croit les astrologues des personnes nées sous le signe du Taureau ; un front développé, plutôt bossué, aux veines temporales exagérément noueuses et saillantes. ... Mes yeux sont bruns, avec le bord des paupières habituellement enflammé ; mon teint est coloré ; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux rougeurs et à la peau luisante .... "
— Je viens d'avoir trente-quatre ans, in Michel Leiris, L'Âge d'homme, Gallimard, 1939.

Milieu familial

Son grand-père paternel, Jacques Eugène Leiris né en 1819 mort en 1893, employé de commerce, a pris part aux journées de juin 1848.
Sa mère, Marie-Madeleine née Caubet 1865-1956 une catholique fervente, a fréquenté la Sorbonne, elle parlait couramment l’anglais, mais n’exerça aucune fonction rémunérée, comme presque toutes les femmes de cette époque et de ce milieu, son père, Eugène Leiris 1855-1921, travaille dès l’âge de quatorze ans. Il est agent de change d’Eugène Roussel 1833-1894 puis de son successeur Jacques Sargenton, caissier des titres de ce dernier, puis son fondé de pouvoirs. Établi à son compte, il est alors l’homme d’affaires de Raymond Roussel fils d’Eugène Roussel et écrivain à qui Leiris voue une immense admiration.
Eugène Leiris décède, le 16 novembre 1921, des suites d’une opération de la prostate. Max Jacob, retiré, fin juin 1921, au couvent des bénédictins de Saint-Benoît-sur-Loire, adresse, le 18 novembre 1921, ses condoléances à Michel Leiris qui vient de perdre son père. C'est la première des lettres qu’il lui adresse deux par mois au cours des deux années qui suivent. Les soixante-six lettres, dont cinquante-deux de novembre 1921 à décembre 1923, conservées par Leiris ont été publiées.
Eugène et Marie Leiris qui ont perdu une fille, Madeleine, élèvent quatre enfants : trois fils, Jacques, Pierre dont les deux fils, François et Henri, décèdent au combat en novembre 1944, Michel et leur nièce Juliette, marraine de Michel.
Elle est, pour lui, une sœur aînée, une seconde mère mais aussi, grâce à son excellente mémoire, celle qui lui permet de vérifier l’exactitude de ses souvenirs d’enfance. Juliette épouse, le 2 juin 1910, Gustave Jannet 1883-1935. Le couple vient habiter Paris, près de chez les Leiris, Michel peut ainsi continuer à voir sa sœur tous les jours.
Il épouse en 1926 Louise Godon surnommée Zette, fille naturelle de Lucie Godon qui a trois sœurs plus jeunes. Michel Leiris devient ainsi le beau-fils de Daniel-Henry Kahnweiler, le puissant marchand de tableaux, s'occupant de Picasso notamment, ami de Max Jacob, Georges Braque, Juan Gris, et théoricien du cubisme. Chez les Kahnweiler, on rencontre régulièrement André Masson et ses amis, le critique d’art Maurice Raynal 1884-1954, Élie Lascaux et son épouse Berthe sœur de Lucie Godon, Suzanne Roger et son mari André Beaudin, le sculpteur Jacques Lipchitz, le musicien Erik Satie, le dramaturge Armand Salacrou et sa femme Lucienne, des écrivains et poètes Antonin Artaud, Charles-Albert Cingria 1883-1954, André Malraux et sa femme Clara.

Études

Les parents de Michel Leiris s’installent, en 1904, au 8 rue Michel-Ange dans un quartier d’Auteuil. De 1906 à 1909, Michel fréquente, jusqu’à la classe de neuvième incluse, l’école privée mixte de la rue Michel-Ange.
Au mois d’ocobre 1909, il entre au cours Kayser-Charavay, avenue Montespan, pour une année scolaire. En octobre 1910, il est en classe de septième, et l’année suivante en sixième, au cours Daguesseau, dirigée par l’abbé Llobet, rue Boileau.
Puis, en octobre 1912, il intègre le lycée Janson-de-Sailly pour y suivre les cours de cinquième. En juillet 1914, Michel termine sa quatrième avec le deuxième prix de français et le premier prix de récitation. En juillet 1916, il obtient, à la fin de sa classe de seconde, les premiers prix de composition française et d’exercices latins, mais, pour raison disciplinaire, il doit quitter le lycée Janson-de-Sailly. Sa famille le protège des nouvelles concernant la Première Guerre mondiale.
Au mois d’octobre 1916, il entre à l’école Vidal de la rue de Passy, pour y suivre la classe de première. Michel obtient en juillet 1917, la première partie du baccalauréat latin-langues, avec l’indulgence du jury. Il retourne, en octobre 1917, au cours Kayser-Charavay, pour suivre sa classe de philosophie. Il échoue, en juillet 1918, à la deuxième partie du baccalauréat. L’été 1918, les Leiris s’installent au 2 rue Mignet dans le seizième arrondissement de Paris. Michel suit des cours de philosophie dans une école privée, l'école Descartes. Il repasse, le 28 octobre 1918, la deuxième partie du baccalauréat philosophie qu’il obtient tant bien que mal d'après ses dires. Il découvre le jazz, le whisky, les boîtes de Montmartre et des chanteuses noires américaines, comme Bricktop, venues s'installer à Paris après la guerre.

De 1919 à la Seconde Guerre mondiale

Dès 1919, Michel Leiris fait quelques tentatives pour avoir un emploi stable. Après deux tentatives comme employé de commerce aux magasins Peter Robinson et chez le commissionnaire Max Rosambert, Leiris abandonne très rapidement.
Durant l’automne 1920, il prépare l’examen d’entrée à l’Institut de chimie. Le 15 décembre 1921, Michel Leiris commence un service militaire, au fort d'Aubervilliers, puis à l’Institut Pasteur, où il termine ses deux ans de conscription.
Il habite encore chez sa mère rue Mignet, et prépare, seulement pour la forme, un certificat de chimie. Le 15 décembre 1923, libéré du service militaire, il met fin à ses études de chimie. Il dira lui-même : " J’obéis à ma vocation — et renonçant aux vagues études que j’avais poursuivies jusqu’alors — je quittai le laboratoire où j’avais fini mon service …, décidé à consacrer toute mon activité à la littérature. "
Au mois d’octobre 1926, Michel Leiris est représentant en librairie, métier qui l’ennuie, mais lui laisse le temps d’écrire. Il adhère au syndicat CGT des V.R.P. voyageurs représentants placiers. Marxiste, il est sensible aux critiques de Souvarine à l'endroit du Parti Communiste Soviétique.
Il entre à Documents, revue fondée en 1929, par Georges Bataille, Georges Henri Rivière, Carl Einstein et financée par le marchand d’art Georges Wildenstein, le 3 juin 1929, comme secrétaire de rédaction, succédant à un poète et romancier, Georges Limbour, et précédant un ethnologue, Marcel Griaule, à son retour d’Éthiopie. Une rencontre décisive pour sa carrière d’ethnographe. À vingt-huit ans, c'est son premier emploi stable.
De 1929 à 1935, il suit une psychanalyse sous la conduite d'Adrien Borel.
Il ressent le besoin, pour la parachever, ou en constater l'échec, d'écrire une autobiographie : L'Âge d'Homme. Cette première œuvre est ensuite prolongée par les quatre tomes de La Règle du Jeu, rédigés de 1948 à 1976.
Avec l’appui de Georges Henri Rivière, sous-directeur du Musée d’ethnographie du Trocadéro depuis 1929, Leiris est officiellement recruté, en janvier 1931, par Marcel Griaule en tant qu’homme de lettres et étudiant en ethnologie faisant fonction de secrétaire archiviste de la Mission ethnographique, la Mission Dakar-Djibouti.
Bien qu'il n'ait pas de formation d'ethnologue, l'intérêt qu'il a montré au cours de sa collaboration à la revue Documents pour les relations entre les sciences sociales et le marxisme lui vaut d'avoir été choisi pour cette expédition, une place dans celle-ci, que Luis Buñuel a dédaignée, restant disponible. Michel Leiris tient le journal de bord de cette mission, publié sous le titre de L'Afrique fantôme, dont la tonalité est de plus en plus personnelle et intime.

La mission comprend, en 1931, six personnes : Marcel Griaule, chef de la mission, Marcel Larget, un naturaliste, chargé de l’intendance et second de la mission, Leiris, Éric Lutten enquêtes sur les technologies et prises de vue cinématographiques, Jean Mouchet études linguistiques et Jean Moufle enquêtes ethnographiques. Plus tard, André Schaeffner musicologue, Abel Faivre géographe et naturaliste, Deborah Lifchitz 1907-1943, linguiste, et Gaston-Louis Roux, recruté sur la recommandation de Leiris comme peintre officiel de la Mission chargé d’étudier et collecter des peintures éthiopiennes anciennes et d’en exécuter des copies.
À ces personnes, il est essentiel d'ajouter Abba Jérôme Gabra Mussié, un grand lettré éthiopien qui sera à la fois l'interprète et l'informateur principal de Leiris à Gondar.
De retour à Paris, il a du mal à se réadapter à la vie parisienne. Il habite encore — avec sa femme — chez sa mère, rue Wilhem.

Il se met à étudier l'ethnologie en suivant les cours de Marcel Mauss à l'Institut d'ethnologie, puis prend la responsabilité du Département d'Afrique noire du Musée d'ethnographie du Trocadéro ancêtre du Musée de l'Homme.
Il fait un trait, comme Paul Nizan dans Aden Arabie, sur le voyage comme mode d'évasion, en signant L'Afrique fantôme : monumental journal de voyage dans lequel il détourne les techniques d'enquête et de retranscription ethnographiques pour les appliquer à la description du quotidien et des conditions de travail de l'équipe de chercheurs.
La publication de ce texte dans la collection Les documents bleus chez Gallimard en 1934 provoque la rupture avec Marcel Griaule qui craint que la révélation des méthodes brutales utilisées pour la collecte de certains objets sacrés ne porte atteinte à la réputation des ethnographes6.
Il se donne comme mission d'obtenir les diplômes qui légitimeront ses activités. Son mémoire sur la langue secrète des Dogons présenté à l’École pratique des hautes études EPHE est ajourné par Louis Massignon 1883-1962 qui lui reproche de procéder par explosions successives de pensée et non par enchaînements discursifs.
Il le présente en juin 1938. Entre temps, en janvier 1935, il commence à suivre les cours sur les religions primitives de Maurice Leenhardt à l’EPHE et, à partir du mois de novembre, une licence de lettres à la Sorbonne.
En 1936, il obtient son certificat d’histoire des religions, option religions primitives, mention bien, et le 21 novembre de la même année un certificat de sociologie. En juin 1937, il décroche son certificat d’ethnologie options linguistique et Afrique Noire, mention bien, et le 21 d’octobre le diplôme d’amharique de l’École nationale des langues orientales vivantes, mention bien. De 1937 à 1939, il participe aux travaux du Collège de Sociologie, fondé par Georges Bataille et Roger Caillois, qui, entre autres, s'emploie à appliquer les thèses sur le sacré de Marcel Mauss et de Robert Hertz aux faits sociaux et politiques contemporains.
Au printemps de l’année 1938, désormais licencié ès lettres, Leiris est nommé directeur de service au Laboratoire d’ethnologie du Muséum national d'histoire naturelle, puis il entre comme chercheur au Centre national de la recherche scientifique CNRS tout en demeurant affecté au musée de L'Homme.
Il en reste salarié jusqu’à sa retraite, en 1971.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale

Au mois d’août 1940, le linguiste Boris Vildé 1908-1942, l’anthropologue Anatole Lewitsky 1901-1942 et la bibliothécaire Yvonne Oddon 1902-1982 créent le secteur Vildé du réseau de résistance dit Groupe du musée de l'Homme.
Leiris entretient des rapports cordiaux avec le groupe, sans en faire partie, notamment pour préserver la sécurité et les intérêts de Kahnweiler – qui, comme juif, a dû quitter Paris et se réfugier dans le sud-ouest de la France – et de la galerie Simon devenue galerie Louise Leiris en 1941, mais Michel Leiris et son épouse abritent, sans aucune réserve, Deborah Lifchitz, juive d’origine polonaise, dans leur appartement de la rue Eugène-Poubelle.
Cette collaboratrice de la Mission Dakar-Djibouti, amie et collègue de Denise Paulme au musée de L'Homme, meurt à Auschwitz après son arrestation par la police française, le 21 février 1942. Leiris dédiera à sa mémoire La Langue secrète des Dogons de Sanga au moment de sa publication en 1948.
Durant la fin de la guerre, il organisera également dans son appartement le 19 mars 1944 la lecture de la première pièce de théâtre de Picasso, Le Désir attrapé par la queue, regroupant une importante partie de l'intelligensia parisienne Sartre, Beauvoir, Lacan, Reverdy... sous la direction d'Albert Camus
C'est au cours de ces années de guerre que prend forme La Règle du jeu, une vaste et méticuleuse entreprise autobiographique. Considéré comme l'un des plus grands prosateurs du XXe siècle Claude Lévi-Strauss, Leiris renouvelle totalement ce genre littéraire, le dégageant de la chronologie, disloquant celle-ci, et procédant par associations d'images, de mots et d'idées, et par analepses. En même temps qu'un travail de et sur la mémoire, c'est à une mise en abîme de l'écriture qu'il se livre alors : s'écrire, se décrire, se vivre en écrivant. De 1948 à 1976, quatre tomes sont publiés : Biffures, Fourbis, Fibrilles, Frêle Bruit où, à l'image des longues phrases à périodes et parenthèses qui les parsèment, se lit une sorte de mise en boucle de soi - de soi et de son rapport au monde, aux autres, au langage – qui n'est pas sans évoquer les Essais de Montaigne.

Après guerre

En octobre 1942, Leiris rencontre Sartre au Havre. Les deux écrivains se sont auparavant mutuellement lus et appréciés, Leiris ayant été subjugué par La Nausée et L'âge d'homme ayant fait forte impression sur Sartre.
Cette rencontre sera décisive pour la pensée et l'écriture de Leiris, au point qu'il réalisera une longue préface à L'Âge d'homme De la littérature considérée comme une tauromachie, marquée par la thématique sartrienne de la littérature engagée Après la Libération, il devient membre de l'équipe fondatrice de la revue Les Temps modernes dirigée par Sartre.
Il participe également, avec Alioune Diop, Aimé Césaire, dont il devient l'ami, et Georges Balandier, à la fondation de la revue Présence africaine en 1945. Il écrit également des nouvelles et de nombreux poèmes.
Parallèlement, il embrasse la profession d'ethnologue et, à partir de 1943, devenu chercheur du CNRS au Musée de l'Homme, il exercera une grande influence sur une nouvelle génération d'ethnologues comme Georges Condominas, Georges Balandier, Paul Mercier ou Gilbert Rouget
Il est nommé Satrape du Collège de 'Pataphysique en 1957, et publie de nombreux textes dans la revue du Collège.
D'un tempérament mélancolique et angoissé, atteignant une profonde dépression, il tente en 1957 de se suicider, et reste quatre jours dans le coma ce qu'il relatera dans le troisième tome de La Règle du jeu, Fibrilles.

À partir des années 1960

En 1960, Michel Leiris participe à la fondation et à la direction des Cahiers d’études africaines publiés par l’École pratique des hautes études (VIe section).
En juillet de la même année, prenant position contre le colonialisme, il est notamment un des premiers signataires du Manifeste des 121 - Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie, et également membre du Mouvement de la paix, publié en septembre dans différents périodiques, qui furent saisis ; vingt-neuf des signataires, dont Leiris, furent inculpés de provocation à l’insoumission et à la désertion.
Le 25 octobre 1960, année de l’accession à l’indépendance des colonies françaises d’Afrique noire et de Madagascar, une commission paritaire du CNRS se réunit en conseil de discipline pour examiner le cas des chercheurs signataires du « Manifeste des 121 ». Tentant de se défendre, Leiris affirme que sa vocation d’ethnologue le pousse à défendre les peuples qu’il étudie et dont il est l’avocat désigné, celui qui plus que quiconque doit s’attacher à faire admettre leurs droits, sans excepter le droit de lutter à leur tour pour se constituer en nation. Le 7 décembre, un blâme lui est infligé.
En janvier 1961, quelques mois après la sanction concernant la signature du Manifeste des 121, il est promu maître de recherche au CNRS
Jean Rouch conseille à Leiris en 1967 de postuler au grade de directeur de recherche au CNRS ce qui lui prolonge de trois ans sa carrière. Il est nommé directeur de recherche en janvier 1968.
Il préside avec Simone de Beauvoir, l’association des amis du journal maoïste La Cause du peuple. Il s’associe au mouvement de mai 1968.
En 1968, il rejoint André du Bouchet, Yves Bonnefoy, Paul Celan, Jacques Dupin et Louis-René Des Forêts au comité de rédaction de la revue L'Éphémère, jusqu'au dernier numéro en 1972.
Avec Robert Jaulin et Jean Malaurie, il assure durant l'année 1969 la critique des théories d’ethnologie dans le cadre de l’enseignement critique et polémique donné à la Sorbonne, parallèlement aux cours officiels d’ethnologie.
Il laisse, en plus de son œuvre autobiographique, d'importantes études de critique esthétique et d'ethnologie. Il a notamment travaillé sur la croyance en la possession - le culte des génies zar - dans le nord de l'Éthiopie, l'analysant dans une perspective proche du thème sartrien de la mauvaise foi existentielle et des travaux d'Alfred Métraux, dont il était un ami proche, sur le culte vaudou en Haïti.
En matière de critique d'art, Leiris est l’un des observateurs les plus aigus de son temps, et il s'est principalement intéressé à la peinture moderne figurative, consacrant des articles et des essais aux grands peintres "réalistes" du 20e siècle : Pablo Picasso, Wifredo Lam, André Masson, Alberto Giacometti ou Francis Bacon (dont on peut considérer qu’il fut le découvreur, avec qui il partagera une amitié dès 1966.

En 1980, Leiris refuse le Grand prix national des lettres.

Dernières années

Son bureau au Musée de l’Homme lui est supprimé, au mois d’août 1984, une mesure rapportée fin septembre par l’assemblée des professeurs du Muséum national d'histoire naturelle, après les protestations et pétitions du personnel du musée. Au mois de janvier de l’année suivante Leiris fait don, au Musée de l’Homme, de ses archives relatives à l’ethnologie et à sa carrière d’ethnographe, archives aujourd'hui conservées et numérisées par la bibliothèque du Laboratoire d'anthropologie du Collège de France.
Avec Jean Jamin, Leiris a fondé en 1986 au musée de l'Homme la revue d'anthropologie Gradhiva, aujourd'hui publiée par le Musée du quai Branly, ainsi que la collection “Les cahiers de Gradhiva” publiée aux éditions Jean-Michel Place.

Hospitalisé à l’Hôpital américain de Neuilly du 7 au 20 novembre 1989 à la suite d'une crise cardiaque,
il décède le dimanche 30 septembre 1990, à 9 h 15 du matin, dans sa maison de Saint-Hilaire Essonne.

Incinéré au crématorium du Père-Lachaise, ses cendres furent placées dans le caveau où reposent Lucie 1882-1945 et son mari Daniel-Henry Kahnweiler 1884-1979, Jeanne Godon et Zette Louise Alexandrine Leiris née Godon le 22 janvier 1902 à Paris.
Leiris a légué ses biens à Amnesty International, à la Fondation des Droits de l’Homme, au Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples MRAP. Sa bibliothèque, ses manuscrits littéraires et sa correspondance sont donnés à la Bibliothèque Jacques Doucet, tandis que ses travaux et archives ethnographiques sont déposés au Laboratoire d'anthropologie sociale. Jean Jamin en est l'héritier littéraire.

