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Re: Défi : notre livre (histoire à plusieurs)
Plume d'Or
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L'illustration que tu proposes Lydia me semble bien.

Posté le : 07/03/2013 19:44
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Voir et voire
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Ne pas confondre VOIR et VOIRE




Le verbe voir

On écrit sans e final le verbe voir à l'infinitif.

Il faut le voir pour le croire.

Nous avons demandé à voir les documents avant d'en débattre.
On peut s'assurer que l'on a affaire au verbe si on peut le remplacer par un autre verbe.
Il faut le vivre pour le croire.
Nous avons demandé à étudier les documents avant d'en débattre.



La conjonction voire

On écrit avec un e final la conjonction voire qui sert à unir deux mots ou deux groupes de mots avec une idée de gradation.

Il faudra deux mois, voire trois, pour mener à bien l'opération.

On peut s'assurer que l'on a affaire à la conjonction si on peut la remplacer par et même.
Il faudra deux mois, et même trois, pour mener à bien l'opération.
Voire est souvent accompagné de même. Cette construction est parfois critiquée, bien qu'elle soit en usage depuis plusieurs siècles.
Il faudra deux mois, voire même trois, pour mener à bien l'opération.

---------------------

Voir et Voire -



Ne pas confondre le VERBE voir et la CONJONCTION voire.

Le verbe voir est le verbe à l'infinitif

Aide: pour vous en assurer, remplacez-le par un autre verbe

Je demande à voir le résultat => Je demande à constater le résultat



La conjonction voire sert à unir deux mots, deux groupes de mots ou deux idées avec une notion de gradation.

Aide : on peut la remplacer par et même.

Attention : L'expression d'insistance voire même n'est pas à dire, elle est jugée comme un pléonasme

Il faudra deux semaines, voire trois, pour comprendre ce cours
Il faudra deux semaines, et même trois, pour comprendre ce cours







Posté le : 07/03/2013 16:12
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Re: Défi : notre livre (histoire à plusieurs)
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C'est bien mais "L'Odyssée de Loria" j'aime bien aussi
J'aime cette illustration, je ne sais si cela colle au texte mais je crois que c'est la place du ciel qui m'a fait penser à "notre livre"
A vous de voir.





Cliquez pour afficher l

Posté le : 07/03/2013 11:17

Edité par Loriane sur 07-03-2013 21:58:08
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Re: Proposition de projet : Recueil de textes 2012 de l’orée des rêves (poèmes et textes courts).
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Notre livre étant une nouvelle il intéressera moins d'éditeurs qu'un roman, mais bon il me paraît assez bien pour être édité.

Posté le : 04/03/2013 20:14
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Re: Proposition de projet : Recueil de textes 2012 de l’orée des rêves (poèmes et textes courts).
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Saulot :

Super idée ! je sais pas si le projet "notre livre" peu intéresser les éditeurs, mais en tentant l'aventure de la publication, cela peut permettre sur le mode ludique de recueillir des informations sur le monde de l'édition, informations qui pourraient être utiles pour certains membres du site qui sont dans une véritable démarche de publication...

Posté le : 04/03/2013 19:21
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Alain suite . La philosophie . petit traité.
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La philosophie. Petit traité

Il serait mal aisé de marquer la place que peut actuellement occuper la philosophie (du grec philos, ami, sophia, sagesse) dans l'ensemble des connaissances humaines, si l'on partait de cette idée que chaque genre de connaissances trouve son objet nettement déterminé par la réalité elle-même et est capable d'en épuiser la notion : dans ce cas, les sciences proprement dites pourraient se partager, à l'exclusion de la philosophie, tous les objets positivement donnés ou même positivement concevables. Mais sans sortir du domaine des sciences, il est visible que le même objet peut donner lieu à des modes d'explication différents. C'est ainsi que l'espace peut être compris comme lieu des figures géométriques, comme idée présente à l'esprit, comme condition de la faculté de percevoir, et à ces divers titres relever de disciplines intellectuelles diverses. C'est ainsi encore que les mêmes produits de la culture peuvent, dans certains cas, être étudiés à la fois par l'histoire, la philologie, l'ethnologie, etc. Ce qui définit donc une science, ce n'est pas seulement l'objet qu'elle considère, mais le point de vue auquel elle le considère; ou bien, si l'on tient à exprimer par l'objet d'une science la matière spéciale à laquelle elle applique ses procédés d'investigation, il faut dire que l'objet d'une science n'est jamais tel quel dans les choses, qu'il est un point de vue sur les choses.
Dans ces conditions, du fait que les sciences constituées ou à l'état de formation paraissent être coextensives au monde réel, il ne suit pas que la philosophie soit impossible comme connaissance. Elle le serait ou du moins elle tendrait à le devenir, si elle n'était que la partie du savoir humain restée jusqu'à présent sans organisation positive : elle ne serait qu'un résidu qui irait s'atténuant sans cesse pour se perdre finalement dans le système des sciences organisées. Mais en étendant de plus en plus leur action, les sciences n'ont pas répondu à tous les problèmes que l'on peut se poser sur la réalité qu'elles comprennent d'abord parce qu'elles comprennent cette réalité selon certaines notions fondamentales dont elles sont, chacune prise à part, le développement; il reste à montrer le rapport de ces notions, de façon à expliquer comment, malgré leur diversité, elles ont affaire à un même monde; ensuite parce qu'elles usent de certains procédés d'investigation dont la valeur est pour elles surtout justifiée par leur succès; il reste à rechercher comment ces procédés sont réguliers et dépendent de conditions supérieures à l'empirisme des résultats acquis; en outre, parce qu'elles supposent certains principes généraux qui définissent le genre de liaison qu'elles établissent entre l'esprit et leurs objets; il reste à se demander ce que signifient ces principes, d'où ils viennent, et jusqu'à quel point ils établissent la connexion de l'intelligence et des choses; enfin parce qu'elles n'instituent qu'une vérité en quelque sorte abstraite obtenue par une réduction du réel à leurs points de vue et de l'esprit humain à la seule faculté de connaître; il reste à poursuivre la conception de l'univers qui réintégrerait, dans une science ou utile représentation parfaite, la totalité du réel. Ainsi, unité relative des sciences, nature de leurs méthodes, validité de leurs principes, rapport de leurs objets à l'objet de la science idéale qui comprendrait le tout autant de questions qui se posent sur les sciences, qui souvent sont implicitement posées par les sciences elles-mêmes, et dont non seulement la solution, si elle est possible, mais la légitimité ou l'illégitimité ne sauraient être établies par elles. La vieille formule d'Aristote reste vraie, qu'il faut philosopher, même pour démontrer l'impuissance ou l'inanité de la philosophie.

Les principales conceptions de la philosophie.
Le progrès historique de la pensée philosophique n'a pas seulement consisté dans la recherche d'une formule plus précise de ses problèmes, mais encore dans la recherche de sa méthode. A la vérité, la méthode à employer en philosophie ne saurait, par ses caractères généraux, se distinguer des procédés usités en tout ordre de connaissance : abstraction et détermination, analyse et synthèse, induction et déduction. Il arrive seulement qu'elle s'en distingue parfois par des caractères spécifiques qui tiennent alors et à la nature du problème à résoudre et au sens dans lequel la solution en est poursuivie. Ces caractères spécifiques sont d'autant plus marqués que le philosophe est plus convaincu qu'il y a dans l'intelligence d'autres sources de connaissance (sentiment, intuition intellectuelle) que celles dont dérivent les sciences proprement dites. Dans tous les cas, il serait aussi vain de prétendre régler, hors de l'histoire des doctrines, la nature des méthodes à employer que le sens des problèmes à étudier : presque toujours les systèmes se sont efforcés aussi bien de vérifier des méthodes que de démontrer des vérités. L'exposé des principales définitions qui ont été proposées du mot et de la chose donnera déjà une idée des difficultés auxquelles on s'expose quand on veut expliquer ce qu'on peut entendre par philosophie...

Suivant une tradition rapportée par plusieurs écrivains de l'Antiquité, notamment par Cicéron (Tusc. , V, 3), par Quintilien (Inst. Orat., XII, 1, 19), par Diogène Laërce (I, 12; VIII, 8), c'est Pythagore qui le premier aurait employé, au lieu du mot sagesse, le mot philosophie. L'origine de la tradition remonte à un disciple de Platon, Héraclide de Pont, qui expliquait l'intention de Pythagore en disant que Dieu seul est sage, qu'il appartient à l'humain d'aimer la sagesse et de la poursuivre, non de prétendre la posséder. Il est probable qu'Héraclide, par une fiction qui a été prise plus tard pour une vérité historique, a attribué à Pythagore une pensée socratique et platonicienne (Platon, Apologie, 23 A; Phèdre, 278 D ; le Banquet, 203 E). Quoi qu'il en soit, c'est chez Hérodote que nous trouvons pour la première fois les composés philosophein et philosophia. Hérodote fait dire par Crésus à Solon (I, 30) qu'il a appris ôs philosopheôn gèn pollèn theôriès eineken epelèlythas; il désigne ailleurs (I, 50) par philosophia la connaissance des astres. Chez Thucydide (II, 40), Périclès, dans son oraison funèbre, dit : philokaloumen gar met euteleias kai philosophoumen aneu malakias. Le mot philosophie désigne donc d'abord, et continue à désigner longtemps, dans le sens le plus général, toute culture de l'esprit ou tout produit de l'activité intellectuelle. Isocrate encore appelle son oeuvre (Panég:, ch. I) tèn peri tous logous philosophian. L'usage technique du mot philosophie est loin d'être contemporain des premières recherches qu'aujourd'hui nous qualifions de philosophiques; c'est sous le nom de sophoi ou sophistai, physikai ou physiologoi que sont ordinairement désignés les philosophes de la période antésocratique.
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Le mot philosophie n'a commencé à recevoir une acception précise que dans les doctrines dont Socrate fut le promoteur immédiat. Encore dans les Mémorables trouve-t-on fréquemment le terme sophia considéré comme synonyme d'epistèmè, rarement le terme philosophia. Le passage du Banquet de Xénophon (I, 5) où, par opposition à Callias, disciple des Sophistes, Socrate se donne pour autourgos tès philosophias laisse au mot philosophia son sens général. On peut dire que c'est Platon qui, le premier, en a déterminé le sens restreint.

« Sont philosophes, dit-il ceux qui sont capables d'entrer en contact avec se qui se comporte toujours identiquement selon ses relations constitutives. » (Rep., VI, 484 B, trad. Léon Robin).
Ce qui est toujours de la même manière, c'est ce qui existe véritablement, par opposition à ce qui change et à ce qui, par conséquent, n'a de l'être que l'apparence (Rép., 477 A). La philosophie n'est pas une science particulière, c'est la science totale :
« Ne dirons nous pas aussi du philosophe qu'il a envie de sagesse, non d'une sagesse et pas d'une autre, mais de la totalité de ce qu'elle est? » (Rép., V, 475 B).
Tel est le sens que Platon donne ordinairement au mot philosophia; il lui arrive cependant de l'employer encore dans sa signification indéterminée (Prot. 335 D; Gorgias, 484 C), ou même de lui faire exprimer l'idée d'une science particulière, comme lorsqu'il écrit : « Il y a des esprits qui s'intéressent à la géométrie ou à quelque autre philosophie » (Théétète, 143 D).
Chez Aristote, le mot philosophie désigne souvent la connaissance en général ou des modes spéciaux de la connaissance ; c'est ainsi qu'il est appliqué aux trois sciences théorétiques : la mathématique, la physique, la théologie [c'est-à-dire en l'occurence plutôt la métaphysique] (Mét., E, 1, 1026a, 18) ; mais il désigne de préférence ce qu'Aristote appelle plus précisément philosophie première, c.-à-d. la science de l'être, non pas dans une de ses déterminations particulières, mais de l'être en tant qu'être (Mét., K, 1060b, 31). En ce sens, la philosophie, comme science de ce qui est premier, se distingue nettement des sciences particulières (Mét., F,103a, 22).

La détermination de la philosophie devient chez les philosophes grecs postérieurs beaucoup plus vague, et le sens s'en étend au delà des disciplines spéculatives dont Platon et Aristote avaient marqué l'objet et le caractère. Epicure voit dans la philosophie une énergie qui procure par des discours et des raisonnements la vie bienheureuse (Sext. Empir., Adv. Math., XI, 169). Les Stoïciens disent que la sagesse est la science des choses divines et humaines, que la philosophie est la pratique de la vertu. (Plutarque, De plac. phil., I, proem.).

« Philosophiam studium summae virtutis, summam virtutem sapientiam, sapientiam rerum divinarum humanarumque scientiam esse dicebant. » (Senèque., Ep., 89).
Les Stoïciens ne se bornent pas à faire entrer dans la notion de philosophie toute connaissance, quelle qu'elle soit, comme la grammaire, ou même des arts, tels que la musique; comme ils cherchent à interpréter rationnellement les représentations mythiques et les croyances religieuses, ils voient en elles une part de la philosophie; d'un autre côté, comme ils font de la vertu la fin de la vie humaine, ils considèrent que l'exercice de la vertu en fonde l'explication.
« Philosophiae studium virtutis, sed per ipsam virtulem. » (Sénèque., Epist., 7).
De là une diffusion de la philosophie en deux sens différents de plus en plus éloignés de ce centre d'études théoriques et systématiques qu'avaient fixé la doctrine des Idées et la philosophie première. Sous l'influence d'un goût croissant pour les reconstitutions érudites, et de cette tendance au syncrétisme qui caractérise les dernières tentatives de la pensée grecque, Ia philosophie en vient peu à peu à désigner, chez les néoplatoniciens en particulier, en dehors des conceptions proprement spéculatives, toute révélation poétique ou prophétique des anciens temps, toute superstition théurgique. Enfin le Christianisme adopte ces mots de philosophia, philosophein pour désigner, non seulement sa doctrine, mais encore les diverses formes de la vie ascétique. De telle sorte que le mot de philosophie, non seulement retourna au sens vague qu'il avait avant les efforts méthodiques de la pensée théorique, mais encore s'étend à des genres d'activité intellectuelle et pratique inconnus dans l'ancienne Grèce.
En restaurant la philosophie ancienne pour l'accommoder aux exigences de la foi, le Moyen âge en accepte la notion constitutive, limitée seulement par la reconnaissance d'un accord nécessaire entre elle et les vérités révélées; la philosophie apparaît comme l'encyclopédie des connaissances obtenues avec les seules ressources de la raison humaine.

Cette tradition de l'Antiquité qui avait imposé, soit à l'ensemble des sciences, soit à la science des principes les plus généraux et des causes les plus fondamentales, le nom de philosophie persiste dans les Temps modernes, alors même que la nature et les procédés de la connaissance scientifique sont profondément modifiés. A propos de l'usage qu'il fait du terme métaphysique et d'autres termes analogues, Bacon explique qu'il convient de conserver le vocabulaire des Anciens, tout en le dotant de significations nouvelles; c'est ainsi. remarque-t-il, qu'en politique les façons raisonnables d'innover respectent les noms consacrés des magistratures qu'elles transforment : eadem magistratuum vocabula (De dign. et augm. scient., 1. III, ch. IV). Il est certain que, volontaire ou non, la fidélité au mot philosophie recouvre de profonds changements de régime intellectuel. Pendant une longue période de la pensée moderne, la philosophie n'est pas formellement distinguée de la science; comme l'avaient admis Platon et Aristote, la philosophie, ou bien, dans son sens large, sa confond avec la science même, ou bien, dans son sens étroit, représente la science ramenée à l'intelligencede ses conceptions les plus générales et de ses principes suprêmes; mais une même identité apparente, ou un même rapport apparent de la philosophie avec la science n'a plus la même signification, par le fait que la science a renouvelé presque du tout au tout ses méthodes et orienté autrement ses recherches.

