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" Yolande d’Aragon "
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Yolande d’Aragon
Sans qui l’histoire de Jehanne la Pucelle Bâtarde d’Orléans n’aurait jamais existé.

Qui est-elle ?
Elle naquit à Saragora le 11 août 1380.
Elle fut la fille de Jehan 1er roi d’Aragon et de Yolande de Bar elle-même petite fille du roi de France, Jehan le Bon. Ses dits parents, lui donnèrent le nom de Jolanta d’Aragon ou encore en Catalan Violant d’Arago.
En France, elle se nomma Yolande d’Aragon.
Yolande d’Aragon se maria, le 2 décembre 1400, avec Louis II duc d’Anjou, roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem. De par son mariage, elle devint duchesse d’Anjou, reine de Naples, reine de Sicile, reine de Jérusalem et de Chypre .
En 1404 elle devint, de par son mari, Dame de Guise.
De cette union naitront 6 enfants :
Louis en 1403, qui sera duc d’Anjou, comte de Provence et roi de Naples
Marie en 1404, qui sera reine de France en épousant Charles de Ponthieu, futur roi Charles VII.
Une fille mort-née en 1406.
René en1408, qui sera duc de Bar, de Lorraine et d’Anjou, roi de Sicile, de Naples, d’Aragon et Jérusalem.
Yolande en 1412, qui sera duchesse de Bretagne en épousant François 1er duc de Bretagne ; Charles en 1414, qui sera comte du Maine
Yolande d’Aragon devint veuve le 29 avril 1417 et ne se remaria pas !
Elle décèdera le 14 novembre 1442, en l'hôtel du seigneur de Tucé près de Saumur.

Sa finesse politique et son réseau politique
En ce temps-là, comme nous venons de le voir, si un puisant seigneur voulait assoir et faire reconnaître son pouvoir politique, il fallait qu’il le construise à partir de deux piliers qui soutenaient la société féodale : la noblesse et l’église.
Les meilleurs exemples que nous en donne l’histoire, ce furent les règnes de Charlemagne et de Louis IX (Saint-Louis). Car ce n’était pas un hasard si Jehanne la Pucelle Bâtarde
d’Orléans en connaissait les histoires.
Charlemagne sut s’appuyer sur l’Eglise de Rome pour obtenir une forte légitimité et sur sa noblesse pour en devenir le bras armé et le chef incontesté.
Ce fut donc plus, un roi et un Empereur guerrier, qu’un pourvoyeur de foi catholique. Car on ne peut que remarquer que son obédience pour l’Eglise ne fut pas dictée uniquement par la foi, mais elle le fut surtout par l’intérêt d’utiliser l’instruction des ecclésiastiques pour gérer et organiser la fonctionnalité de son empire.
Pour l’évolution politique de Louis IX, l’Eglise de Rome prit une place prépondérante dans sa gouvernance, et ce fut du prestige qu’il retirait de cette dévotion personnelle et familiale, qu’il assura son autorité gouvernementale et guerrière sur sa noblesse.
Ce fut donc plus, un roi pourvoyeur de la foi catholique, qu’un grand défenseur et conquérant guerrier. Sa piété légendaire lui rapporta une énorme popularité qui eut pour intérêt de freiner puis arrêter, dans le royaume, l’hégémonie sans bornes de l’Eglise de Rome de cette époque.
Et, au regard de l’icône populaire que le roi Louis représentait pour ses sujets, cette puissante
Eglise n’osait plus réprimander un roi si croyant et si aimé au risque de perdre son propre prestige.
Yolande d’Aragon reine de quatre royaumes , en plus des enseignements qu’elle tirait de ces deux règnes, entrevit très tôt les grandes possibilités de pouvoir qu’elle pourrait acquérir à partir d’un troisième pilier féodal jusqu'alors dédaigné pour ne pas dire méprisé des puissants de son époque : celui du peuple.
Elle eut le génie de comprendre, en cette fin de Moyen-Âge, que la foi mystique de ce peuple de France, en sa grande majorité nécessiteux, pouvait représenter une force considérable capable de balayer dogmes et armées.
D’ailleurs, l’histoire de la première croisade populaire prêchée par Pierre l’Hermite en 1096, lui démontrait l’ampleur de cette force. Ce prêcheur par ses exaltations mystiques, n’était-il parvenu à former une déferlante humaine hétéroclite de 15 000 personnes qui devait s’abattre sur les lieux Saints.
Considérant cet événement, Yolande savait aussi que ce qui avait désintégré cette force humaine au point de la rendre presque négligeable, était le manque de structuration hiérarchique et l’absence d’organisation matérielle de cette multitude.
Forte de ces enseignements du passé, Yolande d’Aragon eut l’intelligence d’imaginer, en cette fin de Moyen-Âge, le développement d’un ordre religieux dont les prêtes, les moines ou les religieuses vivraient, d’une façon exemplaire, les humbles vies et conditions du peuple. Un ordre si ressemblant à ces gens, qu’il serait capable de révéler, de canaliser et de diriger le mysticisme populaire au service de grandes causes.
Yolande avait donc commencé après son mariage en 1400, avec Louis II duc d’Anjou à se rapprocher des Cordeliers (Franciscains) d’Angers dont elle pensait, à juste titre d’ailleurs, être l’ordre religieux le mieux à même pour mener cette mission.
-Elle en devint la protectrice.
-Elle fit à cet ordre des dons très importants qui le revivifia et qui fit de lui le centre de diffusion des directives de cet ordre et des histoires de guérisons miraculeuses obtenues par ses religieux.

Son action politique
Certains historiens, les mêmes d’ailleurs qui ne veulent pas voir en Jehanne la Pucelle Bâtarde d’Orléans un autre personnage que la bergère mystique qu’ils ont fabriquée, disent que les actes politiques de Yolande d’Aragon étaient dictés que par ses propres intérêts et ceux de sa famille.
Il y a surement un peu de vrai dans ce point de vue mais, pour l’heure, ce qui pourrait être considéré comme un trait d’égoïsme du personnage, va se révéler être une qualité.
En effet en l’année 1428, jamais les intérêts personnels de la duchesse d’Anjou ne se sont tant confondus avec ceux de la cause générale de la royauté française, dont le but était le règne d’un roi français sur le royaume de France.
Depuis que l’idée d’une alliance de la maison d’Anjou avec la lignée royale de France avait germé dans la tête de Yolande d’Aragon et celle de son époux Louis II d’Anjou, jusqu’au18
décembre 1413, jour des fiançailles de sa fille Marie, à Charles de Ponthieu, Yolande d’Aragon s’était fixé comme ouvrage et but de sa ligne politique, l’éventualité certes éloignée mais non improbable, de voir un jour Charles de Ponthieu s’asseoir sur le trône de France, et avec lui, comme reine sa fille Marie.
Yolande savait aussi que pour en arriver là, il lui fallait acquérir des puissantes alliances et elle s’y était déjà employée.
Elle avait fait rompe, par son époux, en novembre 1413, celle qui liait depuis 1410, son fils
René d’Anjou comte de Guise à Catherine de Bourgogne fille du duc Jean sans peur.
En faisant cela, elle signifiait clairement à tous, qu’elle servirait dorénavant la cause du roi de
France (Armagnacs) et délaisserait celle du duc de Bourgogne (Bourguignons) et de ses alliés anglais.
Le 5 février 1414, Yolande quitta Paris pour sa cour d’Angers en emmenant avec elle ses cinq enfants, plus le prince Charles de Ponthieu , qu’elle va protéger et élever comme son propre fils.
En 1416, Yolande d’Aragon s’accorda avec son Oncle le cardinal de Bar pour que son fils
René devienne l’hérité du duché de Bar.
Pour obtenir la paix entre les deux duchés de Bar et de Lorraine, elle proposa au duc Charles
II de Lorraine la réunion de ces deux duchés. Elle garantit cette réunion territoriale par la mise sous la tutelle du duc de Lorraine son fils René d’Anjou ; et par le futur mariage de ce même fils avec Isabelle fille du duc de Lorraine. Cet arrangement fut accepté par Charles de
Lorraine, pourtant fervent partisan de la cause Bourguignonne. Les deux enfants furent fiancés et René alla vivre à la cour de Lorraine qui devint aussi celle de Bar.
Lorsqu’en janvier 1418 Yolande d’Aragon eut vent d’un projet de mariage diligenté par la reine Isabeau de Bavière et par le duc Jean sans peur de Bourgogne, entre l’un des neveux de ce dernier et Isabelle de Lorraine, afin d’arriver à fixer définitivement la Lorraine dans le camp des Bourguignons, elle n’eut pas la peine de rappeler ses promesses au duc de Lorraine.
Charles de Lorraine avait déjà beaucoup d’affection pour le jeune René d’Anjou duc de Bar, son futur gendre. La proposition royale fut donc repoussée.
Ce fut le 20 octobre 1420 que René d’Anjou duc de Bar, épousa Isabeau ou Isabelle de
Lorraine fille du duc Charles II de Lorraine.
Yolande d’Aragon savait qu’elle retirerait un jour de cette alliance une adhésion du duché de
Lorraine à la cause qui mettrait sa fille Marie et son futur gendre Charles de Ponthieu sur le trône de France.
Yolande d’Aragon fixa le mariage entre le Dauphin Charles de France et sa fille Marie, fiancés depuis 9 ans, au 22 avril 1422.
Cette étape franchie, fallait-il encore que Charles fût sacré et reconnu roi de France par assez de grandes et nobles maisons.
Ce fut dans ce dessin, qu’elle maria, en 1424, son fils Louis III d’Aragon à Isabeau ou
Isabelle de Dreux fille du duc Jean VI de Bretagne. Elle comptait bien, là encore, par ce mariage, que le duché de Bretagne rejoigne le camp de son gendre.
Tout était donc en place ! L’œuvre politique de Yolande était d’autant plus remarquable, que la période où elle fut élaborée et construite, était une des pires, que le royaume de France n’eut jamais connue.
Le seul obstacle qui restait à surmonter pour Yolande était celui de faire reconnaître le
Dauphin Charles de France comme roi incontesté de ce royaume.
Ors, Charles de France avait été renié par sa mère, déshérité par son père et banni du royaume par l’Anglais et le Bourguignon.
Qu’a cela ne tienne, puisque Yolande ne pouvait plus compter sur l’approbation de la noblesse et du clergé de la société des hommes, Il ne lui restait plus qu’a obtenir l’appui de celui et ceux qui étaient au-dessus de toute autorité temporelle, celui de Dieu et de ses Saints.
Et là encore, comme toujours chez cette femme, elle avait anticipé les événements.
Elle avait mis en place, là-bas dans un petit village du duché de Bar, tous les acteurs qui allaient faire vivre une extraordinaire épopée à la France.
Epopée faite des exploits héroïques d’une Bâtarde royale d’Orléans, que l’on disait, pour la circonstance, bergère, dont on croyait s’être débarrassée le 9 novembre 1407 en la confiant à une certaine Jehanne d’Arc Dame de qualité de la reine, originaire d’une enclave royale située au bord de la Lorraine.
La reine Isabeau de Bavière drapée dans la luxure et la dépravation, venait de brader la France à l’Anglais, réduisant à néant les ambitions politique de Yolande d’Aragon.
Mal lui en prit !

Au lendemain de l’infâme traité de Troyes, sur son ordre, une prédiction se propagea, dans les campagnes et cités du royaume par les réseaux les Franciscains.
« Une catin perdra la France, Une vierge la sauvera, L'une de l'autre sortira ! »
Yolande d’Aragon, connaissant et ayant protégé depuis 1407, le secret de la naissance d’une fille bâtarde de la reine Isabeau , allait se servir de ce secret pour rétablir la légitimité royale de son gendre Charles de Ponthieu et faire de sa fille Marie la reine de France.
Cette fille Jehanne la pucelle bâtarde d’Orléans, enfant de la reine Isabeau et de Louis d’Orléans, alors inconnue, auréolée de lumière, de pureté et d’innocence, allait faire sortir le royaume de France du marasme centenaire dans lequel l’avait plongé des guerres fratricides et conquérantes et le faire de nouveau rayonner sur l’Europe.
Et pour qu’il en soit ainsi, Yolande d’Aragon finança une bonne partie des actions militaires menées par Jehanne, contre l’anglais et les Bourguignons.

Johan (JR.).

Notes de Référence et bibliographie partielle :

Yolande d’Aragon épouse de Louis II duc d’Anjou était reine d’Aragon de Sicile, de Jérusalem et de Chypre. Cette femme avait une forte personnalité et ses qualités politiques extraordinaires là plaçaient à l’opposé des attitudes frivoles et incohérentes de la reine Isabeau de Bavière.
Les deux femmes se défièrent souvent, mais l’intelligence de Yolande et sa vision à long terme du gouvernement de ses possessions et du royaume, mirent presque chaque fois en échec les prétentions d’emprises sur elle de la reine Isabeau. Yolande depuis son mariage avait élaboré et structuré un parcours politique qui avait pour but de faire entrer ses enfants de la maison d’Anjou dans la maison royale de France. C’est ainsi que le 21 octobre 1413, elle négocia de main de maitre les fiançailles de sa fille Marie, 9 ans avec Charles de Ponthieu, 10 ans, 11 ème enfants et cinquième fils de la reine Isabeau.
Isabeau, lors de ces négociations, cru duper Yolande en lui donnant pour sa fille un prince de troisième rang ; alors qu’en faisant cela, elle permettait à Yolande de mettre, comme on dit, le ver dans la pomme. Isabeau cru aussi qu’en acceptant que Yolande élève son cinquième fils Charles de Ponthieu en sa cour d’Anger, elle éloignait pour longtemps celle dont les jugements et les critiques à son égard l’empêchaient de mettre en œuvre tous ses petits complots de pouvoir et de coucheries ; alors que Yolande profita de cet éloignement tout relatif (elle avait un réseau franciscain de renseignements remarquable) pour inculquer à Charles une éducation royale voulue par elle très dépendante de ses avis et conseils. Ce qui lui permit un jour qu’Isabeau voulu faire valoir son autorité pour récupérer son fils qui venait alors de prendre le rang de Dauphin de France, de lui dire :
« A femme pourvue d'amant, point n'est besoin d'enfant. N'ai point nourri et élevé icelui jusqu'ici pour que vous le laissiez trépasser comme ses frères ou le rendiez fol comme son père, à moins que vous le fassiez anglais comme vous. Le garde mien; venez le prendre si l'osez ! ».9

En 1420, Louis III d'Anjou, fils aîné de la reine Yolande, cédant à l'invitation du pape Martin V, s'était décidé à passer en Italie pour y faire valoir ses prétentions sur le royaume de Naples. Le souverain pontife, qui était un Colonna, appartenait à une famille attachée par tradition au parti des princes français dans la péninsule. Aussi, lorsque Louis III d’Anjou fut battu dans plusieurs rencontres par son rival Alphonse V d’Aragon, il avait trouvé asile à Rome, et bientôt même, sur les pressantes instances du pape, avait été adopté, le 21 juin 1423, par la reine Jeanne de Naples. Non content de mettre au service de Louis d'Anjou la redoutable épée de François Sforza, le pape avait servi non moins utilement les intérêts du prince français en déchaînant contre l'Aragonais la fougueuse et triviale éloquence des religieux de l'ordre de Saint-François (les Franciscains). Trois religieux, Bernardin de Sienne, Jean Capistran et Mathieu Cimarra, entamèrent alors une véritable croisade en faveur de
Louis III d’Anjou. L'effet de cette propagande fut d'autant plus profond que, grâce à la connivence du pape Martin V, la politique angevine en Italie exploita à son profit, depuis 1420 jusqu’à 1429 (fin du schisme) l'un des mouvements religieux les plus originaux et les plus puissants de la fin du moyen âge. Comme, en 1428 et 1429, l'agitation patriotique contre les Anglais mit à profit ce même mouvement dans notre pays, aussitôt que les cordeliers de l'observance l'y eurent propagé avec l’aide de Yolande d’Aragon duchesse d’Anjou belle-mère de Charles de France, il importe de l'étudier au-delà des monts, où l'on en trouve le point de départ, si l'on veut bien saisir l'étrange physionomie de frère Richard et remonter à la source de l'un des courants dont s'est alimenté la construction de l’épopée de Jehannette.

Charles de Ponthieu, futur roi Charles VII de France.

Charles VI dit le Bien aimé, régnera sur le royaume de France du 16 septembre 1380 au 21 octobre 1422.Il ne sera appelé le fou qu’au 19ème siècle.
Charles VI 15 ans, se maria avec Isabeau de Bavière 14 ans, le 18 juillet 1385. Très vite (un an après son mariage) Isabeau va le tromper avec Louis Bois-Bourdon. Puis dans l’année 1386, pour satisfaire son plaisir et ses ambitions de pouvoir, elle prendra un deuxième amant en la personne du duc de Touraine frère de son époux plus connu sous le nom de Louis duc d’Orléans.
7 Certains historiens enclins à rejeter d’un revers de main l’évidente réalité quand celle-ci remet en cause leurs écrits quelquefois crédibilisés que par la notoriété de leurs titres, affirment que nul ne peut apporter la preuve de la liaison amoureuse d’Isabeau de Bavière avec le duc Louis d’Orlèans.
En voila là une glorieuse affirmation !
En dehors des aveux des deux protagonistes, s’il est une chose où la preuve d’existence est quasiment impossible à apporter de l’extérieur, c’est bien l’adultère ! D’autant qu’ici, les deux personnages n’ont aucun intérêt d’en faire état. Certes, ils n’en firent ni l’un ni l’autre publiquement état, mais ils le firent tant deviner qu’ils le firent voir à tous.
Comme le dit si bien Auguste Vallet de Veriville et le raconte si joliment Guy Breton, en parlant d’Isabeau et de Louis « si rien ne le prouve, tous leurs faits et gestes le disent si fort qu’ils le crient ».
Alors laissons donc là ceux qui se veulent être sourds par arrangements, mesquineries ou calculs, et considérons cette relation amoureuse comme une réalité historique que tant et tant de chroniques et rubriques de ce temps racontent. Cette liaison débuta alors que Louis d’Orlèans avait 15 ans (1386) alors que le roi son frère était en campagne dans les Flandres. Elle prit fin le 2 novembre 1407, lorsque Louis se fit assassiner rue vieille du temple à Paris alors qu’il revenait de visiter Isabeau en son Hôtel Babette.
VALLET de VERIVILLE. (Auguste.). : « Isabeau de Bavière, Reine de France. Etude historique. » Editions Techener 1859.
BRETON. (Guy.). : « Histoires d’Amour de l’histoire de France » Tome II. Editions Beauval 1972.



Posté le : 26/03/2018 18:28
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II - " L’étendard, le pennon, l’armure, les chevaux et les gens de la maison de Jehanne la pucelle"
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II - L’étendard, le pennon, l’armure, les chevaux et les gens de la maison de Jehanne la pucelle, bâtarde d’Orléans.


Après son examen de Poitiers et un deuxième séjour à Chinon, Jehanne était à Tours dans la deuxième quinzaine d’avril 1429.
Elle logeait à l’Hôtel de Jean du Puy (1) seigneur de la Roche, de Saint Quentin. Cet homme était le Conseiller principal de Yolande d’Aragon duchesse d’Anjou. Son épouse Eléonore Lapau ou de Pau (2) était –elle, Dame d’honneur de Marie d’Anjou, fille de Yolande d’Aragon épouse du Dauphin Charles.
Cette demeure se situait entre la rue des Carmes, (aujourd’hui la rue Paul Louis Couturier) où se trouvait l’entrée principale et la rue de la poissonnerie (aujourd’hui la rue Littré) (3).
Ce fut en ce lieu qu’elle apprit de la bouche de Gilbert Mottier de La Fayette qui était l’un de ses meilleurs appuis dans l’entourage de Charles, qu’elle était autorisée par le Dauphin de se mettre en œuvre pour aller secourir Orléans.
Ceci étant, Jehanne devait s’équiper militairement pour partir délivrer Orléans.
Et comme elle avait son épée de Fierbois, il lui fallait donc un étendard, un pennon une armure des armes de mains et des chevaux.