Œuvres

1925 - Simulacre, Le Point cardinal
1934 - L'Afrique fantôme
1938 - Miroir de la tauromachie essai
1939 - L'Âge d'homme
1943 - Haut Mal poèmes
1946 - Aurora roman
1948 - Biffures La Règle du jeu - I
1948 - La Langue secrète des Dogons de Sanga deuxième édition : 1992
1951 - Race et Civilisation
1955 - Fourbis La Règle du jeu - II
1955 - Contacts de civilisation en Martinique et en Guadeloupe
1958 - La Possession et ses aspects théâtraux chez les Éthiopiens de Gondar
1961 - Nuits sans nuit et quelques jours sans jour
1964 - Grande fuite de neige
1966 - Fibrilles La Règle du Jeu - III
1966 - Brisées recueil d'articles
1967 - Afrique noire : la création plastique en collaboration avec Jacqueline Delange
1969 - Cinq études d'ethnologie
1969 - Mots sans Mémoire recueil de textes poétiques
1969 - Fissures
1971 - André Masson, "Massacres" et autres dessins
1974 - Francis Bacon ou la vérité criante
1976 - Frêle Bruit La Règle du Jeu - IV
1978 - Alberto Giacometti
1980 - Au verso des images
1981 - Le Ruban au cou d'Olympia
1985 - Langage tangage
1987 - Francis Bacon
1987 - Roussel l'ingénu
1988 - À cor et à cri
1989 - Bacon le hors-la-loi
1991 - La Course de taureau scénario
1992 - Zébrage recueil d'articles
1992 - Journal 1922-1989
1992 - Operratiques
1992 - Un génie sans piédestal recueil de textes sur Picasso
1992 - C'est-à-dire édition posthume d'entretiens réalisés en 1986 et 1987 avec Jean Jamin et Sally Price
1992 - L'Évasion souterraine
1994 - Journal de Chine
1994 - L'Homme sans honneur. Notes pour le sacré dans la vie quotidienne
1995 - Francis Bacon ou la brutalité du fait
1996 - Miroir de l'Afrique collection Quarto, Gallimard – recueil posthume illustré comprenant ses principaux écrits d'ethnologie africaine
1997 - Wifredo Lam
1998 - Roussel & Co.
2000 - Le Merveilleux
2000 - Correspondance Leiris-Paulhan, 1926-1962
2002 - Ondes, suivi de Images de marque
2002 - Correspondance André Castel-Michel Leiris, 1938-1958
2003 - La Règle du jeu Bibliothèque de la Pléiade
2004 - Échanges et correspondances, Bataille-Leiris
2004 - Francis Bacon, face et profil
2011 – Écrits sur l'art Paris, CNRS Éditions, recueil posthume de tous ses textes sur la peinture et la sculpture
2013 - Correspondance Jacques Baron-Michel Leiris, 1925-1973
2014 - Glossaire j'y serre mes gloses, suivi de Bagatelles végétales
Bon nombre de ces œuvres ont été traduites en allemand, anglais, italien, espagnol, portugais, polonais, roumain, japonais. L'Âge d'homme a figuré au programme de l'agrégation de lettres en 2005. Plusieurs périodiques français ou étrangers (Europe, Littérature, Critique, Il Verri, L'ire des vents, Le Magazine littéraire, Sub-stance, Sulfur, Modern Literay Notes, Konteksty) ont consacré des numéros spéciaux à Michel Leiris.

Une revue consacrée à Michel Leiris a été fondée en 2007. Éditée par les Éditions Les Cahiers, les Cahiers Leiris consacrent chacune de leurs livraisons à la publication d'articles critiques et de documents inédits
La publication dans la Bibliothèque de la Pléiade du deuxième volume des œuvres de Michel Leiris L'Afrique fantôme, L'Âge d'homme, Miroir de la tauromachie, sous la direction de Denis Hollier, est prévue pour la fin novembre 2014.

Une grande exposition Leiris : L'âge d'homme, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Marie-Laure Bernadac et Denis Hollier, est programmée au Centre Beaubourg-Metz; elle aura lieu de mars à octobre 2015.

Anecdote

Max Jacob prévient Leiris en février 1923 qu’il avait utilisé ses lettres pour le caractère d’un personnage d’un roman en cours paru en mars 1924 L’Homme de chair et l’homme reflet , où l’on peut lire : " Maxime Lelong croyait de son devoir d’être ingénieur-chimiste .... Il se détestait, se regardait aux glaces pour se détester davantage, rageait contre ses vêtements pauvres .... Il souffrait de tout sans se l’avouer ou en le criant trop pour qu’on le prît au sérieux ".

Liens
http://youtu.be/gNkjK0NnUkk Un jour un livre
http://youtu.be/JCQIiAc8pi8 Un jour un livre
http://youtu.be/92iBWwFFX-E Portrait de Michel Leiris
http://youtu.be/T4aYBrGBWYY Miroir de L'Afrique
http://youtu.be/1jN8VRUdC-w Michel Leiris chez les Dogons
http://youtu.be/vjWyM3KYDss Objet usuel dogon



Attacher un fichier:



jpg  Michel_Leiris.JJ.1984.jpg (616.06 KB)
3_5353e07786d58.jpg 1676X1104 px

jpg  6a00d8341ce44553ef00e552b639d08834-500pi.jpg (40.71 KB)
3_5353e08287331.jpg 500X364 px

jpg  arton267.jpg (13.26 KB)
3_5353e08c0f758.jpg 180X276 px

jpg  505803264.jpg (5.72 KB)
3_5353e096c72b5.jpg 150X181 px

jpg  portrait.jpg (41.55 KB)
3_5353e0a3d9168.jpg 389X480 px

jpg  8o5l43sc.jpg (41.09 KB)
3_5353e0b122516.jpg 500X500 px

jpg  leiris3.jpg (27.76 KB)
3_5353e0c1a4fc0.jpg 300X291 px

gif  36004102.gif (32.38 KB)
3_5353e0cd158a9.gif 285X475 px

jpg  pe102_griaule.jpg (53.85 KB)
3_5353e0df76fbe.jpg 512X500 px

jpg  portrait-leiris.jpg (100.23 KB)
3_5353e10630f4c.jpg 500X514 px

jpg  miroir_afrique.jpg (32.13 KB)
3_5353e11660c1e.jpg 162X236 px

jpg  710_1_1a_MICHEL_LEIRIS_L_Afrique_fantome_1934.jpg (54.87 KB)
3_5353e124e0e1d.jpg 710X558 px

jpg  lage-dhomme-de-michel-leiris.jpg (205.47 KB)
3_5353e137dc7eb.jpg 397X636 px

jpg  l-afrique-fantome-de-dakar-a-djibouti-1931-1933-illustre-de-32-planches-photographiques-troisieme-edition-de-michel-leiris-910122431_ML.jpg (11.33 KB)
3_5353e1492b4af.jpg 270X270 px

jpg  Leiris-Michel-Et-Delange-Jacqueline-Afrique-Noire-La-Creation-Plastique-Livre-498982049_ML.jpg (16.67 KB)
3_5353e1560cdee.jpg 270X270 px

jpg  photo-41190-55279-p1710667.JPG (35.61 KB)
3_5353e167ac94d.jpg 600X450 px

jpg  231240449.jpg (47.81 KB)
3_5353e17767102.jpg 300X389 px

jpg  1084_85.jpg (12.94 KB)
3_5353e19569e3b.jpg 300X263 px

jpg  study_of_isabel_b.jpg (37.63 KB)
3_5353e1a1e73be.jpg 500X581 px

Posté le : 19/04/2014 21:03

Edité par Loriane sur 20-04-2014 17:03:05
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Henry de Montherland
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 20 avril 1895 à Paris 7e naît Henry de Montherlant

de son nom complet Henry Marie Joseph Frédéric Expedite Millon de Montherlant romancier, essayiste, auteur dramatique et académicien français il est distingué du prix de Northcliffe en 1934, ses Œuvres principales sont : Les Jeunes Filles 1936/1939, La Reine morte en 1942,
Le Maître de Santiago en 1947, La Ville dont le prince est un enfant 1951/1967, il meurt à Paris, à 77 ans le 21 Septembre 1972

Héritier du culte barrésien de l'énergie, il exalte dans ses romans,les Olympiques, 1924 ; les Bestiaires, 1926 les passions qui développent la vigueur physique et morale puis exprime sa vision de moraliste désabusé dans des récits, les Célibataires, 1934 ; les Jeunes Filles, 1936-1939,qui tournent en dérision l'âme féminine. L'héroïsme et la haine du sentimentalisme se retrouvent dans ses drames, qui ressuscitent l'austérité de la tragédie classique, la Reine morte, 1942 ; le Maître de Santiago, 1948 ; Malatesta, 1950 ; la Ville dont le prince est un enfant, 1951 ; Port-Royal, 1954 ; le Cardinal d'Espagne, 1960.
Pendant cinquante ans de vie littéraire, Montherlant a pris au mot tout ce qu'il sentait, convoitait, sans jamais perdre de vue l'idée de la mort. Ce ne sont pas seulement les êtres qui meurent, c'est la terre qui roule dans le vide. Dès lors, la vie des personnages de Montherlant sera un naufrage accepté lentement et plein du court étonnement de naître et de vivre.
Montherlant est le grand styliste du XXe siècle. Son ton n'appartient qu'à lui. Il sait aussi bien manier la longue phrase que communiquer en traits rapides son insolence, ou donner un profond mouvement à sa prose pour laisser fondre un cœur qui se reprend aisément, car il y a toujours une partie de lui qui juge l'auteur – ce dont témoignent assez les magnifiques Carnets.
Montherlant habité de l'idée de la mort a fait dire à un personnage du Cardinal d'Espagne en 1966 :" Il y a deux mondes, le monde de la passion et le monde du rien ; c'est tout. Aujourd'hui, je suis du monde du rien." Ses deux derniers romans, Le Chaos et la nuit en 1963 et Un assassin est mon maître en 1971, Montherlant semble les avoir écrits pour se persuader qu'il faut partir. Dans Le Chaos et la nuit, un vieil anarchiste espagnol est las d'avoir souffert trente ans dans la prison de ses illusions révolutionnaires et il saisit la nuée fasciste et la nuée communiste entre ses deux bras pour les écraser l'une contre l'autre. Ce pour quoi il a vécu est mort, il n'a plus peur de la mort.

Sa vie

Henry de Montherlant est né à Paris le 20 avril 1895. Fortune et titres étaient la hantise de la famille
La famille Millon, devenue Millon de Montherlant en 1864, par la voie gracieuse, adjonction de nom par l'autorité administrative était, selon le généalogiste Louis de Saint Pierre, une famille de petite et ancienne noblesse, ce qui est d'ailleurs confirmé dans Le Grand Armorial de France dressé par Henri de Jougla de Morenas et Raoul de Warren.
Les armoiries des Millon sont décrites comme suit dans l’armorial de d’Hozier de 1696: de sinople à la tour d’argent maçonnée de sable, enflammée de gueules, surmontée de deux épées du second garnies d’or posées en sautoir.Donc, les quatre quartiers, de noblesse paternels, Millon de Montherlant, Malinguehen, Bessirard de la Touche, Mauge du Bois-de-Entes ont été prouvés par MM. de Soulès et admis par l’ordre de Malte, sur rapport de M. de Cressac. Quant aux quatre quartiers maternels, les Camusat de Riancey sont nobles depuis 1709, les Lefebvre des Vaux depuis 1823, avec titre de baron en 1825, les Potier de Courcy depuis la guerre de Cent Ans, et les Gourcuff depuis les Croisades. Les Millon de Montherlant possédèrent plusieurs châteaux surtout au XIXe siècle, l'un d'eux, qui se trouve à Montherlant dans l'Oise, est classé monument historique depuis 2003.
Henry de Montherlant descent de François Millon de Montherlant.

L'écrivain

Henry Millon de Montherlant envisage très tôt de faire œuvre d'écrivain. À l’âge de 7 ou 8 ans, il écrit déjà de petits volumes et s’amuse à rédiger des préfaces et des postfaces. Ses récits ont pour cadre, souvent, l’Antiquité. Ce sera d'abord l'expérience du journal intime détruit à la fin de sa vie. Son père décède lorsque Montherlant a 19 ans, sa mère une année plus tard. C'est probablement elle qui lui donnera le goût de la littérature. Quo Vadis ? de Henryk Sienkiewicz, dont elle lui fait la lecture, marquera l'ensemble de sa vie : ce roman historique lui apporte une double révélation, la révélation de l'art d'écrire, et la révélation de ce que je suis, dit-il en 1957-587. Il lui fournira les thèmes qu'il abordera tout au long de son œuvre, l'amitié, Rome et le suicide.
De dix à treize ans, s'inspirant de Quo Vadis, Montherlant écrivit de cinq à six heures par jour. À ces récits, il préféra bientôt des œuvres personnelles : poèmes, ébauches théâtrales.

Renvoyé du collège Sainte-Croix pour pédérastie en mars 1913, Montherlant va commencer à dix-huit ans un récit où il va essayer d'expliquer l'affaire de mœurs à sa façon, de dégager cette partie de lui-même qui lui permettra de revivre son adolescence au collège. De ce récit, véritable for intérieur, Montherlant tirera deux œuvres : La Ville dont le prince est un enfant 1951 et, cinquante-six ans après la sanction qui le frappa, Les Garçons 1969. La poésie, la purification des passions par l'écriture, un désir porté à l'infini donnent à ces deux œuvres une grande puissance de rayonnement.

Il termine ses études à l’Institution Notre-Dame de Sainte-Croix à Neuilly, connue pour ses options catholiques progressistes proches du Sillon ; il aura Paul Archambault comme professeur de philosophie en 1911. Il y est dispensé d'éducation physique et d'instruction religieuse, mais, passionné par l'Antiquité romaine, il se révèle un excellent latiniste, et se montre aussi doué pour le dessin. Initié très jeune à la tauromachie, il exécute deux mises à mort de taurillons à l’âge de quinze ans. Son renvoi en 1912 du collège Sainte-Croix de Neuilly lui fournit, bien des années plus tard, le thème de deux de ses œuvres, La Ville dont le prince est un enfant 1951 et Les Garçons 1969. Philippe Giquel, qui lui inspira le jeune héros de La Ville dont le prince est un enfant, deviendra un as de l'aviation durant la Grande Guerre, puis un journaliste réputé dans le domaine de l'aéronautique. Sa vocation littéraire se confirme avec sa première pièce, L'Exil, écrite à l'âge de dix-neuf ans, en novembre-décembre 1914. Le héros de cette pièce est un jeune snob autant de mise que d'esprit, qui croit pouvoir se débarrasser de son genre par un engagement volontaire, alors que sa mère l'empêche de s'engager.

Fidèle aux valeurs grecques et romaine

Nourri par la lecture de Barrès, de Nietzsche et de Plutarque, il trouve un idéal dans le courage et les vertus antiques. Il apprécie particulièrement le Satyricon de Pétrone, qu'il préfacera plus tard. Il torée en Espagne avant 1914.

Durant la Première Guerre mondiale, il est affecté au service auxiliaire. En février 1918, il se porte volontaire pour être versé dans un régiment d'infanterie de première ligne. Parti au front pour mourir, il en revient « grièvement blessé, selon le texte de sa citation, par sept éclats d'obus dans les reins, dont un seul put être extrait. En 1919, il devient secrétaire général de l’Œuvre de l’Ossuaire de Douaumont ; impressionné par l'exemple des Grecs d'Homère proclamant qu'en se battant, ils n'ont pas de haine, eux qui pouvaient voir en l'adversaire de la veille l'ami que l'on s'est fait par la lance, Montherlant restera fidèle toute sa vie à ces valeurs de respect pour l'adversaire qui a loyalement accompli son devoir : aussi souhaite-t-il que l'Ossuaire soit dédié à la gloire de l'homme, et donc aussi du soldat allemand, afin de mettre tout-à-fait hors d'atteinte la part humaine vraiment admirable qui s'était exercée à Verdun.

Patriote sans être nationaliste, il décrit dans Le Songe, paru en 1922, le courage et l'amitié des combattants. De 1920 à 1925, il se tourne vers le sport, notamment l'athlétisme, la tauromachie, l'équitation et le football, et fréquente les stades, où il renoue avec la fraternité des tranchées. Avec Les Olympiques en 1924, il évoque les heures de poésie que le sport nous fit vivre, dans la grâce — la beauté parfois — des visages et des corps de jeunesse, dans la nature et dans la sympathie . La même année paraît Chant funèbre pour les morts de Verdun, écrit comme un acte de piété « tel que celui d'allumer une petite lampe sur un des tombeaux de son pays. Ces œuvres, en lui apportant la notoriété, lui en retirent aussi le goût : l'attrait du bonheur et de la vie devient plus fort que tout, et, selon sa propre expression, il prend le large. Laissant ses biens mobiliers au garde-meubles, il quitte la France le 15 janvier 1925 pour l'Italie, le Maroc espagnol et surtout l'Espagne.

Le voyageur

En amateur passionné des civilisations du bassin méditerranéen, principalement celle de la Rome antique, de l’Espagne, et des Arabes, c'est dans leurs contrées qu'il va errer jusqu'en 1932, s'adonnant à ses plaisirs et à ses sports favoris. C'est ainsi qu'à la fin de 1925, dans un élevage près d'Albacete, il est renversé par un taurillon, et le coup de corne qu'il reçoit taillade la périphérie de son poumon. Victime d'une typhoïde et de deux congestions pulmonaires, il passe quatre mois de 1926 dans des maisons de santé, et entre en convalescence à Tanger.
Dès 1925, la crise que traverse le jeune Montherlant est pour une part une crise de satiété sensuelle : J'eus sur-le-champ tout ce que je voulais, et sur-le-champ en eus par-dessus la tête. Mais elle se double aussi d'une crise métaphysique : Pourquoi vivons-nous ? Et à quoi bon ? Parti pour se livrer au détachement, il accumule les renoncements pour mieux se forger une existence tout entière de travail, lecture et réflexion, délivrée de tout ce qui n'est pas l'essentiel. Cessant de sourire à la gloriole, selon ses propres termes, il renonce à la vanité sociale, ce cancer qui ronge le monde civilisé. Il renonce à l'ambition et à l'idée de faire carrière ; il renonce à l'action, tenue dès cette époque pour risible, fors quand elle est charité; il renonce au désir d'argent et aux intérêts du monde ; il renonce enfin au mariage. Sur le plan spirituel, il abandonne un grossier amalgame du paganisme avec un catholicisme décoratif et fantaisiste d'où tout christianisme était absent : désormais, il se tiendra à l'écart de la religion mais en la respectant. Quant à la violence du fort sur le faible, de l'Européen sur l'indigène, qu'il constate en Afrique du nord, elle a pour effet de le dégoûter de toute violence pour la vie.
Il vit trois mois par an à Paris en été et le reste du temps en Afrique du Nord. Ces séjours dans l'Algérie au début des années 1930 sont à l'origine de sa réflexion sur le principe colonial : dans ses errances, il est au contact de ces parias du peuple que sont les indigènes coloniaux, et malgré le conflit où il se trouve pris entre la patrie et la justice, il compose l'œuvre intitulée La Rose de Sable où il dénonce sous la forme romanesque les excès de la France coloniale. De retour en France en avril 1932, devant le réarmement de l’Allemagne, il publie dans le journal La Liberté un long article sur l'état de la France qui ne se prépare pas à la guerre inévitable, où le sentiment national et l'esprit public font défaut. De crainte d'ajouter aux difficultés de la France, dans un temps où le pays allait avoir besoin de tout ce qui lui restait de forces pour se défendre à la fois contre l'ennemi du dehors et contre son gouvernement, il renonce à publier La Rose de Sable. Cette publication sera étalée sur une trentaine d'années entre 1938 et 1968.
De la crise traversée par Montherlant, dénouée en 1929, se dégage, selon ses propres dires, un homme meilleur à l'équilibre retrouvé.