Il arrive même que le mot philosophie désigne justement, par l'exclusion de ce que les Grecs de l'époque classique avaient compris sous ce nom, ce qu'il y a de plus neuf dans l'esprit, les méthodes et les résultats de la science moderne. Ainsi Bacon emploie constamment le mot philosophie pour désigner la science telle qu'il la comprend, telle qu'il l'oppose à la science illusoire d'Aristote; s'il réclame la constitution d'une «.philosophie première », c'est à la condition qu'elle ne soit plus un amalgame d'idées empruntées à la théologie naturelle, à la logique et à quelques parties de la physique, qu'elle soit l'étude des relations qu'il y a entre les sciences particulières et des moyens communs qu'elles emploient pour atteindre leurs objets (De dign. et augm. scientiarum, I. I, ch. III. Aug. Comte, Cours de philosophie positive, 2e leçon). Avec Hobbes, la conception de la philosophie est, dans les formules qui servent à la définir, plus directement animée de l'esprit qui oppose la science moderne à la science de l'Antiquité et du Moyen âge. La philosophie, selon Hobbes, est

« la connaissance que la droite raison obtient des effets des phénomènes par la conception que nous nous faisons de leurs causes ou générations, et, réciproquement, des générations qui peuvent se produire par la connaissance que nous avons des effets. »
Or, cette définition se détermine par l'idée que tout objet pour Hobbes est corporel, qu'une substance incorporelle est une pure chimère (De corpore, ch. I). Si Hobbes, comme Bacon, assigne à la philosophie des fins pratiques, il considère parmi ces fins beaucoup plus les applications politiques que la domination sur la nature. Enfin s'il reprend l'idée d'une philosophie première, c'est pour lui assigner la tâche de définir les concepts fondamentaux, tels que l'espace et le temps, la chose et la qualité, la cause et l'effet.
Même chez les philosophes modernes qui prétendent résoudre les problèmes de la métaphysique traditionnelle, le mot de philosophie s'applique à toute la connaissance scientifique, et, même s'il n'est pas plus expressément déterminé, la désigne souvent de préférence. Si les Méditations de Descartes, consacrées à démontrer, suivant l'indication du titre, l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme, portent avant tout sur des questions de « philosophie première», ses Principes de la philosophie comprennent, outre les questions abordées dans les Méditations, l'étude des lois générales de la matière, et de la vie.

« Toute la philosophie, dit-il, est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale » (Principes de let philosophie, Préface).
Malebranche et Spinoza comprennent également sous le nom de philosophie aussi bien la philosophie naturelle que la métaphysique religieuse et l'éthique.
« Les fondateurs de la philosophie moderne, dit à son tour Leibniz, sont Bacon, Galilée, Kepler, Gassendi et Descartes. Le chancelier Bacon fait de belles réflexions sur toute sorte de doctrines et s'attache principalement à faciliter les expériences. Galilée a commencé la science du mouvement et a embelli l'astronomie, particulièrement dans l'hypothèse de Copernic. Et on lui peut joindre Kepler dont les suivants ont fort profité.Gassendi a ressuscité les sentiments de Démocrite et d'Epicure, que Descartes a corrigés en y joignant quelques opinions d'Aristote (touchant le plein et le continu) et la morale des stoïciens » (Ed. Gerhardt, IV, p. 343).
La philosophie représenta donc avant tout une conception générale du monde qui peut s'achever dans une métaphysique, mais dont la science proprement dite constitue l'objet accepté de tous. Voilà pourquoi Newton intitulait encore son oeuvre : Naturalis philosophiae; principia mathematica.
Cependant le sens de la philosophie se détourne, chez certains, de la considération de l'universalité des choses pour se fixer particulièrement sur ce qui est l'origine et le lieu de toute science, à savoir la nature humaine. Déjà Locke demandait que la philosophie naturelle comprit, à côté de la science des propriétés et des opérations des corps, une science des propriétés et des opérations de l'esprit (Essai sur l'Entendement humain, 1. IV, ch. XXI). Hume définit plus nettement le rôle prépondérant que doit avoir cette science de l'humain dans la constitution de la philosophie.

« Il est évident, dit-il, que toutes les sciences ont une relation plus ou moins grande à la nature humaine, et bien que quelques-uns s'en éloignent singulièrement, encore y reviennent-elles par un passage ou par un autre. Même les mathématiques, la philosophie naturelle et la religion naturelle dépendent, en une certaine mesure, de la science de l'humain, puisqu'elles tombent sous la connaissance humaine et que ce sont des facultés humaines qui en jugent. De même que la science de l'humain est le seul fondement solide pour les autres sciences, ainsi le seul fondement solide que nous puissions donner à cette science elle-même doit être cherché dans l'expérience et l'observation » (Traité de la nature humaine. Introduction. Cf. Essais philosophiques, 1er Essai).
Cette orientation nouvelle de la recherche philosophique correspond donc très nettement à la pensée que l'expérience peut être une source de connaissance et que les faits donnés peuvent être étudiés hors de conceptions proprement rationnelles. Et le dualisme des vérités de fait et des vérités nécessaires, de plus en plus résistant aux efforts pour le résoudre, contribue à préparer la rupture de cette unité qui existait entre la science et la philosophie. C'est ainsi que Wolff oppose la connaissance historique, c.-à-d.. la pure connaissance du fait (nuda facti notitia) à la connaissance philosophique dont l'objet est la raison du fait. Il définit la connaissance philosophique : cognitio rationis eorum quae sunt vel fiunt, unde intelligatur, cur sint aut fiant; ou encore : philosophia est scientia possibilium, quatenus esse possunt .
La philosophie, entendue de la sorte, se rapproche de la philosophie telle que l'avaient comprise Platon et Aristote, en ce qu'elle poursuit l'explication des choses dans la raison, qui en fonde la possibilité et la réalité, en ce qu'elle est une science de purs-concepts. Mais par là elle ne se distingue pas très nettement de certaines sciences rationnelles comme les mathématiques et précisément la définition que Kant donne de la philosophie a pour objet d'établir rigoureusement cette distinction. Si en effet, selon Kant, on peut d'abord diviser la connaissance d'après sa forme en connaissance historique (cognitio ex datis) et en connaissance rationnelle (cognitio ex principiis), il y a lieu de remarquer que la connaissance rationnelle est philosophique ou mathématique, selon qu'elle procède par concepts, ou seulement par construction de concepts à l'aide d'une intuition-a priori. La philosophie se divise à son tour en philosophie transcendantale et en métaphysique; la philosophie transcendantale est la science qui détermine la possibilité, les conditions et les limites de la connaissance par raison pure; elle sert de propédeutique à la métaphysique. La métaphysique est la science qui traite des objets d'après des principes a priori; elle comprend la métaphysique de la nature et la métaphysique des moeurs (Critique de la raison pure : Méthodologie, ch. I et III. Préface de la Fondation de la métaphysique des moeurs et des Principes métaphysiques de la science de la nature. Introduction de la Critique du jugement).
-

Bien qu'elle eût en vue, par la déduction des concepts a priori, surtout la justification de la science, la doctrine kantienne, par sa distinction de la connaissance pure et de la connaissance empirique, a contribué à opérer la distinction de la science proprement dite et de la philosophie. L'idéalisme allemand prend en effet pour point de départ, en la portant à l'absolu, la conception de Kant suivant laquelle les formes de la pensée constituent les lois de la nature ; il a l'ambition de déduire de l'esprit, grave à une intuition intellectuelle fondamentale, et par l'organisation d'une nouvelle dialectique des concepts, la réalité de la nature et de l'histoire. Fichte définit la philosophie la doctrine de la science. Or, suivant ses propres termes, la doctrine de la science n'a rien à faire avec l'expérience ; elle serait vraie quand même il n'y aurait pas d'expérience, et elle est certaine a priori que toute expérience doit se conformer aux lois qu'elle établit (Grundriss des Eigentümlichen der Wissenschaftslehre, § 1). Schelling, dans un de ses premiers écrits (Ueber die Möglichkeit einer Form der Philosophie überhaupt) soutient que la philosophie, condition de toutes les sciences, n'est conditionnée par aucune; elle doit découvrir avant tout la vérité première dont le développement détermine à la fois la forme et le contenu du réel. Pour Hegel, qui rappelle non sans ironie les usages extérieurs ou empiriques du mot philosophie, la philosophie est la science de l'absolu (Encyclopädie, Introduction, § 7), la science de l'absolu, ajoute-t-il, est nécessairement un système, parce que le vrai, en tant que vrai concret, n'est tel qu'en se développant lui-même et en gardant dans ce développement son unité (ibid, § 14). Si chaque partie de la philosophie petit être considérée comme un tout fermé, elle n'en est pas moins une détermination momentanée de l'idée philosophique. Hegel distingue trois parties générales de la philosophie : la logique, la philosophie de la natureet la philosophie de l'esprit.

La réaction contre l'intempérance spéculative de l'idéalisme allemand se manifeste par des conceptions de la philosophie qui font plus de place à l'expérience et à la science positive. Pour Schopenhauer, la philosophie n'a pas pour objet d'expliquer jusque dans ses derniers fondements l'existence du monde ;

« elle s'arrête aux faits de l'expérience externe et interne, tels qu'ils sont accessibles à chacun, et en montre l'enchaînement profond et véritable, sans jamais les dépasser, sans jamais étudier les choses extérieures au monde et les rapports qu'elles peuvent avoir avec lui. Elle se contente de saisir le monde dans sa connexion intime avec lui-même » (Die Welt als Wille und Vorstellung, cap. 50, Epiphilosophie).
Pour Herbart, la philosophie est « l'élaboration des concepts » (Lehrbuch zur Einleitung in die Philosophie, § 1) définition qui évoquerait sans doute l'idée d'un travail scolastique de la pensée, si Herbart n'ajoutait expressément que les concepts éclaircis et complétés par la philosophie sont empruntés à l'expérience, que la philosophie, loin d'être hors des sciences, naît en elles et avec elles, en est une partie inséparable et constitutive. (Ueber philosophisches Studium : Herbart's Kleinere Schriften, I, pp. 101-106). Selon Lotze, la philosophie est intimement liée à la science, en ce sens qu'elle a son point de départ dans les phénomènes donnés; mais tandis que les phénomènes donnés sont ramenés par la science à des lois spéciales, la philosophie ou, pour mieux dire, la métaphysique s'applique à découvrir par delà l'expérience la cause interne qui explique la possibilité des phénomènes et la nécessité de leur enchaînement (System der Philosophie, II, Metaphysik, lntrod.). La connexion de la philosophie et de la science est encore très nettement affirmée dans la définition que Wundt donne de la philosophie : l'ensemble de nos connaissances particulières ramené à une conception du monde et de la vie qui satisfasse aux exigences de l'entendement et aux besoins de l'âme; ou encore: la science générale, dont l'objet est de ramener à un système exempt de contradiction les connaissances générales procurées par les sciences particulières (
Mais, si près qu'elles veuillent se tenir de la science, ces différentes définitions de la philosophie n'en font pas moins appel à des concepts de l'esprit pour parfaire l'oeuvre scientifique. C'est au contraire la prétention du positivisme que de constituer une philosophie en quelque sorte sans concepts, sans survivance de la tradition théologique ou métaphysique.

« J'emploie le mot philosophie, dit Auguste Comte, dans l'acception que lui donnaient les anciens, et particulièrement Aristote, comme désignant le système général des conceptions humaines ; et en ajoutant le mot positive, j'annonce que je considère cette manière spéciale de philosopher qui consiste à envisager les théories, dans quelque ordre d'idées que ce soit, comme ayant pour objet la coordination des faits observés, ce qui constitue le troisième et dernier état de la philosophie générale, primitivement théologique et ensuite métaphysique. Par philosophie positive, comparée à sciences positives, j'entends l'étude des généralités des différentes sciences, conçues comme soumises à une méthode unique, et comme formant les différentes parties d'un plan général de recherches » (Cours de philosophie positive. Avertissement de l'auteur).
La philosophie a pour objet de réagir contre la spécialisation des recherches par la création d'une grande spécialité, qui est l'étude des généralités scientifiques ; elle a pour objet plus particulier de terminer le système des sciences en fondant la sociologie (Cours de philosophie positive, 1re leçon). Selon Spencer, la connaissance est relative, et si la relativité de la connaissance nous oblige à affirmer l'absolu, cet absolu reste inconnaissable. La philosophie a le même objet que la science: leur différence consiste dans le degré de coordination qu'elles établissent entre les connaissances.
« La connaissance de l'espèce la plus humble, dit Spencer, est le savoir non unifié; la science, le savoir partiellement unifié; la philosophie, le savoir complètement unifié »


Posté le : 03/03/2013 12:54
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La fête des grands-mères
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http://youtu.be/gaEPI0Iwuos
Et la même rafraîchie :
http://youtu.be/4v04Vwp1jDc

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Léo Malet
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Léon Jean Malet décéde le 3 Mars 1996
.