L’étendard et le pennon.
Pour confectionner l’étendard et le pennon, Jehanne fit appel à maître Hauves Poulnoir qui était d’origine écossaise et dont le vrai nom était James Power. Son échoppe tourangelle se situait rue du Boucassin (aujourd’hui rue du Président Marville) (4). Avant de faire commerce à Tours, cet artisan s’était établi en 1428 à Poitiers où il peignait et vernissait alors des lances (5).
Jehanne indiqua à l’artisan la forme de l’étendard et du pennon ainsi que la nature des images pieuses qu’elle voulait y voir figurer.
Pour ces réalisations, il fut choisi et coupé à leurs formes, une pièce de boucassin blanc sur lesquelles Jehanne fit représenter le jugement dernier ce qui n’avait jamais été fait en France et l’Annonciation qui déjà s’était fait en Italie. (6)
Il est indéniable que l’influence iconographique franciscaine découlant de la double influence de Vincent Ferrer et de Bernardin de Sienne, prêchée en Champagne par le Cordelier frère Richard (7) en 1428, eut une influence sur le mysticisme de Jehanne.

Nul ne sait comment étaient exactement disposées les représentations iconographiques qui furent dessinées sur l’étendard et le pennon de Jehanne.
Les témoignages qui nous décrivent ces enseignes sont ceux de Jehanne elle-même lors de son procès. Ceux de Jean Pasquerel et de Jean d’Alençon à qui on demandera de s’en souvenir bien longtemps après, lors du procès en annulation.
Les représentations qu’on crut bon de faire de ces deux enseignes, sont de purs fantasmes qui n’ont rien à voir avec une démarche de recherche historique.
Voilà ce qu’en ont dit pour l’essentiel Jehanne (8), Jean Pasquerel qui peut être considéré comme un témoin digne de foi dans la mesure où ses souvenirs sont restés fidèles à la réalité et Jean d’Alençon qui reconnaitra avoir du mal à se souvenir.

L’Etendard

Il était confectionné en toile de boucassin blanc. Le pourtour était frangé de soie or. Le fond était semé de fleurs de lys héraldiques. Sur une face figurait le jugement dernier représentant le Saint Sauveur assis sur l’arc du ciel montrant ses plaies. Il y avait aussi une colombe et des Anges volants du jugement dernier. Sur une autre face figurait l’écu de France. L’inscription JHESUS MARIA y était écrite.

Le Pennon
Il était fait de la même matière que l’étendard. Le fond était aussi semé de fleurs de lys héraldiques. Y figurait la représentation de Marie en Annonciation revêtue d’un manteau bleu.
L’inscription JHESUS MARIA y était écrite.
Le coût de cet étendard et de ce pennon fut de 25 livres tournois.

L’armure
Pour ce qui fut de la fabrication de son armure beaucoup de sornettes ont été dites !
Qu’on se le dise une bonne fois pour toutes, il n’existait pas pour les chevaliers des armures prêtes à porter !
Si Jehanne eut la sienne si vite c’était :
- Soit parce qu’elle fut fabriquée sur mesure par un artisan exceptionnel. Et celui qui fit celle de Jehanne l’était !
- Soit parce que les enquêteurs partis sur l’ordre du Dauphin s’instruire de la moralité de Jehanne à Domrémy, avaient ramené avec eux comme modèle, à cet artisan exceptionnel, l’armure que Jehanne se servait lors de ses entrainements au château d’Isle et qui lui avait servi, presque surement, au tournoi de Nancy organisé par le duc Charles de Lorraine.
Cette dernière hypothèse qui ne peut en aucun cas être écartée aurait pu permettre à l’Armurier Haubergier de commencer à œuvrer à l’armure de Jehanne alors qu’elle était encore à Poitiers.
Cet artisan Armurier – Haubergier de son état, s’appelait maître Colas de Montbazon. Il demeurait Grande Rue à Tours (aujourd’hui rue Colbert). Il confectionna pour Jehanne à ses mesures et pour son corps de femme, un harnois complet (9).
Nous parlons ici de "harnois blanc", c'est-à-dire d’une armure de plus de 200 pièces faites minutieusement à la forge et assemblées sur mesure, appelée comme cela à cause du fer poli et brillant qui lui donné sa couleur.
Cette armure couta 100 livres tournois. (10)

Les Chevaux
Il y a de grande chance que Jehanne effectua son voyage de Domrémy à Chinon en chevauchant le cheval que lui donna le duc Charles de Lorraine lors de son départ de Nancy.
Elle en reçut deux autres du duc Jean d’Alençon. L’un à Chinon après avoir couru une lance avec le duc sur le pâtis du château près de la Vienne. L’autre à Tours que le duc lui fut offrit alors qu’elle était en la maison d’Eléonore Lapau. Elle en eut plusieurs autres notamment le demi-coursier avec qui elle se fit prendre prisonnière à Compiègne.

La Maison de Jehanne
Le dimanche 24 avril 1429, Jehanne ressembla sa « Maison » (11) » en vue de quitter Tours pour se rendre à Blois où déjà se formait une armée afin de secourir Orléans.
Il y avait là :
Pour son service domestique :
- Un maître d’hôtel.
- Deux valets.
- Anne de Maille, épouse de Guillaume Bellier, qui sera la première Dame d’honneur de la suite de Jehanne, qui supervisera tout ce petit monde (12).
Pour sa protection et son service des armes :
- Guillaume Bellier (13), lieutenant- général du capitaine de Chinon sire Raoul de Gaucourt, conseiller de Charles duc d'Orléans.
- Le chevalier Jean d’Aulon (14), ex-capitaine des gardes du roi Charles VI. Il sera l’écuyer de Jehanne.
- Louis de Courtes (15), âgé de 15 ans, surnommé « Minguet », Il est fils de Jean dit aussi Minguet de Coutes, seigneur de Fresnay-le-Gilmer, de la Gadelière et de Mitry, chambellan du duc d’Orléans et capitaine de Châteaudun, et de Catherine Le Mercier, dame de Noviont et de Rugles. Louis sera l’un des deux pages de Jehanne.
- Raymond, âgé de 14 ans. On ne sait rien de lui. Il sera le porte-étendard de Jehanne et sera tué à ses côtés lors du siège de Paris.
- Bertrand de Poulengy (16), qui veillait sur Jehanne depuis son plus jeune âge, sans doute missionné à cette tâche par Yolande d’Aragon. Ce fut le chef militaire de l’escorte qui avait protégé Jehanne lors de son voyage de Vaucouleurs à Chinon.
- Jean de Nouillonpont ou Novelenpont dit Jean Metz (17) qui s’attacha à Jehanne à Vaucouleurs et qui fit partie de la troupe qui conduisit Jehanne de Vaucouleurs à Chinon.
- Pierre et Jean d’Arc (18) frères adoptifs de Jehanne avec lesquels elle avait grandi à Domrémy.
- Enfin, une garde écossaise composée de douze cadets.
Pour affirmer sa position sociale et assurer sa spiritualité :
- Le sire d’Ambleville, Héraut d’armes venant de la maison de Julien des Essars, époux d’Isabeau de Vendôme. Il était l’un des deux hérauts d’armes mis à la disposition de Jehanne.
- Le sire de Guyenne, héraut d’Armes venant de la maison du roi. Il était, lui aussi, héraut d’Armes mis à la disposition de Jehanne.
Ils portaient tous deux les écussons "Fleur de Lys et cœur de Lys"
- Le frère jean Pasquerel (19) qui était le chapelain et confident de Jehanne.
- Le frère Nicolas Vouthon son cousin germain d’adoption, qui était son secrétaire.
- Mathelin Raoul qui était chargé de faire ses dépenses et tenir ses comptes.

Johan (JR.).


Notes de Référence et Bibliographie partielle :

(1) Déposition de frère Jean Pasquerel
(2)Déposition de Louis de Contes, seigneur de Nouyon et de Rengles.

(3) BOSSE6BOEUF. (Abbé.). « Jeanne d’Arc en Touraine. Bulletin de la Société Archéologique de Touraine. 1899 – 1900. Pages 37 et suivantes. Bibliothèque de l’Ecole des Chartes. T90, 1929.

(4) BOISSONNOT. (Chanoine.). : « Jeanne d’Arc à Tours ». 1909.

(5) Archives Nationales KK 53 F° 84 U°.

(6) Description par Jehanne de ses emblèmes au cours de son procès :
-Le 27 février 1430 - Interrogée si, lorsqu'elle vint à Orléans, elle avait une enseigne, en français étendard ou bannière, et de quelle couleur elle était ? Elle répond : « qu'elle avait une enseigne dont le champ était semé de lys, et il y avait là le monde figuré et deux anges sur les côtés, et il était de couleur blanche, de toile blanche ou boucassin, et étaient là ces devises : Jhesus Maria, ainsi qu'il lui semble, et les franges étaient de soie ».
-Le 10 mars 1430 - Interrogée de nouveau, sur les représentations peintes sur cet étendard elle répond : « que sainte Catherine et sainte Marguerite lui dirent qu'elle le prit hardiment et le porta hardiment et qu'elle fit mettre en peinture le roi du Ciel... et de la signifiance elle ne sait pas autre chose ».
- Le 17 mars 1430 - Interrogée encore sur les images qu’elle a fait peindre sur ses étendards elle répond : « qu'elle les a fait peindre de la même manière qu’elles sont peintes dans les églises. »
- Le 17 mars 1430, dans l'après-midi.
– Interrogée sur les deux anges qui étaient peints sur son étendard représentant Saint Michel et Saint Gabriel, elle répond : « qu'ils n'y étaient forts seulement pour l'honneur de Notre Seigneur, qui était figuré tenant le monde.
- Interrogée sur ces deux anges, qui étaient figurés sur l'étendard elle répond : « qu’ils étaient les deux angles qui gardent le monde, et pourquoi il n'y en avait pas parce que ça lui était commandé par Nostre Seigneur. Ce qu’elle fit peindre sur cet étendard d, répond à tout ce qui lui était commandé par Nostre Seigneur ; par les voix de saintes Catherine et Marguerite qui lui dirent de peindre sur cet étendard ce que commande le roy du Ciel. Elle y fit faire ces figures de notre Seigneur et de deux angles de la couleur demandée par leur commandement ».

(7) Jehanne rencontrera frère Richard lorsqu’elle arrivera devant Troyes sur la route qui conduisait le Dauphin Charles à Reims pour son sacre. Ceci n’exclut pas qu’elle avait connaissance du Cordelier et de ses prêches.

(8) Interrogatoires de Jehanne du 27 février 1430, du 10 et 17 mars 1430.

(9) Témoignage de Jean d’Aulon.

(10) BUTTIN. « Une prétendue armure de Jeanne d’Arc. 1913.

(11) Gens attachés à sa personne soit pour son service, soit pour sa protection, soit pour sa position sociale.

(12) TOLLERON. (Robert.). : « La putain des armagnacs une Sainte – Chronologie de la vie de Jehanne d’Arc » Boën 1978. Page 68.

(13) Guillaume Bellier ou Beslier, seigneur de Chérelles, de Savary et de La Renaudière, Il fut Capitaine du château de Chinon de 1418 à 1429. Puis premier veneur du roi en1424.
Il hébergera Jehanne dans son logis du Coudray durant son séjour à Chinon. Il accompagna l’armée royale au sacre de Reims.
Bailli de Troyes en 1429, il gardera cette charge jusqu’à sa mort qui survient certainement en 1449. Guillaume avait épousé vers 1420 Anne (ou Marie) de Maillé, fille de Jean de Maillé, seigneur de la Rochebourdeuil, et d’Henriette Ourceau.

(14) Jehan d’Aulon naquit vers 1390 à Fezansac dans le Languedoc. Il est le fils d'Arnaud-Anson d’Aulon. En 1415, il épouse Michelette Juvénal des Ursins fille de Jean Jouvenel des Ursins Président du parlement de Poitiers. Devenu veuf, il épouse en 1428 Hélène de Mauléon, dame de Caudeval. Quand il devient écuyer de Jehanne Jean d’Aulon est un combattant reconnu par l’entourage du Dauphin Charles pour son courage. Lors de la rescousse de Montargis ou il était sous les ordres du Bâtard d’Orléans il eut quatre chevaux tués sous lui. Il sera fait prisonnier à Compiègne, en même temps que Jehanne, il sera un temps emprisonné avec elle dans la forteresse de Clairoix.

(15) Louis de Coutes, dit Minguet, deviendra seigneur de Noviont, de Rugles et d’Herbécourt. Présent à Chinon, comme page de Raoul de Gaucourt, il fut désigné pour passer dans la maison militaire de Jehanne qu’il suivra jusqu’en août 1429.
Il fut panetier du roi en 1436. Il épousa Guillemette de Vattetot.
Il faut noter qu’à cause de mauvaises transcriptions d’actes et documents, il fut faussement appelé par certains historiens Louis de Contes, dit Muguot.

(16) Bertrand de Poulengy, Poulangy ou Polongy, dit « Pollichon » seigneur de Gondrecourt.
Bertrand de Poulengy fut un gentilhomme champenois, né vers 1392.
Il aurait été le fils de Jean de Poulengy anoblit en 1425.
Il Fut être écuyer de la maison du roi.
Bertrand fut l'un des deux chevaliers à qui Baudricourt confia Jehanne pour la mener à Chinon. Il fut aux côtés de Jehanne durant toute son épopée. Mais on sait peu de choses sur cet homme qui avait la confiance de Baudricourt, de Yolande d’Aragon et de son fils René d'Anjou, ses suzerains.

(17) Jean de Metz ou Mès, seigneur de Nouillonpont ou Novelenpont était né vers 1398.
Jean de Metz fut l'un des deux gentilshommes à qui Robert de Baudricourt confia Jehanne par Robert pour l'accompagner à Chinon. Il accompagnera Jehanne durant toute son l'épopée.
Certain historiens affirment que Jean de Metz n'aurait été anobli, qu'en 1448 ? Ce que nous doutons fortement !

(18) Jehan et Pierre d’Arc sont les deuxième et troisième fils de Jacques d’Arc et d’Isabelle de Vouthon dite Romée.
- Jehan, dit Petit Jehan, deviendra Jehan du Lys et sera nommé en 1452 bailli du Vermandois et capitaine de Chartres. En 1457, il sera Capitaine de Vaucouleurs pendant dix ans.
- Pierre, accompagnera Jehanne jusqu’à Compiègne où il fut fait prisonnier avec elle. Il se ruina pour payer sa rançon, et termina sa vie à Orléans.
Le duc d’Orléans lui donna, en amont d’Orléans l’île aux Bœufs et ses pâturages.
Le roi Charles VII lui attribua les revenus provenant d’un droit de péage dans le bailliage de Chaumont.
Pierre fut fait chevalier de l’ordre du Porc-épic créé par Charles d’Orléans. Il eut un fils, curieusement surnommé "la Pucelle".

(19) Frère Jean Pasquerel fut lecteur au couvent des Augustins à Tours. Alors qu’il se trouvait pour un pèlerinage au Puy-Notre-Dame en même temps que Bertrand de Poulengy et de Jean de Metz, ainsi qu’un frère de Jeanne (et non sa mère), qui étaient venus prier devant la ceinture de la Vierge conservée dans l’église de cette localité, à dix lieues de Chinon, Il apprit de ces hommes l’existence de Jehanne et de sa mission.
De retour à Tours, Frère Pasquerel devint le chapelain de Jeanne et la suivit dans toute son épopée, jusqu’à Compiègne.


Posté le : 24/03/2018 17:47
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" Les épées de Jehanne la pucelle, bâtarde d’Orléans."
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Mes recherches sur la vraie histoire de Jehanne la pucelle bâtarde d’Orléans, pas celle commandée par les autorités cléricales au 19ème siècle, m’ont amené, entre autre, à entreprendre une enquête passionnante sur les origines de l’épée de Jehanne ; de son armure, de son étendard, de son pennon, de ses chevaux et des gens de sa maison.
Je propose donc de publier ici cette enquête en deux parties :
I - Les épées de Jehanne la pucelle, bâtarde d’Orléans.
II - L’étendard, le pennon, l’armure, les chevaux et les gens de la maison de Jehanne la pucelle, bâtarde d’Orléans.


I Les épées de Jehanne la pucelle, bâtarde d’Orléans.