La deuxième guerre mondiale

Dès les années 1930, il invite par de nombreux articles et ouvrages à intervenir contre l'Allemagne nazie 1936, puis 1938. Dans L'Équinoxe de Septembre Septembre 1938, il attaque violemment la tentation défaitiste et la lâcheté des chefs de gouvernement Daladier et Chamberlain, ce dernier qualifié de Marx brother de la Paix :
" Les chefs des grandes démocraties accourant l'un après l'autre, gravissant l'Olympe en suppliants pour embrasser les genoux du Jupiter à la mèche, suspendus à un froncement de ses sourcils, sans d'ailleurs prendre la peine de s'en cacher, le flattant du bout des doigts, tandis qu'ils font dans leur culotte. "

Après les accords de Munich, le 29 septembre 1938, un des journaux français ayant demandé une minute de silence, Montherlant s'indigne : Chaque jour, avec une savante technique de la bassesse, on s'efforce de donner à la France une âme et une morale de midinette, Ce n'est pas de minutes de silence que nous avons besoin, c'est d'avions, Monsieur Daladier. La publication de L’Équinoxe de septembre sera interdite par l'occupant nazi pendant trois semaines en 1941.

Réformé pour blessures de guerre après 1918, empêché par deux congestions pulmonaires de reprendre du service en 1939, il assiste aux combats de la Somme et de l'Oise comme correspondant de guerre pour l’hebdomadaire Marianne : Le Solstice de Juin est ainsi consacré à la bataille de France de mai-juin 1940.
Il y rappelle les paroles de six écrivains qui ont soutenu sa fermeté dans ces heures douloureuses où la vie des soldats était presque chaque jour en jeu, paroles qu'il conservait dans son portefeuille, transcrites sur un carton bristol. Dans cet essai, il défend notamment une amitié chevaleresque entre vainqueur et vaincu, à l'issue des combats, et nourrit une relation ambiguë à l'idéologie nazie, réclamant la création d'un : organisme qui ait pouvoir discrétionnaire pour arrêter tout ce qu'il juge devoir nuire à la qualité humaine française. Une sorte d'inquisition au nom de la qualité humaine française dans "Le Solstice de Juin " ; il voit en la victoire allemande le renversement d'un monde pourri : La victoire de la Roue solaire n'est pas seulement victoire du Soleil, victoire de la paiennie. Elle est victoire du principe solaire qui est que tout tourne... Je vois triompher en ce jour le principe dont je suis imbu, que j'ai chanté, qu'avec une conscience entière je sens gouverner ma vie. De même, il exalte la force quelle qu'en soit la fin : Le combat sans la foi, c'est la formule à laquelle nous aboutissons forcément si nous voulons maintenir la seule idée de l'homme qui soit acceptable : celle où il est à la fois le héros et le sage. Cela lui vaudra la réputation de collaborateur et des ennuis passagers à la Libération.

Cependant, de nombreux éléments montrent que ce n'était pas un collaborateur : dès 1940, il a refusé de participer à la rédaction de La Gerbe, dont le fondateur n'est autre qu'Alphonse de Châteaubriant, également président du groupe Collaboration ; il refuse de se rendre à Weimar, à l'invitation des Allemands, avec beaucoup d'autres écrivains français comme Robert Brasillach, Marcel Jouhandeau ou Abel Bonnard ; il refuse de publier dans les journaux ou revues collaborationnistes. Son dossier, successivement examiné par la Direction générale des services spéciaux du 2e Bureau, par la Commission d'épuration de la Société des gens de lettres, par la Haute Cour et par la Chambre civique, sera à chaque fois classé sans suite. Le 9 septembre 1944, un manifeste des écrivains français demande le juste châtiment des imposteurs et des traîtres . Montherlant n'est pas nommé.

Des résistants auraient reproché à Montherlant de s'être dérobé à certaines responsabilités. Montherlant répond qu'il ignorait tout de la Résistance. Léon Pierre-Quint, membre du Comité national des écrivains résumera en octobre 1945 le dossier Montherlant : La seule accusation qui pourrait être reconnue contre lui, ce n'est pas d'avoir pris un mauvais parti, c'est de n'avoir pas pris de parti du tout ; il s'agirait de savoir si un écrivain a le droit, pendant l'occupation de son pays, de rester indépendant et de vouloir garder sa liberté d'esprit, — s'il est autorisé, alors que deux camps se disputent le monde, à se tenir à l'écart.

Le Dossier Montherlant sera examiné par plusieurs organismes : en septembre 1944, la Direction générale des services spéciaux du 2e Bureau rend un non-lieu ; en février 1945, la Commission d'épuration de la Société des gens de lettres ne retient aucune charge contre l'écrivain, après l'avoir entendu. Un tribunal d'épuration composé de certains écrivains de la Résistance lui inflige une peine, une interdiction professionnelle de six mois rétroactifs de non-publication. Ils furent deux juges sur huit à se déplacer pour entendre Montherlant; en mai 1945, la Haute Cour classe l'affaire à la suite d'une information contre Montherlant; pendant l'été 1945, une information contre Montherlant devant la Chambre civique se solde par un classement sans suite. Il n'y aura jamais d'instruction.

Le retrait après la Guerre

En rupture avec la société contemporaine, cherchant à transcender les luttes partisanes, il se consacre à l'écriture de son théâtre depuis la Seconde Guerre mondiale. Il y peint la grandeur et la misère des hommes et des femmes d'honneur, tiraillés par leurs passions, souvent trahis et perdus.
Durant la période de l'après-guerre, il est également l'auteur de nombreux dessins réalisés à la mine de plomb, des esquisses représentant tour à tour des scènes de tauromachie, des hommes en habits de lumière et quelques nus féminins ou masculins. Il renoncera cependant au dessin, expliquant que tout ce qui n'est pas littérature ou plaisir est temps perdu.

En 1960, Montherlant est élu à l'Académie française sans en avoir fait expressément la demande, fait rare mais non unique.

Fin de vie, suicide

En 1959, une insolation modifie son rythme de vie et provoque l'accident qui, en 1968, lui fait perdre l'usage de l’œil gauche. Devenant ensuite quasi aveugle à la suite de cet accident, il se suicide le jeudi 21 septembre 1972, le jour de l'équinoxe de septembre, quand le jour est égal à la nuit, que le oui est égal au non, qu'il est indifférent que le oui ou le non l'emporte mettant ainsi en pratique jusqu'au bout l'équivalence des contraires de sa philosophie morale.
À son domicile du 25, quai Voltaire à Paris, il avale une capsule de cyanure et, simultanément, se tire une balle dans la bouche, de crainte que le cyanure ne soit éventé. Montherlant laisse un mot à Jean-Claude Barat, son légataire universel : Je deviens aveugle. Je me tue .
De cette mort volontaire, Julien Green écrit quelques jours plus tard : Ayant inventé un personnage tout de bravoure et d'éclat, il Montherlant a fini par le prendre pour lui et s'y est conformé jusqu'à la fin.

Ses cendres sont dispersées à Rome, sur le Forum, entre les pierres du temple de Portunus ou temple de la Fortune virile et dans le Tibre, par Jean-Claude Barat et Gabriel Matzneff.

Montherlant et les hommes


Montherlant s'est toujours efforcé de cacher son homosexualité38 et de minimiser les rapports autobiographiques que l'on pouvait supposer entre ses œuvres traitant des garçons et sa vie sentimentale. Pour certains, Qui ?, son roman Les Garçons reflète assez précisément ses amours de jeunesse, comme il s'en est d’ailleurs expliqué ouvertement dans ses derniers écrits, par exemple dans Mais aimons-nous ceux que nous aimons ? publié en 1973. Les Garçons a été publié en 1969, mais des passages significatifs à cet égard n'ont paru que dans la version de La Pléiade 1982, Romans, tome II, voir par exemple p. 550. L'auteur a toujours affirmé que son roman Les Garçons était une œuvre imaginaire construite à partir de sa courte expérience d'élève à Sainte-Croix de Neuilly et de son amitié avec Philippe Giquel dont la fille sera sa filleule.

Pierre Sipriot a écrit que Montherlant se serait souvent avancé masqué afin de cultiver une forme de secret. Par exemple sur sa date de naissance, qu'il a falsifiée, se rajeunissant d'un an il a, de plus, voulu naître le 21 avril, jour de la fondation de Rome et même l'Académie française s'y est perdue puisqu'elle donne dans sa notice officielle la date du 30 avril, ou dans le domaine de sa vie privée : Roger Peyrefitte a publié la correspondance partiellement codée qu'il a entretenue avec Montherlant en en fournissant le décryptage, semblant démontrer qu'il l'accompagnait dans sa recherche de garçons entre 1938 et 1941.

La biographie de Sipriot, qui s'appuie principalement sur l'écrivain Roger Peyrefitte, laisse entendre que Montherlant, au moins sur la fin de sa vie, aurait entretenu des relations sexuelles avec des jeunes hommes. D'autre part, Sipriot prétend que Peyrefitte et Montherlant faisaient des virées ensemble et entretenaient à eux deux des mères de familles complaisantes. Montherlant, qui pressentait ces révélations, avait écrit dans ses derniers carnets :

" Aussitôt que je serai mort, deux vautours, la Calomnie et la Haine, couvriront mon cadavre pour qu’il leur appartienne bien à eux seuls et le déchiquetteront."

Ces révélations posthumes ont pu modifier l'image qui dominait à son sujet de son vivant, contraignant certains à renoncer à un Montherlant idéalisé, et d'autres à le relire de plus près.

Montherlant et les femmes

"On", Qui? a aussi montré que beaucoup de femmes s’éprirent de cet ennemi des femmes, qui affiche un goût pour les valeurs viriles et fraternelles selon l'Académie française.

Son oeuvre est traversée par un courant fortement misogyne, ainsi que le souligne Simone de Beauvoir, qui lui consacre la première partie du chapitre deux de la troisième partie Mythes de son essai Le Deuxième Sexe. C'est notamment dans les quatre romans qui forment le cycle romanesque des Jeunes Filles que se déploie cette vision négative des femmes, où les "bêtes féminines" sont "malades, malsaines, jamais tout à fait nettes" et où le héros masculin s'inscrit toujours dans un rapport foncièrement asymétrique avec la femme : "Prendre sans être pris, seule formule acceptable entre l'homme supérieur et la femme". C'est le même discours qu'il développe dans La Petite Infante de Castille : "Ce qui est agaçant chez les femmes, c'est leur prétention à la raison".

Jacques Laurent tempère ce trait de caractère : Il y a chez lui un peu de misogynie — mais pas systématique, sans méchanceté... et en général amusante. Il ne faut pas la ramener comme l'a fait par exemple Pierre Sipriot à son homosexualité. Montherlant est par ailleurs resté en contact suivi et prolongé des décennies durant avec des femmes comme Elisabeth Zehrfuss, Jeanne Sandelion, Alice Poirier, la Comtesse Govone et Banine ou encore la poétesse Mathilde Pomès et le professeur et critique Marguerite Lauze, qu'il fréquente en toutes sortes d'occasion : concerts, restaurants, voyages, recherche d'imprimeurs et d'éditeurs.

Lauze, qui fut sa compagne durant trente ans, fut désignée comme son unique héritière, avec son fils Jean-Claude Barat à partir de 1952. Selon Marie-Christine Giquel, qui le tiendrait de son père, lequel le tiendrait lui-même de Montherlant, celui-ci serait le père de deux enfants .

Œuvres

Montherlant est l'auteur d'une très abondante œuvre littéraire comprenant pour l'essentiel des romans, récits, pièces de théâtre et essais, mais aussi des notes de carnets, de la poésie et une correspondance. L'essentiel de cette œuvre est disponible aux éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade deux tomes de romans, un tome de théâtre, un tome d'essais incluant les carnets.

Romans

La Jeunesse d'Alban de Bricoule :
Le Songe 1922
Les Bestiaires 1926
Les Garçons 1969
Les Célibataires 1934
Les Jeunes Filles :
Les Jeunes Filles 1936
Pitié pour les femmes 1936
Le Démon du bien 1937
Les Lépreuses 1939
Le Chaos et la Nuit 1963
La Rose de sable 1968- Une première version, tronquée, a été publiée sous pseudonyme en 1938 ; une autre en 1954.
Un assassin est mon maître 1971
Publications posthumes :
Thrasylle 1984
Moustique 1986

Théâtre

L'Exil 1914 - 1929
Pasiphaé 1936
La Reine morte 1942
Fils de personne 1943
Un incompris 1943
Malatesta 1946
Le Maître de Santiago 1947
Demain il fera jour 1949
Celles qu'on prend dans ses bras 1950
La Ville dont le prince est un enfant 1951 - 1967
Port-Royal 1954
Brocéliande 1956
La Mort qui fait le trottoir Don Juan 1956
Le Cardinal d'Espagne 1960
La Guerre civile 1965

Récits

Les Voyageurs traqués :
Aux fontaines du désir 1927
La Petite Infante de Castille 1929
Un voyageur solitaire est un diable 1961
Publications posthumes :
Mais aimons-nous ceux que nous aimons ?
Quelques mois de féerie, quelques jours de galère. Inédits nord-africains 1926-1940 1995

Essais

La Relève du matin 1920
Les Olympiques 1924
La mort de Peregrinos 1927
Mors et vita 1932
Service inutile 1935
L'Équinoxe de septembre 1938
Les Nouvelles chevaleries 1941
Le Solstice de juin 1941
Textes sous une occupation 1940-1944 1963
Discours de réception à l'Académie française et réponse du duc de Lévis Mirepoix 1963
Le Treizième César 1970
La Tragédie sans masque. Notes de théâtre 1972
Essais critiques 1995, publication posthume.

Carnets

Carnets 1930-1944 1957 dans Essais 1963, La Pléiade, p. 965-1369
Va jouer avec cette poussière 1958-1964 1966
La Marée du soir 1968-1971 1972
Publications posthumes :
Tous feux éteints 1965, 1966, 1967, 1972 et sans dates 1975
Garder tout en composant tout Derniers carnets, 1924-1972 2001

Poésie

Encore un instant de bonheur 1934

Correspondance

Henry de Montherlant - Roger Peyrefitte, Correspondance (1938-1941), présentation et notes de R. Peyrefitte et Pierre Sipriot, Robert Laffont, 1983
Henry de Montherlant, Lettres à Michel de Saint-Pierre, préface de Michel de Saint-Pierre, Albin Michel, 1987
Correspondance avec Philippe de Saint Robert, in Bibliographie.

Divers

Pages catholiques, recueillies et présentées par Marya Kasterska, Plon, 1947
Dessins, préface de Pierre Sipriot, Copernic, 1979

Illustrateurs

Certaines œuvres de Henry de Montherlant ont donné lieu à des éditions d’art illustrées atteignant des prix de vente élevés aux enchères ou chez les libraires de bibliophilie, comme Les Jeunes Filles, illustrées par Mariette Lydis ou d’autres par Cocteau, Cami, Édouard Georges Mac-Avoy, Pierre-Yves Tremois...

Liens

http://youtu.be/TBtxzxOnDr0 Montherland nous confie 1
http://youtu.be/2Cx04nCojYc Monyherland nous confie 2
http://youtu.be/VHfnXCG578c Montherlandoar lui-même
http://youtu.be/LTOLNnM_PGI La reine morte de Montherland
http://youtu.be/SfnyVQopm_I Michel Fau revoit le théâtre de Montherland

Attacher un fichier:



jpg  Henry_de_Montherlant.jpg (33.50 KB)
3_5353de020857d.jpg 300X320 px

jpg  Henry_de_Montherlant (1).jpg (30.16 KB)
3_5353de0e209d9.jpg 345X485 px

jpg  article-91-arland-03.jpg (117.35 KB)
3_5353de1969f8e.jpg 498X373 px

jpg  jeunes_filles.jpg (85.37 KB)
3_5353de326cdd6.jpg 286X482 px

jpg  99082.jpg (322.87 KB)
3_5353de4220044.jpg 2245X3040 px

jpg  montherlant-1914.jpg (90.35 KB)
3_5353de4e78004.jpg 196X400 px

jpg  img321.jpg (230.46 KB)
3_5353de5cb9068.jpg 1600X1153 px

jpg  Sipriot-Pierre-Montherlant-Sans-Masque-Livre-875993099_ML.jpg (8.89 KB)
3_5353de6b5e856.jpg 270X270 px

jpg  Les-Celibataires-Livre-875934310_ML.jpg (14.40 KB)
3_5353de7b7dd62.jpg 270X270 px

jpg  Montherlant-Les bestiaires-cecedile.jpg (41.83 KB)
3_5353de8e681ff.jpg 444X620 px

jpg  GARCONS-MONTHERLANT.jpg (13.99 KB)
3_5353dea063485.jpg 186X310 px

jpg  51E7SMY7BYL.jpg (39.02 KB)
3_5353debdaa3b6.jpg 313X475 px

gif  9782070360123FS.gif (75.95 KB)
3_5353dee35b2d3.gif 284X475 px

jpg  montherlant1.jpg (52.51 KB)
3_5353df1ae014a.jpg 501X683 px

jpg  Montherlant - Pérot.JPG (152.41 KB)
3_5353df2824eb3.jpg 820X1200 px

jpg  Num_riser00061.jpg (94.43 KB)
3_5353df3528e96.jpg 484X800 px

jpg  Henry-De-Montherlant-Fils-De-Personne-Un-Incompris-Livre-307415497_ML.jpg (13.36 KB)
3_5353df5014d42.jpg 270X270 px

jpg  montherlant_affiche.jpg (132.03 KB)
3_5353df5edc5cc.jpg 340X481 px

jpg  12-011.jpg (56.49 KB)
3_5353df6cde270.jpg 620X350 px

Posté le : 19/04/2014 17:18

Edité par Loriane sur 20-04-2014 16:53:42
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Jean de La Fontaine
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 13 avril 1695 à Paris meurt Jean de La Fontaine,

né le 8 Juillet 1621 à Chateau-Thierry, France, poète français de grande renommée, principalement pour ses Fables et dans une moindre mesure ses contes licencieux. On lui doit également des poèmes divers, des pièces de théâtre et des livrets d'opéra qui confirment son ambition de moraliste.
Proche de Nicolas Fouquet, Jean de La Fontaine reste à l'écart de la cour royale mais fréquente les salons comme celui de Madame de La Sablière et malgré des oppositions, il est reçu à l'Académie française en 1684. Mêlé aux débats de l'époque, il se range dans le parti des Anciens dans la fameuse Querelle des Anciens et des Modernes.
C'est en effet en s'inspirant des fabulistes de l'Antiquité gréco-latine et en particulier d'Ésope, qu'il écrit les Fables qui font sa renommée. Le premier recueil qui correspond aux livres I à VI des éditions actuelles est publié en 1668, le deuxième livres VII à XI en 1678, et le dernier livre XII actuel est daté de 1694. Le brillant maniement des vers et la visée morale des textes, parfois plus complexes qu'il n'y paraît à la première lecture, ont déterminé le succès de cette œuvre à part et les Fables de La Fontaine sont toujours considérées comme un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature française. Le fabuliste a éclipsé le conteur d'autant que le souci moralisant a mis dans l’ombre les contes licencieux publiés entre 1665 et 1674.