Il est né le 7 Mars 1909 à Montpellier.
Dans les 3 ans qui suivent sa naissance le jeune Léon perdra successivement ses deux parents et son frère, à cinq ans il est orphelin et seul. La tuberculose emporte tout d'abord son père, puis son frère et enfin sa mère.
Ce sont ses grands parents maternels, les Refreger, qui le recueillent et l’élèvent.
D’après ses dires, il doit son goût pour la lecture à son grand-père Omer, un ouvrier tonnelier, à l’esprit bohème, qui ressemblait à Lénine et à Poincaré.
Après le certificat d’études, il rejoint l’école supérieure Michelet, mais très vite il abandonne les études et entre dans la vie active. Tour à tour, commis calicot puis obscur employé de banque, il se tourne vers la chanson et publie un premier texte "Y’a des poires cher nous ".
C’est à ce moment là que l’histoire fait irruption dans sa vie.
Le 24 novembre 1923, le fils du royaliste Léon Daudet, alors qu’il venait de passer à l’anarchisme, est retrouvé mort
dans un taxi parisien.
Léon Malet se passionne pour cette affaire et, c’est tout naturellement, qu’il se rapproche des milieux libertaires.
En mai 1925, il rencontre André Colomer, un dirigeant anarchiste, de passage à Montpellier pour
une conférence traitant du thème "Deux monstres, Dieu et la Patrie, ravagent l'humanité".
A Paris.
En novembre de cette année, celui que tout le monde appelle Léo "monte" à Paris dans l’espoir de devenir
chansonnier.
André Colomer lui offre pour un temps le gîte avant de l’orienter vers le "Foyer Végétalien" de la rue de
Tolbiac et de le recommander à Maurice Hallé directeur du cabaret "La vache enragée" et co-fondateur de la commune libre de Montmartre.
Engagé comme chansonnier le 25 novembre 1625 dans ce cabaret il connaît un certain
succès en partie 'grâce à son accent'.
Mais sa paye ne lui permet pas de faire face et il est contraint de travailler comme manœuvre de-ci de-là, de feindre les accidents du travail et de coucher sous les ponts, enfin, de manger de la "vache enragée".
Arrêté pour vagabondage, il est emprisonné à la Petite Roquette avant d’être libéré grâce à l’intervention de son
grand-père.
Il s’embarque pour Mâcon, rejoint Lyon puis Valence, Montpellier et revient enfin à Paris.
De la chanson…
Un soir de 1928, alors qu’il se produit dans un cabaret, Léo Malet est chahuté par une jeune fille, mécanographe à la
société Maggi…
Quelque temps plus tard, il se met en ménage avec Paulette Doucet et échappe ainsi à la cloche.
Pour autant, ils ne se marient que le 16 avril 1940.
Ensemble, ils fondent le "cabaret du poète pendu… qui tire la langue aux imbéciles"… mais le succès n’étant pas au
rendez-vous, il ne la tire que le temps d’une saison.
Et Léo Malet s’en vient à vendre des journaux à la criée.
Sa vie ira du surréalisme au trotskisme et une fois de plus, l’histoire va frapper à sa porte :
Alors qu’il travaille pour la société Ménage et qu’il installe des bidets, il croise le surréalisme.|
Aussitôt, il rédige quelques textes poétiques.
A son retour de Limoges, où il a été reformé par l’armée, il reçoit, le 12 mai 1931, une lettre d’André Breton, à qui il avait écrit, et qui le convoque à une réunion du groupe au café Cyrano place Blanche.
Il écrit de la poésie, et, après avoir rencontre André Breton en 1931, il rejoint le groupe des "Surréalistes".
Il milite brièvement avec Benjamin Péret au parti trotskyste POI , le parti ouvrier internationaliste de 1936 à 1939, de nombreux surréalistes étant alors proches du trotskisme.
En mars 1932 il signe le manifeste "l’affaire Aragon devant l’opinion publique", rencontre Dali, se lie avec Magritte et invente quelques procédés de création comme le" décollage" ou "objet-miroirs".
En mai 1936, il participe à l’exposition d’objets surréalistes. Il est aussi condamné en compagnie de Georges Bataille pour "cris dans un théâtre".
Il est dans la provocation et en 1938, à la demande de Marcel Duchamps, il expose un mannequin lors de l’Exposition Internationale du Surréalisme, mannequin qui sera retiré le soir même .
Du surréalisme au trotskisme, il n’y a qu’un pas, que Malet franchit en hébergeant Rudolf Klement , et en dirigeant le bulletin de la FIARI : Fédération internationale de l’art révolutionnaire indépendant, fondé par Léon Trotski, André Breton et Diego Rivera.
Du stalag au surréalisme
En 1939, espérant échapper aux tracasseries policières, il s’installe à Châtillon sous Bagneux, malheureusement en mai 40, il est conduit à la prison de Rennes pour atteinte à la sécurité de l’état.
La chance veut qu’à l’entrée des troupes d’occupations les gardiens libèrent les prisonniers et voilà Léo sur la route de Paris.
Arrêté de nouveau, mais par les allemands, il est expédié dans un stalag à Sandbostel. Heureusement, le médecin du camp, admirateur des surréalistes, obtient son rapatriement en France en mai 1941.
De retour à Paris, il renoue avec les surréalistes du groupe "La main à la plume", il commence à écrire pour une nouvelle collection "Minuit" qui s'est donnée pour objectif de parodier la littérature policière anglo-saxonne, interdite alors en France.
Il utilise alors divers pseudonymes: Frank Harding, Léo Latimer, Lionel Doucet, Jean de Selneuves, Noël Letam, Louis Refreger et, en association avec les écrivains Serge Arcouët et Pierre Ayraud sous le pseudonyme collectif de John-Silver Lee.
Sous le nom de Omer Refreger, il écrit aussi quelques romans de cape et d'épée, parus aux Éditions et Revues Françaises, introuvables aujourd'hui, si ce n'est chez les collectionneurs.
Mais en 1942, il proteste contre le bombardement de Boulogne-Billancourt par la RAF.
Paul Eluard le traite d’hitléro-trotskiste…
Et "la main à la plume" adopte les positions de Malet! A cette occasion, Eluard et Malet rompent tous liens.
Mais cela n’empêche pas Léo de rompre aussi avec le surréalisme, car Polar et surréalisme lui semblent incompatibles.
Or, en 1941 il a publié "Johnny Métal" à la demande de son ami Louis Chavance et "120 rue de la gare" en 1943 à la demande d’Henri Fillipacchi.
La plupart de ces premiers romans policiers seront réédités sous le nom de Léo Malet.
Car à partir de 1943, ce nom de Léo Malet devient vite un nom incontournable du roman policier, "du roman noir tricolore" avec "120 rue de la Gare", dans lequel il met en scène un détective qui devient vite aussi célèbre que son auteur : le célèbre Nestor Burma qui sera parfaitement bien interprété plus tard par le chanteur-acteur Guy Marchand dans la série télé du même nom.
Nestor Burma
Sept romans vont suivre jusqu'en 1949, avec une récompense en 1948, le tout premier "Grand Prix de Littérature policière" pour "Le cinquième procédé", puis l'auteur abandonne son héros pour écrire sa "Trilogie noire" avec "La vie est dégueulasse en 1948" aux Éditions S.E.P.E, "Le soleil n'est pas pour nous" en 1949, il faut attendre vingt ans pour le troisième et dernier opus"Sueur aux tripes" publié chez Losfeld en 1969 avec la réédition des deux premiers.
La plupart des aventures de Nestor Burma ont pour cadre la ville de Paris, surtout dans la série des "Nouveaux mystères de Paris", un projet que Léo Malet débute en 1954, sous la houlette de l'éditeur Robert Laffont, avec Le soleil naît derrière le Louvre : son objectif étant d'emmener son détective dans les différents arrondissements de Paris, le titre de la série, comme on l'a compris, étant bien sûr un clin d'œil aux "Mystères de Paris" d'Eugène Sue.
Léo Malet s'y montre " un peintre" remarquable de la ville, de son atmosphère et de ses secrets.
Le 15ème et dernier tome des "Nouveaux Mystères de Paris", et "L'envahissant cadavre de la Plaine-Monceau" paraît en 1959; l'année précédente l'auteur se voit décerné "Le Grand Prix de l'Humour noir" pour cette série.

Certains des romans avec Nestor Burma pour héros au nombre de 32 au moins, ont été adaptés en bandes dessinées par Jacques Tardi et le personnage de Burma, comme signalé plus haut, a inspiré une série télévisée avec Guy Marchand.
Quatre de ces aventures ont été adaptées au cinéma, parmi eux :
"120 rue de la Gare" réalisé par Jacques Daniel-Norman en 1946;
"Énigme aux Folies Bergère" par Jean Mitry en 1959;
"La Nuit de Saint-Germain-des-Prés" en 1977 par Bob Swaim et
"Nestor Burma, détective de choc" par Jean-Luc Miesch en 1982.

Léo Malet abandonne définitivement son héros en 1972 en même temps que son métier de romancier, même s'il lui arrive encore d'écrire quelques articles ou de donner des interviews dans lesquelles, il tient des propos plutôt "tendancieux".
A partir de 1981, année du décès de son épouse, il tombe dans une grande dépression, dépression qui était latente depuis de très nombreuses années et qui le suivra jusqu’à sa mort.
Il donnera en Juin 1985, un entretien au journal "libération", entretien qui fera scandale pour ses propos xénophobes.

Il décédera d'une crise cardiaque le 3 Mars 1996 à Chatillon sous Bagneux.



Et pendant ce temps ... :

1- Philippe Daudet (1909-1923) du fils de l'écrivain, journaliste et militant royaliste français Léon Daudet et petit-fils de l'écrivain Alphonse Daudet
Philippe Daudet, le 22 novembre 1923, confie à l’administrateur du Libertaire sa sympathie pour l'anarchisme et lui fait
part de son intention de commettre un attentat contre Raymond Poincaré, président du Conseil, ou Alexandre Millerand, alors président de la République.
Le lendemain, il reformule ses désirs d’assassinat politique à Le Flaouter, libraire anarchiste, pornographique et indicateur de police.
Ce dernier tente de l'en dissuader, lui demande de revenir dans l'après-midi et prévient le Contrôleur Général Lannes, beau-frère de Poincarré, de la Sûreté Générale de ses intentions.
Le 24 novembre 1923, vers 16 heures Philippe Daudet est atteint d'une balle à la tête alors qu’il se déplaçait en taxi. Il décède, à 14 ans, deux heures plus tard à hôpital Lariboisière
2- André Colomer est né à Cerbère, élevé ensuite à Paris, il découvre à 12 ans l'idéal anarchiste au cours de la lecture
des œuvres de Zola. En août 1922, il devient directeur de la Revue Anarchiste.
Le 24 novembre 1923 a lieu l'affaire
Philippe Daudet pour laquelle Colomer révélera plus tard que Le Flaoutter était un agent provocateur, indicateur de
police. Suite à sa "thèse de l'assassinat" de Philippe Daudet, Colomer quitte le Libertaire pour créer l'hebdomadaire
l’Insurgé. En 1927, il adopte les thèses du bolchevisme et adhère au PCF.
Accueilli avec sa famille à Moscou, il meurt en 1931.

3- En 1920, le dessinateur Poulbot et quelques turlupins, dont Maurice Halle, propriétaire du cabaret La Vache enragée, proclamèrent ainsi la commune libre de Montmartre. Outre un noble désir de protéger petites gens et espaces verts de la spéculation immobilière, leur parti "antigrattecieliste" préconisait "la construction de trottoirs roulants pour se rendre d'un bistrot à l'autre"!

4- Enfin, un jour, Léo Malet monte à bord d’un train sans billet et est débarqué à Mâcon.

5- De plus, Il aurait acheté un numéro de la "Révolution Surréaliste" à la librairie José Coti alors qu’il se rendait sur un chantier où il devait installer des sanitaires.

6- "Le soliloque du poète pendu" parait dans le numéro de juillet de la "Revue anarchiste".

7- En juillet 1931 l'édition française de la Littérature de la Révolution mondiale, organe de l'Union internationale des Écrivains révolutionnaires ou UIER publie "Front Rouge", écrit par Aragon à Moscou, pour preuve de son ralliement à la 3éme internationale.
A ce moment, Aragon est poursuivi et inculpé en janvier 1932 pour "excitation de militaires à la désobéissance et provocation au meurtre".
Les surréalistes, sur l'initiative de Breton, lancent en défense d’Aragon une pétition qui recueille plus de trois cents signatures. La pétition se termine ainsi :
"Nous nous élevons contre toute tentative d'interprétation d'un texte poétique à des fins judiciaires et réclamons la cessation immédiate des poursuites."
Mais la défense de Breton contient des attaques voilées à l’encontre du PCF.
L’Humanité le 10 mars 1932 y répond en ces termes :
"Notre camarade Aragon nous fait savoir qu'il est absolument étranger à la parution d'une brochure intitulée : Misère de la Poésie.
L' " affaire Aragon " devant l'opinion publique, est signée André Breton. Il tient à signaler clairement qu'il
désapprouve dans sa totalité le contenu de cette brochure et le bruit qu'elle peut faire de son nom, tout communiste
devant condamner comme incompatible avec la lutte de classe et par conséquent comme objectivement
contre-révolutionnaires, les attaques que contient cette brochure.

8- Léo Malet avait agrémenté l’entre-jambes de son mannequin d’un aquarium avec un poison rouge…mais son "expulsion" résulte aussi du fait qu’un autre exposant (Max Ernst) avait placé, lui, une lumière rouge en lieu et place du sexe du mannequin.

9- 14 juillet 1938 : Rudolf Klement, secrétaire de la Ligue communiste Internationaliste, disparaît à Paris, assassiné par un inconnu : son corps sans tête est retrouvé le 24 août 1938 dans la Seine.

10- "La Main à plume" (1941-1944) est une publication collective et un groupe qui a maintenu actif le surréalisme sous l'Occupation, en l'absence d'André Breton et d'une grande partie des forces vives du mouvement.
Le nom de la publication est tiré d'" Une saison en enfer" d'Arthur Rimbaud : "La main à plume vaut la main à charrue".
Certains de ses membres ont pris part à la lutte armée, ce qui les a rapprochés du Parti Communiste.

11- Malgré tout Eluard lui adresse une lettre d’amitié lors de la parution du "Frère Lacenaire"

12- Louis Chavance est un scénariste, monteur et acteur français né le 24 décembre 1907 à Paris, décédé le 21 septembre 1979 à Paris.

13- Henri Filipacchi, né à Smyrne aujourd'hui Izmir, en Turquie en 1900, et mort à Marnay en Haute-Saône le 10 septembre 1961, était un éditeur français. Il est à l’origine de la Bibliothèque de la Pléiade
Aux débuts de l'Occupation allemande, la Propaganda Staffel le charge de recenser les livres "susceptibles
d'indisposer les autorités d'occupation" : il établit alors une liste de plus de mille ouvrages qui deviendra la "Liste Otto" le 28 septembre 1940. A la libération La Commission d’épuration classe l'affaire. En 1953, il lance "Le Livre de Poche"

Son oeuvre :

Résumés

Abattoir ensoleillé (Fleuve Noir - 1972)
L'auberge de banlieue avec L'enveloppe bleue (NeO - 1982)
Les paletots sans manches (La Butte aux Cailles - 1980)
~

Série Nestor Burma

120, rue de la Gare (Pocket - 2009)
Drôle d'épreuve pour Nestor Burma (Fleuve Noir - 1968)
Énigme aux Folies-Bergères (Euredif - 1971)
Gros plan du macchabée suivi de Hélène en danger (Fleuve Noir - 1985)
Le cinquième procédé (Fleuve Noir - 1985)
L'homme au sang bleu (10/18 - 1989)
Nestor Burma dans l'île (Fleuve Noir - 1970)
Nestor Burma contre C.Q.F.D. (Éd.La Butte aux cailles - 1979)
Nestor Burma court la poupée (Fleuve Noir - 1971)
Nestor Burma et le Monstre ( Fleuve Noir - 1984)
Nestor Burma en direct (Fleuve Noir - 1967)
Nestor Burma revient au bercail (Fleuve Noir - 1967)
Un croque-mort nommé Nestor ( Fleuve Noir - 1969)
~

Autres titres avec Nestor Burma

La femme sans enfant
Le deuil en rouge
Les neiges de Montmartre
Poste restante
Un aventure inédite de Nestor Burma.