L’épée de Jehanne, ou plutôt de ses épées. En dehors de celles dont elle se servit lors de ses entrainements au château de l’Isle à Domrémy.
1) Sa première épée lui fut donnée par Robert de Baudricourt avant son départ de Vaucouleurs.
Cette épée de Vaucouleurs accompagna Jehanne lors de son voyage de Vaucouleurs à Chinon, mais il semble qu’elle ne la portait pas au côté lors de ces chevauchées pour la simple raison, qu’il lui fallait être la plus discrète possible. La seule arme qu’elle portait en quittant Vaucouleurs était une courte dague (1). L’épée donnée par sire Robert de Baudricourt a sans doute fait le trajet dans les bagages de nécessité de sa petite escorte. On imagine qu’elle la portait durant son séjour à Chinon et qu’elle s’en servait lors de ses entrainements sur le pré d’armes du bord de la Vienne. Nul ne sait ce que cette arme est devenue.
Peut-être fut-elle du nombre des six épées que Jehanne déposera en la chapelle de l’abbaye Saint-Pierre à Lagny-sur-Marne, au printemps 1430.
2) La seconde épée fut celle que Jehanne, qui séjournait alors à Tours, demanda qu’on aille lui chercher derrière l’autel de l’église Sainte Catherine-de-Fierbois (2); église qu’elle connaissait pour y avoir entendu trois messes avant d’atteindre Chinon.
La présence de cette épée à cet endroit lui fut, dit-elle, révélée par « ses voix ».
Voici dans quels termes Jehanne parla de son épée à son procès :
« Tandis que j’étais à Tours, j’envoyai chercher une épée qui se trouvait dans l’église Sainte-Catherine-de-Fierbois derrière l’autel…………Cette épée était en terre, toute rouillée, et la garde était ornée de cinq croix. Je sus qu’elle se trouvait là par mes voix, et l’homme qui l’alla chercher ne l’avait jamais vue. J’écrivis aux ecclésiastiques dudit lieu qu’ils voulussent bien m’envoyer cette épée, et ils me l’envoyèrent. Elle n’était pas trop enfoncée en terre, derrière l’autel comme il me semble. Aussitôt après que l’épée eut été trouvée, les ecclésiastiques dudit lieu la frottèrent, et aussitôt la rouille tomba sans difficulté. Ce fut l’armurier de Tours qui l’alla chercher. Les prêtres de Fierbois me firent don d’un fourreau, et les habitants de Tours d’un autre. On fit donc faire deux fourreaux, l’un de velours vermeil, et l’autre de drap d’or. Et moi j’en fis faire un troisième de cuir solide …. »
Concernant les « voix » de Jehanne, on sait à quoi s’en tenir ! Une explication plus rationnelle, beaucoup plus plausible peut être avancée. Les dites voix, comme Jehanne le disait elle-même, « se laissaient voir, s’approcher, se toucher, et s’embrasser. Elles sentaient bon, et lorsqu’elles s’éloignaient, elles laissaient les traces de leurs pas sur le sol (3) », elles appartenaient, pour ce qui étaient de la voix masculine, soit à Bertrand de Poulengy ou soit à Jean de Metz, voire à René d’Anjou ; et pour ce qui étaient des voix féminines, à Jeanne de Bauffremont et à Agnès de Joinville, toutes deux au service de Yolande d’Aragon duchesse d’Anjou.
Cette épée était parmi d’autres armes déposées dans un coffre enfoui derrière l’autel de l’église Sainte-Catherine-de-Fierbois (4).
Vu le symbole que représentait cette arme et qu’elle représente encore d’ailleurs, on peut en déduire que peu de gens savaient que cette épée se trouvait là. Sinon il y aurait eu belle lurette qu’elle aurait été subtilisée par l’un de ces avides ambitieux qui papillonnaient autour du Dauphin Charles.
Car cette épée semble bien être celle qui avait appartenu de prime, au premier « Avoué du Saint Sépulcre » de Jérusalem Godefroy de Bouillon.
On l’identifie grâce aux cinq croix gravées sur sa lame près de la garde.
Comment est-elle venue de Terre Sainte en France ?
Pour répondre à cette question, Il s’avère pertinent de regarder vers l’ordre de Sion fondé en 1099 par Godefroy lui-même. Plus particulièrement de porter attention aux affinités de cet ordre avec :
- Celui du Temple fondé en 1129 à Jérusalem, qui malgré l’exécution de Jacques de Morlay sont Grand Maître, continua à vivre dans la clandestinité (5) justement en se confondant avec celui de Sion.
- Celui des Frères Mineurs (Franciscains) qui apparut à Jérusalem en 1217 par la formation de la Custodie de la Terre Sainte (6), et qui deviendra en 1342 par deux bulles papales de Clément VI, le gardien du Mont Sion à Jérusalem (7).
Puis, cette épée devint celle du connétable Bertrand Du Guesclin. Rien de très étonnant à cela, car il est très vraisemblable que le connétable fut dès 1357, un des Grand Maître du Temple durant la transmission secrète (8).
La veuve du connétable, Jehanne de Laval, remit cette arme à Louis d’Orléans, père de Jehanne la pucelle. Louis d’Orléans fut en relation étroite avec Nicolas Flamel alors grand Maître de l’Ordre de Sion (9)
Il est vrai que Louis d’Orléans était le filleul de Du Guesclin, et qu’il portait à son parrain une admiration sans bornes au point de faire figurer sa statue dans la grande salle du château de Coucy, (10) parmi les neuf preux (11).
Après l’assassinat de Louis d’Orléans peu après la naissance de Jehanne en 1407, sa veuve, Valentine Visconti, offrit l’épée à Pierre Clignet de Bréban (12) qui était le confident et l’ami du duc Louis, et qui fut celui qui mit tout en œuvre pour le venger.
A la mort de Pierre Clignet de Bréban, en 1408, sa veuve Isabeau de Ribaupierre, fit inhumer son époux dans la chapelle de Sainte-Catherine-de-Fierbois (13) qui, à cette époque avait une très grande renommée dans la protection des hommes de guerre. Ainsi cette épée fut déposée avec les autres armes du défunt près de sa sépulture.
Donc, parmi les personnes qui savaient ou se trouvait cette épée, on peut, sans se tromper, nommer Isabeau de Ribaupierre, et des proches tels que Yolande d’Aragon, son fils René d’Anjou duc de Bar, Jean Dunois fils bâtard du duc Louis d’Orléans et demi-frère de père de Jehanne.
Qui de ceux-là ou qui d’autres, ont pu avertir Jehanne de la présence de l’épée de son père à Fierbois ?
En plus, il se peut que Jehanne connaisse déjà ce secret lorsqu’elle s’arrêta à Fierbois sur le chemin de Vaucouleurs à Chinon. Etait-ce pour s’assurer de la présence de cette arme,
Qu’elle y restera deux jours ?
Quoi qu’il en soit, la mise en scène mystique de la révélation de cette cachette de l’épée fut, tout comme le fut celle de « la bergerette » à qui Dieu demande de sauver le royaume, remarquablement orchestrée. Elles répondirent, toutes deux, parfaitement aux attentes miraculeuses de l’époque. Elles furent toutes deux, des modèles du genre qu’on peut s’en grand risque attribuer à Yolande d’Aragon.
Cette épée dite de Fierbois semble avoir été la compagne de Jehanne jusqu’à sa tentative de soumettre Paris. Voici ce qu’elle-même en dit lors de son procès : « je l’ai continuellement portée je l’eus jusqu’à mon départ de Saint-Denis après l’attaque de Paris. »
Donc, Jehanne porte cette épée jusqu’au 10 septembre 1429. Elle ne la porte plus après. Mais cela ne veut pas dire qu’elle n’est plus en sa possession.
Quelle serait la raison pour laquelle Jehanne aurait décidé de ne plus porter cette épée si chère à son cœur ?
On peut avancer qu’a partir du 10 septembre 1429 où le roi exigea son repli vers Saint-Denis, Jehanne estima que les combats qu’elle mènerait pour le royaume, à partir de cette date, ne seraient pas digne d’y être avec son épée de Fierbois à ses côtés. (N’oublions pas la symbolique divine qu’on avait voulu que cette arme véhicule).
Jehanne elle-même, déclara à son procès, que malgré avoir été blessée sérieusement devant la Porte Saint-Honoré de Paris, le 8 septembre 1429, elle voulu continuer à combatte et que ses compagnons l’obligèrent à faire retraite. Ils la conduisirent alors à la Chapelle Saint-Geneviève, aujourd’hui Saint-Denis-la-Chapelle, où elle avait établi ses quartiers.
Le lendemain 9 septembre 1429, elle voulut reprendre le combat. Ses compagnons l’aidèrent à se mettre en selle puis, ils se lancèrent tous cette fois vers la porte Saint-Denis où la difficulté d’assaut serait moindre du fait de la construction la veille, par les charpentiers de l’armée du roi d’un pont provisoire. Arrivé là, stupeur ! Le pont provisoire avait été détruit dans la nuit sur les ordres de ce même roi que Jehanne avait, il y avait peu de temps, fait sacrer à Reims et qui se tenait pour l’heure passivement à Saint Denis avec ses troupes.
Ainsi Charles VII faisait savoir à Jehanne de la pire des manières qu’il soit, qu’il ne voulait point s’emparer de Paris à ce moment (car il semble qu’il négociait les conditions d’un accommodement avec le duc de Bourgogne). Et qu’il lui donnait l’ordre de se replier avec les siens sur Saint-Denis.
Le 10 septembre 1429 Jehanne obéissait à son roi, le siège de Paris fut abandonné.
Sa déception et sa lassitude furent telles que le 13 septembre 1429, Jehanne se rendit à l’abbaye de Saint-Denys où elle pria et où elle déposa en ex-voto, comme le voulait l’usage du temps, son armure et son épée en l’abbaye qui abritait les reliques et les sépultures royales. Et qui était l’abbaye que la Maison d’Orléans vénérait.
Voila ce qu’elle dira à son procès sur son dépôt à l’abbaye de Saint-Denis :
- « par dévotion, comme à l'accoutumée parmi les hommes d’armes, quand ils sont blessés ; ayant été blessé devant Paris, j’offris les armes à Saint-Denis, parce que c’est le cri de la France. » (14)
-« J’y déposais un mien blanc harnois entier, tel qu’il convient à un homme d’armes, avec une épée que j’avais gagnée devant Paris. »
Puis concernant son épée de Fierbois lors de sa comparution du 24 février 1431, elle dit :
- « Je l’avais à Lagny. De Lagny à Compiègne, je portai celle prise à un Bourguignon. »
Ce ne peut pas être plus clair !
Jehanne avait donc déposé à Saint-Denis son armure faite à Tours, et une épée qu’elle venait de prendre à un défenseur parisien.
Elle avait en sa possession, l’épée de Fierbois lors de son séjour d’un mois à Lagny en avril-mai 1430, mais elle ne la portait pas.
Nous savons que Jehanne remit aux autorités cléricales de Lagny, où il existait une maison des Templiers (15), six épées dont l’une était l’épée de Fierbois.
En considérant le témoignage que fit le duc Jean d’Alençon au procès de Jehanne, l’autre question qui se pose est celle de l’état de l’épée de Fierbois lorsque Jehanne la remit aux autorités cléricale de Lagny ?
Le témoignage du duc Jean d’Alençon, nous apprend que Jehanne aurait brisé une épée alors qu’elle poursuivait, pour la chasser, une des filles de joie qui suivaient les troupes (16).
Jehanne était coutumière de cette pratique à l’endroit de femmes légères. Ce fait fut aussi confirmé par le récit du chroniqueur Jean Chartier qui en fut témoin à Auxerre et qui raconte qui lui arrivait de les menacer de les frapper du plat de son arme. Cet usage de cette arme fut confirmé par le témoignage du page de Jehanne, Louis de Courte dont la maitresse du moment eut à subir la colère de la Pucelle à Château Thierry.
Mais si Jehanne levait son arme en menaçant, jamais elle n’en frappait ces femmes.
Il suffit de connaître un peu ce qu’est la robustesse de structure d’une épée médiévale pour douter fortement qu’elle fut cassée sur un dos d’une femme, fut-elle de mauvaise vie, sans que ce geste entraine sinon la mort de la victime, du moins une grave blessure, et ça même en frappant du plat de la lame. Ors, durant toute son existence, jamais il ne fût reproché à Jehanne d’avoir fait des blessures ou donner la mort à quiconque hors des faits de guerre et encore, que pour se défendre.
Voici les paroles de Jean d’Alençon :
« Un jour, à Saint-Denys, au retour du sacre du roi, je la vis qui poursuivait une jeune prostituée l’épée à la main ; elle brisa même son épée dans cette poursuite. »
Il ne dit pas que Jehanne brisa l’épée de Fierbois sur le dos de la jeune prostituée comme le racontent ceux partisans d’une interprétation légendaire, il dit qu’elle brisa une épée en poursuivant une jeune prostituée sans spécifier de quelle épée il s’agissait ni la cause de la brisure. Il précise également que ce fait eut lieu à Saint Denis.
Hors, le camp de Jehanne était établi à Sainte Geneviève la Chapelle, ce ne fut que le 10 septembre que Jehanne rejoignit le roi à Saint Denis.
Portait-elle alors son épée de Fierbois ?
Répondre oui à cette question serait méconnaître profondément Jehanne. L’épée qu’elle avait voulue divine ne pouvait pas être à ses yeux celle de l’hésitation et de la lâcheté, furent-elles royales.
Elle l’avait sûrement encore car elle était très précieuse à ses yeux.
Autre que le symbole divin que cette arme représentait, c’était avant tout l’épée de son père et Jehanne savait exactement les origines de sa naissance. Elle possédait cette épée certes, mais ne la portait pas.
Le courroux du Dauphin Charles au sujet de cette arme n’était surement pas dû à sa brisure si tentée qu’elle fut brisée, mais bien parce que Jehanne ne voulait plus la porter en guise de passive protestation contre ce qu’elle considérait être une atteinte par son « gentil Dauphin » à sa mission divine.
Il est donc très probable que ce fut une autre épée que Jehanne cassa dans la poursuite relatée par le duc Jean d’Alençon, puisque à ce moment elle ne portait que des épées prises à l’ennemi.
Pour conclure l’épée de Fierbois que possédait Jehanne fut très certainement déposée, en bon- état, dans les mains des autorités ecclésiastiques de Lagny-sur-Marne au printemps 1430.
La trace de cette épée de Fierbois se perd là, à Lagny-sur-Marne.
Alors, il serait intéressant de savoir comment elle est revenue à Jérusalem où elle est aujourd’hui exposée par les Franciscains de la Custodie de Terre Sainte ?
De son départ de Saint-Denis, à sa capture, désormais Jehanne ne se servira plus que d’épées prises à l’ennemi. Le jour ou elle fut capturée devant Compiègne, c’était l’épée qu’elle avait prise à Vaires sur Marne à un chef bourguignon du nom de Franquiet d’Arras qui pendait à sa ceinture ou qui armait son bras.

Johan (JR.).


Notes de références et bibliographie partielle :
(1)TOLLERON. (Robert.). « La PUTAIN des ARMAGNACS une SAINTE » chronologie détaillée de la vie de Jehanne d’Arc. Boën 1978 – Talence 1994. Page 63.

(2)CHARTIER. (Jean.). « Journal du siège et Chronique de la Pucelle » Le roi voulu lui donner une épée, elle demanda celle de Sainte Catherine de Fierbois.

(3). « les accoloit (embrassait) par le hautt, et ne les pouvoit accoler
sans les sentir et toucher ».
« coronnée de belles coronnes fort précieuses et riches »

(4) A partir de 1415, et de la bataille d’Azincourt, il devint usages pour certains grands chevaliers de déposer leurs armes en ex-voto en cette église Sainte Catherine pour la remercier de sa protection lors des batailles.

(5) Une charte, que nous possédons encore, est un monument infiniment précieux, en ce que, tout en révélant l'existence que l'ordre du Temple, ai pu continué jusqu'à nos jours, il nous apprend quelle fut la série de ses grands-maîtres depuis 1324 jusqu'à l'époque actuelle, chacun d'eux ayant été obligé d'y signer successivement, manu propriâ, son nom et la date de son acceptation du magistère. Or, dans cette série, où se lisent les noms les plus illustres de France, nous voyons, à la date de 1357, celui de Bertrand Du Guesclin.

(6) BUFFON. (Giuseppe.). : « Les Franciscains en Terre Sainte ».- Coédition Cerf & Les Éditions Franciscaines. 1869-1889. 604 pages.

(7) LEMMENS (Leonhardt.). : « Les Franciscains sur le mont Sion (1335 – 1552) », in « Les Franciscains en terre sainte ». Edition Aschendorf, 1925. 208 pages.

(8) LA POIX FREMINVILLE. (Christophe-Paulin.). BOUFFARD. (G.). : « Histoire de Bertrand Du Guesclin ...: considérée principalement sous le rapport stratégique, poliorcétique et militaire ... destinée à l'usage des officiers de l'armée française et des élèves des écoles militaires du royaume » Édition A. Proux et cie, 1841, 522 pages, page 432.
Du Guesclin ne savait ni tire ni écrire; mais il est sûr qu'il savait du moins signer son nom. Outre la charte dont il est ici question, il reste de lui deux lettres, l'une adressée au duc de Bourbon, l'autre au duc d'Anjou, à la fin desquelles on voit sa propre signature.

(9) Bibl. Nat. ms. nouvelles acquisitions françaises N° 3640, pièce originale N° 384.

(10) SIMEON. (Luc.). : « Du Guesclin, dixième Preux ». In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 32e année, N. 5, 1888. pp. 408-409.

(11) La légende des neuf Preux, répandue au moyen âge à partir du xiv ème siècle. Selon cette légende, neuf héros, appelés les neuf Preux, avaient particulièrement mérité d'être honorés comme des modèles de vertu militaire : la liste traditionnelle comprenait trois païens, ou, comme on disait, trois Sarrasins, Hector, Alexandre le Grand et Jules César; trois juifs, Josué, le roi David et Judas Macchabée; trois chrétiens, Arthur, Charlemagne et Godefroy de Bouillon. Quelques-uns ajoutaient, en parallèle à la série des neuf Preux, une série semblable de neuf Preuses. Au xv ème siècle, un dixième nom vint s'ajouter à ceux des Preux reconnus jusqu'alors : ce fut celui du connétable Bertrand du Guesclin.

(12)Pierre Clignet de Bréban venait d’une petite noblesse peu fortunée. Il combattit à Azincourt, et il fut chevalier de l'hôtel du duc d'Orléans. Etant redevable des bontés du duc Louis à son égard, l’attachement que Pierre Clignet de Bréban eut pour ce dernier fit de lui son confident et son ami. Le Duc lui avait fourni une forte somme pour acheter à Regnault de Trie, seigneur de Sérifontaine, la charge de grand-amiral de France. Il lui avait fait épouser ensuite en 14o6, la comtesse douairière de Blois, femme répudiée et veuve du comte Guy de Blois. Pierre Clignet de Bréban épousa en secondes noces Isabelle ou Isabeau de Ribaupierre.

(13) Cette chapelle originelle de Sainte Catherine de Fierbois où on venait au Moyen Âge en pèlerinages fut détruite en 1440. L’Eglise qu’on voit aujourd’hui fut construite sur l’emplacement de la Chapelle originelle.
Il est présomptueux de prétendre pouvoir situer avec exactitude la sépulture de Pierre Clignet de Bréban ainsi que l’endroit où fut trouvée l’épée de Jehanne.

(14) « Montjoye Saint Denys »

(15) Sources : Trudon des Ormes : Les possessions templières recueillent durant les interrogatoires des templiers par les hommes de Philippe le Bel et les commissions pontificales des diocèses de France.

(16) Voici les paroles exactes du duc Jean d’Alençon lors de son témoignage : « Jeanne était chaste et elle haïssait fort cette espèce de femmes qui suivent les armées. Un jour, à Saint-Denys, au retour du sacre du roi, je la vis qui poursuivait une jeune prostituée l’épée à la main ; elle brisa même son épée dans cette poursuite. » Il n’est pas question là de coup d’épée sur le dos d’une fille de joie.

Posté le : 24/03/2018 16:39
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Re: + Jehanne La Pucelle Bâtarde d’Orléans +
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Bonjour Loriane,

Dans ma thèse, comme vous le dites –(qui a fait, de ma part, l’objet d’un travail personnel et minutieux sur les événements connus et authentifiés parsemant la vie de Jehanne)- nulle affirmation n’est avancée sans qu’elle soit prouvée.
Travail que je tiens d’ailleurs à la disposition de tous ceux que ça intéresse.

Mais je ne débattrai pas ici, soyez-en assurée, de sa pertinence ou non, face à d’autres travaux sur la vie de Jehanne !

J’ai publié cet article seulement pour affirmer que la version officielle fabriquée, communément retenue, ne doit pas être prise pour une vérité inaliénable.

J’ai aussi publié cet article pour démontrer qu’avec le même corpus de recherche, regroupant les documents et témoignages authentiques de l’époque, il existe une autre version qui épure l’épopée de Jehanne de tout mysticisme religieux manipulateur, la purgeant ainsi de toute malhonnêteté intellectuelle qui consisterait à ne pas offrir à chacun de nous, l’exercice de son libre arbitre.

Amicalement !
Johan (JR.).