La Fontaine est aujourd’hui le plus connu des poètes français du XVIIe siècle, et il fut en son temps, sinon le plus admiré, du moins le plus lu, notamment grâce à ses Contes et à ses Fables. Styliste éblouissant, il a porté la fable, un genre avant lui mineur, à un degré d’accomplissement qui reste indépassable. Moraliste, et non pas moralisateur, il pose un regard lucide sur les rapports de pouvoir et la nature humaine, sans oublier de plaire pour instruire.
Est-ce le plus grand poète français ou le plus français de nos grands poètes ? La célébrité de Jean de La Fontaine – indéniable – occulte souvent d'irritantes questions qu'on retrouve en filigrane, d'une époque à l'autre, dans les innombrables études qui lui sont consacrées. Par exemple, celles-ci : doit-il sa gloire à l'habitude que nous avons prise d'utiliser ses fables à l'école ou s'agit-il d'un malentendu nous cachant sa vraie grandeur, qu'il faut chercher dans la poésie pure ? Est-ce un professeur d'opportunisme ou même d'immoralité politique, comme l'ont affirmé tour à tour Rousseau, Lamartine, Breton ou Eluard, ou un opposant courageux qui s'est dressé contre l'instauration de l'absolutisme ? Faut-il regretter avec Valéry qu'il n'ait pas écrit deux ou trois fables de plus au lieu de ses contes à l'érotisme glacé ? Les douze livres de ses Fables ne sont-ils qu'un polypier de poèmes capricieusement accrochés les uns aux autres ou s'agit-il d'un jardin aux itinéraires soigneusement ménagés, comme ces bosquets à secrets que Le Nôtre dessinait à la même époque ? Comment se fait-il enfin que le mot inimitable revienne si souvent pour caractériser le ton de La Fontaine alors que la plus grande partie de son œuvre est composée – au sens exact du mot – d'imitations ?

J'aime le jeu, l'amour, les livres, la musique...

Les parents de La Fontaine sont des bourgeois aisés : sa mère est veuve d'un négociant de Coulommier. L'atmosphère familiale est perturbée par des problèmes d'intérêt qui se retrouveront tout au long de la vie du poète. L'enfant semble avoir été élevé par deux mères, la vraie, qui a trente-neuf ans à sa naissance, et une charmante demi-sœur de huit ans. Image double de la femme qui réapparaîtra souvent dans ses rêveries.
Le jeune Jean passe ses premières années à Château-Thierry dans l'hôtel particulier que ses parents, Charles de La Fontaine, Maître des Eaux et Forêts et Capitaine des Chasses du duché de Château-Thierry, et Françoise Pillou, fille du bailli de Coulommiers, ont acheté en 1617 au moment de leur mariage. Le poète gardera cette maison jusqu'en 1676. Classée monument historique en 1886, la demeure du fabuliste abrite aujourd’hui le musée Jean de La Fontaine.
On dispose de très peu d’informations sur les années de formation de Jean de La Fontaine. On sait qu’il a étudié au collège de sa ville natale jusqu’en troisième où il se lie d'amitié avec François de Maucroix et apprend surtout le latin, mais n’étudie pas le grec. En 1641, il entre à l’Oratoire. Mais dès 1642, il quitte cette carrière religieuse, préférant lire L'Astrée, d’Honoré d'Urfé, et Rabelais, plutôt que Saint Augustin.
Fut-il, comme le prétend une tradition tenace, un adolescent lourdaud, grand dormeur, indolent, voire paresseux et viveur ? Passe pour l'indolence, puisqu'il l'avoue ; mais elle est associée à une curiosité d'esprit qui le sensibilise à tous les événements importants et à tous les grands courants de pensée de son époque. Cette curiosité insatiable lui permet d'accumuler – et d'assimiler – une très vaste culture : les classiques latins, base de l'enseignement du temps, mais aussi les grecs, moins pratiqués : Homère, les Tragiques, Platon, dont il traduira un dialogue, les italiens : Boccace, Arioste, Tassoni, les espagnols. Et, bien entendu, notre littérature : les vieux conteurs, avec une prédilection marquée pour Rabelais, et encore Marot, Honoré d'Urfé, les précieux, les burlesques, les théologiens, les philosophes. Ce panorama de ses lectures, qui est aussi un aperçu de ses sources, serait bien incomplet s'il oubliait les signes d'intérêt de l'artiste pour les cultures marginales de son époque : les emblèmes, imagerie commentée qui connaît un grand succès, aussi bien chez les mal-lisants que chez les amateurs de peinture peu fortunés ; les facéties de cabaret qu'on écrit en joyeuse compagnie, sur un coin de table ; les jeux de salon, portraits, devinettes, questions d'amour, etc., créations futiles et raffinées d'une société qui cherche à se définir ; et surtout la littérature orale, les récits merveilleux, facétieux ou d'animaux, vaste répertoire très vivant au XVIIe siècle et qui lui est très familier, ne serait-ce qu'à cause de son enfance en Champagne, terre de passage où se croisent les contes du Nord, du Midi et de l'Est.
Il reprend des études de droit à Paris et fréquente un cercle de jeunes poètes : les chevaliers de la table ronde, où il rencontre Pellisson, François Charpentier, Tallemant des Réaux, et Antoine de Rambouillet de La Sablière, qui épousera la future protectrice du poète Marguerite de La Sablière. Il obtient en 1649, un diplôme d’avocat au parlement de Paris.
On retrouve l'artiste à vingt ans, novice à l'Oratoire, puis, à vingt-six ans, marié et père de famille. Il a suivi des cours de droit, mais l'office de maître des Eaux et Forêts qu'il rachète à son beau-frère en 1653 puis celui dont il hérite de son père en 1658 se révèlent peu rentables, à cause d'une succession embrouillée par les exigences d'un frère cadet, de dettes, d'une paysannerie éprouvée par les secousses de la Fronde, la répression et la guerre étrangère.
Entre temps, en 1647, son père lui avait organisé un mariage de complaisance avec Marie Héricart, à la Ferté-Milon. Marie Héricart est la fille de Louis Héricart, lieutenant civil et criminel du bailliage de La Ferté-Milon, et d’Agnès Petit. Le contrat de mariage est signé dans cette bourgade proche de Château-Thierry le 10 novembre 1647, chez le notaire Thierry François. Il est alors âgé de 26 ans et elle de 14 ans et demi. Elle lui donne un fils, Charles. Il se lasse très vite de son épouse qu’il délaisse, voici ce qu'en dit Tallemant des Réaux dans ses Historiettes :
" Sa femme dit qu'il resve tellement qu'il est quelque fois trois semaines sans croire estre marié . C'est une coquette qui s'est assez mal gouvernée depuis quelque temps : il ne s'en tourmente point. On luy dit : mais un tel cajolle vostre femmes - Ma foy ! répond-il qu'il fasse ce qu'il pourra; je ne m'en soucie point. Il s'en lassera comme j'ay fait. Cette indiférence a fait enrager cette femme, elle seiche de chagrin ".
Ses fréquentations parisiennes, pour ce que l’on en sait, sont celles des sociétés précieuses et libertines de l’époque.
En 1652, La Fontaine acquiert la charge de maître particulier triennal des eaux et des forêts du duché de Château-Thierry, à laquelle se cumule celle de son père à la mort de celui-ci. Tâche dont on soupçonne La Fontaine de ne guère s’occuper avec passion ni assiduité et qu’il revendit intégralement en 1672. C’est ainsi qu’il amorce une carrière de poète par la publication d’un premier texte, une comédie en cinq actes adaptée de Térence, L’Eunuque, en 1654, qui passe totalement inaperçue.
Au service de Fouquet 1658-1663

En 1658, il entre au service de Fouquet, Surintendant des Finances, auquel, outre une série de poèmes de circonstances prévus par contrat - une pension poétique - il dédie le poème épique Adonis tiré d’Ovide et élabore un texte composite à la gloire du domaine de son patron, le Songe de Vaux, qui restera inachevé, le surintendant des Finances Nicolas Fouquet, alors au faîte de sa puissance, se sent en passe d’atteindre à la succession de Mazarin et à la fonction de Premier ministre. Il s’organise, non sans intention de propagande, une cour d’écrivains. Par Pellisson peut-être, ou par un oncle de sa femme, Jannart, substitut de Fouquet, La Fontaine est mis en rapport avec le nouveau mécène, qui le prend sous sa protection et lui fait une pension. À son service, La Fontaine lui dédie un roman mythologique, Adonis 1658, écrit pour lui des vers de circonstance, entreprend une description du château de Vaux-le-Vicomte alors en construction, le Songe de Vaux. Cet ouvrage restera inachevé, mais témoigne de la souplesse de La Fontaine à parler de tous les arts : il y a en lui plus qu’un amateur éclairé, un critique d’art possible. Il est possible qu’il ait déjà composé des contes dès cette époque. Il se lie avec Pellisson, Scudéry, Saint-Évremond, comme lui clients de Fouquet.
Alors commence une période heureuse et féconde où le poète – savoureuse et prophétique plaisanterie – paie une pension poétique au protecteur qui le pensionne. Fouquet intègre son nouveau protégé au petit groupe d'artistes chargés d'embellir et de célébrer son domaine de Vaux, dont la magnificence sert son crédit. La Fontaine reçoit mission de décrire ces merveilles présentes et à venir. Peut-être compose-t-il ses premières fables pour illustrer les groupes de sculptures destinés aux fontaines que projette Le Nôtre.
Mais, Mais le luxe et les intrigues du surintendant inquiètent le jeune roi qui, guidé par Colbert, amorce une autre politique : relance de l'économie, protectionnisme, recherche de nouveaux débouchés. en 1661, c’est la disgrâce du tout-puissant ministre, arrêté pour malversations sur ordre de Louis XIV Fouquet est arrêté. L’arrestation de Fouquet disperse cette cour de protégés intéressée. Parmi les rares fidèles restent La Fontaine et Jannart. Ce dernier organise la défense du surintendant par toute une campagne de publications. La Fontaine écrit alors, en hommage à Fouquet, une Élégie aux nymphes de Vaux 1661 et une Ode au roi pour M. Fouquet 1663. Il est contraint à un temps d’exil à Limoges, période qu’il évoquera en écrivant pour sa femme Voyage en Limousin, chef-d’œuvre d’allégresse, d’humour et de justesse d’observation. La Fontaine écrit en faveur de son protecteur en 1662, l’Ode au Roi puis l’Élégie aux nymphes de Vaux. Certains biographes ont soutenu que cette défense de Fouquet alors arrêté lui avait valu la haine de Jean-Baptiste Colbert, puis celle de Louis XIV lui-même, sans que l’on ne dispose de témoignages clairs à ce sujet. On ne sait pas exactement si son voyage en Limousin en 1663 est un exil ordonné par l’administration Louis XIV, ou une décision librement consentie d’accompagner l'oncle Jannart de sa femme, lui exilé et qui lui a présenté Fouquet en 1658. Il tire de ce déplacement une Relation d’un Voyage de Paris en Limousin : il s’agit d’un récit de voyage sous forme de lettres en vers et en prose adressées à son épouse, publié de façon posthume. Dans ce récit, il mentionne sa rencontre avec une servante d'auberge à Bellac, ce qui permettra à Jean Giraudoux originaire de ce lieu de s'imaginer une affiliation avec ce poète pour qui l'écrivain noue une grande passion.
Fouquet est arrêté, emprisonné. Ses amis se dispersent. La Fontaine est l'un des très rares à lui rester fidèle. Il plaide même sa cause dans L'Élégie aux nymphes de Vaux et dans une Ode au roi. Il semble aussi avoir participé activement aux Défenses de Fouquet et aux campagnes de pamphlets qui dénoncent la rage de Colbert et les irrégularités du procès.
Si la fréquentation de la cour de Fouquet n’a sans doute pas beaucoup infléchi l’art de La Fontaine, elle fut toutefois lourde de conséquences. D’abord, La Fontaine fait figure d’opposant, modestement, au roi et à son principal ministre Colbert, qui, des années durant, lui garderont rigueur de ce courage, le tenant à l’écart des honneurs et des récompenses. Les tentatives de La Fontaine pour atteindre le roi, les dédicaces de fables aux enfants royaux, à la toute-puissante maîtresse Montespan n’y feront rien. Son œuvre se développe en marge de l’organisation officielle du monde littéraire.
Surtout, il a vu, des coulisses, le théâtre politique ; il a été pris dans une débâcle ; il a constaté les reniements qui accompagnent une soudaine disgrâce. Cette expérience amère, mais enrichissante, lui communique un pessimisme souriant et méprisant, auquel les Fables doivent une amertume lucide et somme toute tonique. Mélancolique et de bon sens , a-t-on dit de La Fontaine au XVIIe s. L’affaire Fouquet ne pouvait que renforcer ces deux traits.
La vindicte du ministre s'acharne sur le poète : poursuites pour usurpation de titres, pour malversation, exil à Limoges, ce qui nous vaut les délicieuses lettres à sa femme, publiées après sa mort sous le titre Relation d'un voyage de Paris en Limousin.
Le clan opposé à Colbert récupère et protège le bonhomme : amitié de la très jeune et jolie duchesse de Bouillon pour qui il écrit ses premiers contes, sinécure auprès de la duchesse douairière d'Orléans, au palais du Luxembourg. Entre 1664 et 1667, en quatre livraisons, La Fontaine publie vingt-sept contes et nouvelles en vers, parmi lesquels Joconde, La Matrone d'Éphèse et Le Calendrier des vieillards, puis, en 1668, sous le titre modeste de Fables choisies mises en vers par M. de La Fontaine, un premier ensemble de cent vingt-six fables divisé en six livres, précédé d'une Vie d'Ésope, d'une préface et d'une dédicace où l'auteur pose sans ambiguïté sa candidature à la fonction de précepteur du Dauphin, en équipe, semble-t-il, avec le duc de La Rochefoucauld.
Le recueil obtient un succès immédiat.
L'œuvre a pu être lue comme une colbertade, et cela d'autant plus que certaines fables ont circulé sous le manteau. Mais l'artiste a délibérément dominé et dépassé la chronique. Les allusions sont gommées et intégrées à un projet plus vaste, à la fois artistique, pédagogique et philosophique. Au moment où s'édite la prestigieuse collection ad usum delphini, La Fontaine entreprend d'élargir le genre traditionnellement scolaire de la fable et d'y regrouper les symboles et les repères permettant à un jeune prince – et à tout homme – une meilleure connaissance des autres et de lui-même.
Ce succès encourage l'artiste. Dans un mouvement alterné, fables et contes se succèdent. En 1669 paraît Les Amours de Psyché et de Cupidon, sorte de roman promenade mêlé de prose et de vers, suivi d'Adonis, en 1671, d'une nouvelle fournée de Contes et nouvelles et de huit fables inédites parmi lesquelles Le Coche et la Mouche et L'Huître et les Plaideurs. En 1673, à la mort de la duchesse d'Orléans, La Fontaine est recueilli par Mme de La Sablière. Dans cette maison et dans ce salon hospitaliers, il trouve le climat d'amitié, de liberté et de culture dont il a besoin. Il y fréquente des artistes, des philosophes et des voyageurs, élargit son information au domaine du Moyen-Orient et de l'Asie et publie en 1677 une nouvelle édition des Fables en quatre volumes dont les deux derniers, parus en 1678 et en 1679, contiennent les livres VII à XI des éditions actuelles ; ils marquent un renouvellement et un approfondissement de son inspiration. Ses Nouveaux Contes, en 1674, qui mettent en scène des gens d'Église, lui valent la colère du parti dévot qui les fait interdire à la vente. Mais l'affaiblissement du clan colbertiste et l'amitié de Mme de Montespan et de Racine conjurent le danger. La Fontaine s'essaie dans l'opéra et il est reçu en 1684 – non sans difficulté – à l'Académie française où il remplace Colbert, son ancien persécuteur, et prononce – en termes sibyllins – son éloge.

La retraite et la mort de Mme de La Sablière le laissent sans ressources.Il songe à s'expatrier en Angleterre. Recueilli in extremis par Mme d'Hervart, il regroupe et publie en 1693 les fables du livre XII qui s'achèvent par Le Juge arbitre, l'Hospitalier et le Solitaire, poème qui est à la fois un testament et un art de vivre. Il tombe gravement malade et son confesseur, l'abbé Pouget, qui admire en lui un homme fort ingénu, fort simple, lui arrache une abjuration publique de ses contes infâmes et lui fait déchirer sa dernière œuvre à peine achevée, une comédie.

Redécouvrir les contes

Une des erreurs les plus constantes, même au XXe siècle, aura été de séparer contes et fables. Ségrégation due au moralisme né de la Contre-Réforme qui a tenté d'occulter ou de discréditer un des courants les plus vivants de notre littérature, celui des contes facétieux et érotiques. C'est d'autant plus injuste que La Fontaine choisit dans ce répertoire des histoires lestes, sans doute, mais excluant toute perversité ou vulgarité, et qu'il les raconte d'une façon savoureuse mais généralement pudique, en maniant avec art la litote et l'allusion. L'anathème jeté sur ses contes est aussi un contresens littéraire, car plusieurs fables, par exemple La Jeune Veuve ou La Femme noyée, sont, elles aussi, des contes, à peine moins licencieux que ceux qu'on voudrait proscrire. À travers quelques histoires archiconnues d'initiations au plaisir, de prêtres en goguette, de cocus complaisants ou magnifiques, on peut surprendre quelques thèmes très neufs à l'époque et qui restent actuels à la nôtre : la célébration du désir et du plaisir, l'éloge de la femme, le respect des unions bien assorties et de l'amour. La critique de l'avenir serait bien inspirée en réhabilitant ces chefs-d'œuvre inconnus du grand public, par exemple ces deux épopées burlesques de la naïveté, Comment l'esprit vient aux filles et Les Oies de frère Philippe, ou le truculent maquignonnage du Maupassant avant la lettre du conte Les Troqueurs.

L'Univers dans le discours

Pourquoi La Fontaine se sert-il d'animaux et choisit-il avec tant d'obstination d'écrire des fables, genre exclu des arts poétiques et rejeté dans le secteur déjà décrié de la littérature enfantine ? Il n'est pas impossible que cet « enfant aux cheveux gris ait trouvé du plaisir à perfectionner l'élaboration minutieuse des circonstances qu'il a apprise à l'école. L'essentiel reste qu'il ait transfiguré ces gênes exquises et qu'il soit parvenu, malgré elles, jusqu'à ce charme qui est pour lui la vraie beauté : art du moins dire et, souvent, du dire sans dire qui caractérise sa manière, insaisissable et reconnaissable entre toutes.
Un souriceau raconte à sa mère ses surprenantes rencontres, un cerf éclate de rire aux obsèques de la lionne, deux pigeons se séparent puis se retrouvent. Le conteur est adroit et nous l'écoutons avec amusement, sans nous sentir particulièrement concernés. Et voilà que, par une suite de transitions savantes – intelligemment analysées par Léo Spitzer dans Études de style – et par un subtil jeu de miroirs, nous sommes entrés dans les raisons, souvent saugrenues, d'animaux qui nous ressemblent comme des frères ; nous mesurons les limites de notre sagesse et la sagesse de certaines de nos folies.

Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?
Que ce soit aux rives prochaines.
Les Deux Pigeons.
La Fontaine a réussi la gageure de construire une œuvre monumentale à partir de pièces brèves et qu'on aurait pu croire futiles. Dans leur variété et leur apparente désinvolture, les Fables sont bien :

Une ample comédie aux cent actes divers
Et dont la scène est l'Univers.