Série Les Nouveaux Mystères de Paris (avec Nestor Burma)

Boulevard... Ossements (T-11)( Le Livre de Poche - 1973)
Brouillard au Pont de Tolbiac (T-9) (Fleuve Noir - 1983)
Casse-pipe à la Nation (T-12) (Fleuve Noir - 1983)
Corrida aux Champs-Élysées (T-7)(Fleuve Noir - 1982)
Des kilomètres de linceuls (T-2) (Le Livre de Poche - 1976)
Du Rebecca rue des Rosiers ( T-14)(Le Livre de Poche - 1977)
Fièvre au Marais (T-3)( Fleuve Noir - 1988)ou L'ours et la culotte
La nuit de Saint-Germain-des-Prés (T-4)(Fleuve Noir - 1982) ou Le sapin pousse dans les caves
Le soleil naît derrière le Louvre (T-1)(Fleuve Noir - 1981)
L'envahissant cadavre de la Plaine-Monceau (T-15)(Fleuve Noir - 1995)
Les eaux troubles de Javel (T-10)(Fleuve Noir - 1983)
Les rats de Montsouris (T-5)(Le Livre de Poche - 1974)
M'as-tu-vu en cadavre ? (T-6)(Presses de la Cité - 1989)
Micmac moche au Boul'Mich (T-13)(Le Livre de Poche - 1975)
Pas de bavards à la Muette (T-8)(Presses de la Cité - 1989)
~

Série La trilogie noire

La vie est dégueulasse (T-1)(Pocket - 2010) ou Il fait toujours nuit
Le soleil n'est pas pour nous (T-2)(Pocket - 2010)
Sueur aux tripes (T-3)(Pocket - 2010)
~

Série Johnny Metal

Johnny Metal ( Fleuve Noir - 1993)
~

Autres titres

À bord du vaisseau fantôme (Frank Harding - Johnny Metal)
Affaire double (Frank Harding - Johnny Metal)
Aux mains des réducteurs de têtes (Frank Harding - Johnny Metal)
Cité interdite (Frank Harding)
Derrière l'usine à gaz (Omer Refreger)
Erreur de destinataire (Omer Refreger)
Faux frère
Gérard Vindex, gentilhomme de fortune(Omer Refreger)
Journal secret (Autobiographie)
La cinquième empreinte ( Lionel Doucet)
La forêt aux pendus (Jean de Selneuves)
La louve du Bas-Craoul
La soeur du Flibustier (Omer Refreger)
Le capitaine Coeur-en-berne (Omer Refreger)
Le dé de Jade (Frank Harding - Johnny Metal)
Le dernier train d'Austerlitz
Le diamant du Huguenot (Omer Refreger)
Le gang mystérieux (Frank Harding - Johnny Metal)
Le sang innocent
Le tiroir
Le voilier tragique
L'évasion du Masque de Fer(Omer Refreger)
L'ombre du grand mur
Miss Chandler est en danger (Frank Harding - Johnny Metal)
Mort au bowling (Frank Harding)
Pas de veine avec le pendu
Recherché pour meurtre (Frank Harding)
Solution au cimetière
Un héros en guenilles (Omer Refreger)
Vengeance à Ciudad-Juarez


http://www.youtube.com/watch?v=0cETuo ... e&list=PLA6DBE1866674671C Musique de Nestor Burma
http://www.youtube.com/watch?v=0cETuo ... e&list=PLA6DBE1866674671C


http://youtu.be/2LB3CvyigUo les maitres du mystère
http://youtu.be/n5dthN8gki4 Interviex INA

http://youtu.be/v1Xb8gPXMr0 00
http://youtu.be/JSvpncI9YIg 01

http://youtu.be/_e47Rw0Bfx8 03

http://youtu.be/nra83sCLzLM 05

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Posté le : 03/03/2013 10:05
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Clément VIII
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Le 3 Mars 1605 meurt CLÉMENT VIII,


IPPOLITO ALDOBRANDINI pape de 1592 à1605

Ippolito Aldobrandini est né le 24 février 1536 à Fano, ville des marches, dans les États pontificaux et meurt le 5 mars 1605 à Rome. Titulaire de nombreuses charge ecclésiastiques.
Il fait ses études à Padoue, à Pérouse et à Bologne.
Il est fait cardinal en 1585 par Sixte V (1585-1590), puis il est élu pape le 30 janvier 1592, il est intronisé le 9 février sous le nom de Clément VIII.
Clément VIII adopte l’écriture gothique, il va tenter de restaurer l’Eglise dans toute l’Europe et de rétablir le catholicisme en Angleterre, mais en vain, celle-ci se dirige vers un schisme d'où naîtra l'anglicisme en vigueur encore de nos jours.
Il libère l’Eglise de la domination espagnole et obtient l’appui de la France en officiant lors de la conversion au catholicisme de Henri IV.
En 1598 Il contribue à la conclusion de la Paix de Vervins et est, en récompense, appuyé par Henri IV, il annexe le duché de Ferrare et constitue le pilier économique des états pontificaux.
Il prépare secrètement avec le roi de France un projet d’alliance de tous les princes chrétiens contre les Turcs.
Il va aussi déclarer le café , "une boisson agréable et mettra ainsi fin à la mise en garde des chrétiens d’Italie contre cette boisson nouvelle.
Depuis 1562, la France est en proie aux guerres de religion opposant les Huguenots protestants aux catholiques, lutte qui débouche sur un conflit de succession au trône de France.
Les autorités séculières du royaume de Naples et de la république de Venise s'attirent les protestations du pape pour leurs violations répétées des droits ecclésiastiques, sans que les choses aillent plus loin.
Le roi Philippe II d'Espagne, qui soutient les catholiques de la Contre-Réforme, y prétend, mais il irrite la papauté. Après la conversion d'Henri IV au catholicisme en 1593, Clément VIII reconnaît ce dernier pour roi légitime de France et lève son excommunication le 17 septembre 1595.
Le pape s'emploie ensuite à tempérer la dominance espagnole au sein du Collège des cardinaux pour limiter l'influence de l'Espagne dans les prochains conclaves. Henri IV met fin aux guerres de religion par la promulgation de l'édit de Nantes (13 avril 1598) tout en favorisant la Contre-Réforme.
Clément VIII concentre ses efforts sur sa fonction spirituelle. Il soutient le contre-réformiste saint François de Sales, qu'il nomme évêque de Genève en 1602, et fait imprimer une édition révisée de la Vulgate, nom de la Bible traduite en latin, ainsi que de plusieurs autres ouvrages liturgiques clés. Il allonge la liste des livres interdits mis à l'Index et élargit l'activité et le rayon d'action de l'Inquisition.
Depuis 1597, Clément VIII institue la première congrégation de auxiliis pour arbitrer la controverse de la grâce et du libre-arbitre, sans que l'affaire soit tranchée au moment de sa mort.
La première des Congregationes de auxiliis divinae gratiae, c'est-à-dire des assemblées de théologiens catholiques réunies à propos du molinisme, s'est tenue à Rome à titre de commission de censure chargée de se prononcer sur le livre de Molina, Concordia liberi arbitrii cum gratiae donis (1588), mis en cause en juin 1597 par le dominicain D. Báñez.
Elle trancha, après deux sessions et de nombreuses réunions, dans le sens de la condamnation du molinisme, l'accusant d'être contraire à l'enseignement de saint Augustin et de saint Thomas sur la grâce et la prédestination.
Mais diverses interventions empêchèrent le pape Clément VIII de prononcer la censure ; il décida de substituer à la procédure juridique des rencontres de théologiens, limitées à l'examen d'un point essentiel : le fondement de la grâce efficace.
L'efficacité de cette grâce est-elle due à la prédétermination divine sur la volonté humaine thèse des Dominicains ou à la conformité du décret divin à la prescience que Dieu a des libres décisions humaines thèse des Jésuites ?
Les rencontres ne purent que mettre en évidence l'irréductibilité des points de vue entre les deux écoles.
Conscient de la gravité du débat, Clément VIII ne voulut pas condamner le molinisme sans avoir dirigé lui-même l'examen ; de 1602 à 1605, il présida les soixante-huit congrégations qu'il réunit sur ce sujet.
Il organise des "congrégations" pour analyser, et éventuellement condamner le molinisme ; la première des "Congregationes de auxiliis divinae gratiae", c’est-à-dire des assemblées de théologiens catholiques réunies à propos du molinisme, se tient à Rome à titre de commission de censure chargée de se prononcer sur le livre de Molina : Concordia liberi arbitrii cum gratiae donis (1588) ; Paul V poursuivra cette action : les débats aboutiront à un non-lieu.
L'intervention du cardinal français Du Perron retarda la décision, qui n'était pas encore prise à la mort du pape (5 mars 1605).
Cette première phase de discussions avait conduit les Jésuites à abandonner quelques-unes des thèses de Molina et, surtout, à montrer la conformité des autres avec la doctrine de saint Augustin.
Les Dominicains avaient fait porter leur effort sur la science moyenne de Dieu, clef de voûte du système de Molina. Sous Paul V (1605-1606), les Jésuites réussirent à centrer de nouveau le débat sur la prédétermination physique, qui est la clef du système de Báñez.
En dépit de cet échec, Clément VIII aura su restaurer le prestige de la papauté
Clément VIII meurt le 3-Mars-1605.




Les courants religieux de l'époque

1 Roberto Francesco Romolo Bellarmino dit Bellarmin naquit à Montepulciano, en Toscane, le 4 octobre 1542.
Fils d’un magistrat local et neveu du pape Marcel II, il entra à la Compagnie de Jésus en 1560 et fut ordonné prêtre en 1570.
Après avoir été professeur de théologie à Louvain, on lui confia en 1576, l’enseignement de la théologie dite "de controverse" au Collège romain.
Dans "Disputationes de controversiis fidei christianae" : Débats sur les controverses de la foi chrétienne, 1586-1593, Bellarmin réfuta point par point les différentes professions de foi protestantes.
Il devint le conseiller théologique du cardinal Cajétan alors légat du pape en France en 1589, puis du pape Clément VIII qui le nomma cardinal en 1599.
C’est à son initiative que fut révisée la Vulgate de saint Jérôme.
Bellarmin fut nommé archevêque de Capoue en 1602, mais démissionna en 1605 pour travailler à la Curie romaine auprès du pape Paul V. Il négocia des traités et des dossiers importants, dont l’affaire Galilée. En 1610, il publia De potestate Summi Pontificit in rebus temporalibus (Du pouvoir du Souverain Pontife dans les affaires temporelles). Ayant donné tout son argent pour le secours des pauvres, Bellarmin mourut pauvre le 17-9-1621. Canonisé en 1930, il fut proclamé docteur de l’Eglise l’année suivante.

2 Jacqueline Marie Angélique Arnauld (1591-1661), Mère Angélique, sœur du théologien Antoine Arnauld, est vouée, dès sa naissance, à la vie religieuse.
Le 23 juin 1599, Jacqueline prend l'habit de novice de Cîteaux à Port-Royal des Champs. Le 25 juin 1600, elle est transférée à l'abbaye de Maubuisson, gouvernée par Angélique d'Estrées, sœur de la belle Gabrielle d'Estrées, la maîtresse de Henri IV.
Le 16 juillet 1602, elle est élue abbesse de Port-Royal des Champs : elle n'a que 11 ans. Elle vit au milieu de religieuses qui s’habillent avec élégance, qui reçoivent, qui vont et viennent ; elle éprouve, lors d’une maladie, une crise mystique ; les sermons qu’elle entend pendant le carême de 1608 finissent de la convaincre du nécessaire rétablissement de l’observance la plus stricte de la règle de saint Benoît.
De 1618 à 1623, elle réforme l’abbaye de Maubuisson, malgré la résistance de l’abbesse ; la vie cloîtrée est régie selon la règle, sans dérogation ; les religieuses sont habillées du même scapulaire blanc marqué d’une croix rouge. En 1626, la communauté s’installe à Port-Royal de Paris ; les solitaires de Port-Royal s’installent dans les bâtiments conventuels que les sœurs viennent d’abandonner ; Port-Royal, fondé pour 12 religieuses, en réunit bientôt 80.
La communauté respecte scrupuleusement le guide qu’elle s’est donnée, l’abbé de Saint-Cyran, et son enseignement profondément marqué par Augustin sur la grâce et la prédestination et par les écrits de Jansénius. Lorsque Mère Angélique meurt, en août 1661, les 5 propositions de l’œuvre de Jansénius ont été condamnées par la Sorbonne et par le pape.

3 La famille de François de Sales (21-8-1567-28-12-1622) est Genevoise, de vieille noblesse paysanne, catholique et de culture française. Malgré l’opposition de son père, François, qui veut être clerc, est tonsuré dès 11 ans le 20-9-1578. Il poursuit ses études chez les jésuites du collège de Clermont à Paris.
En décembre 1586, il traverse une grave crise d’angoisse déclenchée par le débat autour de la prédestination qui oppose les humanistes chrétiens aux protestants luthériens ou calvinistes.
A l’issue de la crise, François décide de se vouer sans réserve à l’amour de Dieu. C’est à Padoue, à l’université, qu’il obtient le titre de docteur tant en droit civil qu’en droit canonique.
Le 18 décembre 1593 il est ordonné prêtre. L’année même où Henri IV entre à Paris, il part évangéliser le Chablais, au bord du lac Léman. En 1598, il devient coadjuteur de l’évêque de Genève.
Il est reçu par le pape Clément VIII. Pendant toute l’année 1602 il fréquente à Paris les dévots qui entourent Mme Acarie.
Le 8 décembre de cette même année, il est consacré évêque de Genève. Pour évangéliser il ne cesse lui-même de voyager, forme des prédicateurs et des missionnaires, anime des confréries religieuses, crée l’Académie florimontane, ouverte à tous.
En 1609 il publie L’Introduction à la vie dévote. L’année suivante, il fonde la congrégation de la Visitation, qui est érigée en ordre religieux en 1618 avec l’approbation de Paul V. Ce dernier confie à Vincent de Paul la direction de l’abbaye parisienne.
Après avoir refusé de devenir coadjuteur à Paris, il ne cesse de voyager pour, à Lyon comme à Turin ou Avignon, continuer d’enseigner, convaincu que l’enseignement est le 8e sacrement. Le Traité de l’amour de Dieu, qu’il publie en 1616 à l’attention des "âmes avancées en la dévotion", illustre sa certitude que l’ignorance est pareille à la malice. "Que faut-il faire ?
En un mot, parler affectueusement et dévotement, simplement et candidement et avec confiance. Etre bien épris de la doctrine qu’on enseigne et de ce qu’on persuade. Le souverain artifice, c’est de n’avoir point d’artifice.
Il faut que nos paroles soient enflammées, non pas par des cris et des actions démesurés, mais par l’affection intérieure.
Il faut qu’elles sortent du cœur plus que de la bouche. On a beau dire : mais le cœur parle au cœur, la langue ne parle qu’aux oreilles." (François de Sales, Lettres)

4 Tommaso Campanella passa 27 ans en prison après avoir désiré une réforme du christianisme et prôné la réunion de tous les peuples sous un seul ordre civil et sous la « religion naturelle » dont les religions existantes ne sont que des formes particulières.
II a écrit en prison La Monarchie d’Espagne, Les Aphorismes politiques et surtout La Cité du Soleil qui préconise un système communiste.

5 Dans le christianisme, la doctrine chrétienne de la Trinité fut jugée incompatible avec le monothéisme par certains groupes religieux, issus de la Réforme : Michel Servet, Lelio Socin et son neveu Fausto Socin rejetèrent la doctrine de la Trinité en faveur de l’unitarisme. Fausto Socin, réfugié en Pologne, organisa l’Eglise (antitrinitaire ou socinianiste) des Frères Polonais qui reconnaît la naissance miraculeuse de Jésus mais nie sa divinité. L’unitarisme fleurit en Angleterre au XVIIIe siècle puis s’étendit dans les pays anglo-saxons et en Amérique latine.