Posté le : 22/03/2018 17:56
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Re: + Jehanne La Pucelle Bâtarde d’Orléans +
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Les mensonges de l’histoire sont une réalité, des mensonges nécessaires à la cohésion sociale, au ralliement à la nationalité française et ceci durant la formation de notre pays.
J'ai lu un ouvrage sur Jeanne D'Arc qui voulait qu'elle soit un homme ? Le nombre d'hypothèses sur sa personne et sa vie sont légions.
Je cherche encore l'ouvrage de références historiques irréfutables.
Nous sommes encore aujourd’hui comme hier environnés de légendes et mythes.
Il y a des évidences dans ta thèse : comment pouvait-elle connaître le métier des armes, et avoir une connaissance solide de la langue de cour et j'ajoute qu'en cette époque troublée où les campagnes étaient un champ de bataille envahi de troupes guerrières qui pillaient, tuaient, volaient, comment pouvait-on y trouver cette charmante scène bucolique d'une jeune bergère et son troupeau de charmants moutons en liberté ? Est-ce un méchoui pour la soldatesque ?
Ceci dit le procès de Jeanne et sa condamnation ne font aucun doute, il existe sur ce point moult documents fiables donc incontestables, il semble bien également que sa mort sur le bûcher fut bien exécutée..
Intéressante lecture.
Merci

Gros mensonges de l'histoire (2 pages) :
http://www.loree-des-reves.com/module ... php?topic_id=220&forum=12

Posté le : 22/03/2018 13:08
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Tout d’abord, tordons le cou aux idées reçues qui ont été imposées, sur les bancs de l’école à nos malléables imaginations enfantines friandes d’histoires merveilleuses.
Ces idées reçues ont pris naissance au 19 ème siècle dans l’imagination romanesque mais irrationnelle d’un directeur des Archives Nationales qui en 1831, écrivait une « histoire de France » en six volumes dans laquelle il inclut, l’histoire de l’épopée de Jehanne la Pucelle.
Bien que se disant laïc, dans cet ouvrage, il dessina de Jehanne, une image d’héroïne de légende religieuse qui satisfaisait pleinement les autorités cléricales de l’époque dont l’influence dans la société, avait été durement mise à mal depuis la Révolution.
Cette vision de la vie de Jehanne et de son épopée, fut reprise par les historiens chargés d’établir les manuels scolaires d’histoire de l’école primaire et secondaire sans que leur éthique scientifique ne les pousse à vérifier l’exactitude des affirmations qu’elle contenait.
Plus tard, et jusqu’à nos jours, peut-être pour respecter volontairement ou par contrainte le principe du mandarinat (2), bon nombre d’historiens se sont succédés en s’engageant dans cette version « arrangée » et romancée de la vie de Jehanne.
Ceci ne prêterait pas à conséquence si d’autres historiens avaient pu faire entendre leurs doutes et leurs avis, voire présenter une autre version plus rationnelle et pragmatique de ce que fut la vie de Jehanne. Mais l’élitisme officiel ne tolérant aucune remise en cause de sa vérité. Elle écarta ces voix discordantes avec un dédain peu commun.
Pourtant l’examen des documents et archives attachés à l’histoire de Jehanne ne confirment aucunement bon nombre des affirmations faites et refaites par cette succession d’auteur-historiens « officiels ».
Nous ne sommes plus à l’époque du « Romantisme » du 19ème siècle, ni même à celle du début du 20ème siècle où, pour des raisons politico-religieuses, on fit de Jehanne une sainte (3)après avoir crié pendant cinq siècles qu’on l’avait brûlée vive pour sorcellerie.
Comment peut-on croire à notre époque qu’une soi-disant bergère, âgée de, soi-disant, 19 ans, qui n’aurait dû parler que le patois de ses terres, aurait pu, lors de son examen à Poitiers et lors de son procès de Rouen, tenir tête, très souvent de façon pertinente, à ses juges dans un français impeccable pour l’époque. Langage si juste que ces mêmes juges étaient souvent déconcertés par la pertinence de ses répliques qui les mettaient en échec ?
Comment peut-on croire aussi que Jehanne n’eut pas appris le maniement des armes et l’équitation propre aux batailles et aux combats car autrement comment aurait-elle pu monter à cheval comme elle le fit, en véritable chevalier, à bride abattue, une lance à la main et le corps recouvert d’une armure et cela pendant de nombreuses heures ? Comment aurait-elle pu participer à un tournoi sur la place du marché de Nancy lorsqu’elle ira rencontrer le duc Charles II de Lorraine ? (4) Comment aurait-elle pu entrer en joute et vaincre comme elle le fit, le duc d’Alençon dans le pré d’armes, lors de son séjour à Chinon près du Dauphin Charles ? (5)
Par la grâce de Dieu ose-t-on nous dire !
Dieu qui lui aurait envoyé ses agents : Michel, Catherine et Marguerite pour lui dire comment elle devait agir et faire !
Ne chargeons pas Dieu et quatre de ses Saints, de la responsabilité de tâches qui ne furent que celles d’hommes et de femmes très bien identifiés qui entouraient Jehanne !
A l’étude des documents officiels de l’époque et des comptes rendus des témoignages de ceux qui ont connu Jehanne, une autre image, d’elle apparaît, toute aussi crédible et beaucoup plus humaine, dénuée de tout surnaturel et mysticisme excessifs, ne prenant en compte que ceux qui sévissaient dans la société au 15ème siècle.

*Jehanne n’est pas née à Domrémy. Elle y fut seulement élevée ! Elle est née à Paris, à l’Hôtel Babette, dans le quartier du Marais le 9 novembre 1407. (6)

*Jehanne ne s’est jamais appelée d’Arc ! Jacques d’Arc et Isabelle Romée ne sont que ses parents nourriciers, pas ses parents biologiques ! (7)

*Jehanne est la fille de la reine Isabeau de Bavière, épouse du roi Charles VI le fol, et de Louis d’Orléans frère de ce même roi ! (8)

*Jehanne ne fut pas non plus la jeune et pure bergère de Domrémy qui gardait ses moutons, en entendant des voix ! En même temps qu’elle apprit à lire, à écrire et à compter, elle reçut une éducation militaire et religieuse poussée. (9)

*Jehanne est anoblie officiellement par son demi-frère le roi Charles VII, à Mehun sur Yèvre sous le nom de Jehanne du Lys en décembre 1429. (10)

*Jehanne du Lys se marie le 7 novembre 1436 avec le chevalier Robert des Armoises seigneur de Tichemon. (11)

*Jehanne ne meurt pas sur le bûcher de Rouen, elle y est seulement jugée par l’Eglise !

*Jehanne meurt à l’âge de 43 ans au domaine d’Autray des suites d’une phtisie galopante. (12)

*Jehanne est enterrée dans la Chapelle qu’elle avait fait élever à Pulligny-sur-Madon.

Johan (JR.).


Notes de références :

(2) Mandarinat : principe où les dires et écrits des personnages ou professeurs universitaires de l’enseignement supérieur importants et influents ne peuvent être contestés ou remis en cause par ceux de leur discipline n’ayant une renommée moindre.

(3) Le 9 mai 1920.

(4) Annales de la Société d'Archéologie et du Musée Historique de Lorraine : « En janvier 1429, sur la place du Chastel de Nancy, Jeanne d'Arc, montée sur un cheval, courut une lance devant la noblesse et le peuple de Lorraine et s'y comporta avec un tel courage que le duc lui fit cadeau d'un destrier noir ».

(5) Histoire du duel du 6 mars 1429, au cours duquel Jehanne de Domrémy aurait vaincu en tournoi le duc d'Alençon, dans la cour du château de Chinon.
La réalité historique de ce tournoi est attestée !
Cela prouve que Jehanne avait subit un rude entrainement de combattant qui lui permettait de défaire en joute un chevalier expérimenté.

(6) -Jehanne est née en 1407 à Paris le 9 novembre 1407 et non à Domrémy en 1412.
* TOLLERON. (Robert.). : « La Putin des Armagnacs, une Sainte ! » Boën 1978. Page 15.
* SENZIG. (Roger.). & GAY. (Marcel.). : «L'Affaire Jeanne D'Arc », Editions Florent Massot, Septembre 2007.
* La naissance de Jehanne sera caché et on dira que la reine Isabeau a accouché d’un garçon mort-né qu’on nome Philippe de France. Certains historiens s’appuyant sur « les chroniques de Saint Denis », ont inventé le décès de ce nouveau né et son inhumation à Saint Denis. Seulement, l’ennui pour ces historiens c’est que ces chroniques de Saint Denis ont été écrites 50 ans plus tard. Par ce fait, elles n’apportent aucune garantie de vérité. Voire, elles renforcent un doute sérieux, non pas sur l’authenticité de la naissance du douzième enfant de la reine Isabeau, mais bien sur le sexe et la viabilité de ce nouveau né.

(7) - Ce fut sans aucun doute l’arrivée de Jehanne à Domrémy qui est relaté dans un courrier du 21 juin 1429 de Perceval de Boulainvilliers chambellan de Charles VII adressé à Philippe-Marie Visconti, duc de Milan et frère de la veuve du duc d'Orléans. Cette missive raconte « Dans cette nuit de l'Epiphanie du seigneur, lorsque les peuples ont coutume de se souvenir plus joyeusement des actes du Christ, elle (Jehanne) entra dans cette lumière des mortels et, chose admirable, tous les habitants du lieu sont pénétrés d'une grande joie, et, ignorant la naissance de l'enfant, vont çà et là demandant ce qu'il est arrivé de nouveau. Tous les cœurs partagent cette allégresse. Que dire de plus ? Les coqs comme des hérauts de la nouvelle allégresse font entendre, au lieu de leur chant habituel, des chants inaccoutumés et, battant des ailes pendant deux heures, semblent annoncer un événement nouveau »
* Le fait que Jehanne, qui fut ondoyée à sa naissance le 9 novembre 1407 à 14 heures, ne sera baptisée que le 6 janvier 1412, atteste et confirme que c’est bien dans la nuit du 5 au 6 janvier 1412 qu’elle arrive âgée de 4 ans plus 2 mois, à Domrémy dans la famille de Jacques.
* Un actes en date de 1423 fait état du titre de Doyen du village de Domrémy, octroyé à Jacques d’Arc.
A ce titre de Doyen, s’attachent les charges et honneurs suivant : - Chargé de convoquer échevin et conseillers au assemblées et conseils du village. – Chargé d’annoncer à la population les arrêts, décrets et ordonnances. – Chargé du commandement du gué de jour comme de nuit. – Chargé de faire assurer la garde des prisonniers en prison. – Chargé de collecter les impôts. – Chargé de surveiller les productions de pain, et de vins.- Chargé des poids et mesures. Il est enfin Procureur face à Robert de Baudricourt capitaine de Vaucouleurs.
Jacques d’Arc était simple laboureur dites-vous !

(8) TOLLERON. (Robert.). : « La Putin des Armagnacs, une Sainte ! » Boën 1978.

(9) - Jean Morel témoigne de ce fait et en ce sens, au procès de réhabilitation de 1456.
* Pour que la maison de Domrémy, désignée aujourd’hui comme celle où naquit Jehanne, puisse correspondre aux descriptives que peuvent en faire les documents anciens qui la mentionne, Prosper Jollois alors Ingénieur en chef du département des Vosges, fait démolir en 1820, une bâtisse qui la cachait. Il fallu aussi pour la même raison détourner de son lit naturel le ruisseau « Des Trois Fontaines ». Puis on ajouta à la porte de la bâtisse, un tympan sur lequel on peut lire difficilement la date de 1481, en chiffres romains, ce qui est bien postérieur à la naissance présumée de Jehanne. Cette inscription a été assez récemment altérée afin qu’elle ne puisse pas être lue.
* LUCE. (Siméon.). : « Jeanne d'Arc à Domrémy : recherches critiques sur les origines de la mission de la pucelle. », Editions Hachette Paris 1887. 334 pages.
* FRANCE. (Anatole.). : « Vie de Jeanne d’Arc » 1ère édition 1908. Réédition Aliva Paris.
* Jacques d’Arc loua le château de l’Isle à Jeanne de Joinville Dame de Domrémy.
* Bertrand de Poulengy, Poulangy ou Polongy, dit Pollichon, fut un gentilhomme champenois, né vers 1392. Il était le fils de Jean de Poulengy anobli en 1425. Il assura l’éducation militaire de Jehanne.
Bertrand avait la confiance de Baudricourt et de René d'Anjou gendre de Charles de Lorraine et fils de Yolande d’Aragon.
Il est es l'un des deux chevaliers à qui Robert de Baudricourt confia Jehanne pour la mener à Chinon. Il sera à ses côtés pendant toute son épopée. Il deviendra seigneur de Gondrecourt, écuyer de la maison du roi.
* Jean de Metz ou Mès, seigneur de Nouillonpont ou Novelenpont assura, avec Bertrand de Poulengy, l’éducation militaire de Jehanne. Jean de Metz était, avec Bertrand de Poulengy, l’un des deux gentilshommes à qui Robert de Baudricourt confia Jehanne pour l'accompagner à Chinon. Il accompagna Jehanne dans toute la suite de l'épopée.
* Jehanne de Joinville, dame de Joinville Pulligny, assure l’enseignement de la lecture et écriture de Jehanne ainsi que l’éducation des us et usages de la cour de France. Elle est épouse de Henri II Ogéviller gouverneur des Vosges du duché de Lorraine ; puis de Jean IV, comte de Salm, tué à Bulgnéville en 1431.
* Jeanne de Bauffremont assura avec Jeanne de Joinville l’enseignement de la lecture et de l’écriture de Jehanne ainsi que l’éducation des us et usages de la cour de France à Jehanne. Elle est l’épouse de Guillaume III d'Arberg Valangin.
* Agnès de Joinville, dame de Joinville, Pulligny, et de Bourlemont assurera également l’éducation de Jehanne. Elle est l’épouse de Guillaume de Liville, puis de Claude d'Essey.
* Il fait peu de doute que les voix que Jehanne entendait furent celles de Jeanne de Joinville, Jeanne de Bauffremont, Agnès de Joinville et de Bertrand de Poulengy voire de René d’Anjou. « les accoloit (embrassait) par le hautt, et ne les pouvoit accoler sans les sentir et toucher ». « coronnée de belles coronnes fort précieuses et riches »
* Jehanne ne mentait pas vraiment lorsqu’elle parlait de ses conversations avec Saint Michel l’archange, Sainte Catherine et Sainte Marguerite, elle mettait en application ce qu’elle avait appris de ses préceptrices ; c'est-à-dire à transformer - naturellement la réalité terrestre, en une réalité divine surnaturelle comme sans doute lui avaient enseigné les Cordeliers et les Clarisses de Neufchâteau.

(10)TOLLERON. (Robert.). : « La Putin des Armagnacs, une Sainte ! » Boën 1978.

(11) TOLLERON. (Robert.). : « La Putin des Armagnacs, une Sainte ! » Boën 1978.

(12) TOLLERON. (Robert.). : « La Putin des Armagnacs, une Sainte ! » Boën 1978.

Posté le : 21/03/2018 16:39
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À regarder absolument : F. Kerstein
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Les batailles du Louvre
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Posté le : 13/02/2017 13:20
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Loi de sépâration des églises et de l'état.
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Le 18 septembre 1794, est votée la séparation des églises et de l'état

par le décret du 2 sansculottides an II, votée par la convention nationale et qui supprime le budget de l'Église constitutionnelle. Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État Archives nationale, en France sauf Alsace-Moselle où le concordat n'a pas été abrogé. C'est une loi ordinaire adoption et entrée en vigueur patr le législateur de la troisième République sous le gouvernement de Maurice Rouvier, promulgation le 9 décembre 1905, elle entre en vigueur le 1er janvier 1906, la version en vigueur aujourd'hui est une version consolidée au 19 mai 2010

Concordat de 1801

La France marquée dans son histoire par les éternels conflits sanguinaires et incessantes guerres de religion, est amené à la solution du vote de la loi concernant la séparation des Églises et de l'État. Cette loi est adoptée le 9 décembre 1905 à l'initiative du député républicain-socialiste Aristide Briand, qui prend parti en faveur d’une laïcité sans excès. Elle est avant tout un acte fondateur dans l'affrontement violent qui a opposé deux conceptions sur la place des Églises dans la société française pendant presque vingt-cinq ans.
Elle remplace le régime du concordat de 1801, qui est toujours en vigueur en Alsace-Moselle pour des raisons historiques les élus alsaciens en faisaient une des trois conditions d'acceptation de leur rattachement à la France en 1919, sans quoi ils demandaient un référendum, que la France ne pouvait prendre le risque de perdre après une guerre si meurtrière.
Elle ne trouva son équilibre qu'en 1924, avec l'autorisation des associations diocésaines, qui permit de régulariser la situation du culte catholique.

Une séparation douloureuse

Histoire de la laïcité en France. La genèse

À la suite de John Locke, les Philosophes des Lumières relancent à travers l'Europe du XVIIIe siècle la question de la séparation de l'Église et de l'État. En France, la première séparation est instaurée, de fait, en 1794, par la Convention nationale, par le décret du 2 sansculottides an II 18 septembre 1794, qui supprime le budget de l'Église constitutionnelle, et confirmée le 3 ventôse an III 21 février 1795 par le décret sur la liberté des cultes, qui précise, à son article 2, que la République ne salarie aucun culte. Cette première séparation prendra fin avec la signature du concordat de 1801.
La République de 1848 fut secouée par une guerre de classes très dure. En réaction à la peur sociale, la bourgeoisie libérale incarnée par Adolphe Thiers se réconcilia avec les conservateurs catholiques. La loi Falloux de 1850 instaura la liberté d'enseignement au bénéfice de l’Église ; les maîtres des établissements catholiques pouvaient enseigner sans les titres exigés des autres, ce que Victor Hugo combattit avec éloquence mais sans succès. Ce succès encouragea l’Église à s'opposer aux républicains tout au long du XIXe siècle attaquant sans relâche le monde moderne, le libéralisme, la démocratie et la République, dans ses nombreux journaux, dans les prônes dominicaux et dans les encycliques pontificales. L’Église s'inquiétait et dénonçait l'affaiblissement des convictions religieuses, la montée en puissance du positivisme et du scientisme, mais surtout la menace d'unification de l'Italie que le mouvement nationaliste italien faisait peser sur les États pontificaux. Par réaction, la troisième république fut fondamentalement anticléricale.

Le cabinet de Défense républicaine de Waldeck-Rousseau.

Après Jules Ferry années 1880, il se passe près de vingt ans sans véritable changement dans les domaines de la laïcisation. Avec l'affaire Dreyfus qui explose en 1898, la France se divise en deux camps : dreyfusards parmi lesquels on trouve une partie de la gauche et antidreyfusards, parmi lesquels on trouve de nombreux hommes de droite et une grande partie de la hiérarchie militaire. Il serait cependant erroné de ramener l'affaire Dreyfus à un affrontement entre gauche républicaine et droite cléricale et militariste le premier défenseur de Dreyfus, le colonel Picquart, est un militaire catholique. La grâce présidentielle accordée à Dreyfus en septembre 1899 n'est qu'un compromis. L'Affaire, qui a vu l'explosion de l'antisémitisme et la polarisation de la société, conduit à un regain d'anticléricalisme à gauche.
En juin 1899, Pierre Waldeck-Rousseau forme le cabinet de Défense républicaine, qualifié par le camp nationaliste de cabinet Dreyfus. Waldeck-Rousseau s'abstient toutefois de prendre des mesures sur le plan religieux, mais promulgue la loi 1901 sur les associations. Celle-ci prévoit d’une part un régime de liberté pour la création des associations ; d’autre part un régime d'exception pour les congrégations religieuses, qui dispose que chaque congrégation doit être autorisée par une loi, qu'elle doit se soumettre à l'autorité de l'évêque ordinaire et qu’elle peut être dissoute par un simple décret, selon l'article 14 de la loi. La plupart des congrégations (environ quatre sur cinq) déposent leur demande d'autorisation. Celles qui s’y refusent sont dissoutes en octobre 1901, mais Waldeck-Rousseau informe le Vatican que les demandes d’autorisation seront examinées avec mesure. En janvier 1902, le Conseil d'État déclare que l’autorisation préalable nécessaire aux congrégations s’imposera désormais à toute école dans laquelle enseignent des congréganistes, quel que soit leur nombre.
Aux législatives de 1902, le Bloc des gauches, coalition républicaine, l'emporte et reprend l’œuvre entamée par Ferry. Émile Combes forme un nouveau gouvernement.

Émile Combes

Caricature parue dans Le Rire, 20 mai 1905. L'homme au milieu est Jean-Baptiste Bienvenu-Martin, ministre de l'Instruction publique du cabinet Rouvier.
Son premier passage au gouvernement en 1895 comme ministre de l'Instruction publique et des cultes lui permet de mettre en pratique ses convictions anti-catholiques. En 1902, Émile Combes, surnommé le petit père Combes, ex-séminariste devenu athée et adversaire déterminé de la religion, est porté au gouvernement par une poussée radicale, au terme d'élections qui se sont faites sur le thème : pour ou contre le fait d'appliquer la loi de 1901 avec une vigueur accrue ?
Combes ne cache pas dès son investiture sa volonté de mener une politique énergique de laïcité. Cette déclaration est suivie d’un durcissement des dispositions prises précédemment par Waldeck-Rousseau : les demandes d'autorisations sont refusées en bloc, pour assurer définitivement la victoire du laïcisme anticlérical sur le catholicisme. Ainsi, en juillet 1902, les établissements scolaires non autorisés environ 3 000 des congrégations autorisées sont fermés : cette mesure donne lieu à de nombreux incidents, toutefois principalement limités aux régions les plus catholiques l'Ouest de la France, une partie du Massif central, et 74 évêques signent une protestation. Le gouvernement réplique en suspendant le traitement salaire de deux évêques.
Une nouvelle étape est franchie en mars 1904 : toutes les demandes d’autorisation des congrégations masculines sont rejetées. En juillet 1903, les congrégations féminines avaient subi le même sort. Ceci provoque des désaccords au sein même de la majorité républicaine, Waldeck-Rousseau reprochant même à Combes d’avoir transformé une loi de contrôle en loi d’exclusion. De fait, religieux et religieuses sont expulsés de France. Ceux qui résistent en prétendant au droit de rester dans leurs couvents sont expulsés manu militari, tels les Chartreux, que des gendarmes viennent tirer de leur retraite pour appliquer la loi d'interdiction. C'est ainsi que des milliers de religieux trouvent refuge dans des terres plus hospitalières : Belgique, Espagne, Royaume-Uni…
En fait, en 1902, huit propositions avaient été déposées, et Émile Combes, pour étouffer ces tentatives, crée le 11 mars 1904 une commission chargée d'examiner ces propositions et de rédiger un projet de loi.
Sourd aux critiques émanant de la droite, indifférent aux appels radicaux de Clemenceau, qui réclame la suppression pure et simple des congrégations, considérées comme prolongements du « gouvernement romain en France, Émile Combes interdit l'enseignement aux congrégations le 7 juillet 1904, et leur enlève ainsi également la possibilité de prêcher, de commercer, étant entendu que les congrégations enseignantes doivent disparaître sous un délai de dix ans. Combes prépare ainsi une laïcisation complète de l'éducation.