Le Bûcheron et Mercure, V, 1.
L'œuvre, très élaborée, se développe suivant un ordre organique plus que selon un plan. Sa texture, très serrée, est à la fois mémoire et invention ; chaque fable contient d'autres fables et les renouvelle par un mécanisme souterrain de correspondances. Les codes se modifient imperceptiblement ou brutalement, ce qui permet au narrateur d'approfondir un thème, de le renouveler de l'intérieur, soit en juxtaposant des fables doubles, soit en faisant correspondre des contrastes aux similitudes. Aux frontières incertaines de l'oral, de l'écrit et de l'image, le récit proprement dit, tout en restant limpide, est traversé – comme le montre bien la critique « intertextuelle – de références externes et internes, d'associations d'idées, de réflexions, de facéties, de confidences, de bonheurs d'expression qui le rendent imprévisible et passionnant. Exemple particulièrement significatif, La Souris métamorphosée en fille IX, 7, où le plus usé des contes balançoire devient un étourdissant long métrage où l'on se demande avec anxiété si la Belle finira, ou non, par trouver son prince Charmant et où il est question aussi, sans qu'on ait l'impression qu'on digresse, de la philosophie hindoue, de Pilpay Bidpāï, de l'âme des animaux, de la nôtre et de la métempsycose.

La Fontaine est un poète moraliste, et non pas moralisateur. Son œuvre n’exprime pas une pensée systématique, mais une attitude de pensée, avec ses évolutions, variations, contradictions même. Aussi réduire l’explication à une seule rubrique est-il vain. Il est de toute évidence ridicule de voir dans l’œuvre une simple description de la nature et d’y noter du même coup des erreurs de zoologie : les cigales ne survivent pas en hiver, sauf dans les Fables où l’imagination est reine.... D’une autre façon, s’il est vrai que La Fontaine prend certains de ses sujets dans l’actualité en particulier, la façon dont Colbert a manigancé la chute de Fouquet trouve des échos dans son livre), il ne faut pas faire non plus de la Cigale et la Fourmi une allégorie du conflit entre les deux ministres.
Il convient au contraire de saisir cette œuvre comme un regard qui se veut lucide, et constater que la pensée s’y interroge autant ou plus qu’elle ne répond. Il est certain que La Fontaine est nourri de philosophie épicurienne épicurisme, de libertinage, qu’il déteste les superstitions l’Astrologue, l’Horoscope. Mais il est certain aussi qu’il a éprouvé des sympathies pour les jansénistes jansénisme. De même, en matière de politique, il a critiqué les monarques absolus, victimes de leurs ambitions, de leurs conseillers flatteurs, de la facilité de la violence les Animaux malades de la peste. S’il témoigne de l’intérêt et de la pitié à l’égard du peuple, il le perçoit aussi comme un enfant, incapable de se conduire seul, et qui a donc besoin d’être dirigé et protégé, par un pouvoir donc nécessairement fort et si possible juste.

Une dénonciation des rapports de pouvoir

Jean de La Fontaine, l'Âne et ses Maîtres
La rédaction et la publication des Fables s’étendent sur trente années, et la situation du poète a changé, aussi bien que le contexte sociopolitique, au fil des décennies. Aussi voit-on parfois La Fontaine soutenir la politique royale au moment d’une guerre la Ligue des rats, et d’autres fois, en des temps où la politique de puissance risque de ruiner l’économie, et singulièrement l’agriculture, rappeler les mérites du travail, contre les spéculations et les visées de prestige le Marchand, le Gentilhomme, le Pâtre et le Fils de roi.
Il y a cependant, dans son attitude, quelques constantes. Tel qu’il le voit, le monde est impitoyable : y règnent seuls les rapports de force. Contre la raison du plus fort le Loup et l’Agneau, les faibles ne peuvent rien, à moins d’être capables de contrebalancer la force par la ruse. Souvent, d’ailleurs, La Fontaine conçoit des situations redoublées, où un fort s’incline devant un plus faible mais plus adroit, et où ce dernier trouve à son tour son maître : cette structure complexe peut aussi bien montrer les apparences vaines des rapports de pouvoir le Lion et le Moucheron que des jeux où un trompeur est pris par un trompeur et demi le Renard et la Cigogne. La vision n’est pas alors moins noire, mais elle a l’avantage de prêter à des effets comiques.
Sans cesse attaché à dénoncer les illusions de tous ordres, La Fontaine est proche de La Rochefoucauld, qu’il cite élogieusement l’Homme et son image. Pourtant, on n’entend ni cri de révolte, ni plaintes de ressentiment. Parfois, le je omniprésent se laisse aller à la mélancolie Ai-je passé le temps d’aimer ? , les Deux Pigeons. Plus profondément, il laisse deviner le désir latent du repos, d’une retraite en marge de ce monde violent, et parfois il l’avoue plus ouvertement le Songe d’un habitant du Mogol, les Deux Amis. À défaut, il suggère de s’accommoder de son sort et de son état, en renonçant aux ambitions et aux chimères le Berger et la Mer, la Laitière et le Pot au lait, le Savetier et le Financier.

L'opposant

Homme sincère, fidèle en amitié, émerveillé par la force de la vie et de l'amour, viscéralement hostile à l'hypocrisie et à la violence, La Fontaine s'est retrouvé pour ainsi dire tout naturellement dans l'opposition. C'est là, sans doute, une autre raison de la convenance complexe qui existe entre son talent et le conte d'animaux, répertoire traditionnel de la contestation politique et sociale.

Selon que vous serez puissant ou misérable... Les Animaux malades de la peste, VII, Sa peinture de la cour et des injustices sociales est souvent féroce. Doit-on pour autant voir en lui l'apôtre masqué de la démocratie ? Ce serait à la fois une erreur et un anachronisme, comme le montrent sans équivoque plusieurs fables, et en particulier Démocrite et les Abdéritains. Dans le milieu historique qui est le sien, le poète ne peut concevoir d'autre régime que la monarchie, qu'il souhaite sans doute plus éclairée, à l'exemple de l'Angleterre. Ce qui est sûr, c'est que cet homme généreux et sans illusion rêve d'un monde plus juste et plus tolérant, tout en sachant que le chemin pour y parvenir est long et que les meilleures intentions peuvent être détournées de leur but et récupérées, comme il le laisse entendre avec une mordante subtilité dans Le Paysan du Danube XI, 7.

On a souvent cherché à préciser sa philosophie et on y a décelé de multiples contradictions. Mais ce sont celles de la vie elle-même, saisies et exprimées au plus près, dans un registre imagé, bref et savoureux qui rappelle la facture des proverbes populaires et qui débouche sur elle. Son discours ne s'enferme jamais dans l'univers du discours ni dans le jargon. La transparence de son œuvre ne doit pas nous cacher qu'il est l'un de nos plus authentiques philosophes, dans la ligne de Platon et de Lucrèce, de Montaigne et de Pascal. Il a rendu accessibles à tous, et souriantes, les observations les plus profondes sur la vie, l'amour et la mort. Enfin, La Fontaine est aussi un très grand poète lyrique qui a su rendre cette méditation bouleversante par le frémissement de son accent personnel, combinaison subtile d'intelligence et de bonté qui donne à sa voix – toujours perceptible – une résonance inouïe, au sens exact du mot.

L’apogée de l’activité littéraire 1664-1679

En 1664, il passe au service de la duchesse de Bouillon et de la duchesse douairière d’Orléans. La Fontaine partage alors son temps entre Paris et Château-Thierry en qualité de gentilhomme - ce qui assure son anoblissement. C’est le moment où La Fontaine fait une entrée remarquée sur la scène littéraire publique avec un premier conte, tiré de l'Arioste, Joconde. Cette réécriture suscite en effet une petite querelle littéraire, sous forme d’une compétition avec la traduction qu’en a proposée Bouillon peu de temps avant ; le débat porte sur la liberté dont peut disposer le conteur par rapport à son modèle : là où le texte de Bouillon est extrêmement fidèle, voire parfois littéral, celui de La Fontaine s’écarte à plusieurs reprises du récit du Roland furieux. La Dissertation sur Joconde, qu’on attribue traditionnellement à Boileau, tranche le débat magistralement à l’avantage du conte de La Fontaine.
Deux recueils de contes et nouvelles en vers se succèdent alors, en 1665 et 1666, dont les canevas licencieux sont tirés notamment de Boccace et des Cent Nouvelles Nouvelles. Continuation de cette expérience narrative mais sous une autre forme brève, cette fois de tradition morale, les Fables choisies et mises en vers, dédiées au Grand Dauphin, paraissent en 1668.
En 1669, La Fontaine ajoute un nouveau genre à son activité en publiant le roman Les amours de Psyché et de Cupidon, qui suscite une relative incompréhension au vu de sa forme inédite : mélange de prose et de vers, de récit mythologique - cette fois tiré d’Apulée - et de conversations littéraires, le texte contrevient à des principes élémentaires de l’esthétique classique.
C’est à partir de la fiction des quatre amis que met en scène ce roman qu’on a spéculé sur l’amitié qui unirait La Fontaine, Molière, Boileau et Racine, sans grande preuve : si La Fontaine est lié de façon éloignée à la famille de Racine, leurs relations sont épisodiques ; les rapports avec Molière ne sont pas connus si tant est qu’ils existent ; quant à Boileau, il n’y a guère de trace d’une telle amitié.
Après sa participation à un Recueil de poésies chrétiennes et diverses édité en 1670 par Port-Royal, La Fontaine publie successivement, en 1671, un troisième recueil de Contes et nouvelles en vers, et un recueil bigarré, contenant des contes, des fables, des poèmes de l’époque de Fouquet, des élégies, sous le titre de Fables nouvelles et autres poésies.
En 1672, meurt la Duchesse d’Orléans : La Fontaine connaît alors de nouvelles difficultés financières ; Marguerite de La Sablière l’accueille et l’héberge quelques mois après, probablement en 1673.

Le salon de Mme de La Sablière 1673-1693

Jean de La Fontaine, le Pot de terre et le Pot de fer
La Fontaine se place alors auprès de grands seigneurs un peu en marge de la Cour Conti, Bouillon et de financiers. Il obtient un emploi de gentilhomme au palais du Luxembourg, au service de la vieille duchesse d’Orléans. Après la mort de celle-ci, il devient en 1673 l’hôte, à la fois secrétaire et ami personnel, de Mme de La Sablière. Celle-ci tient un salon que fréquentent des médecins, des hommes de science et aussi un philosophe voyageur, François Bernier, qui a été secrétaire de Gassendi, traducteur de son monumental Syntagma, et qui a fait un très long séjour en Inde comme médecin du Grand Moghol.
Ce salon est sans aucun doute l’endroit où se brassent le plus d’idées nouvelles. La crise de conscience, ou au moins la prise de conscience qui annonce le siècle des Lumières y est plus sensible qu'ailleurs. Avec l’affaire Fouquet, La Fontaine avait connu une grande expérience humaine ; la fréquentation du salon de Mme de La Sablière, jusqu’à la mort de celle-ci en 1693, lui apporte un grand enrichissement intellectuel.

En 1674, La Fontaine se lance dans un nouveau genre : l’opéra, avec un projet de collaboration avec Jean-Baptiste Lully, qui avorte. C’est l’occasion d’une violente satire de La Fontaine contre Lully, registre rare dans son œuvre, dans un poème intitulé Le Florentin, Lully était originaire de Florence.
La même année, un recueil de Nouveaux Contes est publié - mais cette fois-ci, sans qu’on sache très bien pourquoi, l’édition est saisie et sa vente interdite : si La Fontaine avait chargé le trait anticlérical et la licence, reste que ces contes demeuraient dans la tradition du genre et dans une topique qui rendait relativement inoffensive leur charge.
Après deux recueils de Contes, c’est à nouveau un recueil de Fables choisies et mises en vers que publie La Fontaine en 1678 et 1679, cette fois-ci dédié à Madame de Montespan, maîtresse du Roi : ce sont les livres actuellement VII à XI des Fables, mais alors numérotés de I à V.
En 1680, est une période moins faste, où les productions sont quantitativement moins importantes, mais non moins diverses : ainsi, en 1682, La Fontaine publie un Poème du Quinquina », poème philosophique dans la manière revendiquée de Lucrèce à l’éloge du nouveau médicament, et accompagné de deux nouveaux contes.
L’activité littéraire des années 1665-1679 se solde en 1684 par une élection, néanmoins tumultueuse, à l’Académie française, sans qu’on puisse préciser les exactes raisons de cette difficulté : on a pu faire l’hypothèse que l’administration louis-quatorzième gardait rancune au poète qui avait publié deux poèmes en faveur de Fouquet lors du procès de celui-ci ; le discours des opposants à cette entrée de La Fontaine à l’Académie s’appuie quant à lui sur l’accusation d’immoralité lancée contre les recueils de Contes et nouvelles en vers. Toujours est-il que La Fontaine, après une vague promesse de ne plus rimer de contes, est reçu le 2 mai 1684 à l’Académie, où, en sus du remerciement traditionnel, il prononce un Discours à Madame de La Sablière où il se définit, en une formule fameuse, comme « papillon du Parnasse.
L’année suivante, l’Académie est encore le cadre d’une nouvelle affaire dans laquelle est impliqué La Fontaine : Antoine Furetière, qui en composant son propre dictionnaire a passé outre le privilège de la compagnie en cette matière, est exclu, et lance une série de pamphlets notamment contre La Fontaine, son ancien ami, qu’il accuse de trahison et contre lequel il reprend l’accusation de libertinage.
C’est une autre vieille amitié, elle sans rupture, qui donne jour, la même année, aux Ouvrages de prose et de poésie des sieurs de Maucroix et de La Fontaine ; le recueil contient des traductions de Platon, Démosthène et Cicéron par François de Maucroix et de nouvelles fables et de nouveaux contes de La Fontaine, qui aura peu attendu pour trousser quelque nouvelle licencieuse.
Nouveau scandale, de plus grande ampleur, à l’Académie : la lecture du poème Le siècle de Louis Le Grand de Charles Perrault déclenche la Querelle des Anciens et des Modernes, dans laquelle La Fontaine se range, non sans ambiguïtés, du côté des Anciens, par une Épître à Monsieur de Soissons, prétexte à une déclaration de principes littéraires, dont la plus fameuse reste Mon imitation n’est point un esclavage.

Les dernières années et les dernières fables 1689-1695

Une série de fables est publiée en revue entre 1689 et 1692, qui est rassemblée en 1693 avec des inédites et celles de 1685, dans un ultime recueil, notre actuel livre XII, dédié au duc de Bourgogne, fils aîné du Grand Dauphin, et à ce titre héritier présomptif de la Couronne.
La Fontaine tombe gravement malade fin 1692, vraisemblablement de la tuberculose. Il demande alors à voir un prêtre, et le curé de l'église Saint-Roch lui envoie le jeune abbé Pouget, qui vient d'obtenir son doctorat de théologie. Celui-ci s'applique à lui faire abjurer sa vie épicurienne et ses écrits anticléricaux, et le soumet quotidiennement à des exercices religieux. Il reçoit l'extrême-onction le 12 février 1693. Sont présents des membres de l'Académie française, des amis, et des prêtres. La Fontaine annonce renoncer à l'écriture et à la publication de ses contes et fables. Cet événement est en particulier rapporté par un récit de l'abbé Pouget, en 1718, mais ne figure pas sur les registres de l'Académie. Il promet également de n'écrire que des ouvrages pieux. Il traduira ainsi le Dies Irae, qu'il fera lire devant l'Académie le jour de l'introduction de Jean de La Bruyère.

Il meurt le 13 avril 1695, et est inhumé le lendemain au cimetière des Saints-Innocents.

On trouve sur son corps un cilice, pénitence que l'abbé Pouget jure ne pas avoir ordonnée. Sa dépouille sera transférée en 1817 avec celle de Molière au cimetière du Père-Lachaise.

La Fontaine avait composé lui-même son épitaphe, où il s'attribue un caractère désinvolte et paresseux. Cette paresse revendiquée peut être associée à la facilité de ses œuvres, qui n'est pourtant qu'apparente :

Jean s'en alla comme il étoit venu,
Mangeant son fonds après son revenu ;
Croyant le bien chose peu nécessaire.
Quant à son temps, bien sçut le dispenser :
Deux parts en fit, dont il souloit passer
L'une à dormir, et l'autre à ne rien faire.