Environnement historique


Temps moderne

Début : 27 mai 1453 = Chute de Constantinople prise par les Ottomans qui en font leur capitale (Istanbul). Fin du Moyen Age
Fin : 1789 = Révolution française

Les Temps Modernes sont les 350 ans qui vont de la fin du Moyen Age à la Révolution.
En France, cette période correspond successivement à la Renaissance, au bras de fer avec les Habsbourgs, aux guerres de religion, puis à l'émergence de la monarchie absolue. La complexification des alliances amène la globalisation des conflits : le moindre différent entre deux pays jete l'Europe entière dans une guerre généralisée. Ce sont les guerres européennes.
C'est aussi l'époque des grandes découvertes et des grandes inventions de la Renaissance, puis celle des grands mouvements idéologiques (Réforme et ContreRéforme, siècle des Lumières, etc....
La société française se transforme : on assiste ainsi à la fin de la féodalité, neutralisation des derniers grands féodaux, et l'emergence des monarchies absolues. La Noblesse, dont les privilèges étaient jadis motivés par les fonctions administratives et militaires que les nobles étaient les seuls à pouvoir tenir, n'est bientôt plus qu'une caste d'oisifs parasites, jalousée et concurrencée par la de plus en plus puissante Bourgeoisie, avec en tête la "noblesse de robe". Quand cette dernière classe tentera de prendre le pouvoir, le contrôle de la situation lui échappera, et ce sera la bain de sang de la Révolution.


la Renaissance

Début : 30 août 1483 = Mort de Louis XI
Fin : 3 avril 1559 = Traité de Cateau-Cambrésis avec Philippe II d'Espagne et Elisabeth Ière d'Angleterre

La Renaissance, c'est un vaste mouvement européen de mutation culturelle et économique. Sur le plan culturel, elle s'appuie sur la redécouverte des merveilleuses oeuvres antiques, qui sont prises comme modèles (au détriment des non moins merveilleuses oeuvres médiévales qui tombent en désuétude). Les grands noms de ce renouveau culturel sont Rabelais, Montaigne, du Bellay, Ronsard, Léonard de Vinci, Michel-Ange, Raphaël... Sur le plan économique, c'est la naissance du capitalisme moderne.
C'est l'époque des grandes découvertes. Christophe Colomb découvre l'Amérique.
Sur le plan politique, après la neutralisation des derniers grands féodaux remuants et dangereux, la France est pacifiée. Les châteaux cessent d'être défensifs et deviennent de magnifiques palais d'apparat, en particulier les merveilleux châteaux du val de Loire.
Le danger n'est plus intérieur, ni même anglais. Le nouvel et redoutable ennemi est l'archiduc d'Autriche : les Habsbourgs. Maîtres de l'Autriche, des Flandres et de l'Allemagne, ils vont bientôt mettre la main sur l'Espagne et les richesse du Nouveau Monde. L'Italie sera le champ de bataille de cette lutte où l'empire Habsbourg recherche une unité territoriale et la France veut éviter son encerclement complet. Ces interminables guerres épuiseront l'Europe et monopoliseront l'attention des souverains. Ces derniers ne verront pas monter les dissensions religieuses puis politiques entre catholiques et protestants... Quand ils ouvriront les yeux, il sera trop tard.


les guerres de religion

Début : 3 avril 1559 = Traité de Cateau-Cambrésis avec Philippe II d'Espagne et Elisabeth Ière d'Angleterre
Fin : 13 avril 1598 = Edit de Nantes : Liberté de culte pour les Protestants. Fin des guerres de religion

Absorbés par leurs luttes, François Ier et Charles Quint ne se sont pas préoccupés des querelles internes de l'Eglise. Ils n'ont pas réalisé qu'elles devenaient le prétexte fanatisant à des conflits dont les causes réelles restaient politiques. Quand Henri II et Philippe II le réalisent enfin, il est trop tard : la folie d'une guerre religieuse couve dans toute l'Europe et va l'embraser.
L'Empire, la France et l'Angleterre entrent en guerre civile. La guerre européenne va être stoppée nette et les efforts des pays se concentrent sur les guerres intérieures.
En France, 8 atroces guerres de religion se succèdent de 1562 à 1598. Toutes les couches de la population se divisent en deux clans fanatiquement antagonistes : catholiques contre protestants. Tandis que certains protestants veulent entraîner la France dans une guerre suicide contre la catholique Espagne, les enragés ultra-catholiques de la Sainte Ligue font vaciller le trône de France. De part et d'autre, ce n'est que boucherie, dont la plus tristement célèbre est le massacre de la Saint Barthélémy.
A l'issue de cette période noire et sanglante, la paix ne reviendra que quand le chef du parti protestant, converti au catholicisme pour raisons politiques, deviendra roi et réconciliera les français : ce sera Henri IV.



la monarchie absolue

Début : 13 avril 1598 = Edit de Nantes : Liberté de culte pour les Protestants. Fin des guerres de religion
Fin : 1789 = Révolution française

Les Bourbons-Vendôme viennent de succéder aux Valois et de mettre fin aux guerres de religion. Leurs règnes se caractérisent par la mise en place et l'apogée de la monarchie absolue, c'est-à-dire un gouvernement autocratique du roi qui concentre sur sa personne tous les pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire, fiscal et militaire). Après les derniers troubles de la Fronde, les Grands seront muselés et réduits à la conditions de courtisans. Les Etats Généraux ne seront plus réunis et les Parlements deviendront de simples chambres d'enregistrement... Louis XIV est lucide quand il lance « l'Etat, c'est moi ».
Le règne d'Henri IV est marqué par un redressement rapide et impressionnant d'une France ruinée par les guerres de religion. Sous le règne de Louis XIII, efficacement complété par Richelieu, la traditionnelle opposition entre France et Habsbourgs (d'Autriche et d'Espagne) se remet en place. Avec le belliqueux Louis XIV, l'Europe s'embrase à nouveau. Les seuls points positifs de ce long règne sont la mise au pas définitive de la Noblesse et l’avènement d'un roi Bourbon sur le trône d'Espagne... mais la France est ruinée par une suite de guerres au dessus de ses forces. Sous Louis XV, c'est le même enchaînement de guerres (Frédéric II de Prusse ayant remplacé Louis XIV dans le rôle du boute-guerre), qui aboutit à un royaume tout aussi ruiné. Avec Louis XVI, la France réussit à se tenir en dehors des conflits du vieux continent, ne s'impliquant que dans la guerre d'indépendance des Etats Unis. Des réformes sont tentées, mais trop frileuses à cause de la faiblesse du roi vis à vis de la Noblesse qui craint la concurrence de la Bourgeoisie. Bientôt, le contrôle de la situation échappera à ces castes de priviliégiés, et ce sera la sanglante tourmente de la Révolution...


les guerres d'Italie

Début : 2 septembre 1494 = Les troupes françaises de Charles VIII franchissent les Alpes et entrent en Italie. Début de la première guerre d'Italie
Fin : 3 avril 1559 = Traité de Cateau-Cambrésis avec Philippe II d'Espagne et Elisabeth Ière d'Angleteterre
La France est définitivement sortie de la guerre de cent ans. Louis XI et Charles VIII viennent de neutralisation des derniers grands féodaux remuants et dangereux. Pour cette France du fin du Moyen Age, le danger n'est plus intérieur, ni même anglais. Le nouvel et redoutable ennemi est l'archiduc d'Autriche : les Habsbourgs.
Maîtres de l'Autriche, des Flandres et de l'Allemagne, ils vont bientôt mettre la main sur l'Espagne et les richesse du Nouveau Monde. L'Italie sera le champ de bataille de cette lutte où l'empire Habsbourg recherche une unité territoriale et la France veut éviter son encerclement complet. Les droits des souverains français sur le duché de Milan et le royaume de Naples seront les raisons d'interventions françaises en Italie. 11 guerres d'Italie interminables épuiseront l'Europe et monopoliseront l'attention des souverains, qui ne verront pas monter les dissentions religieuses puis politiques entre catholiques et protestants...
Territorialement, les rois de France ne parviendra pas à s'imposer de l'autre coté des Alpes. Tout au plus les traités permettront enfin de régler le partage des Etats Bourguigons de Charles le Téméraire.
Sur le plan culturel par contre, ces conflits vont changer la face du pays. Les rois et seigneurs qui ont guerroyé en Italie furent emerveillés par les splendeurs du Quattro Cento. Ils revinrent en France avec des artistes italiens qui révolutionnèrent la peinture et l'architecture. Les châteaux cessent d'être défensifs et deviennent de magnifiques palais d'apparat, en particulier les merveilleux châteaux du val de Loire. C'est la Renaissance.



le XVIème siècle

le crépuscule du moyen-âge

Le XVIème siècle est une période de mutation : commencé au Moyen Age en pleine guerre de cent ans, il se termine par les premiers pas de la Renaissance. Ce siècle aura en effet été le "Quatrocento" italien, et il aura vu sur le plan européen des changements lourds de conséquence : chute de Constantinople, fin de la guerre de cent ans, découverte de l'imprimerie et découverte de l'Amérique.
En France, la première moitié du siècle marque la seconde partie de la guerre de cent ans. La folie du roi Charles VI permet l’ émergence d'une guerre civile entre les grands partis féodaux Bourguignons et Armagnacs. Le roi d'Angleterre Henri V profite de l'anarchie pour mener une guerre de conquête. Après l'épopée de Jeanne d'Arc, la tendance s'inverse. Après la réconciliation des Armagnacs et des Bourguignons, les anglais sont définitivement "boutés" hors de France et y perdent toutes leurs possessions traditionnelles. Au soir de la bataille de Castillon, Charles VII est le roi incontesté d'un royaume réunifié.
La seconde partie du siècle marque l'affermissement du pouvoir royal : Charles VII fait pièce au pouvoir de la Papauté par la Pragmatique Sanction, puis ses successeurs commencent à réduire les plus remuants des derniers grands vassaux de la couronne (Louis XI mène à sa perte le puissant duc de Bourgogne, avant qu'Anne de Beaujeu et Charles VIII ne mettent au pas le duché de Bretagne).
La fin du siècle et ses bouleversements qui vont amener la montée en puissance de l'Espagne voit s'annoncer les futures menaces : le danger ne vient plus de l'Angleterre mais des Habsbourgs. Le premier champ de bataille de ce long bras de fer sera l'Italie, où Charles VIII et Louis XII vont guerroyer. Les temps modernes sont là.


le XVIIème siècle

Renaissance et guerres de religion

Le XVIIème siécle marque en France le début des temps modernes.
La France, tout juste sortie de la guerre de cent ans et ayant définitivement repris leurs possessions françaises aux rois anglais, se retrouve confronté à un nouvel et redoutable ennemi : les archiducs d'Autriche de la famille des Habsbourgs, maîtres de l'empire germanique et bientôt de l'Espagne enrichie par les conquêtes du Nouveau Monde. Le premier champ de bataille sera l'Italie où les rois français iront mener plusieurs guerres jusqu'au désastre de Pavie.
La diffusion accrue du savoir permise par la toute récente invention de l'imprimerie, et l'influence culturelle et artistique de l'Italie amène un renouveau culturel et artistique : la Renaissance. C'est la grande époque des inventions et des grandes découvertes. La vallée de la Loire se pare de palais plus somptueux les uns que les autres.
L'effervescence intellectuelle gagne le domaine religieux. Une volonté de réforme de l'Eglise devient, en grande partie à cause de l'inertie et du conservatisme de l'Eglise, une Réforme en rupture avec l'Eglise. La merveilleuse aventure intellectuelle de la Renaissance débouche sur des querelles théologiques avant de dégénérer en le bain de sang de guerres civiles et religieuses : ce sont les guerres de Religion.
Après 40 ans de carnages qui n'épargnent aucun pays d'Europe occidentale, la France retrouve la paix par l'édit de Nantes

A écouter

http://youtu.be/saPrQXY91Ow Chanson du pape
http://youtu.be/gO4dKCM2ziY Musique de bienvenue au pape Benoit XVI
http://youtu.be/ASfMbAcJy90 musique pour Jean -Paul II
http://youtu.be/EYxZ5SPNV0E Brassens le mécréant
http://youtu.be/wbt4-Tuid1s Brel dites si c'était vrai
http://youtu.be/CgXy6Km2gs8 Brel Les bigottes
http://youtu.be/YD3BzLDgFfY Les dames patronnesses




A regarder

Histoire de l'église
http://youtu.be/2oS-aF1wlaM
http://youtu.be/3I001VzKTjM
http://youtu.be/vrWtOFl1l7E
http://youtu.be/g0j7PUFU5OU

http://youtu.be/IMGuje2SkjA

http://youtu.be/3I001VzKTjM


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Posté le : 03/03/2013 09:56
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Emile-Auguste Chartier dit ALain
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Émile Chartier, dit Alain naît le 3 Mars 1868



Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir et c'est avec le même naturel et la même constance que Emile Chartier fait de la philosophie, il est dans chaque évènement de la vie l'homme pensant, "le philosophe".
Si, le nom d'Alain évoque, pour les uns, un journaliste ; pour d'autres, un écrivain ; pour d'autres, un essayiste ; pour d'autres encore, un moraliste ; pour ceux qui le connaissent bien, enfin, un philosophe.
On pourrait même dire, "le philosophe".
Non pas en ce sens qu'il serait le plus grand, le plus profond ou le plus original, mais parce qu'il est celui pour qui tout est prétexte à faire de la philosophie.
Emile-Auguste Chartier, dit Alain