La rupture des relations diplomatiques avec le Vatican 1904

Émile Combes lui-même hésite à s'engager fermement pour la séparation des Églises et de l’État : en effet, les relations entre l'Église catholique romaine et l’État sont toujours régies en 1904 par le Concordat signé entre Napoléon Bonaparte et le pape un siècle plus tôt, et ce concordat permet au gouvernement de contrôler le clergé français en nommant les évêques. Combes craint de perdre ce contrôle sur l'Église en s'engageant pour la séparation, mais la suite des événements ne lui laisse guère d'autre solution :
d'une part, en juin 1903, une majorité de députés décide qu'il y a lieu de débattre d'une éventuelle séparation et constitue une commission dont Aristide Briand est élu rapporteur ;
d'autre part, le pape Léon XIII meurt en juillet 1903, et son successeur, Pie X, n'a pas sa souplesse : les incidents entre la France et le Vatican se multiplient.
L’interdiction de l'enseignement aux congrégations provoque un conflit avec le pape qui entraîne la rupture des liens diplomatiques entre le gouvernement français et la papauté. Et l’on sent bien désormais qu'il n'y a plus qu'un pas à franchir vers la séparation. De plus, le projet mûrit rapidement, car le pape, directement touché par les mesures sur les congrégations qui dépendent de Rome, s'attaque nommément à Émile Combes.
La visite du président de la République Émile Loubet au roi d'Italie Victor-Emmanuel III, dont le grand-père a annexé la ville de Rome, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : le Vatican envoie des lettres de protestation antifrançaises aux chancelleries européennes. Lorsque le gouvernement français en a écho, en mai 1904, il rompt immédiatement les relations diplomatiques avec le Saint-Siège.
La fin des relations entre la République et la papauté rend le régime concordataire caduc : la séparation est donc urgente, et Combes s'y rallie : il propose un projet sans tenir compte des travaux de la commission Briand, mais il est déstabilisé et contraint à démissionner par le scandale de l'affaire des fiches : le ministre de la Guerre, le général André, avait utilisé des réseaux franc-maçons pour espionner les officiers, connaître leurs opinions religieuses et freiner l'avancement des officiers jugés insuffisamment républicains. C'est le successeur de Combes, Maurice Rouvier, qui va mener la séparation jusqu'à son terme.

Les travaux préparatoires La commission Buisson-Briand

La commission a été composée de trente-trois membres, dont une majorité absolue de dix-sept députés ouvertement favorables à la séparation. Elle est présidée par Ferdinand Buisson et son rapporteur est Aristide Briand. Ferdinand Buisson, qui se revendique protestant libéral, est le président de l'Association nationale des libres penseurs et est célèbre pour son combat pour un enseignement gratuit et laïque, à travers la Ligue de l'enseignement ; également grand commis de l’État, proche de Jules Ferry, il a contribué à diffuser le substantif laïcité, dérivé du vocabulaire théologique le laïc désignant, dans la religion catholique, le fidèle baptisé non clerc, par son Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire. Aristide Briand a quarante-trois ans, il est député depuis trois ans, est athée mais tolérant. Il y a cinq membres exécutifs de l’association nationale des libres penseurs, ce qui inquiète les députés modérés.
On y voit l’affrontement avec les partisans d’une destruction complète de l’Église, comme Maurice Allard, Dejeante ou Sarraut, qui veulent contrôler l’Église par l’État, lui retirer ses biens, ou les gérer par un conseil communal d'éducation sociale. Briand et Buisson comprennent qu’une loi de conciliation est nécessaire pour éviter un affrontement désastreux.
Briand prend même contact avec des ecclésiastiques, la chute du combisme donnant du poids à ses idées. Maurice Rouvier arrive à la présidence du Conseil ; peu au courant des questions religieuses, il reprend à son compte le projet de la commission pour trouver une solution. Aristide Briand présente le 4 mars son projet à la chambre. C’est un texte exhaustif qui comporte une longue partie historique, des études des situations des cultes catholique, protestant et israélite, une comparaison avec les législations d’autres pays et présente un projet synthétique. Il devient, après discussion, la loi française de séparation des Églises et de l'État.

L’action décisive du rapporteur Aristide Briand

Le nouveau projet de loi déposé dès la formation du gouvernement Rouvier s’inspire beaucoup du travail de la commission dirigée par Aristide Briand, dont le rapport a été déposé le 4 mars 1905. D’emblée, Briand déclare la séparation loyale et complète des Églises et de l’État comme réponse indispensable aux difficultés politiques qui divisent la France.
La tâche d’Aristide Briand s’annonce complexe : il va devoir convaincre une partie de la droite catholique que cette loi n’est pas une loi de persécution de l'Église, sans toutefois se montrer trop conciliant aux yeux d’une gauche radicale ou d’une extrême gauche qui voudrait éradiquer le bloc romain.
Les intérêts et les enjeux sont compliqués, provoquant des débats houleux et passionnés : gauche et droite sont divisées, et il faut tout le talent d’orateur d’Aristide Briand pour réunir tout le monde autour d’un texte, au prix de quelques compromis. La chance d’Aristide Briand est que beaucoup dans l’hémicycle semblent avoir compris que la séparation était devenue inéluctable, et sa première victoire est due au fait qu’une partie de la droite catholique accepte de faire avancer le débat, non pas en tant que partisane de la séparation, mais pour obtenir des concessions qui rendront la séparation moins douloureuse pour les catholiques.
Aristide Briand a, en effet, bien conscience que si faire voter la loi est une chose, la faire appliquer en sera une autre, et qu’une loi de séparation votée par la gauche et refusée par les catholiques serait inapplicable sur le terrain. C’est pourquoi il tient à montrer qu’on ne doit pas faire une loi braquée sur l’Église comme un revolver, mais prenant en compte les remarques acceptables des catholiques.

La bataille de l'article 4

On peut considérer que la plus grosse pierre apportée à l’édifice de la séparation réside dans l’acceptation de l’article 4 de la loi, tant celui-ci aura été l’objet de craintes de part et d’autre de la Chambre des députés : c’est l’article qui doit dire à qui, dans le nouveau régime des cultes qu’est la séparation, reviendront les biens mobiliers et immobiliers de l’Église.
Les catholiques craignent que l’État ne veuille disloquer l’Église et provoquer des schismes, alors que les républicains refusent que le Vatican garde le choix des associations cultuelles aptes à bénéficier de la dévolution des biens de l'Église, et qui pourraient être basées à l’étranger. À force de compromis et notamment en déclarant que le pays républicain saura faire preuve de bon sens et d’équité, Aristide Briand accepte de revoir quelques formulations de l'article 4 proposé par Émile Combes. Le 20 avril 1905, il déclare à la Chambre:
Nous n'avons jamais eu la pensée d'arracher à l'Église catholique son patrimoine pour l'offrir en prime au schisme ; ce serait là un acte de déloyauté qui reste très loin de notre pensée.
Alors que la première version de l'art. 4 prévoyait que les biens ecclésiastiques seraient dévolus à des associations de fidèles, sans précision, la nouvelle version, défendue à gauche par Briand et Jean Jaurès, dispose que ces associations cultuelles prévues par la loi se conformeront aux règles d'organisation générale du culte dont elles se proposent d'assurer l'exercice.
Le catholique Albert de Mun, élu du Finistère, se félicite de ce « grand coup de pic donné à la loi, tandis que le sénateur Clemenceau bataille au contraire contre ce qu'il considère comme soumission au gouvernement romain. Il traite Briand de socialiste papalin et accuse la nouvelle formulation de l'article de mettre la société cultuelle dans les mains de l'évêque, dans les mains du pape ; voulant rompre le Concordat, la Chambre des députés est demeurée dans l'esprit du Concordat … au lieu de comprendre qu'elle aurait pour premier devoir d'assurer la liberté de tous les fidèles, sans exception. Malgré cela, il vota la loi avec la majorité de la Chambre.
L'article 6 fit également l'objet de débats. La version originale prévoyait qu'en cas de conflit entre plusieurs associations cultuelles sur l'attribution des biens dévolus, les tribunaux civils trancheraient. Briand et Jaurès acceptèrent le souhait des anticléricaux de transférer l'arbitrage au Conseil d'État, plus dépendant du gouvernement, ce qui lui permet de décider arbitrairement de l'attribution des lieux de cultes.

Vote et promulgation de la loi

Enfin, et malgré des divergences assez fortes l'esprit de compromis dont Briand a fait preuve n’ayant pas suffi à faire taire les craintes et les protestations des catholiques, et ayant même divisé une partie de la gauche radicale, la loi fut votée le 3 juillet 1905 par 341 voix contre 233 à la Chambre, et le 6 décembre 1905 par 181 voix pour contre 102 au Sénat.
Elle est promulguée le 9 décembre 1905 publiée au Journal officiel le 11 décembre 1905 et entre en vigueur le 1er janvier 1906.
Elle met fin à la notion de culte reconnu et fait des Églises des associations de droit privé. De plus l’article 4 organise la dévolution des biens des établissements religieux à des associations cultuelles.
En réaction, la Sacrée Penitencerie du Vatican confirme en 1908 que les députés et sénateurs ayant voté la loi encourent l'excommunication.

La loi de séparation et ses conséquences

Première page du projet de loi de 1905
Le contenu de la loi en 1905
La nouvelle loi brise unilatéralement les engagements français relatifs au concordat napoléonien de 1801, qui régissait les rapports entre le gouvernement français et l'Église catholique. Inventant la laïcité à la française, elle proclame la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et pose le principe de séparation des Églises et de l'État.
Article 1er : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes .... Le premier article crée un large consensus. Le texte ne laisse que peu de marge pour son application, par les mots assure et garantit .
Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. ...
Cette loi se veut conforme à la devise républicaine. Par l'article 1er, l'État garantit la liberté de conscience, c'est-à-dire le droit de ne pas être croyant, et la liberté de culte si on l'est. Par l'article 2, l'État, les départements, les communes assurent leur neutralité à l'égard des citoyens, en refusant d'accorder des avantages spécifiques à certains en raison de leurs pratiques cultuelles.
Pour rendre effectif le libre exercice du culte, sont instituées des aumôneries dans les milieux fermés casernes, lycées, prisons, hôpitaux et, plus tard, des émissions religieuses sur les chaînes publiques de télévision.
Instituées par l'article 4 de la loi, les associations cultuelles dont l'objet exclusif est l'exercice du culte sont de type 1901. Elles ne doivent pas avoir d'autres buts, notamment elles ne peuvent pas se livrer à des activités sociales, culturelles, éducatives ou commerciales. En revanche, elles disposent d'un avantage fiscal important, levier financier très appréciable. Elles peuvent recevoir des donations et des legs qui sont exonérés de droits de mutation. Ce sont les préfets qui accordent, pour cinq ans, le statut d'association cultuelle. Les différends éventuels entre associations relèvent du Conseil d'État.
Sur le plan domanial et financier, la loi a trois conséquences majeures :
Les ministres des cultes évêques, prêtres, pasteurs, rabbins… ne sont plus rémunérés par l'État art. 2 qui s'y était engagé lors du Régime concordataire français en échange de l'abandon par l’Église des biens saisis en 1790 art. 14, ce qui le libère d'un budget de 40 millions de francs, et celui-ci n'intervient plus dans la nomination des évêques ;
Les établissements publics du culte sont dissous art. 2 et remplacés par des associations cultuelles ayant pour objet exclusif de subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte art. 18 ; ces dernières pourront recevoir le produit des quêtes et des collectes pour les frais du culte, mais elles ne devront en aucun cas percevoir de subventions de l’État, des départements ou des communes ;
Les biens religieux saisis par l’État en 1789 restent sa propriété ;
L'État se réserve le droit de confier gratuitement les bâtiments de culte aux associations cultuelles. Les associations bénéficiaires, sont tenues des réparations de toute nature, ainsi que des frais d'assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles les garnissant. art. 13 ;
Les biens mobiliers ou immobiliers grevés d'une affectation charitable ou d'une toute autre affectation étrangère à l'exercice du culte comme les hôpitaux et les écoles sont attribués aux services ou établissements publics ou d'utilité publique, dont la destination est conforme à celle desdits biens art. 7 ;
L'État prolonge jusqu'au 9 décembre 1907, la mise à disposition gratuite des archevêchés et évêchés et, jusqu'au 9 décembre 1910, celle des presbytères, des grands séminaires et de la faculté de théologie protestante art. 14.
La loi de séparation prévoit ainsi un inventaire des biens mobiliers et immobiliers art. 3 des établissements publics du culte avant que ne soit rendue aux associations cultuelles la partie de ces biens estimée nécessaire au culte et que le reste soit saisi. Dans les faits, cet inventaire se fera de façon estimative voir la section La tourmente des inventaires. Les inventaires seront interrompus par Clemenceau à la suite d'incidents meurtriers entre population et forces de l'ordre.
Sur le plan de la police des cultes, les cérémonies religieuses sont assimilées à des réunions publiques et soumises à déclaration préalable dans les formes de l'article 2 de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion article 25.
Pour faciliter la transition, l'État assure aux ministres du culte le versement d'une indemnité pendant quatre ans article 11.
Une loi rejetée par le Vatican

La loi est violemment critiquée par Pie X Vehementer nos du 11 février 1906, qui condamne la rupture unilatérale du concordat, proteste contre les nouvelles spoliations et refuse catégoriquement la mise en place des associations cultuelles, incompatibles avec l’organisation hiérarchique canonique catholique et les fonctions ministérielles respectives de l’évêque et du curé qui en découlent Gravissimo Officii Munere, août 1906. Une partie du clergé français en particulier Mgr Louis Duchesne, chanoine libéral qui sera à l'Index seulement quelques années plus tard appuie cependant la loi, tandis qu'une autre partie de la droite catholique s'y oppose violemment notamment l'Action libérale et la nouvelle Action française. Les juifs et les protestants Wilfred Monod, quant à eux, font bon accueil à une loi qui correspond à leur mode d'organisation traditionnel de type presbytérien, le président de la commission ayant préparé la loi, Ferdinand Buisson, étant lui-même protestant libéral.
L’épisode des inventaires qu’elle inclut se révèle être le dernier épisode douloureux qui place, une fois de plus, la France au bord de la guerre civile. En effet, la loi de séparation entraîne la résistance décidée de Rome, qui interdit aux catholiques de l'accepter et condamne une loi qui a mis fin de façon unilatérale au concordat. En réalité, du fait du refus de la création des associations cultuelles, les frais de réparation très coûteux des édifices religieux cathédrales, églises... préexistants à la loi de 1905 restent à la charge de l'État et des communes, ce qui rend le bilan financier finalement moins négatif pour l'Église catholique paradoxalement, les protestants, qui ont accepté la loi, sont moins favorisés, mais ceci ne sera visible que bien plus tard. D'autre part, les ministres du culte, et en particulier les évêques, gagnent en indépendance, n'étant plus ni salariés ni logés par l'État.
Les bibliothèques des paroisses, évêchés et séminaires sont également saisies par l'État. Confiées à différentes bibliothèques publiques, elles contribuent à enrichir leurs fonds en ouvrages parfois rares ou précieux, portant surtout sur les questions religieuses, mais pas seulement.

La tourmente des inventaires Querelle des inventaires.

Les inventaires des biens de l'Église suscitent des résistances dans certaines régions traditionalistes et catholiques, notamment l'ouest de la France Bretagne, Vendée, Flandre et une partie du Massif central. Des manifestations s'y opposent, tandis qu'une circulaire de février 1906 dispose que les agents chargés de l’inventaire demanderont l'ouverture des tabernacles, suscitant l'émotion des catholiques, pour qui cela constitue un grave sacrilège. Le 27 février 1906, des heurts ont lieu dans la commune de Monistrol-d'Allier. Le 3 mars, lors de la tentative d'inventaire faite dans la commune de Montregard, un habitant, André Régis, est grièvement blessé ; il mourra le 24 mars. Le 6 mars, à Boeschepe Nord, lors d'un autre inventaire, un paroissien, Gery Ghysel, est abattu dans l'église. Le 7 mars 1906, le cabinet Rouvier tombe sur cette question, laissant la place à Ferdinand Sarrien.
Celui-ci confie le ministère de l'Instruction publique à Briand, qui exige que Clemenceau entre dans le gouvernement afin de l'avoir avec lui plutôt que contre lui. Devenu ministre de l'Intérieur, le « Tigre », notoirement anticlérical, joue l'apaisement, mettant fin à la querelle des inventaires par une circulaire de mars 1906 invitant les préfets à suspendre les opérations d'inventaire dans les cas où elles doivent se faire par la force alors qu'il ne reste plus que 5 000 sanctuaires, sur 68 000, à inventorier.

Une France divisée avant l’apaisement

L’épisode des inventaires a été le dernier pic de tension importante entre catholiques et républicains, bien que le conflit ait perduré, sur d'autres aspects, jusqu'à l'entre-deux-guerres, apaisé seulement par le compromis trouvé entre Pie XI et la République, en 1924, via la création des associations diocésaines, le Pape se refusant toujours à accepter le principe des associations cultuelles qui niaient le rôle canonique de l'évêque dans l'organisation catholique.
On comprend alors que les cicatrices résultant de ce douloureux divorce entre Église et État aient mis des années à se refermer : ce fut en quelque sorte la mission du gouvernement suivant, mené par Armand Fallières président de la République, Georges Clemenceau (président du Conseil de 1906 à 1909 et Aristide Briand ministre de l'Instruction publique et des Cultes.

Le gouvernement Clemenceau

Le sujet prioritaire du cabinet Clemenceau, formé en octobre 1906, demeure l'application de la loi de séparation des Églises et de l'État, fermement condamnée par Pie X Vehementer nos. Cela soulève de nouveaux débats, le Vatican faisant tout pour empêcher la formation des associations cultuelles auxquelles sont censés être dévolus les bâtiments nécessaires à l'exercice du culte.
Attaqué par Maurice Allard, Aristide Briand, maintenu à l'Instruction publique et aux Cultes, rétorque le 9 novembre 1906 en rappelant que la loi de séparation est une loi d'apaisement, et prétendant que l’État laïque n’est pas antireligieux mais areligieux. Si la loi n'est pas appliquée d'ici décembre 1907, Briand déclare qu'il s'appuiera sur la loi de 1881 sur les réunions publiques afin de maintenir la possibilité d'un exercice légal des cultes. Le prêtre refusant de souscrire la déclaration préalable à chaque cérémonie prévue à l'article 25 de la loi, Aristide Briand, par circulaire du 1er décembre 1906, précise qu'une déclaration annuelle doit suffire à cet exercice. Le 11 décembre, le Conseil des ministres rappelle qu'en cas de non-déclaration annuelle, les infractions seront constatées et sanctionnées : la situation menace de dégénérer en la création d'un délit de messe. Mgr Montagnini, à la tête de la Nonciature apostolique de la rue de l’Élysée, est expulsé par le gouvernement, qui l'accuse d’inciter au conflit.
Les associations cultuelles catholiques n'ayant pas été constituées, tous les bâtiments ecclésiastiques, évêchés, séminaires, presbytères sont progressivement mis sous séquestre. Ainsi, à Paris, le cardinal Richard est expulsé de l'hôtel du Châtelet où était installé l'archevêché le 17 décembre. Mais se pose le problème du devenir de tous ces bâtiments.
Le 21 décembre 1906, un nouveau débat, durant lequel Briand accuse le Vatican de préconiser l'intransigeance afin de réveiller la foi endormie dans l'indifférence, aboutit à la loi du 2 janvier 1907 qui vise à rendre impossible la sortie de la légalité des catholiques quoi que fasse Rome. Par cette loi, d'un côté, l'État, les départements et les communes recouvrent à titre définitif la libre disposition des archevêchés, évêchés, presbytères et séminaires et le versement de l'indemnité est suspendue pour les prêtres non en règle avec la loi ; et de l'autre, la loi ouvre la possibilité de donner la jouissance d'édifices affectés à l'exercice du culte à des associations loi 1901 ou à des ministres du culte déclarés.
Le Pape dénonce dans l'encyclique Une fois encore du 6 janvier 1907 les nouvelles spoliations de la loi du 2 janvier 1907 et refuse les modalités de la déclaration annuelle exigée pour l'exercice du culte. Le gouvernement parle d'ultimatum pontifical... et finalement, par la loi du 28 mars 1907, règle la question en supprimant l'obligation de déclaration préalable pour les réunions publiques. Par ailleurs, plus de 30 000 édifices sont mis gratuitement à la disposition des Églises, et les sonneries de cloches explicitement autorisées. D'une manière générale, la jurisprudence administrative légitime les manifestations publiques qui satisfont à des traditions locales et à des habitudes enterrements religieux, processions, etc.
La position d'apaisement du gouvernement est confirmée par la loi du 13 avril 1908, qui considère les églises comme des propriétés communales et prévoit des mutualités ecclésiastiques pour les retraites, etc..