Chronologie de la vie et de l'oeuvre de Jean de la Fontaine

1617 : Mariage des parents du fabuliste. Charles de La Fontaine, d’origine champenoise, et Françoise Pidoux, d’origine poitevine. Assassinat de Concini et fin de la régence de Marie de Médicis.
1621 : Le 8 juillet, Jean de La Fontaine est baptisé à Château-Thierry, où il est né le jour même ou la veille dans l’hôtel particulier de ses parents. Son père porte le titre de Conseiller du Roi et Maître des Eaux et Forêts du duché de Chaury Château-Thierry. Il est aussi capitaine des chasses. Soulèvements protestants ; mort de Charles d'Albert, duc de Luynes.
1623 : Le 26 septembre, baptême de Claude, frère du fabuliste.Publication à Paris de l’Adonis du Cavalier Marin,avec préface de Jean Chapelain.Procès de Théophile de Viau.
1624 : Richelieu devient chef du Conseil du roi.
1627 : Publication des deux derniers volumes d’Astrée.
1628 : Mort de Malherbe.
Vers 1630 : Les études de La Fontaine restent mal connues. Probablement les commence-t-il au collège de Château-Thierry, établissement réputé, pour aller vers 1635 les achever dans un collège parisien, où il a Antoine Furetière pour condisciple.
1633 : Le 26 avril, baptême de Marie Héricart, fille du lieutenant civil et criminel au bailliage de La Ferté-Milon, apparenté à la famille Sconin-Racine.
1636 : Naissance de Boileau. Le Cid de Corneille.
1637 : Discours de la méthode de Descartes.
1639 : Naissance de Racine.
1641 : La Fontaine entre à la maison mère de l’Oratoire à Paris le 27 avril, puis se rend peut-être à Juilly et revient à Paris à la maison de Saint-Magloire pour étudier la théologie. Son frère Claude le rejoint à l’Oratoire.
1642 : La Fontaine quitte l’Oratoire, au bout de 18 mois. Mort de Richelieu.
1643 : La Fontaine est rentré à Château-Thierry. Sa vocation poétique s’éveille alors, semble-t-il. Le 15 mai, mort de Louis XIII. Le 19 mai, victoire de Rocroi.
Vers 1646 : La Fontaine vient étudier le Droit à Paris ; il acquiert le titre d’avocat en la Cour du Parlement. Avec d’autres jeunes poètes, habitués du Palais, il fait partie d’une petite académie littéraire et amicale dite de la "Table Ronde". Ces palatins sont Pellisson, Furetière, Maucroix, Charpentier, Cassandre. Il fait la connaissance d’autres hommes de lettres: Conrart, Chapelain, Patru, Perrot d’Ablancourt, les Tallemant, Antoine de La Sablière…
1647 : Le 10 novembre, signature du contrat de mariage entre le poète et Marie Héricart à la Ferté-Milon. "Son père l’a marié, et lui l’a fait par complaisance". La mère du poète, vivante en 1634, est morte à la date du contrat. En avril, Maucroix avait acheté une prébende de chanoine à Reims. Il restera l’ami de La Fontaine jusqu’à la mort de celui-ci. Gassendi : De Vita et Moribus Epicuri.
1649 : Claude, confrère de l’Oratoire, renonce en faveur de Jean à sa part d’héritage, moyennant pension. La fronde a éclaté en 1648.
1652 : La Fontaine achète la charge de Maître particulier triennal des Eaux et Forêts.
1653 : En août, vente d’une propriété sise à Oulchy-le-Château. Le 30 octobre, baptême à Château-Thierry du fils de La Fontaine, Charles, qui a Maucroix pour parrain. Le père ne s’occupera jamais beaucoup de son fils. Fin de la Fronde.
1654 : En août, première œuvre publiée de La Fontaine : l’Eunuque, comédie en vers imitée de Térence.
1658 : Mort du père de La Fontaine, qui laisse à son fils ses charges, peu lucratives et une succession embrouillée comportant de lourdes dettes. Par mesure de prudence, La Fontaine et sa femme demandent la séparation de biens. Le ménage lui-même n’est guère uni, par la faute probable du poète, mari indifférent. Après juin, La Fontaine offre à Fouquet son Adonis. Jannart, oncle de Marie Héricart, est substitut de Fouquet au Parlement et Pellisson, ami de La Fontaine, est au service du surintendant.
1659 : Jusqu’en 1661, La Fontaine va recevoir de Fouquet une pension en espèces, moyennant une "pension poétique". Il doit aussi composer un ouvrage en l’honneur de Vaux-le-Vicomte : il entreprend le Songe de Vaux. Il habite tantôt à Paris, chez Jannart, avec sa femme, tantôt à Château-Thierry pour les devoirs de ses charges, mais il fréquente le château de Fouquet, se lie avec Charles Perrault, Saint-Evremond, Madeleine de Scudéry. Paix des Pyrénées.
1660 : Les Rieurs de Beau Richard sont joués au carnaval de Château-Thierry. Dans cette ville existe une Académie à laquelle s’intéresse La Fontaine et encore plus sa femme. En 1660-1661, La Fontaine se lie avec Racine débutant, cousin de Marie Héricart. En juin, mariage du roi. En août, entrée de la reine Marie-Thérèse à Paris.
1661 : Le 17 août, fête de Vaux, au cours de laquelle La Fontaine assiste à la première représentation des Fâcheux par Molière. Le 5 septembre, arrestation de Fouquet à Nantes. La Fontaine tombe gravement malade. Guéri, il revient à Château-Thierry, où il est poursuivi par un traitant en usurpation de noblesse. Début de construction de Versailles.
1662 : Environ en mars, publication anonyme de l’Élégie aux Nymphes de Vaux. Août : le Duc de Bouillon, seigneur de Château-Thierry épouse Marie Anne Mancini, nièce de Mazarin. La Fontaine devient "gentilhomme servant" de la Duchesse Douarière d'Orléans au Luxembourg, mais il loge toujours chez Jannart. Le 10 décembre, achevé d'imprimer les Nouvelles en vers, contenant les deux premiers Contes de La Fontaine.
1665 : Le 10 janvier, achevé d'imprimer des Contes et Nouvelles en vers. Le 30 juin, achevé d'imprimer d’une traduction de la Cité de Dieu de Saint Augustin, dont les citations poétiques ont été rendues en vers français par La Fontaine ; le deuxième tome paraîtra en 1667.
1669 : Les Amours de Psyché et Cupidon, roman suivi de l'Adonis, imprimé pour la première fois.
1671 : Le 21 janvier, La Fontaine quitte ses charges rachetées par le Duc de Bouillon, et perd cette source de revenus. Publication du Recueil de Poésies Chrétiennes et Diverses, dédié à Monseigneur le Prince de Conti. La Fontaine a beaucoup contribué à la préparation de ce recueil janséniste achevé d'imprimer le 20 décembre 1670. Le 27 janvier, Troisième partie des Contes. Le 12 mars : Fables nouvelles et autres poésies huit fables. En janvier a été représentée la Psyché de Molière et Corneille, Quinault et Lulli, inspirée du roman de La Fontaine.
1672 : Mort de la Duchesse Douarière d'Orléans. La Fontaine perd ainsi sa dernière charge. Publication séparée de deux fables Le Soleil et les Grenouilles, Le Curé et le mort. Invasion de la Hollande. Discours de la connaissance des bêtes par P. Pardies.
1673 : C'est sans doute à partir de 1673 que Marguerite de La Sablière héberge Jean de La Fontaine. Jusqu’à ce qu'elle meure en 1693, elle pourvoira à ses besoins. Dans son hôtel, il peut rencontrer Charles Perrault, Bernier, médecin et disciple de Gassendi, qui a longuement séjourné en Inde, et bon nombre de savants tels que Roberval et Sauveur. Publication du Poème de la Captivité de Saint Malc, sujet sans doute suggéré par des amis jansénistes. Le 17 février, mort de Molière, pour qui La Fontaine rédige une épitaphe.
1674 : La protection de Madame de Montespan et de sa sœur Madame de Thianges vaut à La Fontaine la mission d'écrire un livret d'opéra sur Daphné, pour Lully, qui le refuse : d'où la satire du Florentin, restée manuscrite pendant 17 ans. Publication des Nouveaux Contes, très licencieux. Epîtres, à Turenne, membre de la famille de Bouillon, qui tient personnellement La Fontaine en amitié. En juillet, l'Art poétique de Boileau n'accorde aucune mention à la fable, ni à La Fontaine.
1675 : Interdiction de la vente des Nouveaux Contes par ordonnance de La Reynie, lieutenant de police. Le 27 juillet, Turenne est tué à la bataille de Salzbach. Bernier publie l'Abrégé de la Philosophie de Gassendi.
1676 : La Fontaine vend à son cousin Antoine Pintrel sa maison natale et achève de payer les dettes paternelles.
1677 : La Duchesse de Bouillon, protectrice de La Fontaine et son frère le Duc de Nevers cabale contre la Phèdre de Racine.
1678-1679 : Nouvelle édition des Fables choisies, dédiées à Madame de Montespan. La paix de Nimègue (août 1678) est célébrée par La Fontaine dans plusieurs pièces.
1680 : Exil à Nérac de la Duchesse de Bouillon compromise dans l'affaire des poisons. Mort de La Rochefoucauld. Mort de Fouquet à Pignerol. Conversion de Marguerite de La Sablière qui, veuve, ayant marié ses trois enfants, abandonnée par La Fare, son amant, se consacre au soin des malades et va loger rue Saint Honoré, elle installe La Fontaine près de sa nouvelle demeure.
1681 : Le 1er août, achevé d'imprimer des Épîtres de Sénèque les lettres à Lucilius traduites par Pierre Pintrel, cousin de La Fontaine qui lui-même a traduit en vers les citations poétiques et qui a fait publier l'ouvrage.
1682 : En janvier, Poème du Quinquina, dédié à la Duchesse de Bouillon, suivi de deux contes, de Galatée, et de Daphné, livrets d'opéra. Vers cette époque, La Fontaine entreprend une tragédie, Achille, restée inachevée. Naissance du Duc de Bourgogne.
1683 : Le 6 mai, première représentation à la Comédie Française, du Rendez-vous comédie de La Fontaine qui n'a aucun succès et dont le texte est perdu. Le 6 septembre, mort de Colbert. La Fontaine brigue son siège à l'Académie française, alors que Louis XIV souhaite voir élire Boileau, son historiographe. Le 15 novembre, l'Académie, en majorité hostile au satirique, propose La Fontaine par seize voix contre sept. La séance a été agitée, en raison de la colère manifestée par Toussaint Rose, secrétaire du roi. Louis XIV en prend prétexte pour refuser l'autorisation de "consommer" l'élection.
1684 : Le 17 avril, Boileau est élu à l'unanimité ; le roi accorde l'autorisation de recevoir La Fontaine. Le 2 mai, réception du fabuliste, lecture du Discours à Madame de La Sablière. La Fontaine écrit La Comparaison d'Alexandre, de César et de Monsieur le Prince de Condé, à la demande du Prince de Conti. Condé lui-même estime La Fontaine et le voit volontiers à Chantilly. Mort de Corneille.
1685 : En janvier, l'Académie exclut Furetière, coupable d'avoir obtenu par surprise un privilège pour son Dictionnaire, achevé avant celui de l'Académie. La Fontaine vote l'exclusion et subit les virulentes attaques de son ancien ami, auquel il réplique par des épigrammes. Le 28 juillet, achevé d'imprimer des Ouvrages de Prose et de Poésie des Seigneurs de Maucroix et de La Fontaine en deux volumes, dont le premier contient de nouveaux contes, et le second de nouvelles fables et d’autres pièces. Révocation de l’Edit de Nantes. Mort du Prince Louis-Armand de Conti.
1686 : Mort de Condé. Ligue d’Ausbourg. Perrault lit son poème du Siècle de Louis Le Grand, protestation de Boileau. La Querelle des Anciens et des Modernes éclate. En février, l’Epître à Huet est imprimé en plaquette à tirage restreint. En juillet, Marie-Anne, Duchesse de Bouillon, doit se réfugier en Angleterre auprès de sa sœur Hortense, amie de Saint-Evremond. Correspondance suivie de La Fontaine avec eux et quelques amis du groupe de Londres, qui comprend, entre autres, les diplomates Bonrepaux et Barrillon.
1688 : Marguerite de La Sablière se retire aux Incurables mais continue à assurer le logement de La Fontaine. Le poète devient le familier du Prince François-Louis de Conti, dans le milieu très libre du Temple des Vendôme, chez qui il retrouve Chaulieu. Il chaperonne un moment la scandaleuse Madame Ulrich. Les caractères de la Bruyère; le portrait de La Fontaine n’y entrera qu’à la 6e édition, en 1691.
1691 : Le 28 novembre, première représentation à l’Opéra d’Astrée, tragédie lyrique de La Fontaine, avec musique de Colasse, gendre de Lulli : échec complet.
1692 : En décembre, gravement malade, La Fontaine est converti par l’abbé Pouget, jeune vicaire de St Roch.
1693 : Le 12 février, il renie les Contes devant une délégation de l’Académie et reçoit le viatique. Il se rétablit néanmoins. Marguerite de La Sablière est morte en janvier, Pellisson le 7 février. Les amis d’Angleterre essaient en vain de décider La Fontaine à venir s’installer à Londres. Il devient l’hôte d’Anne d’Hervart, Maître des Requêtes au Parlement de Paris, fils de banquier et extrêmement riche, marié à Françoise de Bretonvilliers. Le 1er septembre, achevé d’imprimer des Fables choisies, portant la date de 1694, et constituant le livre XII. En octobre-novembre, remarques adressées à Maucroix sur sa traduction d’Astérius.
1694 : Naissance de Voltaire.
1695 : Le 9 février, La Fontaine est pris de faiblesse en revenant de l’Académie. Il meurt le 13 avril, chez les d’Hervart, dans l’hôtel du même nom, situé dans la rue de la Plâtrière, actuelle rue Jean-Jacques-Rousseau. En procédant à la toilette mortuaire, on trouve sur lui un cilice. La Fontaine est enterré le 14 avril au cimetière des Innocents. Par suite d’une erreur commise sur ce point par d’Olivet dans l’Histoire de l’Académie, les commissaires de la Convention exhumeront en 1792, pour leur élever un mausolée, des ossements anonymes, au cimetière du Père-Lachaise.
1696 : Œuvres posthumes, avec dédicace signée par Madame Ulrich.
1709 : Mort de Marie Héricart, veuve du poète.
1723 : Mort de Charles, fils unique du poète.

Regards sur l’œuvre

Fables de La Fontaine et Liste des Fables de La Fontaine.
Ses Fables constituent la principale œuvre poétique de la période classique, et l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature française.
Le tour de force de La Fontaine est de donner par son travail une haute valeur à un genre qui jusque là n’avait aucune dignité littéraire et n'était réservé qu'aux exercices scolaires de rhétorique et de latin.

Les Fables choisies, mises en vers par M. de La Fontaine ou plus simplement Les Fables est une œuvre écrite entre 1668 et 1694. Il s’agit, comme son nom l’indique, d’un recueil de fables écrites en vers, la plupart mettant en scène des animaux anthropomorphes et contenant une morale au début ou à la fin. Ces fables furent écrites dans un but éducatif et étaient adressées au Dauphin.
Le premier recueil des Fables publié correspond aux livres I à VI des éditions actuelles. Il a été publié en 1668, et était dédié au dauphin. La Fontaine insiste sur ses intentions morales : je me sers d’animaux pour instruire les hommes.
Le deuxième recueil des fables correspond aux livres VII à XI des éditions modernes. Il est publié en 1678, et était dédié à Madame de Montespan, la maîtresse du roi.
Le dernier recueil publié correspond au livre XII actuel. Il est publié en 1693, mais daté de 1694. Il est dédié au duc de Bourgogne, le petit-fils du roi.
Travail de réécriture des fables d’Ésope par exemple La Cigale et la Fourmi, de Phèdre, Abstémius, de Pañchatantra Pilpay, mais aussi de textes d’Horace, de Tite-Live les Membres et l’estomac, de lettres apocryphes d’Hippocrate Démocrite et les Abdéritains , et de bien d’autres encore, elles constituent une somme de la culture classique latine et grecque, et s’ouvrent même dans le second recueil à la tradition indienne.
Les Contes
Le fabuliste a éclipsé le conteur. La crispation religieuse de la fin du règne de Louis XIV, et plus tard la pudibonderie du XIXe siècle, ont mis dans l’ombre ces contes licencieux dont le défi poétique consiste à jouer de l’implicite pour ne pas nommer la sexualité, à dire sans dire, dans un jeu de dérobade et de provocation reposant sur la complicité du lecteur. La Fontaine a mené simultanément ces deux activités, jusqu’à joindre des contes à l’ultime recueil de fables de 1693 : bien plus qu’un laboratoire de la narration enjouée des Fables, les Contes pourraient bien participer d’une même entreprise, celle d’une narration poétique sous le signe d’une gaieté sans illusions.
L’œuvre de La Fontaine offre la figure, exemplaire, d’une sagesse désabusée : elle choisit, comme le Démocrite de la fable Démocrite et les Abdéritains, la retraite méditative plutôt que la vie de la cité d’Abdère soumise aux pensers du vulgaire, et, face à la violence forcenée du réel elle préfère, contre l’Héraclite de l’Histoire, le rire plutôt que les pleurs.
Quelques vers de Jean de La Fontaine devenus proverbes
Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Le Corbeau et le Renard
La raison du plus fort est toujours la meilleure. Le Loup et l’Agneau
Si ce n’est toi, c'est donc ton frère. Le Loup et l’Agneau,
Plutôt souffrir que mourir, c’est la devise des hommes. La Mort et le Bûcheron
Garde toi, tant que tu vivras, de juger les gens sur la mine. Le Cochet, le Chat et le Souriceau
Je plie et ne romps pas. Le Chêne et le Roseau
Il faut autant qu’on peut obliger tout le monde : On a souvent besoin d’un plus petit que soi. Le Lion et le Rat
Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. Le Lion et le Rat
Est bien fou du cerveau qui prétend contenter tout le monde et son père. Le Meunier, son Fils et l’Âne
Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats. Le Renard et les Raisins
La méfiance est mère de la sûreté. Le Chat et un vieux Rat
Petit poisson deviendra grand. Le Petit Poisson et le Pêcheur
Un tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l’auras. Le Petit Poisson et le Pêcheur
Le travail est un trésor. Le Laboureur et ses Enfants
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. Le Lièvre et la Tortue
Aide-toi, le Ciel t’aidera. Le Chartier embourbé
Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. Les Animaux malades de la peste
Tel est pris qui croyait prendre. Le Rat et l'Huître
Amour, Amour, quand tu nous tiens / On peut bien dire: Adieu prudence. Le Lion amoureux
Mais les ouvrages les plus courts sont toujours les meilleurs… Discours à M. le duc de La Rochefoucauld
Que de tout inconnu le sage se méfie. Le Renard, le Loup et le Cheval
Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours / Qu’on ne l’ait mis par terre L'Ours et les deux Compagnons
Qu’on me rende impotent, cul-de-jatte, goutteux, manchot, pourvu qu’en somme je vive, c’est assez, je suis plus que content. "Ne viens jamais, ô Mort; on t’en dit tout autant." La Mort et Le Malheureux
Les délicats sont malheureux : rien ne sauroit les satisfaire. Contre Ceux Qui On Le Goût Difficile
Si Dieu m’avait fait naître propre à tirer marrons du feu, certes marrons verraient beau jeu. Le Singe et le Chat

Œuvres

L’Eunuque 1654
Adonis 1658, publié en 1669
Les Rieurs du Beau-Richard 1659
Élégie aux nymphes de Vaux 1660
Ode au roi 1663
Contes 1665, 1666, 1671, 1674
Fables 1668, 1678, 1693
Les Amours de Psyché et de Cupidon 1669
Recueil de poésies chrétiennes et diverses 1671
Poème de la captivité de saint Malc 1673
Daphné 1674
Poème du Quinquina 1682
Ouvrages de prose et de poésie 1685
Astrée 1691

Iconographie, filmographie

1953 fresque peinte dans l'école maternelle Bel Air à Saint-Servan, aujourd'hui Saint-Malo, par l'artiste peintre Geoffroy Dauvergne,(1922-1977) partiellement recouverte de toile de verre.
2007 : Jean de la Fontaine, le défi, réalisé par Daniel Vigne.
Galerie
Statue de Jean-Louis Jaley au Louvre à Paris
La cigale et la fourmi, par Gustave Doré
Grandville : Le loup et le chien
La grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf 1936
Le lièvre et la tortue 1936
Le loup devenu berger
Statue de Pierre Julien au musée du Louvre à Paris
Statue de Charles-René Laitié à Château-Thierry

Liens

http://youtu.be/aXyIHlFZvHo Les fables de La fontaine avec F. Luchini
http://youtu.be/Qs3OcybtqiI Variations sur La fontaine par F. Luchini
http://youtu.be/IYtHBvELXlM Deux amis
http://youtu.be/S_PUFlB4t78 Les animaux malades de la peste
http://youtu.be/GVRUUZFMa_4 Paroles de Socrate de La Fontaine
Le corbeau et le renard (Rap)
http://youtu.be/XENxfCkMCEA La cigale et la fourmi Pierre Péchin
http://youtu.be/L3TNJHjYpTU Fables de La Fontaine par Pierre Repp
http://youtu.be/y-N8Rc4dy9k Le lièvre et la tortue par Pit et Rik
http://youtu.be/9ss1wTbq7ds Le rat des villes et le rat des champs Pit et Rik
http://youtu.be/xpJF_PDsK-o La cigale et la fourmi Pit et Rik
http://youtu.be/yEdW_-aq8Sw Le corbeau et le renard et Pit et Rik
http://youtu.be/-gScHT2fzhM Le renard et la cigogne Pit et Rik


Attacher un fichier:



jpg  JEAN_DE_LA_FONTAINE.jpg (9.49 KB)
3_53498bc6d6824.jpg 302X368 px

jpg  jean-de-la-fontaine.jpg (118.70 KB)
3_53498bf04485e.jpg 621X660 px

jpg  jean_de_la_fontaine.jpg (53.54 KB)
3_53498c032e93c.jpg 640X768 px

jpg  lafontaine.jpg (10.60 KB)
3_53498c268978f.jpg 230X296 px

jpg  JEAN-DE-LA-FONTAINE.jpg (95.84 KB)
3_53498c3bdbfd6.jpg 600X602 px

jpg  1004051-Jean_de_La_Fontaine.jpg (28.03 KB)
3_53498c49082b7.jpg 305X400 px

jpg  portrait_de_jean_de_la_fontaine_carte-r98576ac03c2743de979a3c9710b81c0e_xvuat_8byvr_512.jpg (49.49 KB)
3_53498c56bab94.jpg 512X512 px

jpg  Jean_de_la_Fontaine.jpg (65.38 KB)
3_53498c69654d5.jpg 428X512 px

jpg  14.jpg (95.76 KB)
3_53498c768f236.jpg 620X340 px

jpg  timbre-jean-de-la-fontaine.jpg (45.06 KB)
3_53498c82c8daf.jpg 315X483 px

jpg  la-fontaine-1.jpg (13.29 KB)
3_53498c8e11deb.jpg 250X250 px

jpg  lzode2nk.jpg (17.51 KB)
3_53498c995f9ef.jpg 470X651 px

jpg  9782849492192_cg.jpg (82.47 KB)
3_53498ca658248.jpg 576X800 px

jpg  51Ho6j3bpsL._SY300_.jpg (16.62 KB)
3_53498cb59b593.jpg 300X300 px

jpg  21dpgnd.jpg (100.68 KB)
3_53498cc597bf4.jpg 743X585 px

jpg  la-cigale-et-la-fourmi.jpg (67.45 KB)
3_53498cd2bb7bf.jpg 817X520 px

gif  9782733808405FS.gif (104.52 KB)
3_53498cdedfb71.gif 358X475 px

jpg  Affixhe_Expo_Collinet.jpg (94.45 KB)
3_53498cec28b4c.jpg 401X567 px

jpg  00078879.jpg (39.68 KB)
3_53498cf5f3785.jpg 550X382 px

jpg  1313080-Jean_de_La_Fontaine_la_Cigale_et_la_Fourmi.jpg (123.02 KB)
3_53498d0400a2e.jpg 550X369 px

jpg  2840494221.01.LZZZZZZZ.jpg (34.65 KB)
3_53498d0faf0e5.jpg 332X475 px

jpg  $(KGrHqNHJC8E922V2wBmBPgvNUgFQw~~60_12.JPG (39.09 KB)
3_53498d401acac.jpg 500X330 px

jpg  conseil_tenu_par_les_rats.jpg (66.23 KB)
3_53498d4dedcfb.jpg 817X520 px

jpg  la-poule-aux-oeufs-d-or-de-jean-de-la-fontaine-885227976_ML.jpg (14.98 KB)
3_53498d5968ddf.jpg 270X270 px

jpg  rencig.jpg (84.78 KB)
3_53498d67167a4.jpg 350X450 px

Posté le : 12/04/2014 21:01
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Jean-Marie Gustave Le Clézio
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 13 avril 1940 à Nice, naît Jean-Marie Gustave Le Clézio,

plus connu sous la signature J. M. G. Le Clézio écrivain de romans, essais, nouvelles, traduction, de langues française et mauricienneil reçoit pour distinctions le prix Renaudot en 1963, le prix Paul-Morand en 1980, le prix Nobel en 2008, ses Œuvres principales sont Le Procès-verbal en 1963, Le Déluge en 1966
Désert en 1980, Mondo et autres histoires en 1978, Les Géants en 1973, Ritournelle de la faim en 2008

Il connaît très vite le succès avec son premier roman publié, Le Procès-verbal en 1963. Jusqu’au milieu des années 1970, son œuvre littéraire porte la marque des recherches formelles du Nouveau Roman. Par la suite, influencé par ses origines familiales, par ses incessants voyages et par son goût marqué pour les cultures amérindiennes, Le Clézio publie des romans qui font une large part à l’onirisme et au mythe, Désert et Le Chercheur d’or, ainsi que des livres à dominante plus personnelle, autobiographique ou familiale, L’Africain. Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages de fiction, romans, contes, nouvelles et d’essais.
Le prix Nobel de littérature lui est décerné en 2008, en tant qu’écrivain de nouveaux départs5, de l’aventure poétique et de l’extase sensuelle, explorateur d’une humanité au-delà et en dessous de la civilisation régnante.