(1868 - 1951)
Alain, Emile-Auguste Chartier de son vrai nom, fils de vétérinaire est né le 3 mars 1868 à Mortagne-au-Perche.
De 1881 à 1886, le jeune Alain est boursier et étudie au lycée d'Alençon. Ensuite, il intègre une classe de prépa littéraire au lycée Michelet, avec dans l'idée d'essayer de rentrer à l'Ecole Polytechnique.
C'est là qu'il rencontre Jules Lagneau, une rencontre fondamentale puisque ce dernier l'oriente vers la philosophie.
Finalement, Alain intègre l'Ecole Normale Supérieure. Il est reçu à l'agrégation de philosophie et est nommé professeur dans divers lycées : Professeur à Pontivy (1892), puis à Lorient (1893), à Rouen (1900) et enfin à Paris (1903-1933), il enseigna notamment pendant vingt ans au lycée Condorcet, puis au lycée Michelet, et dans la Khâgne du lycée Henri IV où son influence fut considérable.
En effet en 1909, Emile Chartier-Alain depuis khâgne (seconde année de prépa littéraire) au lycée Henri IV va effectivement profondément influencer les élèves qui passeront dans sa classe.
On note parmi eux, Simone Weil, Georges Canguilhem, ou encore Raymond Aron...
Dès 1903, Alain publie des chroniques hebdomadaires intitulées "Propos du dimanche" puis "Propos du lundi", dans La Dépêche de Rouen et de Normandie. Puis ses chroniques deviennent quotidiennes.
C'est ce même Émile Chartier qui publie, sous le pseudonyme de Criton, puis sous son nom, d'importantes études dans la Revue de métaphysique et de morale de 1893 à 1907,
qui fait paraître un article sur "Spinoza" en 1901, qui écrit
-en 1911 des Lettres sur la philosophie première (publiées après sa mort) et qui,
-de 1900 à 1914, signe du nom d'Alain les articles qu'il donne à des journaux radicaux de province, "La Dépêche de Lorient" jusqu'en 1903, puis "La Dépêche de Rouen" et de Normandie, où ces articles deviendront quotidiens à partir de 1906 sous le titre de " Propos d'un Normand ". Il en paraîtra 3083 du 16 février 1906 au 1 er septembre 1914.
Alain met au point à partir de 1906 le genre littéraire qui le caractérise, les "Propos". Ce sont de courts articles, inspirés par des évènements de la vie de tous les jours, au style concis et aux formules séduisantes, qui couvrent presque tous les domaines.
Cette forme appréciée du grand public a cependant pu détourner certains critiques, qui n'apprécient guère de descendre de leur "chaire", d'une étude approfondie de son oeuvre philosophique.
Alain perd la foi au collège sans en ressentir de crise spirituelle. Bien qu'il ne croie pas en Dieu et soit anticlérical, il respecte l'esprit de la religion. Il est même attiré par les phénomènes religieux qu'il analyse avec beaucoup de pertinence. Dans "Propos sur la religion" et "Propos sur le bonheur" on sent transparaître, un peu comme chez Auguste Comte, une certaine fascination pour l'Evangile dans lequel il voit un beau poème et pour le catholicisme qu'il perçoit, en en reprenant l'étymologie, comme un "accord universel".
Mais la première guerre mondiale approche : Alain clame son pacifisme et milite en conséquence.
Pourtant, quand le conflit s'ouvre, et bien qu'il ne soit pas mobilisable, il décide de remplir son devoir de citoyen et s'engage. Il est enrôlé comme brigadier dans un régiment d'artillerie et refusera toute promotion.
"Le grand mal c’est la guerre, et la guerre vient toute des hommes. Avec l’argent que la guerre nous a coûté, ou, pour parler mieux avec les journées de travail que la guerre a consumées et usera encore par ses ruines, que n’aurions-nous pas fait ? Des parcs autour de nos écoles, des hôpitaux semblables à des châteaux ; l’air pur, le lait crémeux, et la poule au pot pour tous ." Libres Propos, 10 septembre 1921
"Il est pénible de penser que tous ceux, sans exception, qui vous exhortent à mourir pour la patrie, sont prêts à s’enfuir le plus loin possible, et que tous ceux, sans exception, qui vous recommandent de sacrifier quelque chose pour le bon ordre des finances, sont en train de tromper le fisc, et que ce sont les mêmes qui se sauvent et qui trichent, et qu’on les reconnaît, sans aucun risque d’erreur, d’après la haute tenue de leurs discours.
Il faut que tout le monde vive ; et pour que tout le monde vive, il faut que les plus braves meurent. Adieu à vous, camarades, seuls dignes de vivre, et seuls morts."
Libres Propos, 25 décembre 1932.
En mai 1916, son pied est broyé par un rayon de charrue lors d'une opération de transport de munitions vers Verdun. Alain reste hospitalisé quelques semaines, puis il est transféré au service de météorologie avant d'être démobilisé en 1917.
A son retour de l’armée, Alain reprit son poste à Henri IV. Il s’y fit une réputation qui n’a pas eu d’égale. Il s’y fit un très grand nombre de disciples, qui ne furent pas aussi promptement massacrés que ceux de l’an 14. Ce fut un temps fécond pour Alain, le temps des fameux Libres Propos, Journal d’Alain. Alain y forma son style, dont personne n’a jamais rien dit mais qui éclate dans des œuvres comme "Les Dieux"
En 1921,Ayant vu de près les atrocités de la Grande Guerre, Alain publie son célèbre pamphlet "Mars ou la guerre jugée".
Sur le plan politique, il s'engage aux côtés du mouvement radical en faveur d'une république libérale strictement contrôlée par le peuple. Considérant que la seule liberté de l'homme est celle de l'esprit, Alain enseigne dans des universités populaires.
Bien que n'ayant jamais adhéré au socialisme, il manifeste de la sympathie pour les mouvements ouvriers et pour le syndicalisme. Jusqu'à la fin des années 30, son oeuvre est guidée par la lutte pour le pacifisme et contre la montée des fascismes. En 1936, une attaque cérébrale le condamne au fauteuil roulant.
Il s'engage aussi sur la scène politique en soutenant le mouvement radical, qui prône une république libérale contrôlée par le peuple.
En 1927, Alain signe une pétition parue dans Europe, qui s'oppose à la loi sur l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre. Cette loi prévoit d'abroger tout indépendance intellectuelle et liberté d'opinion.
Il ne sera pas le seul à signer, puisque l'on retrouve les noms de Jules Romains, Louis Guilloux ou encore Séverine sur la pétition... ainsi que les signatures de Sartre et d'Aron.
L'œuvre d'Alain va ainsi être profondément pacifiste et antifasciste jusqu'à la fin des années 30.
Et c'est sous le nom d'Alain que paraîtront à la fois, entre les deux guerres, plus de 1800 " propos " dans des publications diverses et des ouvrages proprement philosophiques tels que, notamment,
-Quatre-vingt-un chapitres sur l'esprit et les passions, réédité, avec des compléments, sous le titre d'Éléments de philosophie en 1941,
-Système des beaux-arts en 1920,
-Les idées et les âges en 1927,
-Entretiens au bord de la mer en1931,
-Idées en 1932
-Les dieux en 1934,
Histoire de mes pensées en 1936.
Or, il est remarquable que l'on retrouve pratiquement tous les thèmes de ces ouvrages dans les Recueils de Propos Éléments d'une doctrine radicale, Propos sur le bonheur, Sentiments, passions et signes, Esquisses de l'homme, Propos sur l'éducation, Les saisons de l'esprit, Propos sur la religion, Minerve ou de la sagesse, Les vigiles de l'esprit, Politique, etc.
C'est que la philosophie, pour Alain, est inséparable de l'expérience de la vie quotidienne. Il ne s'agit pas d'élaborer un système abstrait, nourri de raisonnements et de preuves, mais de proposer, d'où le titre de "propos", un ensemble d'idées qui permettent de "découvrir le monde comme il est et l'homme comme il est", c'est-à-dire de bien juger, d'où le titre 'd'idées " donné à un exposé des philosophies de Platon, Descartes, Hegel et Auguste Comte.
On ne s'étonnera donc pas de trouver dans les articles de "La Dépêche de Rouen" et de Normandie, qui n'étaient pas destinés à un public de philosophes, de nombreuses références à Platon et à Socrate, à Aristote, à Marc-Aurèle, à Descartes, à Malebranche, à Leibniz, etc., pas plus qu'on ne s'étonnera qu'une " recherche de l'entendement ", c'est le sous-titre des Entretiens au bord de la mer, s'attarde à réfléchir sur "la vis et le clou", sur les leviers et les treuils, ou sur Ulysse à la mer.
Mais, demandera-t-on, ce philosophe qui veut voir le monde et l'homme à travers les lunettes que lui fournissent Platon, Descartes et les autres, a-t-il une philosophie ?
En fait, son ambition fut sans doute de faire ce qu'il appelait " la philosophie de la philosophie ".
Il pensait, en effet, qu'en dépit de la divergence des systèmes, il y avait une philosophie commune des grands auteurs, qu'il définissait comme " une évaluation exacte des biens et des maux ayant pour effet de régler les désirs, les ambitions, les craintes et les regrets ".
La sagesse, qui est le terme de toute réflexion philosophique, se retrouve la même au bout de tous les chemins : dans un propos du 1er mai 1932, Alain imagine un banquet assourdissant de discussions entre chrétiens, stoïciens et épicuriens, dont chacun a pourtant dans sa besace un peu de pain et une cruche d'eau.
Si l'on voulait préciser ce que peut être, dans ce cadre, la philosophie propre d'Alain, c'est-à-dire l'idée que lui, Émile Chartier, se faisait de la condition et de la destinée humaines, il faudrait insister sur ceci : que l'homme est un animal pensant qui a la charge de se conduire sans secours extérieur.
Animal pensant, cela signifie l'union de l'âme et du corps et la difficulté, précisément, de se conduire.
Si l'homme était un esprit pur, ou s'il n'avait pas d'esprit, il n'y aurait pas de problème, et pas de philosophie.
Il n'y en aurait pas non plus si quelque puissance transcendante réglait la vie humaine. Mais l'homme est jeté dans un monde où rien ne lui a été promis et où il est en difficulté avec lui-même.
D'un côté, en effet, il sait ce qu'il doit faire "Le devoir, disait Claudel, est une des choses prochaines sur lesquelles il n'y a point de doute ", mais, d'un autre côté, il est sujet à des passions qui l'en détournent.
C'est ainsi, par exemple, que tout homme condamne la guerre, mais s'apprête à la faire dès qu'il croit que son honneur est en jeu.
Comprendre l'homme, c'est donc comprendre ses passions, ce qui revient à découvrir en lui le mécanisme et la puissance de l'imagination.
Imaginer, c'est penser en fonction des états et des mouvements du corps ; autrement dit, c'est croire, et non penser vraiment.
Voir le monde comme il est, c'est se délivrer des croyances.
En ce sens, la science est salutaire à l'homme, non point par ses dernières découvertes ou théories, mais par son esprit, qui est de dépouiller les choses de ce qu'elles peuvent avoir d'imaginaire.
Mais voir l'homme comme il est, c'est voir que l'imagination et les croyances sont premières en lui, qu'il commence donc naturellement par se tromper et qu'il n'est pas facile de passer d'imagination à entendement.
Et c'est pourquoi une réflexion sur les arts et les religions est essentielle à la connaissance de la nature humaine.
On comprend que les éditeurs des ouvrages d'Alain dans la bibliothèque de la Pléiade aient intitulé un volume
-" Les arts et les dieux" et l'autre
-"Les passions et la sagesse ".
Ajoutons enfin qu'Alain portait au langage une attention particulière, parce qu'il le considérait comme une expression authentique de la nature humaine, et que son souci de s'en tenir toujours au vocabulaire commun permet de voir en ce journaliste, essayiste, moraliste et philosophe, un grand écrivain.
En 1934, il cofonde le CVIA, Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes.
Humanisme
La philosophie d'Alain est un humanisme. Pour Alain, c'est le sujet qui donne valeur au monde. L'âme, principe spirituel, maîtrise le corps et les passions (influence de Platon). La conscience, savoir revenant sur lui-même, assure la transparence totale du cogito (influence de Descartes). La morale, ensemble de principes et de maximes, aboutit à la reconnaissance de la dignité humaine (influence de Kant).
Conscience et inconscient
Comme Descartes, Alain identifie conscience et psychisme. Le cogito, qui définit le sujet, implique une entière transparence de l'homme à lui-même. Pour Alain, l'inconscient est une fiction dangereuse qui va contre toute liberté et donc contre toute morale.
Raison
Du point de vue de la connaissance, Alain est rationaliste et intellectualiste. Raison et jugement jouent un rôle majeur dans la formation du savoir. La perception renvoie toujours à un acte de jugement. Penser, c'est juger, procéder par idées abstraites et générales, grâce au langage, formateur de la pensée.
Volonté et liberté
Du point de vue de la morale, c'est aussi l'esprit qui définit l'homme. Toute l'éthique d'Alain se centre ainsi autour de la volonté libre, distincte du désir. Vouloir, c'est agir librement, rationnellement de manière à construire activement sa vie et ses facultés. Pour Alain, l'être humain est acteur de sa vie. Le moi est conscience, mais conscience concrètement engagée.

Gabrielle Landormy raconte sa rencontre avec la femme qui sera la compagne aimée du philosophe :
"Quand il fut seul il opéra sur lui-même un vigoureux redressement. Par un hasard heureux, il retrouva, en février 1945, une femme autrefois aimée, à laquelle il a dédié une quantité de poèmes ; et il l’épousa, le 30 décembre 1945, comme il l’a écrit, "afin de mettre un terme au désordre de sa vie privée".
Après "les folies de Lorient", c’est à Rouen qu’il connut la femme supérieure.
Cette Monique était professeur de sciences renommé dans les Ecoles Normales et Primaires Supérieures.
Il a écrit qu’il l’a aimée ; et quand elle mourut, c’est-à-dire en 1951, on crut qu’il ne se consolerait pas. Mais il lui consacra une sorte de culte. Il perdit en elle une collaboratrice active et clairvoyante.

Depuis 1936, sa santé s'est entre temps bien dégradée, et des rhumatismes l'immobilisent régulièrement. Puis une attaque cérébrale le cloue dans un fauteuil roulant.

Alain décède le 2 juin 1951 à Vésinet, dans les Yvelines. Il repose désormais au cimetière du Père Lachaise.

Depuis la mort d'Alain, l'insolite tradition qui a réuni ses fidèles autour de son œuvre et de sa personnalité, s'est perpétuée activement et s'est diversement manifestée à travers les Associations dans lesquelles les simples lecteurs ont relayé les amis et " élèves d'Alain ". Trois associations se sont créées : d'abord, à la mort d'Alain, l'Association des amis d'Alain, à Paris, puis, lors de la création du musée Alain à Mortagne-au-Perche, l'Association des amis du musée Alain et de Mortagne, et enfin, un certain temps après la mort de Mme Chartier, qui avait légué les biens et les droits d'Alain à la ville du Vésinet, l'Institut Alain du Vésinet.
L'Institut Alain travaille sur le fonds des manuscrits, notes et papiers d'Alain ; il a engagé la publication des inédits, "Mythes et fables", de quelques-unes des causes réelles de la guerre entre nations civilisées, et la révision de l'ensemble des œuvres déjà publiées, introduit de nouveaux recueils :"Propos sur les beaux-arts", dans Quadrige, "51 Propos sur les quatre saisons" en traduction japonaise ; il achève actuellement, avec le concours du CNL, l'édition intégrale des 3083 Propos d'un Normand, avec notes bibliographiques et historiques.


Article de du quotidien l'Humanité :


- « Le charme éloquent des Propos d’Alain » par L’Humanité
Les éditions Frémeaux & Associés éditent un coffret de deux CD audio venant enrichir leur collection dédiée à l’écoute des philosophes (Sénèque, Pascal, etc.). Patrick Dupouey y a rassemblé une sélection de vingt propos qu’Alain (1868-1951) a publié dans divers journaux entre 1910 et 1935. Le comédien Jean-Pierre Lorit prête sa voix au philosophe en les laissant suivant l’ordre chronologique. Choix difficile mais judicieux que P. Dupouey a dû faire parmi les milliers de propos que compte une composition essayiste qui dura trente ans. Tous les champs où Alain exprima ses plus fortes convictions sont abordés moyennant le groupement d’extraits exemplaires : politique, religion, éducation, science, art, travail. Le livret, clair et complet, introduit intelligemment à l’écoute. Les experts retrouveront un ton familier en entendant sonner, comme il se doit dans nombre de ces propos, des aphorismes dont certains sont devenus des apophtegmes : ainsi du célèbre « Penser, c’est dire non » que les novices découvriront pareillement avec joie. Mais ils pourront aussi goûter des essais moins connus dont la gracieuse quoique savante construction ne peut qu’attirer et fixer l’attention du spécialiste comme du profane. Ainsi ceux consacrés à des questions ardues d’esthétique – l’art symbolique des pyramides égyptiennes, par exemple – où l’auteur rend parfaitement limpides des pages absconses de Hegel. Alain savait manier la plume et : « Toujours préférence donnée à ce qui est beau sur ce qui est vrai, car c’est toujours le goût qui éclaire le jugement » (18 mai 1921). Si, en effet, le propos est philosophique, le style appartient à la tradition littéraire de la libre-pensée qu’ont illustrée auparavant d’autres grands conteurs. Comme La Fontaine, Alain sait mettre en œuvre le « pouvoir des fables ». Sa prose est pleine de traits d’esprit et de scansions qui valent le miracle de bien des rimes célèbres. Son éloquence présente toujours sub specie theatri des concepts difficiles, au moyen d’images étonnantes bien que ou plutôt parce qu’elles résonnent d’abord naturellement aux oreilles du bon sens ; elle combine élégamment l’énigme et le cliché et, ce faisant, charme à coup sûr, donnant plaisir à réfléchir et juger. Le rythme de la diction est parfois un peu rapide quand la parole est dense, mais toujours J-P Lorit sait doucement haranguer l’auditoire comme aurait voulu l’auteur orateur de ces leçons de sagesse contemporaine. Car le professeur Alain ne fut pas seulement en classe un brillant (r)éveilleur de conscience ; fin connaisseur de la violence des passions qu’il aimait mettre en scène, il fut aussi un génial polémiste sur le terrain politique et religieux. Républicain de gauche, pacifiste et progressiste, ce fut un réformiste sans parti ni système, ni autre foi que l’idéal laïque, comme il y eut des chrétiens sans église ni théologie. A son écoute, celui qui devrait encore se convaincre que le sublime colère d’une « aile gauche » est requise en politique méditera cet éloge paradoxal des révolutionnaires : « Nous sommes contre les réactionnaires malgré leurs compliments et pour les révolutionnaires malgré leurs injures » (31 juillet 1910). Didier GIL
(Professeur de philosophie en classe préparatoire) – L’HUMANITE


Citations d'Emile Chartier-Alain


-On peut défaire n'importe quel bonheur par la mauvaise volonté.

-Ce sont les passions et non les intérêts qui mènent le monde.

-La loi du juste avenir se trouve dans les consciences libres et solitaires et ne se trouve nulle part ailleurs. (Correspondance avec Romain Rolland)

-L'individu qui pense contre la société qui dort, voilà l'histoire éternelle, et le printemps aura toujours le même hiver à vaincre.

-Le rire est le propre de l'homme, car l'esprit s'y libère des apparences.

-L'âme, c'est ce qui refuse le corps.

-Cette autre vie qu'est cette vie dès qu'on se soucie de son âme. (Histoire de mes pensées)

-Aimer, c'est trouver sa richesse hors de soi.

-Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. Par l'obéissance, il assure l'ordre; par la résistance, il assure la liberté.