La guerre et l'apaisement Histoire de la laïcité en France.

C’est à l’occasion de la Première Guerre mondiale que la question religieuse est reléguée au second plan et que l’« Union sacrée » rassemble une France unie sous la bannière tricolore.
Mais, avant même l'Union sacrée politique, dès le lendemain du début de la Grande Guerre, le 2 août 1914, Louis Malvy, ministre de l'intérieur, enverra une circulaire aux préfets demandant à ce que les congrégations catholiques, expulsées, soient de nouveaux tolérées. Toutes les mises à l'écart du catholicisme sont révoquées : Une ouverture appréciable est faite vers le monde catholique, qui n'est plus au ban de la République. C'est là une situation paradoxale au vu de celle précédente et rarement signalée d'après Jean-Jacques Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau.
Au sortir de la guerre, le gouvernement décide tout à la fois de transférer au Panthéon de Paris le cœur de Gambetta, illustre fondateur de la République, et d'honorer le souvenir de Jeanne d'Arc en proclamant fête nationale le deuxième dimanche de mai.
En mai 1921, les relations diplomatiques sont rétablies avec le Vatican, le pape Benoît XV se montrant autrement plus conciliant que Pie X, notamment en promettant de consulter Paris avant la nomination des évêques. Le dialogue avec le Vatican aboutit, en 1924, au compromis des « associations diocésaines élaboré par Pie XI et le gouvernement: l'État français concède aux associations diocésaines placées sous l'autorité des évêques le statut d'associations cultuelles : autrement dit, l'organisation de type épiscopal de l'Église catholique est considérée conforme à la loi ce qui permet de sortir du blocage provoqué par l'absence, depuis 1905, de création des associations cultuelles catholiques prévues par la loi. Enfin l'Alsace et la Lorraine rattachées à nouveau à la France sont maintenues dans le statut de Concordat qu’elles avaient en 1870, lors de l’annexion à l’Empire allemand, sachant que le "Reich" leur avait conservé ce statut sans le modifier.
La querelle religieuse menace de se rallumer après le succès du Cartel des gauches aux législatives du 11 mai 1924. Ce dernier décide en effet, dans un premier temps, d'étendre la loi de 1905 à l'Alsace-Lorraine, malgré la promesse contraire faite lors du rattachement de 1919. Les élus des trois départements concernés s'y opposent. Les évêques mobilisent les catholiques avec le concours du général de Castelnau, à la tête de la Fédération nationale catholique, et le gouvernement d'Édouard Herriot renonce à remettre en cause les arrangements antérieurs. L'anticléricalisme militant finit par décliner cependant que les Églises retrouvent, avec leur liberté, une nouvelle vigueur.

Bilan et perspectives Conséquences immédiates

Le vote et l’application de la loi de séparation ont été les dernières étapes du mouvement de laïcisation et de sécularisation engagé en 1789. Le 9 décembre 1905 est une date capitale qui met fin au concordat napoléonien, mais aussi et surtout à l’antique union entre l’Église catholique de France et le pouvoir politique : cette loi de séparation invente la laïcité à la française.
La loi du 17 avril 1906 et le décret du 4 juillet 1912 ont confié la charge des 87 cathédrales au secrétariat d'État aux Beaux-Arts, devenu ministère de la Culture et de la Communication. Cette propriété s'étend à l'ensemble des dépendances immobilières et à la totalité des immeubles par destination et des meubles les garnissant. Le cadre juridique de l’aménagement intérieur des cathédrales a été analysé par Pierre-Laurent Frier, Professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien directeur des études de l’École nationale du patrimoine ; et la compétence du conseil municipal quant aux églises et aux biens qui y ont été installés a été traitée par Marie-Christine Rouault, doyen de la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Lille II13 à partir de l’arrêt du 4 novembre 1994 du Conseil d’État. Les édifices postérieurs à 1905 demeurent généralement propriétés des associations cultuelles, maîtres d'ouvrage lors des constructions. Afin de gérer le patrimoine mobilier des lieux de culte, les conservations des antiquités et objets d'art ont été créées dans chaque département, par le décret du 11 avril 1908.

Cas de l'Alsace-Moselle Concordat en Alsace-Moselle.

L'Alsace et la Moselle n’étant pas françaises au moment de la promulgation de la loi, celles-ci ont encore aujourd’hui un statut spécial, sorte de dernier héritage du concordat, les évêques, les prêtres, les rabbins et les pasteurs étant toujours assimilés à des fonctionnaires et l'entretien des bâtiments payé par l'État. L'enseignement religieux dans les écoles publiques est également préservé. La validité de cette exception est confirmée en février 2013 par le Conseil constitutionnel14.

Evolution jurisprudentielle

Depuis sa parution la jurisprudence a complété la loi par plus de 2000 pages d'avis de cours. D'après François Braize et Jean Petrilli, cela a largement modifié la loi initiale

Réformes récentes

En 2000, l'article 30 interdisant l'enseignement religieux pendant les heures de classe dans les écoles publiques est abrogé (ordonnance 2000-549 du 15 juin 2000, article 7-24).
En 2003, la loi subit un changement en ce qui concerne le port de signes religieux ostensibles à l'école. Cette suggestion a provoqué de nombreuses critiques dans certains milieux politiques français, qui craignent un retour à une union de l'État et de la religion, réintégrant ainsi la religion dans le domaine public.
En 2004, à la veille de la célébration du centenaire de la loi fondant la laïcité républicaine, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Économie, et sortant de son poste de ministre de l'Intérieur et des Cultes, s'interroge, dans un livre intitulé La République, les religions, l'espérance, sur une possible modification de la loi, sans toutefois en remettre en cause les fondements. Il propose de donner à l'État les moyens de pouvoir contrôler efficacement le financement des cultes, de libérer le culte musulman français de la tutelle de pays étrangers et ainsi de pouvoir limiter l'influence de ces pays sur la communauté musulmane de France. Ce contrôle impliquerait comme effet secondaire des facilités accordées par l'État en matière de formation des agents des cultes, en mettant par exemple à disposition des enseignants pour les matières non religieuses pour la formation des prêtres, pasteurs ou imams.
À l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le Concordat en Alsace-Moselle, le Conseil constitutionnel confirme en février 2013 la validité constitutionnelle de cette exception, jugeant que la tradition républicaine observée par tous les gouvernements depuis 1919 et la Constitution de la ve République n'ont pas entendu remettre en cause les dispositions législatives ou réglementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes. Reprenant dans ses attendus de larges passages de la loi du 9 décembre 1905, le Conseil constitutionnel intègre de facto cette loi au bloc de constitutionnalité.


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Posté le : 18/09/2016 13:48
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Jean Jaurès
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Le 31 juillet 1914 meurt, à 54 ans Jean Jaurès

homme politique français, né à Castres Tarn le 3 septembre 1859 et mort assassiné par Raoul Villain à Paris. Orateur et parlementaire socialiste, Député du Tarn du 1er juin 1902 jusqu'à sa mort le 31 juillet 1914 soit durant 12 ans 1 mois et 30 jours et précédemment du 8 janvier 1893 au 1er juin 1898 pendant 4 ans 9 mois et 24 jours, son Prédécesseur et Successeur est Jérôme de Solages. Il est le 1er directeur de L'Humanité du 18 avril 1904 au 31 juillet 1914 au 10 ans 3 mois et 13 jour, son successeur est Pierre Renaudel. Puis il sera 1er président du Parti socialiste français de 1902 à 1905 il s'est notamment illustré par son pacifisme et son opposition au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Parti politique, Parti opportuniste, Socialistes indépendants, Parti socialiste français, Section française de l'Internationale ouvrière. Il est marié à Louise Bois avec qui il a deux enfants, Madeleine Jaurès, e Louis Paul Jaurès. Il est Diplômé de ENS Paris, Professeur agrégé, Maître de conférences, Journaliste.

En bref

Issu d'une famille de la petite bourgeoisie et brillant élève, il parviendra à l’École Normale Supérieure et à l'agrégation de philosophie, avant de commencer une carrière politique comme député républicain. Dès 1885, année où il devient le plus jeune député de France, il prend le parti des ouvriers et propose un projet de retraites ouvrières en guise de premier pas sur la voie de ce socialisme vers quoi tout nous achemine, et il se distinguera par son soutien pour le peuple, notamment durant la grande grève des mineurs de Carmaux. Il s'opposera aux lois scélérates3 et dénoncera avec véhémence la collusion des intérêts économiques avec la politique et la presse. Durant l'affaire Dreyfus, il prend la défense du capitaine et pointe l'antisémitisme dont celui-ci est victime.
En 1905, il est un des rédacteurs de la loi de séparation des Églises et de l'État5. La même année, il participe à la création de la Section française de l'Internationale ouvrière SFIO, dont il est l'acteur principal, unifiant ainsi le mouvement socialiste français. Ses positions réformistes lui valent toutefois l'opposition d'une partie de la gauche révolutionnaire.
Il consacre les dernières années de sa vie à empêcher, en vain, le déclenchement de la Première Guerre mondiale, et se lie aux autres partis de l'Internationale ouvrière, faisant planer la menace de grève générale au niveau européen7. Ces positions pacifistes lui valent d'être assassiné par le nationaliste Raoul Villain à la veille du conflit. Cet événement entraîne paradoxalement le ralliement de la gauche à l'Union sacrée.
En 1924, sa dépouille est transférée au Panthéon.

Sa vie

Jean Jaurès, de son nom d'état civil Auguste Marie Joseph Jean Léon Jaurès, est né à Castres en 1859 dans une famille de la petite bourgeoisie du Tarn dont sont issues quelques brillantes carrières comme celle de Benjamin Jaurès, amiral et ministre de la marine en 1889.
Son père, Jules Jaurès 1819-1882, possède une petite expl itation agricole de 6 ha ferme du domaine de La Fédial près de Castres dans laquelle son fils passe son enfance et son adolescence jusqu'à l'âge de 17 ans. C'est une époque où il connaît, non pas la misère, mais peut-être une certaine gêne qui lui fait toucher du doigt les difficultés du peuple10. Sa mère, Adélaïde Barbaza 1822-1906, issue d'une famille d'industriels du textile, s'occupe de l'éducation des deux enfants du couple : Jean, l'aîné, et Louis 1860-1937, qui devint amiral et député républicain-socialiste.
Brillant élève au collège de Castres, il y est remarqué par un inspecteur général, Félix Deltour, qui convainc ses parents de lui faire poursuive ses études dans les écoles de l'élitisme républicain, alors qu'ils le destinaient à l'administration des postes. Il est lauréat du concours général en latin. L'inspecteur lui obtient une bourse qui lui permet de préparer à Paris l'École normale supérieure, au collège Sainte-Barbe puis au lycée Louis-le-Grand. En 1878, il est reçu premier à l'École normale supérieure en philosophie, devant Henri Bergson. En 1881, il termine troisième à l'agrégation de philosophie, derrière Paul Lesbazeilles et Henri Bergson.
Devenu professeur, Jaurès enseigne tout d'abord au lycée Lapérouse d'Albi, puis rejoint Toulouse en 1882 pour exercer comme maître de conférences à la faculté des lettres. Il donne également un cours de psychologie au lycée de jeunes filles de cette même ville.
Il se marie le 29 juin 1886 avec Louise Bois 1867-1931, rencontrée au château de Loirac, fille d'un marchand de fromages en gros d'Albi, avec qui il a deux enfants :
Madeleine Jaurès, née le 19 septembre 1889, décédée en 1951, mère de Jean-Jacques Delaporte 1910-1931 ;
Louis Paul Jaurès, né le 27 août 1898 à Nontron Dordogne. Engagé volontaire en 1915 à 18 ans, au 7e régiment de dragons, il passe aspirant au 10e bataillon de chasseurs à pied. Il est tué le 3 juin 1918 à Pernant Aisne, village où l'armée allemande est arrêtée lors de la seconde bataille de la Marne, et déclaré mort pour la France. Une stèle, surmontée du buste de son père, est inaugurée à quelques kilomètres du lieu de sa mort, à Chaudun, le 15 novembre 1936, en présence de Léon Blum, qui prononce un discours. Il figure au Tableau d'honneur de la Grande Guerre, sous le prénom Paul
Dans le contrat de mariage, la famille Bois offre au jeune couple le domaine de Bessoulet près de Villefranche-d'Albigeois où il s'installe rapidement.

1885-1898 : La progressive adhésion au socialisme

L'entrée en politique comme républicain

Jean Jaurès entre en politique à 26 ans comme candidat républicain dans le Tarn aux élections législatives de 1885. Il est élu et siège à l'assemblée nationale parmi les républicains opportunistes et soutient le plus souvent Jules Ferry. En 1889, il n'est pas réélu.

La découverte du socialisme

Privé de son mandat de député, Jaurès reprend son enseignement à la faculté de Toulouse. Il est reçu docteur ès lettres en 1892. Sa thèse principale a pour titre De la réalité du monde sensible, sa thèse secondaire (en latin, selon l'usage de l'époque De primis socialismi germanici lineamentis apud Lutherum, Kant, Fichte et Hegel. Les deux ont paru en 1891.
Il continue également son activité politique. À partir de 1887, il collabore au quotidien de tendance radicale La Dépêche de Toulouse la future Dépêche du Midi. Il devient conseiller municipal sur les listes radicales-socialistes, puis maire adjoint à l'instruction publique de Toulouse 1890-1893. Ses travaux intellectuels, son expérience d'élu local, sa découverte des milieux ouvriers et des militants socialistes l'orientent vers le socialisme. Cette évolution s'achève avec la grève des mineurs de Carmaux.

La grève des mineurs de Carmaux :

l'adhésion définitive au socialisme 1892

En 1892, quand éclate la grande grève des mineurs de Carmaux, Jean Jaurès est à l'écart de la vie politique nationale. L'origine du conflit est le licenciement de Jean-Baptiste Calvignac - ouvrier mineur, leader syndical et socialiste qui venait d'être élu maire de Carmaux le 15 mai 1892 - par la Compagnie des mines que dirigent le baron René Reille, président du conseil d'administration l'homme fort de la droite tarnaise et son gendre Jérôme Ludovic de Solages, membre de ce même conseil député de la circonscription depuis septembre 1889, propriétaire de mines et de verreries. Le prétexte motivant le licenciement se trouve dans les absences de Jean-Baptiste Calvignac causées par ses obligations d'élu municipal. Ce licenciement est considéré par les mineurs comme une remise en cause du suffrage universel et des droits réels de la classe ouvrière à s'exprimer en politique.
Les ouvriers se mettent en grève pour défendre leur maire. Le président Sadi Carnot envoie l'armée 1 500 soldats au nom de la liberté du travail. En plein scandale de Panama, la République semble ainsi prendre le parti du patronat contre les grévistes.
Dans ses articles à la Dépêche, Jean Jaurès soutient, aux côtés de Georges Clemenceau, la grève. Il accuse la République d'être aux mains de députés et ministres capitalistes favorisant la finance et l'industrie aux dépens du respect des personnes. Durant cette grève, il fait l'apprentissage de la lutte des classes et du socialisme. Arrivé intellectuel bourgeois, républicain social, Jean Jaurès sort de la grève de Carmaux acquis au socialisme.
Sous la pression de la grève et de Jaurès, le gouvernement arbitre le différend Société des mines de Carmaux-Calvignac au profit de ce dernier en lui donnant un congé illimité pour qu'il exerce ses fonctions de maire. Solages démissionne de son siège de député et provoque l'élection anticipée de janvier 1893. Jaurès est alors désigné par les ouvriers du bassin pour les représenter à la Chambre. Il est élu le 8 janvier 1893 comme socialiste indépendant malgré les votes ruraux de la circonscription.

Le premier mandat comme député socialiste de Jaurès 1893-1898

Désormais, Jean Jaurès représente à la chambre des députés les mineurs de Carmaux. Il milite avec ardeur contre les lois scélérates. Surtout, Jaurès se lance dans une incessante et résolue défense des ouvriers en lutte. Il défend les verriers d'Albi, renvoyés par leur patron Rességuier. Ce qui lui vaut l'ouverture d'une information judiciaire pour entrave à la liberté de travail, abandonnée fin 1895. C'est aussi à l'occasion de la découverte de fonds venant de hauts lieux chez un anarchiste de retour de Carmaux pas clair qu'il se lance dans un discours à la Chambre, le 30 avril 1894, dans lequel il dénonce la politique répressive du gouvernement, la censure du Père Peinard, consacré presque tout entier à injurier les députés socialistes, le deux poids deux mesures avec, d'un côté, la censure des journaux et députés socialistes, de l'autre la tolérance de discours également contestataires de certains catholiques Albert de Mun, l'article La Bombe dans La Croix de Morlay, les articles de La Croix ou l'article du Père Marie-Antoine publié dans L'Univers puis dans L'En-dehors et titré Le Christ et la Dynamite, qui évoquait la propagande par le fait) et enfin l'usage des agents provocateurs :
C’est ainsi que vous êtes obligés de recruter dans le crime de quoi surveiller le crime, dans la misère de quoi surveiller la misère et dans l’anarchie de quoi surveiller l’anarchie. Interruptions au centre. — Très bien ! très bien ! à l’extrême gauche.
Et il arrive inévitablement que ces anarchistes de police, subventionnés par vos fonds, se transforment parfois — comme il s’en est produit de douloureux exemples que la Chambre n’a pas pu oublier — en agents provocateurs.
Et d'évoquer un certain Tournadre, actif lors des grèves de 1892, qui avait proposé aux ouvriers de Carmaux des fonds pour acheter de la dynamite et éventuellement de s'enfuir ensuite en Angleterre : or, selon Jaurès, alors que Tournadre avait répondu aux ouvriers qu'il avait des amis capitalistes à Paris, les perquisitions menées chez Tournadre à Carmaux avaient conduit à la découverte de deux lettres, l'une du baron de Rothschild, l'autre de la duchesse d'Uzès. Malgré ce discours, la Chambre vota dans une large majorité la confiance au gouvernement. Dans le sillage de la grève des mineurs de Carmaux, il participe, en 1895, à celle des verriers de la ville, déclenchée par le licenciement de deux syndicalistes par le patron de la verrerie, Eugène Rességuier. Cette grève aboutira à la fondation de la Verrerie ouvrière d'Albi, premier grand exemple d'entreprise autogérée.
Durant ce mandant Jean Jaurès dénonça l'indifférence européenne et française aux massacres des Arméniens en Asie mineure organisés par le Sultan, dans un discours devant l'Assemblée nationale le 3 novembre 1896, particulièrement visionnaire dix-neuf ans avant le génocide dit de 1915.
Dans le Languedoc viticole, il visite les Les Vignerons Libres de Maraussan qui créent la première cave coopérative. Aux élections de 1898, il est battu par le marquis Jérôme de Solages, héritier du fondateur de la Compagnie de Carmaux.