Sa vie

Le jeune Jean-Marie Gustave est le fils de Raoul Le Clézio chirurgien, et de Simone Le Clézio. Ses parents sont cousins germains, tous les deux ont le même grand-père, sir Eugène Le Clézio et sont issus d’une famille bretonne émigrée à l’île Maurice au XVIIIe siècle, où ils acquièrent la nationalité britannique à la suite de l’annexion de l’île par l’Empire.
Il grandit à Nice, élevé par sa mère et par sa grand-mère qui lui donnent le goût de la lecture et de l’écriture il est, dès l’âge de 7 ans, l’auteur d’un livre sur la mer, tandis que son père, médecin britannique, se trouve en poste au Cameroun anglophone, puis au Nigeria. En 1948, il rend visite à son père en Afrique, expérience déterminante qui nourrit son imaginaire et sur laquelle s’appuiera bientôt sa vocation d’écrivain. Le jeune homme partage ses études entre l’Angleterre Bath, où il est aussi professeur de Lettres en 1959 ; Bristol, où il s’inscrit à l’université et Nice, où il se spécialise en littérature. En 1964, en vue de son diplôme d’études supérieures, il soutiendra un mémoire sur Henri Michaux la Solitude dans l’œuvre d’Henri Michaux.
Le Clézio se considère lui-même comme de culture mauricienne et de langue française. Il écrit ses premiers récits à l’âge de sept ans, dans la cabine du bateau qui le conduit avec sa mère au Nigeria où il va retrouver son père, qui y est resté pendant la Seconde Guerre mondiale. L’écriture et le voyage resteront dès lors indissociables sous sa plume.
Le jeune homme effectue ses études au lycée Masséna, puis au collège littéraire universitaire à Nice, à Aix-en-Provence, puis à Londres et à Bristol. En 1964, il rédige un mémoire pour l’obtention du diplôme d’études supérieures sur le thème : La solitude dans l’œuvre d’Henri Michaux.

Premières publications

Dès 23 ans, il devient célèbre lorsque paraît Le Procès-verbal, récit esthétiquement proche de L'Étranger d’Albert Camus et des recherches narratives du Nouveau Roman, baigné par le climat de la guerre d’Algérie finissante, et couronné par le prix Renaudot en 1963.
En 1967, il fait son service national en Thaïlande en tant que coopérant, et est rapidement expulsé pour avoir dénoncé la prostitution infantile. Il est envoyé au Mexique afin d’y finir son service. Il participe à l’organisation de la bibliothèque de l'Institut français d’Amérique latine IFAL, et commence à étudier le maya et le nahuatl à l’université de Mexico, études qui le conduiront au Yucatán. Pendant quatre ans, de 1970 à 1974, il partage la vie des Indiens Emberás et Waunanas, au Panama. La découverte de leur mode de vie, si différent de celui qu'il connaissait jusqu'alors, constitue pour lui une expérience qu'il qualifiera plus tard de bouleversante. Après un premier mariage en 1961 avec Rosalie Piquemal avec qui il a une fille, Patricia, il se marie en 1975 avec Jémia Jean, originaire du Sahara occidental et mère de sa deuxième fille Alice. Ensemble, ils écrivent Sirandanes recueil de devinettes proverbiales courantes à Maurice et Gens des nuages.
En 1977, Le Clézio publie une traduction des Prophéties du Chilam Balam, ouvrage mythologique maya, travail qu'il effectue au Yucatán. Spécialiste du Michoacán centre du Mexique, il soutient en 1983 une thèse d’histoire sur ce sujet à l’Institut d'études mexicaines de Perpignan. Il enseigne entre autres aux universités de Bangkok, de Mexico, de Boston, d’Austin et d’Albuquerque, mais en 1978, il ne peut accéder au poste de chercheur au CNRS.

Changement d’écriture

À la fin des années 1970, Le Clézio opère un changement dans son style d’écriture et publie des livres plus apaisés, à l’écriture plus sereine, où les thèmes de l’enfance, de la minorité, du voyage, passent au premier plan. Cette manière nouvelle séduit le grand public. En 1980, Le Clézio est le premier à recevoir le Grand prix de littérature Paul-Morand, décerné par l’Académie française, pour son ouvrage Désert. En 1990, Le Clézio fonde en compagnie de Jean Grosjean la collection L’Aube des peuples, chez Gallimard, dédiée à l’édition de textes mythiques et épiques, traditionnels ou anciens. Son intérêt pour les cultures éloignées se déplace dans les années 2000 vers la Corée, dont il étudie l’histoire, la mythologie et les rites chamaniques, tout en occupant une chaire de professeur invité à l’Université des femmes Ewha.
En mars 2007, il est l’un des quarante-quatre signataires du manifeste intitulé Pour une littérature-monde en français, qui invite à la reconnaissance d’une littérature de langue française qui ne relèguerait plus les auteurs dits francophones dans les marges ; et à retrouver le romanesque du roman en réhabilitant la fiction grâce notamment à l'apport d'une jeune génération d'écrivains sortis de l’ère du soupçon.Dans un entretien paru en 2001, Le Clézio déplorait déjà que l’institution littéraire française, héritière de la pensée dite universelle des Encyclopédistes,ait toujours eu la fâcheuse tendance de marginaliser toute pensée de l’ailleurs en la qualifiant d'"exotique". Lui-même se définit d'ailleurs comme un écrivain français, donc francophone, et envisage la littérature romanesque comme étant un bon moyen de comprendre le monde actuel.

Le prix Nobel de littérature

En octobre 2008, alors que paraît Ritournelle de la faim, inspiré par la figure de sa mère, il se voit décerner le prix Nobel de littérature. Sa première réaction est d’affirmer que la récompense ne changera rien à sa manière d’écrire.
En 2010, l'ordre de l'Aigle aztèque mexicain lui est accordé en tant que spécialiste des civilisations antiques mexicaines. Le président Felipe Calderon décrit à cette occasion l'écrivain français comme un prix Nobel français très mexicanisé, et si j'ose dire, très michoacanisé.

Depuis très longtemps, Le Clézio parcourt de nombreux pays dans le monde, sur les cinq continents, mais vit principalement à Albuquerque, et en France, à Nice et à Paris. Il a publié une quarantaine de volumes : contes, romans, essais, nouvelles, deux traductions de mythologie indienne, ainsi que d'innombrables préfaces et articles et quelques contributions à des ouvrages collectifs.
En 2011, J.-M. G. Le Clézio est le grand invité du musée du Louvre. Il pose un nouveau regard sur les collections du musée à travers à travers le thème Les musées sont des mondes associé à une programmation pluridisciplinaire : exposition, conférences, concerts, cinéma, théâtre… Il met à l’honneur des artistes et auteurs comme Georges Lavaudant, Dany Laferrière, Camille Henrot, Dupuy-Berberian, Souleymane Cissé, Danyèl Waro, Jean-François Zygel…

Polémique avec Richard Millet

En septembre 2012, Le Clézio éprouve le besoin d'intervenir dans les polémiques soulevées par un essai de Richard Millet intitulé Langue fantôme, suivi de Éloge littéraire d'Anders Breivik. Il qualifie le texte d'élucubration lugubre et de répugnant. Richard Millet considère, de son côté, J.M.G. Le Clézio comme un exemple de la postlittérature qu'il dénonce et avance que son style est aussi bête que naïve sa vision manichéenne du monde et ses romans dépourvus de ressort narratif.Il précise dans un entretien : Je ne suis pas anti-Le Clézio. Je trouve que sa syntaxe est bête, c'est-à-dire qu'elle est un peu gnan-gnan, qu'elle est le parfait reflet de sa pensée qui va dans le sens de la propagande, pensée multiculturaliste facile, manichéenne. Les Blancs, les Occidentaux sont tous épouvantables, mais les Indiens, etc., sont magnifiques… Le Clézio est le parfait représentant de cet effondrement du style…

L'oeuvre

Son œuvre, qui se réclame à la fois des présocratiques, de Lautréamont, de Michaux et de Ponge, impose d'abord la recherche d'un renouvellement romanesque Depuis son prix Renaudot, qu'il obtint à vingt-trois ans, il poursuit une carrière littéraire dont l'étonnante régularité s'inscrit en marge des courants et des modes. Quant aux influences, elles sont difficiles à cerner. Passé Le Procès-verbal, l'œuvre oublie les voies du Nouveau Roman. Et si elle reste plus fidèle à une certaine tradition fantastique et visionnaire, c'est sans rien devoir vraiment au rire mordant de Lautréamont ni au surréalisme de William Blake.
À la vérité, l'invention de Le Clézio paraissait d'abord sans précédent. Mais, après les grands romans glacés des premières années, on a mieux vu se dessiner des versants, des thèmes privilégiés, et du même coup se révéler des héritages. Aujourd'hui, face au paysage que compose l'univers le clézien, on reconnaît au moins trois grands axes d'orientation : une exceptionnelle sensibilité aux choses ; une relation privilégiée au monde amérindien ; enfin, et sur le plan de l'écriture cette fois, un progressif retour à des formes narratives conventionnelles. Trois traits qu'on doit d'ailleurs éviter aussitôt de distinguer trop nettement, tant ils paraissent profondément liés en une unique et constante appréhension du fait romanesque.
Tous les romans de Le Clézio mettent en scène une certaine forme d'absence. Terra amata, par exemple, s'ouvre sur une puissante évocation de la terre, du soleil, de la vie animale et végétale, d'où l'homme est exclu. Dans L'Extase matérielle, c'est le gonflement de la vie quand je n'étais pas né qui fournit à la rêverie le premier objet de son émerveillement. Quant aux Voyages de l'autre côté, ils s'achèvent dans ces terres où il n'y avait pas d'herbes, pas d'arbres, pas d'hommes, rien . À l'horizon du texte se dresse cette vision élémentaire d'où tout part et où tout retourne inéluctablement, ce désert auquel un grand roman, sous ce titre, consacre un hymne véritable. Là, rien n'a de signification. Tout s'abolit, jusqu'à la distinction des genres et des formes ; mais, là aussi, le roman prend sa source en même temps que l'essai : l'un et l'autre s'y confondent : Il y a cette étendue déserte, et belle, cette étendue libre. C'est là que naît le langage, simplement, comme un phénomène du ciel. Il se déroule et enveloppe la terre, et nous sentons passer son onde froide Vers les icebergs. Mais, remontant jusqu'à cette origine absolue du paysage et du phantasme, l'écriture découvre que les mots eux-mêmes n'y ont aucune place. C'était hors des sentiments, loin des mots douteux du langage, loin des signes affolés de l'écriture. Actes sans origine ni destination, acteurs sans conscience et sans destin sont les termes d'un drame de vents, d'herbes, de terres et de lumière où les seules modifications résultent de l'usure géologique et des variations climatiques.
Ce drame élémentaire admet pourtant d'autres acteurs. Ainsi Adam Pollo, dans Le Procès-verbal. Homme des commencements, comme son prénom l'indique, Adam Pollo sait être objet parmi les objets, prêt à se fondre dans l'éclatement et l'absorption universelle des matières. Comme le Jeune Homme Hogan, dans Le Livre des fuites, ou Chancelade, dans Terra amata, il représente une sorte de conscience flottante. Tous, en effet, enregistrent chaque ébranlement du monde le plus proche avec une précision d'halluciné. C'est par leur connivence privilégiée avec les manifestations de la matière que ces héros connaissent de façon si intense le sentiment d'une vie qui nous échappe et, parallèlement, l'insignifiance de celle qui nous est chère. Sans cesse ballottés sur un flot de formes, de couleurs, de sons et de consistances, ils se heurtent à une double postulation : l'une vers l' infiniment moyen de la quotidienneté selon Le Clézio ; l'autre vers le fourmillement profond du monde.
Car le monde est vivant. Dans les arbustes, dans les grottes, dans le fouillis inextricable des plantes, il chante, avec la lumière ou avec l'ombre, il vit d'une vie explosive. Dès lors, écrire, pour Le Clézio, c'est étirer dans le temps et dans l'espace, c'est agrandir, c'est animer cette attention patiente à la surface de ce qui nous entoure et nous enveloppe. Pas question de comprendre ! Il importe seulement de saisir par les mots ce qui passe devant soi.
Ce n'est pas un hasard, sans doute, si les objets tendent ici à l'absence d'épaisseur : le lisse, les couleurs crues, les lumières vives, les matières chromées ou vernies reviennent avec une fréquence parfois proche de l'obsession, sur cette étrange planète urbaine pour laquelle Le Clézio conçoit contradictoirement attirance et répulsion. Mais, en contrepoint ou en écho, le monde oppose au paysage abrupt des villes les territoires vides du drame cosmologique. Avec plus ou moins de bonheur, les héros du roman, comme Pouce et Poussy dans La Grande Vie ou Titi et Martine dans La Ronde – qui donne son titre à un recueil de faits divers –, tentent l'évasion hors de l'univers hostile des rues et des immeubles. Mais en vain ; car au drame grandiose des forces élémentaires répond la fatalité possessive des villes. Dans Onitsha, Maou désire ardemment quitter la petite cité d'Afrique qui la rejette : elle s'y découvre paradoxalement engluée. C'est sans doute que les villes de Le Clézio présentent toutes, à l'instar de celle que dessinait La Guerre, une figure altérée, renversée, mais encore déchiffrable de la violence élémentaire.

Les derniers hommes heureux

Qu'on se porte au cœur du monde amérindien, dans Trois Villes saintes, on y reconnaîtra le même enveloppement de l'habitation humaine par les éléments : Le froid remonte sur la terre, venu des grottes, il se répand sur la place du village, il recouvre la forêt. Il prend les choses une à une, il pénètre dans chaque maison, avec le vent et la lumière lunaire.
Là pourtant, quelque chose d'autre est en jeu. La dureté de la terre ou de la nuit ne compose plus exactement le paysage féroce que traversait Chancelade dans Terra amata. La sécheresse a substitué au décor des dieux de la consommation et du déplacement d'autres dieux, plus essentiels, plus élémentaires : C'est ici l'un des endroits les plus importants du monde. Car l'épreuve de la sécheresse ouvre une relation au cosmos que l'œuvre ne cesse d'invoquer, souvent d'ailleurs sur un mode nostalgique. Il s'agit de cette sagesse – et le mot comporte explicitement une charge de sacralité – qui fut révélée à Le Clézio par les Indiens d'Amérique. C'est en effet sa fréquentation, au Panamá, des populations indiennes qui inspirera Haï, et l'intérêt qu'il porte à la civilisation maya, son adaptation des Prophéties de Chilam Balam. Deux livres tout entiers fascinés par le lien particulier d'une civilisation à la parole et à l'écriture. Lien heureux, magique même, sur lequel Le Clézio fonde l'espoir, apparu dès Voyages de l'autre côté, d'une harmonie possible entre l'homme, le monde et les mots. À mesure que s'avance l'œuvre, le texte le clézien devient lui-même l'un des agents de cette harmonie. Dès la Préface de Haï, l'auteur écrivait : Au moment où s'achève ce livre, je m'aperçois qu'il a suivi, comme cela, par hasard, à mon insu, le déroulement du cérémonial de guérison magique... Un jour, on saura peut-être qu'il n'y avait pas d'art, mais seulement de la „médecine“.