-Nous n'aurons jamais trop de ces fiers esprits qui jugent, critiquent et résistent. Ils sont le sel de la cité. (Propos d'un Normand)

-Fondez une Société des honnêtes gens, tous les voleurs en seront. (Propos d'un Normand, tome III)

-Le plus difficile au monde est de dire en y pensant ce que tout le monde dit sans y penser. (Histoire de mes pensées)

-J'ai souvent envie de demander aux femmes par quoi elles remplacent l'intelligence.

-L'erreur propre aux artistes est de croire qu'ils trouveront mieux en méditant qu'en essayant. Ce qu'on voulait faire, c'est en le faisant qu'on le découvre.

-Il n'y a guère que le sublime qui puisse nous aider dans l'ordinaire de la vie. (Préliminaires à l'esthétique)

-L'adolescent est l'être qui blâme, qui s'indigne, qui méprise.

-La morale commence là où s'arrête la police.

-C'est presque tout de savoir lire.

-L'erreur est facile à tous ; plus facile peut-être à celui qui croit savoir beaucoup.

-Le souvenir commence avec la cicatrice. (Propos sur l'éducation)

-A s'informer de tout, on ne sait jamais rien.

-Savoir, et ne point faire usage de ce qu'on sait, c'est pire qu'ignorer.

-Dès que nous tenons une opinion, elle nous tient. (Propos sur l'éducation)

-L'égoïste est triste parce qu'il attend le bonheur.

-Le doute est le sel de l'esprit. (Propos)

-Un homme savant a compris un certain nombre de vérités. Un homme cultivé a compris un certain nombre d'erreurs. Et voilà toute la différence entre l'esprit droit et l'esprit juste. (Vigiles de l'esprit)

-Les dieux sont nos métaphores, et nos métaphores sont nos pensées.

-Penser, c'est inventer sans croire.

-Réfléchir, c'est nier ce que l'on croit.

-Les plaisirs de l'amour font oublier l'amour du plaisir.

-Certes Dieu n'a pas besoin de l'existence ; c'est bien plutôt l'existence qui a besoin de Dieu.

-Le courage nourrit les guerres, mais c'est la peur qui les fait naître. (Propos)

-Ce qui va de soi, c'est ce qui va mal.

-Les temps sont courts à celui qui pense, et interminables à celui qui désire.

-Il n'y a jamais d'autre difficulté dans le devoir que de le faire.

-Qui est mécontent des autres est toujours mécontent de soi.

-Une idée que j'ai, il faut que je la nie ; c'est ma manière de l'essayer.

-Nous n'avons pas toujours assez de force pour supporter les maux d'autrui.

-Refuser en donnant des raisons, ce n'est pas refuser.

-La mort est une maladie de l'imagination.

-On dit que les nouvelles générations seront difficiles à gouverner. Je l'espère bien. (Propos sur l'éducation)

-Il n'y a de bonheur possible pour personne sans le soutien du courage.

-Qu'il est difficile d'être courageux sans se faire méchant !

-C'est un grand art quelquefois de vouloir ce que l'on est assuré de désirer.

-C'est la foi même qui est Dieu. (Eléments de philosophie)

-Le corps humain est le tombeau des dieux.

-Toute douleur veut être contemplée, ou bien elle n'est pas sentie du tout.

-Si on ne suppose pas que les hommes ont tous la même intelligence, et l'ont toute, il n'y a plus ni vérité ni erreur. (Cahiers de Lorient)

-L'erreur de Descartes est de meilleure qualité que la vérité d'un pédant.

-Chaque vie se fait son destin. (Journal intime)

-On n'aime guère un bonheur qui vous tombe : on veut l'avoir fait.

-La politesse, ce n'est qu'une gymnastique contre les passions.

-Le propre des hommes passionnés est de ne pas croire un seul mot de ce que l'on écrit sur les passions.

-L'art d'écrire précède la pensée. (Propos de littérature)

-C'est par l'esprit que l'homme se sauve, mais c'est par l'esprit que l'homme se perd. (Mars ou la Guerre jugée)

-Tous les moyens de l'esprit sont enfermés dans le langage ; et qui n'a point réfléchi sur le langage n'a point réfléchi du tout. (Propos sur l'éducation)

-Un sage se distingue des autres hommes, non par moins de folie, mais par plus de raison. (Idées, Etude sur Descartes)

-La pensée ne respecte rien qu'elle-même. (Propos de littérature)

-Apprendre à ne plus penser, c'est une partie, et non la moindre, de l'art de penser. (Esquisses de l'homme)

-Penser c'est dire non. (Propos sur la religion)

-Savoir c'est savoir qu'on sait. (Les idées et les âges)

-La vertu d'un homme ressemble bien plus à ses propres vices qu'à la vertu du voisin. (Propos sur l'éducation)

-La vie est un travail qu'il faut faire debout. (Propos d'un Normand)

-"Penser n'est pas croire. ...
L'intelligence c'est ce qui, dans un homme, reste toujours jeune. Je la vois en mouvement, légère comme un papillon ; se posant sur les choses les plus frêles sans seulement les faire plier. ...
Lorsque l'on croit, l'estomac s'en mêle et tout le corps est raidi ; le croyant est comme le lierre sur l'arbre. Penser, c'est tout à fait autre chose. On pourrait dire : penser, c'est inventer sans croire."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Propos d'un Normand de 1908 / 15 janvier 1908)

-"Nous sommes empoisonnés de religion. Nous sommes habitués à voir des curés qui sont à guetter la faiblesse et la souffrance humaines, afin d'achever les mourants d'un coup de sermon qui fera réfléchir les autres. Je hais cette éloquence de croque-mort. Il faut prêcher sur la vie, non sur la mort ; répandre l'espoir, non la crainte ; et cultiver en commun la joie, vrai trésor humain. C'est le secret des grands sages, et ce sera la lumière de demain."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Propos sur le bonheur / 5 octobre 1909)

-"Il se produit sans doute quelque résistance du même genre chez les libres penseurs, lorsqu'ils se sont convaincus que les objets de la religion n'existent pas ; ils nient alors les apparences, et, par exemple, les effets de la prière, parce qu'ils sont assurés qu'aucun Dieu n'écoute la prière. Mais il se peut bien qu'une telle action s'explique sans aucun Dieu, par un jeu de sentiments qui est apparence, il est vrai, et trompeuse, à l'égard de Dieu, mais qui soit très réelle et efficace par la structure de notre propre machine. Et c'est pourquoi je voudrais voir, dans les programmes de leurs congrès, cette question, fondamentale à mon avis : de la vérité des religions."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Propos I, 22 août 1912)

-"Dans le fond le métier de penser est une lutte contre les séductions et apparences. Toute la philosophie se définit par là finalement. Il s'agit de se délivrer d'un univers merveilleux, qui accable comme un rêve, et enfin de vaincre cette fantasmagorie. Sûrement de chasser les faux dieux toujours, ce qui revient à réduire cette énorme nature au plus simple, par dénombrement exact. Art du sévère Descartes, mal compris, parce qu'on ne voit pas assez que les passions les plus folles, de prophètes et de visionnaires, qui multiplient les êtres à loisir, sont déjà vaincues par le froid dénombrement des forces. Evasion, sérieux travail."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Quatre-vingt-un Chapitres sur l'esprit et les passions / 1917)

-"Le fatalisme est une disposition à croire que tout ce qui arrivera dans le monde est écrit ou prédit, de façon que, quand nous le saurions, nos efforts ne feraient pas manquer la prédiction, mais au contraire, par détour imprévu, la réaliseraient. Cette doctrine est souvent présentée théologiquement, l'avenir ne pouvant pas être caché à un Dieu très clairvoyant ; il est vrai que cette belle conclusion enchaîne Dieu aussitôt ; sa puissance réclame contre la prévoyance. Mais nous avons jugé ces jeux de paroles. Bien loin qu'ils fondent jamais quelque croyance, ils ne sont supportés que parce qu'ils mettent en argument d'apparence ce qui est déjà l'objet d'une croyance ferme, et mieux fondée que sur des mots. Le fatalisme ne dérive pas de la théologie ; je dirais plutôt qu'il la fonde. Selon le naïf polythéisme, le destin est au-dessus des dieux."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Quatre-vingt-un Chapitres sur l'esprit et les passions / 1917)

-"La prédiction d'un devin ou d'une sorcière, si elle dépend de causes extérieures et inanimées, peut se trouver vérifiée soit par hasard, soit par l'effet d'une connaissance plus avancée des signes, soit par une finesse des sens qui permet de les mieux remarquer. Il faut dire là-dessus qu'on oublie presque toutes les prédictions ; ce n'est souvent que leur succès qui nous les rappelle. Mais le crédit qu'on apporte aux prophètes tient à des causes plus importantes et plus cachées. Souvent l'accomplissement dépend de nous-mêmes ou de ceux qui nous entourent ; et il est clair que, dans beaucoup de cas, la crainte ou l'espérance font alors arriver la chose. La crainte d'un accident funeste ne dispose pas bien à l'éviter, surtout si l'on penche à croire qu'on n'y échappera pas."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Quatre-vingt-un Chapitres sur l'esprit et les passions / 1917)

-"Le fanatisme n'est sans doute pas autre chose que le sentiment d'une fatalité effrayante qui se réalise par l'homme. L'âme fataliste, ou si l'on veut prophétique, comme parle Hegel, est aux écoutes ; elle cherche les signes, elle les appelle ; elle va au devant des signes, elle les fait surgir par incantation. D'un côté elle méprise, elle écarte, elle fait taire par violence tout ce qui n'est pas signe ; et le simple bonheur lui est par là plus directement odieux qu'aucune autre chose. De l'autre, elle s'entraîne elle-même vers l'état sibyllin, déclamant à elle-même et aux autres."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Mars ou la guerre jugée, 1921)

-"Et l'humaniste ne connaît de précieux au monde que la culture humaine, par les oeuvres éminentes de tous les temps, en tous, d'après cette idée que la participation réelle à l'humanité l'emporte de loin sur ce qu'on peut attendre des aptitudes de chacun développées seulement au contact des choses et des hommes selon l'empirisme pur. Ici apparaît un genre d'égalité qui vit de respect, et s'accorde avec toutes les différences possibles, sans aucune idolâtrie à l'égard de ce qui est nombre, collection ou troupeau. Individualisme, donc, mais corrigé par cette idée que l'individu reste animal sous la forme humaine sans le culte des grands morts. La force de l'humanisme est dans cette foule immortelle."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Mars ou la guerre jugée / 1921)

-"Il y a un certain esprit religieux, qui n'est pas le meilleur, et qui s'accorde avec la guerre par le dessous, comme on peut voir chez bon nombre d'officiers que je prends pour sincères. D'abord cette idée que l'homme n'est pas bon, et, en conséquence, que l'épreuve la plus dure est encore méritée. Aussi l'idée que, selon l'impénétrable justice de Dieu, l'innocent paie pour le coupable. Enfin cette idée aussi que notre pays, léger et impie depuis tant d'années, devait un grand sacrifice. Sombre mystique de la guerre, qui s'accorde avec l'ennui, la fatigue et la tristesse de l'âge."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Mars ou la guerre jugée, 1921)

-"Penser, c'est dire non."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Propos sur le christianisme)

-"Le doute n'est pas au-dessous du savoir, mais au-dessus."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Propos sur l'éducation / 1932)

-"La Bible est le plus beau succès de librairie que l'on avait vu ; et cela prouve que les hommes ne sont pas difficiles."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Propos de littérature / 1934)

-"La religion conduit à l'irréductible irréligion."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Propos de littérature / 1934)

Citations : "Propos sur la religion" (1938)

-"C'est la foi même qui est Dieu."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Eléments de philosophie / 1940)

-"Certes Dieu n'a pas besoin de l'existence ; c'est bien plutôt l'existence qui a besoin de Dieu."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Portrait de famille)

-"Fondez une Société des honnêtes gens, tous les voleurs en seront. Ainsi fait l'Eglise. L'Eglise a institué des offrandes et des pratiques qu'elle proclame être le signe de la vertu ; aussitôt tous ceux qui ont des vices ou des vols à cacher s'empressent de faire ces offrandes et ces pratiques ; les plus tarés payent un peu plus que les autres, de leur personne ou de leur bourse, et on peut les voir dans toutes les villes où la procession circule ; on peut les voir derrière le dais, semblables à des loups devenus bergers."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951 / Les cahiers de Lorient)

-"La morale commence là où s'arrête la police."
(Emile Chartier, dit Alain / 1868-1951)

"Si tu veux concevoir la paix, pose d'abord les armes."
Emile Chartier, dit Alain - 1868-1951 - Propos sur la religion, Le signe de croix, 31 janvier 1914

"Ceux qui exposent leur vie jugent peut-être qu'ils donnent assez. Examinons ceux qui n'exposent point leur vie. Beaucoup se sont enrichis, soit à fabriquer pour la guerre, soit à acheter et revendre mille denrées nécessaires qui sont demandées à tout prix. J'admets qu'ils suivent les prix ; les affaires ont leur logique, hors de laquelle elles ne sont même plus de mauvaises affaires. Bon. Mais, la fortune faite, ne va-t-il pas se trouver quelque bon citoyen qui dira : "J'ai gagné deux ou dix millions ; or j'estime qu'ils ne sont pas à moi. En cette tourmente où tant de nobles hommes sont morts, c'est assez pour moi d'avoir vécu ; c'est trop d'avoir bien vécu ; je refuse une fortune née du malheur public ; tout ce que j'ai amassé est à la patrie ; qu'elle en use comme elle voudra ; et je sais que, donnant ces millions, je donne encore bien moins que le premier fantassin venu" ? Aucun citoyen n'a parlé ainsi. Aucune réunion d'enrichis n'a donné à l'État deux ou trois cents millions."
Emile Chartier, dit Alain - 1868-1951 - Mars ou la guerre jugée - Les Passions et la Sagesse - 1921

"Chacun a pu remarquer, au sujet des opinions communes, que chacun les subit et que personne ne les forme. Un citoyen, même avisé et énergique quand il n'a à conduire que son propre destin, en vient naturellement et par une espèce de sagesse à rechercher quelle est l'opinion dominante au sujet des affaires publiques. "Car, se dit-il, comme je n'ai ni la prétention ni le pouvoir de gouverner à moi tout seul, il faut que je m'attende à être conduit ; à faire ce qu'on fera, à penser ce qu'on pensera." Remarquez que tous raisonnent de même, et de bonne foi. Chacun a bien peut-être une opinion ; mais c'est à peine s'il se la formule à lui-même ; il rougit à la seule pensée qu'il pourrait être seul de son avis.
Le voilà donc qui honnêtement écoute les orateurs, lit les journaux, enfin se met à la recherche de cet être fantastique que l'on appelle l'opinion publique. "La question n'est pas de savoir si je veux ou non faire la guerre, mais si le pays veut ou non faire la guerre." Il interroge donc le pays. Et tous les citoyens interrogent le pays au lieu de s'interroger eux-mêmes."
Emile Chartier, dit Alain - 1868-1951 - Mars ou la guerre jugée - Les Passions et la Sagesse - 1921

"L'humanisme a pour fin la liberté dans le sens plein du mot, laquelle dépend avant tout d'un jugement hardi contre les apparences et prestiges. Et l'humanisme s'accorde au socialisme, autant que l'extrême inégalité des biens entraîne l'ignorance et l'abrutissement des pauvres, et par là fortifie les pouvoirs. Mais il dépasse le socialisme lorsqu'il décide que la justice dans les choses n'assure aucune liberté réelle du jugement ni aucune puissance contre les entraînements humains mais au contraire tend à découronner l'homme par la prépondérance accordée aux conditions inférieures du bien-être, ce qui engendre l'ennui socialiste, suprême espoir de l'ambitieux. L'humanisme vise donc toujours à augmenter la puissance réelle en chacun, par la culture la plus étendue, scientifique, esthétique, morale. Et l'humaniste ne connaît de précieux au monde que la culture humaine, par les oeuvres éminentes de tous les temps, en tous, d'après cette idée que la participation réelle à l'humanité l'emporte de loin sur ce qu'on peut attendre des aptitudes de chacun développées seulement au contact des choses et des hommes selon l'empirisme pur. Ici apparaît un genre d'égalité qui vit de respect, et s'accorde avec toutes les différences possibles, sans aucune idolâtrie à l'égard de ce qui est nombre, collection ou troupeau. Individualisme, donc, mais corrigé par cette idée que l'individu reste animal sous la forme humaine sans le culte des grands morts. La force de l'humanisme est dans cette foule immortelle."
Emile Chartier, dit Alain - 1868-1951 - Mars ou la guerre jugée - 1921