1898-1914 : Jaurès, le leader socialiste français

L'affaire Dreyfus

Au début de l'affaire Dreyfus, Jaurès est convaincu de la culpabilité du capitaine Dreyfus. Il utilise même la sentence de déportation, qu'il juge clémente, pour dénoncer l'incohérence de la justice militaire dans un discours à l'assemblée, le 24 décembre 1894 où il déclare que le capitaine Dreyfus, convaincu de trahison par un jugement unanime, n'a pas été condamné à mort, et le pays voit qu'on fusille sans pitié de simples soldats coupables d'une minute d'égarement, de violences ». Selon les termes de l'historien Michel Dreyfus, « Jaurès estime au début de l'Affaire] que si Dreyfus n'est pas condamné à mort, c'est parce que l'"immense effort juif" fait en sa faveur n'a pas été tout à fait "stérile" et qu'il a bénéficié du "prodigieux déploiement de la puissance juive".
Face à la campagne de révision, Jaurès reste donc au départ en retrait. Par la suite, il s'engage véritablement comme défenseur de Dreyfus. En définitive, la haine de l'antisémitisme ne semble pas avoir joué un rôle "déterminant" dans son engagement en faveur de Dreyfus : c'est bien davantage sa vision de la démocratie, ainsi que sa volonté de rallier la jeunesse qui l'auraient poussé en ce sens. Dès lors, le combat de Jaurès en faveur de Dreyfus devient décisif. Le J'accuse de Zola ne paraît pas avoir été l'élément déclencheur : il refuse encore de s'engager, le 20 janvier 1898, entre les "cléricaux" qui voudraient utiliser l'Affaire contre les Juifs, les protestants ainsi que les libres penseurs, et les "capitalistes juifs" qui, discrédités par de nombreux "scandales", cherchent à se réhabiliter puis évoque encore en juin la race juive, concentrée, passionnée, subtile, toujours dévorée par une sorte de fièvre du gain quand ce n'est pas par la fièvre du prophétisme, qui manie avec une particulière habileté le mécanisme capitaliste, mécanisme de rapine, de mensonge, de corruption et d'extorsion.
L'évènement décisif est la révélation, fin août 1898, du faux commis par le commandant Henry29 : Jaurès s'engage alors avec passion dans la défense de Dreyfus. Pour lui, l'affaire est non seulement un problème de justice individuelle, mais surtout de respect de l'humanité elle-même. En effet, elle pose le problème du mensonge et de l'arbitraire des grandes institutions, notamment de l'armée qui entend avoir une « justice » séparée. En outre, elle est utilisée par les droites catholique et nationaliste pour renverser la République. Il s'oppose alors à certains autres socialistes, dont Jules Guesde pour qui Dreyfus est un officier bourgeois dont la défense ne serait pas prioritaire le souvenir de la répression sanglante de la Commune de Paris, et d'autres révoltes ouvrières, est pour beaucoup dans la défiance de militants ouvriers envers la cause d'un officier. Jaurès, dans un ouvrage dreyfusard, Les Preuves, écrit : Si Dreyfus a été illégalement condamné et si, en effet, comme je le démontrerai bientôt, il est innocent, il n'est plus ni un officier ni un bourgeois : il est dépouillé, par l'excès même du malheur, de tout caractère de classe; il n'est plus que l'humanité elle-même, au plus haut degré de misère et de désespoir qu'on puisse imaginer. ... Nous pouvons, sans contredire nos principes et sans manquer à la lutte des classes, écouter le cri de notre pitié; nous pouvons dans le combat révolutionnaire garder des entrailles humaines; nous ne sommes pas tenus, pour rester dans le socialisme, de nous enfuir hors de l'humanité.
Mais pour Jaurès, l'accablement de malheurs et d'injustices dont Dreyfus est victime font de lui un homme qui souffre des persécutions de la caste militaire, qui est le gardien armé du Capital, et donc l'ennemi du prolétariat.
Avec l'affaire Dreyfus, Jaurès devient un homme politique à l'influence nationale.

Le socialiste, soutien de la République 1898-1904

Battu aux élections de 1898 l'installation de la Verrerie ouvrière à Albi et son ardente défense de Dreyfus ont provoqué sa défaite, Jaurès se consacre au journalisme et devient codirecteur de La Petite République, un journal socialiste républicain. C'est dans les colonnes de ce journal qu'il publie Les preuves relatives à l'affaire Dreyfus. Par ses articles, il soutient le gouvernement Waldeck Rousseau de Défense républicaine, qui associe à son action, pour la première fois dans l'histoire de la République, un socialiste, Alexandre Millerand, nommé au commerce et à l'industrie. Parallèlement, il dirige une Histoire socialiste de la France contemporaine Éditions Rouff pour laquelle il rédige les volumes consacrés à la Révolution française 1901-1908.
En 1902, Jean Jaurès participe à la fondation du Parti socialiste français. La même année, il parvient à reconquérir le siège de député de Carmaux qu'il conserve d'ailleurs jusqu'à sa mort réélu en 1906, 1910 et 1914. Son talent d'orateur lui permet de devenir le porte-parole du petit groupe socialiste de l'Assemblée nationale.
Jaurès et son Parti socialiste français s'engagent nettement en faveur du Bloc des gauches et du gouvernement Combes 1902-1905. Jaurès participe à la rédaction de la loi de séparation des Églises et de l'État décembre 1905. Cependant, Jaurès et les autres socialistes sont déçus par la lenteur des réformes sociales. Le dynamisme du Bloc des gauches s'épuise. Jaurès, vice-président de la Chambre en 1902, n'est pas réélu à cette fonction en 1904. Le rapprochement politique avec un gouvernement « bourgeois » allant jusqu'à la participation gouvernementale est, de plus, condamné par l'Internationale Socialiste.

La création de l'Humanité et l'unification du mouvement socialiste

En 1904, Jaurès fonde le quotidien L'Humanité qu'il dirige jusqu'à sa mort. L’équipe qui lance le journal avec Jaurès n’est pas composée de journalistes en titre, mais d’intellectuels qui ont vécu aux côtés du député socialiste trois combats victorieux : le droit ouvrier à la politique, bafoué à Carmaux par le marquis de Solages, et qui s’impose en 1892 ; la justice rendue au capitaine Dreyfus ; la liberté de conscience, objet d’un débat qui fait rage en 1904, et qui sera inscrite, dans la loi de séparation des Églises et de l’État. De grandes plumes s’associent au projet : Anatole France, Octave Mirbeau, Jules Renard.
Jaurès sous-titre son journal quotidien socialiste et l'utilise pour accélérer l'unité socialiste. Celle-ci est réalisée sous la pression de la Deuxième Internationale au Congrès du Globe avril 1905 avec la création de la Section française de l'Internationale ouvrière SFIO, unifiant les différentes sensibilités socialistes de France.
Jaurès partage la direction de la SFIO avec le marxiste Jules Guesde. La SFIO fait sien le constat de la lutte des classes, et s'affirme clairement internationaliste. Pour l'unité, Jaurès a accepté l'abandon du soutien au gouvernement. Mais, il a obtenu des guesdistes l'insertion de la SFIO dans la démocratie parlementaire. Dirigeant politique important, il engage le dialogue avec les syndicalistes révolutionnaires de la CGT. En 1914, la SFIO rassemble 17 % des voix et obtient 101 sièges de députés.

Le pacifisme

Jaurès lutte contre la venue de la guerre les dix dernières années de sa vie. Il est très préoccupé et inquiet face à la montée du nationalisme et aux rivalités entre les grandes puissances surtout pendant les guerres balkaniques en 1912-1913. En 1910, il rédige une proposition de loi consacrée à l’armée nouvelle, dans laquelle il préconise une organisation de la Défense nationale fondée sur la préparation militaire de l’ensemble de la nation. Il s'inspire alors du livre de 1905 L'Armée nouvelle, ce qu'elle pense, ce qu'elle veut du capitaine Mordacq, qui deviendra un des principaux collaborateurs de Georges Clemenceau à la fin de la Grande Guerre. Jaurès est un cas singulier : pacifiste, mais passionné par la défense, par la stratégie militaire, et qui inspirera, au titre de la nation armée, le Vietnamien Ho Chi Minh ! Ainsi, dans le livre à l’origine de sa proposition de loi, il préconise la constitution d’une armée défensive, de milices, entraînée dans le monde civil, liée à la nation, le contraire de l'armée de caserne. Ses adversaires ont beau jeu de lui objecter qu’une armée de milices, ne pouvant assurer une discipline et un entraînement comparables à l'armée classique, se débanderait rapidement face à la machine de guerre allemande, la plus puissante du monde à l'époque. De fait, c'est bien l'armée d'active qui jouera le rôle décisif à la bataille de la Marne, les divisions de réserve nécessitant de longues semaines pour s'aguerrir.
Jaurès mène une vigoureuse campagne contre la Loi des trois ans de service militaire, défendue ardemment par le député Émile Driant. La loi est votée en 1913, malgré le rassemblement du Pré-Saint-Gervais le 25 mai 1913, où Jaurès fait un discours devant 150 000 personnes.
L'année 1914 semble relancer les espoirs de paix : la guerre dans les Balkans est finie, les élections en France sont un succès pour les socialistes. Mais l'attentat de Sarajevo le 28 juin 1914 et l'ultimatum autrichien à la Serbie du 23 juillet 1914 relancent les tensions entre les grandes puissances.
Jaurès tente d'infléchir, dans un sens favorable à la paix, la politique gouvernementale. Il rappelle le mot d'ordre de grève générale décidé par l'Internationale ouvrière en cas de déclenchement de la guerre.

Assassinat du 31 juillet 1914

Le pacifisme de Jaurès le fait haïr des nationalistes. Pendant la journée du vendredi 31 juillet 19148, il tente, d'abord à la Chambre des Députés, puis au ministère des Affaires étrangères, de stopper le déclenchement des hostilités. En fin d'après-midi, il se rend à son journal L'Humanité pour rédiger un article, qu'il conçoit comme un nouveau J'accuse. Avant la nuit de travail qui s'annonce, il descend avec ses collaborateurs pour dîner au Café du Croissant, rue Montmartre. Vers 21 h 40, un étudiant nationaliste déséquilibré, Raoul Villain, tire deux coups de feu par la fenêtre ouverte du café et abat Jaurès à bout portant.
Cet assassinat facilite le ralliement de la gauche, y compris de beaucoup de socialistes qui hésitaient, à l'« Union sacrée. La grève générale n'est pas déclarée.
Le 29 mars 1919, le meurtrier de Jaurès est acquitté, dans un contexte de fort nationalisme. La veuve de Jaurès est condamnée aux dépens paiement des frais du procès.

Les idées socialistes de Jaurès : le jaurésisme

Jules Guesde, Paul Lafargue, Léon Blum, Léon Gambetta, Jules Ferry, Édouard Vaillant et Jean Allemane.

Le socialisme de Jean Jaurès mêle le marxisme aux traditions révolutionnaires et républicaines françaises. Le socialisme de Jaurès est souvent qualifié d'« humaniste », avec ses références constantes à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à la Révolution française, dont il fut l'historien.
Jaurès retient du marxisme l'idée du danger de la concentration capitaliste, la théorie de la valeur et la nécessité de l'unité du prolétariat. Jaurès est évidemment favorable à des lois de protection sociale. Il souhaite aussi une collectivisation volontaire et partielle. Il veut la démocratisation de la propriété privée, et non sa destruction, et il est attentif aux mouvements coopératifs verrerie ouvrière d'Albi.
Socialiste, Jaurès dénonce le contraste entre l’énorme misère du prolétariat industriel et l’insensibilité sociale de la bourgeoisie. Pendant une longue époque du xixe siècle, la défense égoïste de ses privilèges a poussé la bourgeoisie à vouloir imposer le silence au prolétariat en lui interdisant le droit de grève et le droit syndical qui ne sera reconnu qu'en 1884. Dans son livre intitulé Jean Jaurès, un combat pour L'Humanité, Pascal Melka montre en quels termes Jaurès dénonce cette situation dans sa plaidoirie au procès qui a opposé en 1894 le journaliste Gérault-Richard au président de la République Jean Casimir-Périer :
Et vous vous étonnez de la véhémence de nos paroles, de la force de nos accusations ! Mais songez donc que nous parlons au nom d’un siècle de silence ! Songez donc qu’il y a cent ans il y avait dans ces ateliers et dans ces mines des hommes qui souffraient, qui mouraient sans avoir le droit d’ouvrir la bouche et de laisser passer, en guise de protestation, même leur souffle de misère : ils se taisaient. Puis un commencement de liberté républicaine est venu. Alors nous parlons pour eux, et tous leurs gémissements étouffés, et toutes les révoltes muettes qui ont crié tout bas dans leur poitrine comprimée vibrent en nous, et éclatent par nous en un cri de colère qui a trop attendu et que vous ne comprimerez pas toujours.
Jaurès conçoit, par ailleurs, le passage au socialisme dans le cadre de la République parlementaire. Attaché aux traditions républicaines françaises, il n'est cependant pas centralisateur comme le montrent ses idées sur l'enseignement des langues régionales.
L'historien Michel Winock rappelle : Ce qui est remarquable, c'est qu'il rend hommage à tous les camps. Ce n'est pas un sectaire. Par exemple, à propos des droits de l’homme et du citoyen, les marxistes disent que ce sont des droits formels, un masque qui rejette dans l'ombre les vraies motivations, c'est-à-dire la défense des intérêts de la bourgeoisie. Ce n'est pas du tout l'avis de Jaurès. Lors de l'affaire Dreyfus, alors que le socialiste et marxiste Jules Guesde juge que le prolétariat n'a pas à défendre un bourgeois, Jean Jaurès s'engage en sa faveur, écrivant : Nous ne sommes pas tenus, pour rester dans le socialisme, de nous enfermer hors de l'humanité.
Le réveil des études jaurésiennes a mis en évidence, après une longue période vouée surtout à l'hagiographie, parfois même à l'oubli, l'importance exceptionnelle du fondateur de L'Humanité. Au portrait du vieux socialiste barbu, aux échos de son éloquence chaleureuse, plus ou moins démodée, se substituent peu à peu de nouvelles images. Si l'on s'est mépris sur le personnage, cela tient essentiellement à deux raisons : d'une part, la dualité de la tradition politique issue de Jaurès – tradition social-démocrate, tradition communiste – a longtemps transformé en champ clos l'histoire de sa vie et le sens de son message ; d'autre part, son œuvre écrite, immense, mais fragmentaire, reste dispersée, si bien que son action militante est connue plutôt par la légende que par de solides études. Une fin tragique fait peser sur la vie de Jaurès l'incertitude et l'ambiguïté. Mieux vaut tenter de donner une idée des multiples aspects de la personnalité d'un homme que Barrès admirait, que Péguy aima en sa jeunesse. L'assassinat de Jaurès se heurta d'abord à l'incrédulité, puis à la certitude que, lui mort, la lutte contre la guerre perdait son sens.

Formation d'un militant

Jaurès est né à Castres dans le Tarn, aux confins du Massif central et du Midi languedocien. Le département est essentiellement rural, comme presque tout le sud-ouest de la France : une majorité de petits paysans y vivent, soumis en fait à quelques familles royalistes ou bonapartistes – les Reille, les de Solages. Dans les villes, une moyenne bourgeoisie, généralement catholique et peu portée au socialisme, à laquelle appartiennent les grands-parents de Jaurès, fournit les cadres de la société : il y a même des amiraux dans sa famille. Initié à la langue occitane et à la vie des champs, brillant élève, il échappe bientôt à la condition paysanne et provinciale, sans jamais se dégager vraiment du Midi : il sera professeur à Albi, puis à la faculté des lettres de Toulouse et représentera à la Chambre le département du Tarn.

L'évolution d'un intellectuel

Boursier, il est reçu premier à l'Ecole normale supérieure en 1878 et passe l'agrégation de philosophie en 1881. Sa culture, essentiellement littéraire et classique, l'apparente à ses condisciples : beaucoup resteront ses amis jusqu'à sa mort. La vie politique exerce sur lui un attrait irrésistible : dans les années 1880, il admire Gambetta et Ferry. En 1885, le « canard » se jette à l'eau et entre à la Chambre comme député centre gauche du Tarn. Mais le milieu parlementaire, médiocre, sans idéal, sans perspective, le déprime, l'éloigne de tout désir de se commettre avec la bourgeoisie pour faire carrière. Battu aux élections de 1889, il se consacre pendant trois ans à la rédaction de ses thèses de philosophie. La préparation de sa thèse secondaire, en latin (De primis socialismi germanici lineamentis apud Lutherum, Kant, Fichte et Hegel), sur les origines du socialisme allemand, l'amène à lire Hegel, Fichte, les socialistes prémarxistes, à aborder Lassalle et Marx. Il médite longuement, sans encore s'engager. Sa thèse principale sur « la réalité du monde sensible », apparemment sans relation avec la vie publique, en constitue en fait, pour une grande part, le substrat philosophique : la politique sera aussi pour lui la médiation de la métaphysique dans le monde.

La découverte du prolétariat

Le prolétariat n'est guère présent à Castres. En 1885, sa première campagne électorale conduit Jaurès à Carmaux, ville de verriers et de mineurs récemment venus de la campagne et soumis au bon vouloir du marquis de Solages qui administre la mine et représente la ville au Parlement. En 1892, Jaurès comprend la signification de la lutte des classes en défendant les mineurs en grève qui protestent contre le renvoi de leur maire et responsable syndical, Jean-Baptiste Calvignac. Élu député de l'arrondissement en janvier 1893, Jaurès restera jusqu'à sa mort – sauf entre 1898 et 1902 – le député des mineurs et des paysans de Carmaux, c'est-à-dire, comme le montre l'analyse des votes, l'élu du prolétariat ouvrier de la ville et de ses environs.
Il en prend la responsabilité entière : soutien quotidien des revendications ouvrières, participation aux manifestations syndicales et politiques locales, campagnes électorales, toujours difficiles, au cours desquelles il arrive que sa vie soit en danger. Il a découvert la lutte des classes et reste convaincu que, dans une société déchirée par la propriété privée, le prolétariat n'est pas seulement une victime mais la force décisive pour toute transformation sociale, celle qui, en créant les bases du socialisme, réconciliera les hommes entre eux et en eux.

Au tournant du siècle. Les nouvelles responsabilités nationales

Les écrits et les actes de Jaurès, entre 1893 et 1898, expriment une foi très vive, presque messianique, dans l'imminence de la révolution, foi qu'il partage avec la grande majorité des socialistes français, en particulier avec les guesdistes, sur le programme desquels, sans adhérer à leur parti, il a été élu député. Cependant, la reprise de l'expansion économique, la contre-attaque de la bourgeoisie opportuniste avec Casimir-Perier, Méline, Charles Dupuy, la découverte, pendant l'affaire Dreyfus, à laquelle il se consacre entièrement en 1898-1899, de la puissance de l'appareil d'État – armée, justice – l'amènent à une vue plus proche du réel : sans rien renier du socialisme, il faut d'abord consolider la République et travailler à l'unité.