La quête et le secret

Car le détour par l'écriture sacrée des civilisations archaïques a révélé à l'écriture même des puissances cachées : celles de l' initiation. Dès lors, le roman de Le Clézio retrouvera les ressources narratives traditionnelles de ce qu'il faut bien appeler une quête initiatique . Tantôt il s'agit de découvrir la lagune ou la langue ? où se cachent les baleines, et c'est dans Pawana. Tantôt, de reprendre la recherche d'un trésor déjà localisé par le père, et c'est toute la geste du Chercheur d'or. Quête chaque fois décevante : l'objet se dérobe sans fin ; ou s'il se donne, comme le spectacle réel des baleines, c'est pour s'enfouir aussitôt dans une histoire sanglante. Bref, au fil des pages, le chercheur découvre que le trésor gît dans l'univers même, dans sa beauté, dans sa puissance de destruction celle de l'ouragan final du Chercheur d'or, par exemple et dans sa permanence.
Pour mener à bien une telle entreprise, l'imaginaire romanesque dispose d'une figure privilégiée : celle de l'initiée-initiatrice. De fait, c'est presque toujours à la femme, et plus précisément à la jeune fille, que revient le don du passage, l'art des Voyages de l'autre côté. Déjà Naja Naja, l'héroïne énigmatique de ce roman, détenait son secret : un pouvoir d'absence issu de la contemplation des choses. Mais l'attrait pour le mystère et la magie de l'adolescente se fait plus précis dans Désert, Printemps et autres saisons, Étoile errante, dans les nouvelles de La Ronde et autres faits divers, enfin dans Le Chercheur d'or. Là, c'est vraiment Ouma, la jeune manaï descendante des anciens esclaves noirs, qui enseigne au héros le mépris de l'or et la connaissance de la beauté. Ainsi toujours, à la frénésie possessive et guerrière de l'Occidental, Lalla, Ouma, Zobéïde, Zinna et tant d'autres opposent, au sein du plus grand dénuement, leur noblesse et leur liberté souveraines. En elles se déploie la mémoire de lointains fabuleux, l'Orient ou l'Afrique, vers laquelle il revient dans L'Africain, un beau texte autobiographique, qui font de leurs paroles, et plus encore de leurs silences, de leurs simples gestes, bref de leur être entier, un témoignage abrupt sur notre monde.
Il était naturel que, dans cette quête d'un secret originel, le roman lui-même rencontrât des formes ancestrales. Certains diront que l'œuvre de Le Clézio s'éloigne, avec le temps, de ses audaces et de ses inventions initiales. Et, de fait, ses formes les plus brèves les nouvelles ne conservent plus guère que l'originalité d'une thématique certes nettement reconnaissable, mais incapable de répondre à ce qui apparaît bien comme l'ambition la plus profonde de l'entreprise le clézienne : la réparation du monde. C'est au contraire aux amples constructions narratives que paraissent vouées de nature et cette ambition et l'écriture qui la nourrit. Une écriture dont l'idéal est d'abord d'évidence. Le style, souvent presque parlé, affecte la transparence. À travers lui, on sent le monde comme une grosse chose proche, dont la présence impose une émotion où l'on reconnaîtrait volontiers les traits d'une conscience primitive ou enfantine.
Une telle attitude face au langage définit moins la position du romancier que celle, archaïque, du conteur. Cette position d'où il importe de renouer d'anciennes histoires à une autre, toute neuve, qui s'invente sous nos yeux parce qu'elle est tout simplement celle d'une vie orientée par les histoires. Pour Geoffroy, l'un des trois personnages centraux d'Onitsha, le présent n'a de sens que par les liens qu'il tisse avec la très vieille histoire de la reine Méroé et de sa fille Arsinoé. Le Chercheur d'or se réfère, lui, à la légende de Jason et des Argonautes. Ainsi s'en va le conte, infini en ce qu'il ne fait que relier, et merveilleux en ce qu'il épouse toujours d'un peu plus près la beauté du monde.
Mais conte obscur aussi, parce que jamais il ne livre clairement son sens – ce serait sa mort. Je voudrais faire un livre qui soit aussi clair que la vie, qui soit un double de la vie mais je n'y suis jamais arrivé, dit Le Clézio. Seule la vie vécue est simple. Dès que l'écriture s'en empare, elle y introduit la traînée opaque de la méduse, la poudre aux yeux : elle aveugle.Écrire m'aveugle. Or je suis partisan de l'aveuglement, dit encore Le Clézio. C'est que, pour lui, évidence et complexité ne sont pas exactement contradictoires. L'aveuglement n'est que le nœud de ces deux modes de perception, le nœud à partir duquel s'effile cette phrase lumineuse et compacte à la fois, où un lecteur attentif, les deux yeux grands ouverts comme tant de héros le cléziens, succombe à l'envoûtement d'une parole dont il espère qu'elle n'aura pas de fin. Significativement, le prix Nobel de littérature 2008 a distingué en lui un écrivain des nouveaux départs ainsi qu’un explorateur d’une humanité au-delà et en dessous de la civilisation régnante.

Prix et distinctions

1963 : prix Renaudot pour Le Procès-verbal
1972 : prix Valery-Larbaud ex æquo avec Frida Weissman
1980 : grand prix de littérature Paul-Morand de l'Académie française, pour l'ensemble de son œuvre, à l'occasion de la sortie de Désert
1992 : prix international Union latine des littératures romanes
1996 : prix des téléspectateurs de France Télévisions, pour La Quarantaine
1997 : grand prix Jean-Giono, pour l'ensemble de son œuvre
1997 : prix Puterbaugh
1998 : prix Prince-Pierre-de-Monaco, pour l'ensemble de son œuvre, à l'occasion de la sortie de Poisson d'or
2008 : prix Stig Dagerman, pour l'ensemble de son œuvre, à l'occasion de la sortie suédoise de Raga. Approche du continent invisible
2008 : prix Nobel de littérature, pour l'ensemble de son œuvre

Distinction

1er janvier 2009 : officier de la Légion d'honneur

14 septembre 2010 : le ministre des affaires étrangères mexicain lui décerne l'Aigle aztèque.

Œuvre littéraire, Recherches formalistes des premières années

À la parution des premiers volumes publiés par Le Clézio dans les années 1960 Le Procès-verbal, La Fièvre, Le Déluge, le jeune écrivain est rapproché des recherches formalistes du Nouveau Roman, en particulier de Georges Perec, Michel Butor et Nathalie Sarraute. Les thèmes abordés – la douleur, l’angoisse, la douleur dans le milieu urbain – font surtout de lui l’héritier des questionnements et dénonciations existentialistes, et plus encore d'Albert Camus. Le Procès-verbal rappelle ainsi irrésistiblement L'Étranger, quoiqu'il puisse également évoquer le Nexus de Henry Miller.

Influence des voyages et l’exploration culturelle

Le Clézio élabore dès la fin des années 1960 des œuvres plus personnelles, moins marquées par le formalisme, sans perdre sa capacité de révolte. Ses publications sont dominées par l’exploration de l’ailleurs et par les préoccupations écologiques, Terra Amata, Le Livre des fuites, La Guerre, et de plus en plus influencées par les voyages de l’auteur et son séjour chez les indiens du Mexique Les Géants. Les essais de Le Clézio mettent en évidence son cheminement méditatif nourri par la culture des indiens Embera, dirigé vers le panthéisme L'Extase matérielle, la culture indienne, l'onirisme et l'expérience des drogues, Mydriase, Haï, et toujours la recherche d'une échappatoire à la société occidentale et urbaine contemporaine.
La réflexion culturelle de Le Clézio s’étend par ailleurs à d'autres influences. Lui-même cite parmi ses lectures les poètes John Keats et W. H. Auden. Il admet surtout l'influence de J. D. Salinger, qu'il relit le plus souvent, de William Faulkner et d'Ernest Hemingway. Du premier, Le Clézio retient la confrontation entre l'individu et la société. Du second le lyrisme de plus en plus évident et l'influence du monologue intérieur, du flux de conscience ; du troisième la démarche de l'écrivain voyageur. Il se montre également influencé par le mysticisme de Lautréamont, sur lequel il écrit une thèse et publie de nombreux articles et préfaces ; par certaines idées d'Henri Michaux hostilité envers la société, usage de la drogue comme expansion de la conscience, auquel il consacre un mémoire d'études ; ou encore par la démarche de rupture spirituelle d'Antonin Artaud qu'il salue comme précurseur de ce rêve d'une terre nouvelle où tout est possible ; ... d'un retour aux origines mêmes de la science et du savoir ; ... ce rêve, mélange de violence et de mysticisme. Enfin, Le Clézio se révèle un insatiable lecteur, passionné par la découverte de nouveaux horizons, comme il le montre en rédigeant des préfaces pour des auteurs d'origines variées : Margaret Mitchell, Lao She, Thomas Mofolo, V.S. Naipaul et d'autres encore.
Cette évolution débouche sur des œuvres de fiction exploitant ces thèmes du voyage, de l'onirisme et de la méditation, qui trouvent un écho favorable auprès du public à partir de Mondo et autres histoires, en 1978 et surtout de Désert, en 1980. Le Clézio est dès lors volontiers décrit comme inclassable, et poursuit l'exploration des thèmes de l'ailleurs dans Le Chercheur d'or, Onitsha ou encore Poisson d'or.

La capacité de révolte

En 1980, Désert devient le premier livre à succès de Le Clézio.
La contestation est un caractère permanent de l’œuvre de Le Clézio. Après la dénonciation de la société urbaine et de sa brutalité dans les premières œuvres publiées, c’est une remise en cause plus générale du monde occidental qu’il élabore dans ses romans ultérieurs. Nourri par son expérience personnelle, Le Clézio dénonce ainsi la guerre cynique du monde mercantile La Guerre, le scandale de l'exploitation des enfants Hasard et des cultures minoritaires à partir de la fin des années 1980, il soutient l’ONG Survival International, dont il devient membre du Comité d’honneur. Les préoccupations touchant à l’environnement et à la pollution apparaissent également comme récurrentes chez Le Clézio, ce qui amène l’Académie suédoise à le qualifier comme un écrivain écologiste engagé : on la retrouve dès les années 1960-1970 avec Terra Amata, Le Livre des fuites, La Guerre, Les Géants.
Cette révolte demeure sensible dans les romans plus populaires des années 1980 : haine de l’impérialisme colonial Désert et du système qui en découle Onitsha, rejet de la guerre destructrice première Guerre mondiale dans Le Chercheur d’or, guerre du Biafra dans Onitsha, des nouvelles formes d'exploitation prostitution, trafics humains, dans Désert. L’ensemble de ces engagements aboutissent dans les années 2000 à des œuvres plus nettement amères et critiques envers l’évolution occidentale moderne, en particulier le roman Ourania 2005, histoire du rejet catégorique du monde moderne par un groupe de chercheurs dans une vallée mexicaine perdue, ou Raga. Approche du continent invisible 2006, défense ardente des peuples insulaires d’Océanie, menacés par la mondialisation.

Le thème familial et autobiographique

Au milieu des années 1980, Le Clézio commence à aborder au sein de ses œuvres des thèmes plus personnels, en particulier à travers l’évocation de la famille. Ses intrigues et personnages s’inspirent de ses proches. Alexis, le narrateur du Chercheur d’or 1985, est ainsi inspiré à l'auteur par son grand-père Léon, auquel le roman est dédié, et qui habite également le récit Voyage à Rodrigues. Cette tendance se renforce avec Onitsha, en 1991, hommage à l’Afrique de l’enfance de Le Clézio. Puis, son grand-père est de nouveau au centre d’un ouvrage avec La Quarantaine en 1995. Le penchant autobiographique est ensuite clairement assumé dans Révolutions, en 2003. Puis c’est au tour de la figure du père d'être célébrée dans L'Africain en 2004, avant que Le Clézio ne s'inspire de sa mère pour le personnage d'Ethel Brun, dans Ritournelle de la faim.

Réception critique et publique

Le Clézio connaît un succès indéniable dès ses premières parutions prix Renaudot 1963. Il rencontre plus tard un véritable succès public, à partir de Mondo et autres histoires et surtout de Désert, livre à succès en 198044. Cette reconnaissance du public se vérifie en 1994, lorsque les lecteurs du magazine Lire le désignent « plus grand écrivain francophone vivant , le préférant à ses aînés Nathalie Sarraute, Claude Simon, Françoise Sagan, Michel Tournier ou encore Julien Gracq.
Le Clézio est l'un des auteurs de langue française les plus traduits dans le monde allemand, anglais, catalan, chinois, coréen, danois, espagnol, grec, italien, japonais, néerlandais, portugais, russe, suédois, turc.

Depuis le prix Nobel de littérature en 2008, une revue internationale publiée par les éditions Complicités à Paris, Les Cahiers Le Clézio46, publie chaque année un numéro thématique qui rassemble des articles critiques signés par des spécialistes de l’œuvre. Les premiers numéros de cette revue portent sur les thèmes suivants :

À propos de Nice 2008
Contes, nouvelles et romances 2009
Migrations et métissages 2011, numéro double
La tentation poétique 2012

Œuvres, Romans, nouvelles et récits

Le Procès-verbal, roman, Gallimard, Le Chemin , Paris, 1963, 250 p. prix Renaudot
Édition illustrée par Edmond Baudoin, Futuropolis, Gallimard, 1989
Le Jour où Beaumont fit connaissance avec sa douleur, nouvelle, Mercure de France, L'écharpe d’Iris, Paris, 1964
La Fièvre, nouvelles, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1965, 237 p.
Le Déluge, roman, Gallimard, Le Chemin , Paris, 1966, 288 p.
Terra Amata, roman, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1967, 248 p.
Le Livre des fuites, roman, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1969, 290 p.
La Guerre, roman, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1970, 295 p.
Les Géants, roman, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1973, 320 p.
Voyages de l'autre côté, nouvelles, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1975, 308 p.
Mondo et autres histoires, contes, Gallimard, Paris, 1978, 278 p.
Désert, roman, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1980, 410 p. grand prix de littérature Paul-Morand de l'Académie française
La Ronde et autres faits divers, nouvelles, Gallimard, Le Chemin , Paris, 1982, 235 p
Le Chercheur d'or, roman, Gallimard, Paris, 1985, 332 p
Voyage à Rodrigues, roman, Gallimard, Le Chemin , Paris, 1986
Printemps et autres saisons, roman, Gallimard, Le Chemin , Paris, 1989, 203 p.
Onitsha, roman, Gallimard, Paris, 1991, 250 p. ISBN 2-07-072230-9
Étoile errante, roman, Gallimard, Paris, 1992, 339 p.
Pawana, roman, Paris, Gallimard, 1992, 54 p.
La Quarantaine, roman, Gallimard, Paris, 1995, 464 p
Poisson d'or, roman, Gallimard, 1996, 255 p.
Hasard, suivi de Angoli Mala, romans, Gallimard, Paris, 1999, 290 p.
Cœur brûle et autres romances, nouvelles, Gallimard, Paris, 2000, 187 p.
L'enfant de sous le pont, roman, Lire c'est partir, Paris, 2000
Fantômes dans la rue, éditions Elle, Aubin Imprimeur, Poitiers, 2000
Révolutions, roman, Gallimard, Paris, 2003, 554 p
L'Africain, portrait de son père, Mercure de France, Traits et portraits , Paris, 2004, 103 p.
Ourania, roman, Gallimard, « Collection Blanche », Paris, 2006, 297 p.
Ritournelle de la faim, roman, Gallimard, Collection Blanche , Paris, 2008
Histoire du pied et autres fantaisies, nouvelles, Gallimard, Paris, 2011
Tempête, deux novellas, Gallimard, Paris, 2014

Essais et idées

L'Extase matérielle, Gallimard, Le Chemin,
Paris, 1967, 229 p.
Haï, Skira, « Les Sentiers de la création », Genève, 1971, 170 p.
Mydriase, illustrations de Vladimir Veličković, Fata Morgana, Saint-Clément-la-Rivière, 1973 ; éd. définitive, 1993, 62 p.
Vers les icebergs, Fata Morgana, Explorations , Montpellier, 1978, 52 p. contient le texte d’Iniji, par Henri Michaux
L'Inconnu sur la terre, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1978, 325 p.
Trois villes saintes, Gallimard, Paris, 1980, 81 p.
Édition de bibliophilie : Chancah première ville de Trois villes saintes, lithographies de Tony Soulié, Les Bibliophiles de France, 2012
Civilisations amérindiennes, Arléa, Paris, 1981
Le Rêve mexicain ou la pensée interrompue, Gallimard, NRF Essais , Paris, 1988, 248 p.
Diego et Frida47, Stock, Échanges , Paris, 1993, 237 p. + 12 p. de pl.
Ailleurs, entretiens avec Jean-Louis Ezine, Arléa, 1995, 124 p.
La Fête chantée, Gallimard, Le Promeneur, 1997, 256 p.
Gens des nuages avec Jémia Le Clézio, photographies de Bruno Barbey, récit de voyage, Stock, Beaux Livres , 1997
Raga. Approche du continent invisible, Le Seuil, Peuples de l'eau , Paris, 2006, 135 p.
Ballaciner, Gallimard, 2007

Éditions de textes

Les Prophéties du Chilam Balam, version et présentation de Le Clézio, Gallimard, Le Chemin, Paris, 1976, 201 p.
Relation de Michoacan, version et présentation de J.-M. G. Le Clézio, Gallimard, Tradition, Paris, 1984, 315 p. p. de pl.
Sirandanes avec Jémia Le Clézio, Seghers, 1990, 93 p.

Livres pour la jeunesse

Voyage au pays des arbres, illustré par Henri Galeron, Gallimard, Enfantimages, Paris, 1978, 27 p.
Lullaby, illustré par Georges Lemoine, Gallimard, 1980
Celui qui n'avait jamais vu la mer, suivi de La Montagne ou le dieu vivant, Paris, Gallimard, 1982
Villa Aurore, suivi de Orlamonde, Paris, Gallimard, 1985
Balaabilou, Paris, Gallimard, 1985
La Grande Vie, suivi de Peuple du ciel, Paris, Gallimard, 1990

Discours et conférences

Dans la forêt des paradoxes, conférence Nobel vidéo, discours de réception du prix Nobel de littérature, 2008.

Articles

Jean-Marie Gustave Le Clézio, Les îlois de Chagos contre le Royaume-Uni, suite et fin ?, Libération, no 9 953,‎ 15 mai 2013

Liens
http://youtu.be/2F7c3EmzEcE Par lui même
http://youtu.be/8U01a9jv1VQ Le procès-verbal
http://youtu.be/lQYwCCt9eFY Au salon du Livre
http://youtu.be/kYdFI-N1GeE Avec Bernard Pivot
http://youtu.be/hzir9_fkrS8 Il faut bien mettre des motshttp://youtu.be/gIayM1gK_sg Prix nobel de littérature

Attacher un fichier:



jpg  c915012912a05a7b58b9d110.L.jpg (26.53 KB)
3_534982c027229.jpg 309X500 px

jpg  Le_Clézio_S.P.Gallimard.JPG (62.12 KB)
3_534982cd83447.jpg 255X396 px

jpg  4099.jpg (46.57 KB)
3_534982ffc2a63.jpg 540X810 px

jpg  le-clezio-bac-francais-toulouse-ozenne.JPG (12.93 KB)
3_5349830f21954.jpg 386X280 px

jpg  clezio_lecture_photo_02.jpg (79.36 KB)
3_5349831c917ba.jpg 515X343 px

jpg  71666_une-clezio.jpg (26.99 KB)
3_5349832903fb2.jpg 630X274 px

jpg  J-M-Leclezio.-1991.-04.--Jean-Pierre-REY.jpg (39.93 KB)
3_53498336a2c2d.jpg 500X340 px

jpg  Jean-Marie-Gustave-Le-Clezio-prix-Nobel-de-litterature_large.jpg (19.46 KB)
3_53498371867d9.jpg 300X225 px

jpg  Le-Clezio-Jean-Marie-Gustave-Mondo-Et-Autres-Histoires-Livre-896907710_ML.jpg (12.84 KB)
3_534983825d48f.jpg 270X270 px

gif  9782070383771FS.gif (75.72 KB)
3_5349839205b3d.gif 289X475 px

jpg  29756.jpg (29.19 KB)
3_5349839f93a0c.jpg 315X527 px

jpg  jean-marie-gustave-clezio-entre-mondes_0.jpg (15.29 KB)
3_534983acbcbb8.jpg 284X400 px

gif  peuple-du-ciel-jean-marie-gustave-le-clezio-9782070426768.gif (38.10 KB)
3_534983b86c852.gif 200X335 px

jpg  XY240.jpg (9.58 KB)
3_534983c5a11a9.jpg 240X240 px

jpg  9782268032870.jpg (29.70 KB)
3_534983d0cfd8d.jpg 296X475 px

gif  9782914428262FS.gif (164.37 KB)
3_534983e578b20.gif 546X475 px

gif  9782070428427FS.gif (86.35 KB)
3_534983f3951b0.gif 330X475 px

jpg  jean-marie-gustave-le-clezio 3.jpg (33.03 KB)
3_5349840049c6b.jpg 282X475 px

jpg  le-proces-verbal-780762-250-400.jpg (35.52 KB)
3_5349841012e2c.jpg 241X400 px

Posté le : 12/04/2014 20:21
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut
« 1 ... 33 34 35 (36) 37 38 39 ... 60 »




Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
42 Personne(s) en ligne (25 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 42

Plus ...