L'unité socialiste

Réaliser l'unité, ce n'est pas seulement créer une force politique nouvelle indispensable pour la lutte, c'est aussi répondre à l'unité de nature du prolétariat : sur ce plan, Jaurès, si souvent maltraité par les marxistes français et allemands, si vivement critiqué par Engels et Rosa Luxemburg, et si étrange aux yeux de Lénine, est profondément marxiste. Seule d'ailleurs, pense-t-il, l'unité socialiste permettra à la classe ouvrière de pratiquer une large politique d'alliances, de regrouper autour d'elle la paysannerie en difficulté et les intellectuels que leurs origines sociales n'empêchent pas d'être accessibles à la nécessité de renouveler profondément la pensée traditionnelle.
Mais l'unité ne peut se faire que dans et par la République, car, « sans la République, le socialisme est impuissant, et sans le socialisme, la République est vide ». Nécessité qui lui paraît liée en France à la grande tradition de 1789-1793 : il s'en fait l'historien dans l'Histoire socialiste de la Révolution française (1901-1904), histoire marxiste, nationale en même temps que républicaine.
La mise en œuvre de l'unité est difficile : le morcellement du socialisme français n'est pas le résultat du hasard ni de la seule mauvaise volonté des hommes. De 1899 à 1904, Jaurès est littéralement déchiré entre les exigences de la « défense républicaine » et celles du socialisme révolutionnaire : il choisit la première comme une étape nécessaire, et devient le « saint Jean Bouche d'Or » du bloc des gauches. Bientôt les appels de la base et de l'Internationale, la conscience que la politique du bloc a épuisé ses effets, les débuts de la tension diplomatique européenne et les espoirs nés de la première révolution russe le poussent à mettre à nouveau au premier plan « le beau soleil de l'unité socialiste ». Celle-ci se réalise en avril 1905.

Jaurès, la S.F.I.O. et la C.G.T.

La constitution de la S.F.I.O. (Section française de l'Internationale ouvrière) confère à Jaurès de nouvelles responsabilités nationales, non qu'il en soit le leader incontesté : jusqu'en 1908 au moins, et même, à bien des égards, jusqu'en 1912, les diverses tendances luttent entre elles et Jaurès, malgré L'Humanité fondée en avril 1904 et dont il a gardé la direction, est souvent récusé, dans l'appareil du parti surtout. Peu à peu, il consolide son influence, s'appuyant largement sur l'immense popularité que ses dons oratoires, sa compétence en tout domaine, son courage et son total dévouement lui valent dans les masses populaires. Meetings à Paris et en province, activité parlementaire harassante, direction du journal. Allié souvent au vieux communard Édouard Vaillant, tant respecté dans la fédération de la Seine du parti, il tente d'amener le socialisme français à assumer ses responsabilités nationales et internationales.
Il s'agit d'abord pour lui de faire progresser, par-delà l'unité socialiste, l'unité ouvrière avec la C.G.T. (Confédération générale du travail). Jaurès a été le principal artisan du rapprochement entre le parti et les syndicats car il approuve la C.G.T. de ne pas se confiner dans les luttes corporatives. En France, comme il le dit en 1912 au congrès de Lyon, le capitalisme n'est pas assez fort pour que « la pensée prolétarienne agisse pour ainsi dire par sa propre masse. [...] Nous aurons besoin que, dans notre classe ouvrière, plus dispersée, plus mêlée de paysannerie plus ou moins conservatrice, de petite bourgeoisie et de petite paysannerie [...] circule la force du vieil idéal révolutionnaire qui a sauvé la France. » Ce grand parlementaire est souvent plus révolutionnaire que la plupart de ses camarades guesdistes.
Il est vrai que l'effritement du régime des partis traditionnels l'accable : de 1906 à 1914, du côté de Georges Clemenceau comme du côté d'Aristide Briand, l'influence du capitalisme pénètre la démocratie parlementaire de telle façon qu'elle se disloque et que, dans ses cadres, se meuvent maintenant, victorieux, les adversaires du progrès. D'autant plus lourdes lui apparaissent les responsabilités du socialisme et les siennes propres.

Une dimension internationale

Pour assumer ces responsabilités, Jaurès ne voit que l'Internationale. Certes elle n'a pas à dicter leur conduite aux partis nationaux, mais à ses yeux elle est plus qu'un club de discussion, « une force intermittente et superficielle ». Il lui faut mobiliser l'opinion publique et proposer des règles, des moyens d'action. Seule, en effet, pense-t-il, la classe ouvrière, internationalement organisée, peut mettre un terme au processus de dégradation dont l'histoire contemporaine porte témoignage. Que les militaires, au Maroc, fassent haïr le nom de la France, que les radicaux attachés au monde des affaires laissent s'opérer le rapt d'immenses terres en Tunisie, ou maintiennent au Vietnam des monopoles écrasants pour les indigènes, que les civilisations les plus belles en Asie, en Afrique soient ignorées, voire méprisées par ceux qui devraient être les porteurs de l'universalisme du XVIIIe siècle, Jaurès s'en désespère, mais considère tous ces problèmes comme internationaux.
« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage » ; la guerre peut jaillir des gouffres coloniaux, la politique des blocs peut déboucher sur le massacre, la pratique de l'arbitrage peut échouer. Nul, jusqu'à la fin de 1912 au moins, jusqu'au congrès de Bâle, et sans doute jusqu'en 1914, n'a vécu aussi dramatiquement l'approche de la guerre, et c'est du côté du mouvement ouvrier qu'il a cherché l'appui décisif. De congrès en congrès, auprès du Bureau socialiste international dans l'intervalle, il tente d'obtenir de l'Internationale le vote de motions précisant les moyens à employer pour empêcher la guerre. L'opposition de la social-démocratie allemande fait échouer au congrès de Stuttgart (1907), puis au congrès de Copenhague (1910) l'appel à la grève générale ouvrière contre la guerre. Jaurès savait bien d'ailleurs qu'il s'agissait d'une pédagogie à long terme plus que d'une pratique immédiatement efficace.
Il meurt en plein échec : la démocratie politique, loin de s'épanouir en démocratie sociale, s'est altérée en France, la colonisation est devenue une affaire Dreyfus permanente, les forces de paix ont été battues. Mais le socialisme a vécu unifié quelques brèves années, les sectes se sont désectarisées, l'action de masse s'est développée. On se réclame toujours de Jaurès.
Innombrables sont les questions qui se posent et qui portent moins sur les faits, encore mal connus pourtant, que sur l'interprétation qu'on en donne ou sur des intentions supposées. Par exemple, qu'eût fait Jaurès en août 1914 ? Sa mort au moment du choix décisif laisse planer finalement le mystère sur son orientation. Certains invoquent son profond patriotisme – si sensible dans son livre-testament, L'Armée nouvelle – et la confiance qu'il garda jusqu'à la fin dans les nations libérales pour conclure qu'il eût, sans aucun doute, rallié l'Union sacrée. D'autres soulignent la sévérité avec laquelle il jugeait depuis des années la politique de la France et de la Russie et son attachement presque pathétique à l'Internationale pour penser que la vague d'Union sacrée l'eût peut-être épargné, ou en tout cas, qu'il fût vite devenu « minoritaire ». Qu'eût-il fait enfin devant la Révolution russe ? Questions évidemment vaines, mais qui montrent l'influence qu'eut l'homme.
D'autre part, la grande amitié qui liait le jeune disciple qu'était Péguy au maître déjà mûr, Jaurès, débouche en quelques années, du côté de Péguy, sur la rupture et la haine, sur l'appel à l'échafaud. Conflit personnel et passionné : deux philosophies, deux tempéraments sont face à face. L'historien doit s'efforcer de mieux saisir, à travers ce débat, ce que furent, après 1900, la crise du dreyfusisme et la montée du nationalisme, et ce que signifiait aussi le combat mené par Jaurès.
Il faut également aborder le problème du réformisme de Jaurès. Le mot d'abord est obscur : pour certains, « réformiste » veut dire « qui révise Marx ». Le vocable est alors inadéquat : Jaurès ne se réclama jamais exclusivement de Marx, et n'entreprit pas de le réviser d'une manière systématique. Au contraire, dans une conférence célèbre prononcée en 1900, il défendait contre Bernstein la théorie marxiste de la valeur. Pour d'autres, qualifier Jaurès de réformiste, c'est mettre l'accent sur son « socialisme démocratique » – dont la S.F.I.O. après la scission se considérera comme l'héritière – ou sur le « socialisme des intellectuels » dont il aurait été le porte-parole. À quoi d'autres répondent en soulignant l'importance des concepts de parti et de prolétariat pour Jaurès et en mettant en évidence ce que sa pratique eut souvent de révolutionnaire.
Enfin, Jaurès est-il le dernier socialiste du XIXe siècle ou le premier du XXe ? Par son optimisme évident, sa croyance au progrès et aux valeurs humanistes, son ardent républicanisme, il appartient incontestablement au siècle finissant. Par sa mélancolie secrète, sa confiance passionnée dans le peuple, l'originalité prémonitoire de son œuvre historique et la vitalité sans relâche de son militantisme, il est déjà un homme de notre temps. Madeleine Rebérioux

Mémoire de Jaurès Hommages politiques

En 1917, Léon Trotski écrit un éloge de Jean Jaurès qu'il conclut par ces mots : Jaurès, athlète de l'idée, tomba sur l'arène en combattant le plus terrible fléau de l'humanité et du genre humain : la guerre. Et il restera dans la mémoire de la postérité comme le précurseur, le prototype de l'homme supérieur qui doit naître des souffrances et des chutes, des espoirs et de la lutte.
À l'issue de la Grande Guerre et de ses massacres, de nombreuses communes françaises baptisent des rues et des places en l'honneur de celui qui fut un grand défenseur de la paix. À Castres, sa ville natale, le collège où il étudia porte également son nom. De plus, la principale place de la ville qui s'appelait "Place Nationale" a été rebaptisé "Place Jean Jaurès" en 1920. Deux stations du métro de Paris Jaurès et Boulogne — Jean Jaurès portent aussi son nom : la première fut ainsi en urgence baptisée dès le 1er août 1914 en remplacement du nom rue d'Allemagne. Une station du métro toulousain, du Métro de l'agglomération de Lille et une station du Métro de Lyon portent aussi son nom, tout comme un arrêt de tram de la Ligne C de Strasbourg et également l'une des places principales de la ville de Saint-Étienne. De nombreuses écoles et de nombreux collèges et lycées portent également son nom. Une rue de Buenos Aires porte également son nom. Une rue importante de Tunis porte son nom hommage de Bourguiba à Jaurès.
En 1924, la décision du transfert de la dépouille de Jean Jaurès au Panthéon est l'occasion pour le gouvernement du Cartel des gauches qui vient d'être élu de se donner un ancrage symbolique tout en rendant hommage à celui qui a tenté d'empêcher la guerre. Le dimanche 23 novembre 1924, sa dépouille est conduite au Panthéon lors d'une grandiose cérémonie à laquelle participent les mouvements politiques de gauche, excepté le Parti communiste français, exclu de la cérémonie officielle, qui organise sa propre manifestation et proteste contre la récupération de Jaurès.

Tombe de Jean Jaurès au Panthéon de Paris

Le 21 mai 1981, François Mitterrand, nouvellement élu Président de la République se rend au Panthéon et s'incline devant la tombe de Jaurès, puis de Victor Schœlcher et de Jean Moulin. En 1988, François Mitterrand inaugure le Centre national et musée Jean Jaurès
Œuvres artistiques honorant la mémoire du tribun socialiste
Le Parti socialiste a choisi d'appeler sa fondation politique, la Fondation Jean-Jaurès.
Pour commémorer le centième anniversaire de l'assassinat de Jean Jaurès, le journal l'Humanité a décidé d'éditer un agenda 2014 autour de la figure de Jean Jaurès.
Les papiers personnels de Jean Jaurès sont conservés aux Archives nationales sous la cote 437AP

Hommages artistiques

La chanson de Jacques Brel intitulée Jaurès 1977, reprise par la suite par Manu Dibango puis par Francesca Solleville, Zebda et Erik Marchand, rappelle à quel point l'homme politique était devenu une figure mythique des classes populaires. En 2005, un téléfilm lui est consacré : Jaurès, naissance d'un géant, de Jean-Daniel Verhaeghe avec Philippe Torreton et Valérie Kaprisky. De nombreuses statues de Jean Jaurès ont été érigées dans les villes de Castres, Carmaux, Suresnes, etc.
L'artiste Jihel a rendu de nombreux hommages à Jean Jaurès au travers de dessins qui se trouvent pour la plupart au Centre National et Musée Jean Jaurès à Castres, il s'y réfère entre autres dans sa série Ciment de l'histoire. Le poète Serge Pey, a évoqué l'homme politique et le philosophe dans son livre Le trésor de la guerre d'Espagne et lui a également consacré une œuvre permanente dans les nouveaux locaux du conseil régional de Midi-Pyrénées, sous le titre : le Courage de la pensée.
En 2012, l'homme politique est l'effigie d'une pièce de 10 € en argent éditée par la Monnaie de Paris, pour la collection Les Euros des Régions, afin de représenter Midi-Pyrénées, sa région natale. En 2013 Festival d'Avignon est créé le spectacle de Pierrette Dupoyet Jaurès, assassiné deux fois. En 2014, est créé le spectacle « Rallumer tous les soleils : Jaurès ou la nécessité du combat de Jérôme Pellissier, mise en scène Milena Vlach.
En hommage à l'homme politique français, 22 ans après sa mort, La Poste française émet deux timbres.

Critique

La mémoire de Jaurès est utilisée à droite comme à gauche. Dans les années qui ont suivi sa mort, la mémoire de Jaurès fut poursuivie par la droite nationaliste contre-manifestation lors de son entrée au Panthéon. Dans un ouvrage de 2012, Bernard Antony, un auteur d'extrême-droite, parle de l’anticléricalisme de Jaurès, voulant éviter toute sacralisation du personnage.
Jean Jaurès fut également critiqué comme trop bourgeois la communion de sa fille lui fut reprochée, bien que celle-ci ait eu lieu à la seule initiative de sa femme et trop réformiste par une partie de la Gauche révolutionnaire.

Œuvres de Jaurès

De la réalité du monde sensible sa thèse
Les Preuves, 1898, sur l'Affaire Dreyfus
Études socialistes
Vers la république sociale
Préface à L'Application du système collectiviste de Lucien Deslinières, 1898
Les Deux Méthodes, 1900
Histoire socialiste de la Révolution française, 1901-1908
Comment se réalisera le socialisme ?, 1901
Le discours à la jeunesse, 1903
Maudite soit la guerre 1903
Notre but, 1904
La Révolution russe, 1905
La guerre franco-allemande 1870-1871, 1907
L'Alliance des peuples
L'Armée Nouvelle, 1910
Conflit élargi, 1912
Discours de Vaise, 1914
Louis XVI Tallandier, 2005 : extraits de l'Histoire socialiste de la Révolution française ; édition présentée par Max Gallo et mise au point par Lorraine de Plunkett
Œuvres, 5 volumes parus depuis 2000 17 prévus, Fayard.
Jaurès, l'intégrale des articles de 1887 à 1914 publiés dans La Dépêche Privat, 2009, édition mise au point par Rémy Pech, Rémy Cazals, Jean Faury, et Alain Boscus

Bibliographie

Stefan Zweig, Jaurès in "Hommes et destins", Paris, Belfond, 1999, article de 1916
Louis Soulé, La Vie de Jaurès, Toulouse, Librairie de la Dépêche, 1917
Marcelle Auclair, La vie de Jean Jaurès où la France d'avant 1914, Le Seuil, 1954.
Vincent Auriol direction, Jean Jaurès, PUF, 1962.
Henri Guillemin, L'arrière-pensée de Jaurès, Paris, Gallimard, 1966, 234 pages
François Fonvieille-Alquier, Ils ont tué Jaurès !, Paris, Robert Laffont, 1968
Harvey Goldberg, Jean Jaurès, la biographie du fondateur du parti socialiste français, Paris, Fayard, 1970
Jean Rabaut, Jean Jaurès, Paris, Perrin, 1971
Max Gallo, Le grand Jaurès, Paris, Robert Laffont, 1984
Jean Sagnes, Jean Jaurès et le Languedoc viticole, Presses du Languedoc/Max Chaleil Éditeur, 1988.
Gilles Candar, Jean Jaurès. L'intolérable, 1850-1914, Editions l'Atelier, 1989.
Gilles Candar - Madeleine Rebérioux coordination, Jean Jaurès et les Intellectuels, Editions Autrement, 1994.
Madeleine Rebérioux, Jaurès : la parole et l'acte, Gallimard, 1994
Vincent Peillon, Jean Jaurès et la religion du socialisme, Grasset, 2000.
Bruno Antonini, État et socialisme chez Jean Jaurès, L'Harmattan, 2004
Jean-Pierre Rioux, Jean Jaurès, Paris, Perrin, 2005
René Vérard, Jaurès, notre horizon, Corsaire Éditions, 2005.
Dominique Jamet, Jean Jaurès : le rêve et l'action, Bayard, 2009
Jean Sagnes, Jean Jaurès, Aldacom, 2009.
Rémy Pech, Jaurès paysan, Toulouse, Éditions Privat,
Didier Daeninckx, Jean Jaurès : Non à la guerre, Actes Sud Junior, 2010.
Pascal Melka, Jean Jaurès, un combat pour L'Humanité. Etude de sa pensée politique, éditions La Compagnie Littéraire, 2010
Charles Silvestre - Ernest Pignon-Ernest illustrations, Jaurès, la passion du journaliste, éd. Le Temps des cerises, coll. « Petite Collection rouge »,
Rémy Pech - Jean-Michel Ducomte, Jaurès et les radicaux : une dispute sans rupture, Toulouse, Privat, 2011
Bernard Antony, Jaurès, le mythe et la réalité, Éditions Fol'Fer, 2012.
Roger Benjamin, Jean Jaurès - Un philosophe humaniste et personnaliste, un socialiste réformiste et révolutionnaire, Editions l'Harmattan, 2013.
Pierre Clavilier, Jean Jaurès : l'éveilleur des consciences, Éditions du Jasmin, 2013.
Vincent Duclert, Jean Jaurès 1859 - 1914 : la politique et la légende, Edition Autrement, 2013.
Charles Silvestre, La victoire de Jaurès, Éditions Privat, 2013.
Bruno Fuligni, Le monde selon Jaurès, Tallandier, 2014.
Gilles Candar - Vincent Duclert, Jean Jaurès, Fayard, 2014.
Jacqueline Lalouette, Jean Jaurès, Perrin, 2014.
Magali Lacousse, Gilles Candar, Romain Ducoulombier, Elsa Marguin,Jaurès. Une vie pour l'humanité, Paris, Co-édition Beaux-arts, Archives nationales et Fondation Jean-Jaurès, 2014.
Bernard Carayon, Comment la gauche a kidnappé Jaurès, Editions Privat, 2014.
Jean-Paul Scot, Jaurès et le réformisme révolutionnaire, Seuil, 2014.
Yann Harlaut, Yohann Chanoir, Convaincre comme Jaurès. Comment devenir un orateur d'exception, Paris, Eyrolles, 2014.
Doizy Guillaume, Jarnier Jean-Luc, Jaurès, apôtre de la paix, Paris, Hugo-image, 2014, 224 p.

Presse

Le Monde, « Jean Jaurès, un prophète socialiste », hors-série, mars 2014.
L’Humanité (chapitres rédigés par Charles Sylvestre), « Jean Jaurès, une vie pour changer le monde », hors-série, 124 pages, avril 2014.
Politis, « Les grands débats de la gauche depuis Jaurès », hors-série, juin-juillet 2014.
Filmographie
Jean Jaurès, vie et mort d'un socialiste, téléfilm d'Ange Casta en 1979, avec Bernard Fresson dans le rôle-titre.
Jaurès, naissance d'un géant, téléfilm de Jean-Daniel Verhaeghe en 2005, avec Philippe Torreton dans le rôle-titre.
Jaurès. La force de l'idéal, film docu-fictionnel de Didier Baulès en 1995, avec Denis Beaunes dans le rôle-titre.

Iconographie

Augustin Lesieux (1877-1964), Monument à Jean Jaurès, inauguré le 15 août 1929 à Méricourt ;
Monument à Jean Jaurès à Castres ;
Jean Charles Mainardis, Monument à Jean Jaurès, érigé le 11 novembre 2014 devant la mairie de Trappes48 ;
Gabriel Pech, Monument à Jean Jaurès à Carmaux.


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Posté le : 29/07/2016 21:41

Edité par Loriane sur 30-07-2016 11:11:39
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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