"Une idée que je crois fausse, et à laquelle s'attachent souvent les partis les plus opposés, c'est qu'il faudrait changer beaucoup les institutions et même les hommes, si l'on voulait un état politique passable. Ceux qui ne veulent point du tout de réformes y trouvent leur compte, car ils effraient par la perspective d'un total bouleversement ; ainsi, ne voulant pas tout mettre en risque, on ne changera rien. Et, d'autre côté, les révolutionnaires essaient de faire croire la même chose à leurs amis, les détournant avec mépris des demi-mesures. Or nous vivons de demi-mesures."
Emile Chartier, dit Alain - 1868-1951 - Propos, 24 janvier 1930

"On dit que la plupart des hommes tombent en quelque sorte à genoux sur la seule mention de l'argent. Je n'ai vu rien de tel. Je vois bien que les hommes ont besoin d'argent et s'occupent premièrement à en gagner ; cela veut dire seulement que l'homme mange au moins deux fois par jour, et choses semblables. Mais un homme qui ne pense qu'à manger et à gagner, cela est rare ; c'est une sorte de monstre. Et pareillement, celui qui ne pense qu'à étendre ses affaires, et à ajouter des millions à des millions est une sorte de monstre. Quant aux opérations intellectuelles que suppose cette manie d'acquérir, elles sont tellement communes et faciles que personne ne les jugera au-dessus de soi. Où donc courent les hommes dès qu'ils sont assurés de leur pâtée ? Ils courent au stade, et ils acclament un homme fort, un homme agile, un homme courageux ; ce sont des valeurs qui ne s'achètent point, des valeurs estimées bien plus haut que l'argent. Ou bien ils vont au concert, et crient de tout leur coeur et casseraient les banquettes en l'honneur de quelque artiste ; et certes ils savent que le plus riche des hommes ne peut s'offrir cette gloire. Quant aux puissances de pur esprit, nul ne les méconnaît ; nul ne les mesure aux millions. Personne ne demande si Einstein est bien riche."
Emile Chartier, dit Alain - 1868-1951 - Propos, 2 janvier 1932

"La représentation proportionnelle est un système évidemment raisonnable et évidemment juste ; seulement, partout où on l'a essayée, elle a produit des effets imprévus et tout à fait funestes, par la formation d'une poussière de partis, dont chacun est sans force pour gouverner, mais très puissant pour empêcher. C'est ainsi que la politique devint un jeu des politiques."
Emile Chartier, dit Alain - 1868-1951 - Propos, 1er septembre 1


L'éducation


Réflexions issues de la lecture des : « Propos sur l’éducation suivis de pédagogie enfantine »PUF 1986
L’objectif de l’éducation est de découvrir l’humanité en soi.
L’éducation est une aide à la réalisation de l’individu, c'est-à-dire l’expression de ce qui existe potentiellement en lui, la pratique du jugement libre et la fermeté du comportement.
Il est contre la pédagogie attrayante, il ne s’agit pas de séduire l’élève, mais de s’adresser à sa volonté de grandir. La joie et la fierté viennent après l’effort. Attention à « instruire en amusant »
Attention au maitre courtisan, à celui qui cherche à plaire.
« Il n’est nullement question d’apprivoiser les petits d’hommes quand ce serait pour leur bien. Tout au contraire il faut mettre en leurs mains leur propre apprentissage, ce qui signifie : fortifier en eux la volonté. » p. 8
L’enfant par lui-même aime l’effort. (D’autres pédagogues, comme Montessori le pensent aussi.)
Il ne désire rien de plus que de ne plus être enfant. Il vise au difficile. Il veut qu’on l’élève. Il ne faut pas craindre de lui déplaire.
Ne pas le flatter, ne pas tricher. Pas de complaisance, il a besoin d’être estimé et d’estimer. L’apprentissage est patience, privations, attente, courage.
Il critique la psychologie. Il ne suffit pas de savoir, il faut élever avant tout. On connait l’enfant en l’instruisant. « C’est en le formant à chanter que je saurais s’il est musicien »
Chaque enfant à sa propre nature, il s’agit de lui proposer une culture commune mais où il ne va pas se perdre. Une culture doit faire fleurir les différences au lieu de les uniformiser.
« On devrait enseigner aux enfants l’art d’être heureux. Non pas l’art d’être heureux quand le malheur vous tombe sur la tête ; je laisse cela aux Stoïciens ; mais l’art d’être heureux quand les circonstances sont passables et que toute l’amertume de la vie se réduit à de petits ennuis et à de petits malheur


Alain se raconte

« D’ou je viens matériellement ? De l’ancienne province du Perche et, toutefois, mélange de Percheron et de Manceau. Extérieurement j’ai la forme percheronne. Si vous voyagez de Nogent-le-Rotrou à Argentan, vous rencontrerez cent fois mon portrait. Ces hommes sont éleveurs de chevaux. J’ai grandi au milieu d’eux occupé de chevaux, de chasse et de moisson. Encore aujourd’hui je pense par un mouvement de cheval qui refuse la bride. » (AMC)
« Ce pays du Perche a sa civilisation propre, et une structure fort ancienne. Ce sont de petits bois, des champs et des prairies hautes, non marécageuses. C’est là qu’on élève une célèbre race de chevaux, énormes et forts. »
Son enfance et sa jeunesse :
Né à Mortagne le 3 mars 1868, 3 rue de la Comédie. Une plaque apposée en 1958 sur sa maison natale le rappelle : « De l’enfance je dirai peu ; car elle ne fut que bêtise. J’imitais, je récitais, je jouais, je lisais, je me racontais des histoires interminables… »
Son père :
Etienne Chartier, était vétérinaire dans cette ville.. » (PF)
« Quant à sa mère, Juliette Chaline, c’était une percheronne pur sang, fille d’une race sans mélange. » (PF)
« L’âge vint de mettre Alain au collège de Mortagne, où il resta jusqu’à sa première communion.
Il apprenait ses leçons en entendant un de ses camarades réciter. Et quant à apprendre, il n’y trouva jamais de difficulté.
Ce qui lui sembla le plus beau, ce fut la géométrie. » (PF)
« J’étais quelquefois insolent, notamment à l’égard de l’abbé Poupard, un grand au grand nez, dont je savais faire la caricature. » (PF)
Au lycée d'Alençon:
« C’est alors que j’appris à écrire en français. Le professeur était un bon poète, qui savait le français. Mais il savait beaucoup moins le grec et le latin. Il m’apprit à construire de la prose et même des récits. » (PF)
Au lycée de Vanves :
« J’étais venu au lycée Michelet avec l’intention de suivre les mathématiques spéciales. La carrière des belles lettres me parut plus facile, et ce fut pour cela que je la préférai. Au reste j’étais robuste, gai et heureux de tout. »
« Je veux écrire ce que j’ai connu de Jules Lagneau qui est le seul grand homme que j’aie rencontré. Je ne respectais rien au monde que lui. »
L'École normale supérieure :
« Je connus promptement l’art de la dissertation française, soit de littérature soit de philosophie. Je m’occupais de lire Voltaire de bout en bout.[…] Je possédais Molière, Racine et La Fontaine » (HP)
« Je lus Platon entièrement et presque tout Aristote. J’entrai dans les ouvrages de Kant, et je reconnus bientôt l’irréprochable maître d’école. » (HP)
Pontivy :
"Je fus nommé à Pontivy ; c’était un lycée, et parfait si l’on voulait travailler. » (HP)
« Le métier m’attendait, et je n’en soupçonnais rien. Je versais d’abord tout mon paquet, qui contenait Platon et Aristote surtout ; et je crus avoir traité toutes les questions du programme quand j’eus fait revenir des enfers ces deux ombres vénérables. Cela se passait à Pontivy, et j’enseignais à deux classes réunies, ce qui faisait trois élèves en tout, dont l’un approuvait de la tête et ne comprenais rien. Tous furent bacheliers et cela ne m’étonna point. Je compris alors tout à fait qu’en commençant par les anciens on commençait bien. Or Platon est de tous les temps. » (HP)
Lettre d’Alain à Elie Halévy, 2 juin 1893 :
« Je t’écris de mon lit, et je vais certainement t’écrire des choses gâteuses, car j’ai officiellement la scarlatine depuis le 28 mai, et dois la garder jusqu’au 6 juillet 40 jours, bien que je commence dès maintenant à me lever un peu. » (CEFH)
Lorient (1893-1900) :
« Que devenait l’enseignement pendant ces années ? Il me semble que j’appris le métier, c’est-à-dire que je me guéris peu à peu des ambitions, en me portant tout sur les lieux communs et sur le sens ordinaire des mots. J’avais juré de me passer du jargon philosophique. » (HP)
« Mon Aristote et mon grand cahier étaient ouverts sur ma table ; la peinture était mon seul repos ; je courais avec un camarade retrouvé là ; nous gâchions des couleurs et de la toile. Revenu dans ma chambre j’ajoutais page sur page ; et de là je m’en allais enseigner à toute voix et à toute éloquence. » (HP)
« Il se fonda un journal radical, qui aussitôt manqua d’argent et de rédacteurs ... C’est peu dire que je l’aidai. Il fallait écrire et j’écrivais, toujours sans rature, bien entendu, toutefois de façon à me guérir à jamais de toute ambition littéraire. Mais voici que le style se montra dans ces improvisations. Je connus alors le bonheur d’écrire. Avec quel ravissement je trouvai ensuite dans Stendhal cette espèce de maxime, qu’il avouait avoir connue trop tard : « Ecrire tous les jours, génie ou non ».
"En suivant cette idée je me persuade que si le journal radical de Lorient avait eu besoin de romans-feuilletons, j’aurais appris à faire des romans. » (PF)
« La Revue de métaphysique fut fondée comme je partais pour la province. J’y collaborais assez régulièrement jusque vers 1904. Je la recevais ; je la lisais ; j’y avais puissance. »
Rouen (1902-1903):
« Rouen devait me plaire, par le spectacle d’un grand port, par les monuments justement célèbres, et par une beauté géographique de l’ensemble dont on est saisi dès qu’on s’élève sur les coteaux. » (HP)
« Le fait est que, par le nombre des élèves, l’importance des services accessoires, l’activité de l’Université populaire et enfin les exigences de la politique en ce temps de défense républicaine, je me m’instruire je dépensai mes réserves. (HP)
« Emile Herzog fut mon élève dans la classe de philosophie du lycée Corneille à Rouen en 1900-1901 (erreur possible d’un an) précédé d’une brillante réputation d’élève fort en lettres. Il prit un goût très vif pour la philosophie et devint aussitôt un artiste en dissertation, à ce point que j’annonçais trois mois à l’avance son prix d’honneur au Concours Général. » (CCM):
« Au lycée de Rouen, en 1901, mes camarades et moi, attendions l’année de philosophie avec une impatience d’autant plus grande que notre philosophe était un homme déjà célèbre. Il se nommait Emile Chartier. A l’université populaire de Rouen il parlait chaque semaine et ses adversaires politiques eux-mêmes convenaient que ses discours étaient originaux et beaux..
Nous ne fûmes pas déçus. Le tambour de la rentrée roula. Les rangs défilèrent devant Corneille et nous allâmes nous asseoir sur les bancs de la classe de philosophie. Soudain la porte s’ouvrit en coup de vent et nous vîmes entrer un grand diable à l’air jeune, belle tête normande aux traits forts et réguliers.
Nous n’étions pas en classe depuis cinq minutes et déjà nous nous sentions bousculés, provoqués, réveillés. Pendant dix mois, nous allions vivre dans cette atmosphère de recherche passionnée. » (André Maurois, Mémoires)
Paris (1902-1933):
à Saint-Cyr, Michelet, Condorcet, Janson de Sailly, Henri IV
« À Paris je perdis de vue la politique ; c’est l’effet inévitable de cette grande vallée pierreuse où l’écho est plus fort que l’homme. Je restai au service des Universités Populaires, soit à Montmartre, soit aux Gobelins. » (HP)
« Pour revenir à mon métier, je dois noter qu’après un court succès je me trouvai déporté dans les régions inférieures, où il fallait imposer aux futurs Saint-Cyriens la philosophie qu’ils avaient juré d’ignorer. Ce furent des combats inconnus et sans gloire. Et enfin l’on m’en retira et j’eus une agréable retraite en mon vieux lycée Michelet, avec peu d’élèves et le cours de Rhétorique supérieure, ce qui me convenait tout à fait. La première année nous lûmes l’Ethique de Spinoza de bout en bout, et en latin. La seconde année nous lûmes la Critique de la raison pure, mais en français » (HP)
« Alain fut nommé à ce très grand poste (lycée Henri IV) en 1909. Avantages, il avait le plus auditoire du monde, et assez peu d’heures de service. Alors ce fut la gloire, si l’on peut nommer ainsi une renommée universitaire. » (PF) :
« Je m’entretenais avec eux comme avec moi-même ; et eux se gardaient bien de répondre. Je n’avais point pitié et ils ne demandaient pas pitié. Il connurent un genre d’obscurité qui est de probité ».
Discours de distribution des prix juillet 1903 :
« Vous croyez tous bien savoir ce que c’est que dormir et ce que c’est que s’éveiller ; mais pourtant non. Dormir, ce n’est pas avoir les yeux fermés et rester immobile. Qu’est-ce donc que dormir ? C’est une manière de penser ; dormir, c’est penser peu, c’est penser le moins possible. Penser, c’est peser ; dormir, c’est ne plus peser les témoignages. C’est prendre comme vrai, sans examen, tout murmure des sens, et tout le murmure du monde. Dormir, c’est accepter ; c’est vouloir bien que les choses soient absurdes,
Se réveiller, c’est se refuser à croire sans comprendre ; c’est examiner, c’est chercher autre chose que ce qui se montre ; c’est mettre en doute ce qui se présente, étendre les mains pour essayer de toucher ce que l’on voit, ouvrir les yeux pour essayer de voir ce que l’on touche. Se réveiller, c’est se mettre à la recherche du monde.
Passez donc sans vous arrêter, amis, au milieu des marchands de sommeil ; et, s’ils vous arrêtent, répondez-leur que vous ne cherchez ni un système, ni un lit. Ne vous lassez pas d’examiner et de comprendre. Laissez derrière vous toutes vos idées, cocons vides et chrysalides desséchées. Lisez, écoutez, discutez, jugez ; ne craignez d’ébranler les systèmes ; marchez sur des ruines ; restez enfants.
Les marchands de sommeil tuèrent Socrate, mais Socrate n’est point mort ; partout où des hommes libres discutent, Socrate vient s’asseoir, en souriant, le doigt sur la bouche. Socrate n’est point mort. Socrate n’est point vieux. Les hommes disent beaucoup plus de choses qu’autrefois ; ils n’en savent guère plus..... »
« Je reviens aux filles de Sévigné. Ces filles ne savaient rien. Elles arrivaient neuves à Platon, à Descartes, à Comte. Elles n’en avaient pas d’avance un certain dégoût pris des résumés. Elles étaient autant de princesses Palatines ou de reines de Suède devant Descartes. » (HP)
«En argot de khâgne on disait des topos. C’étaient des travaux d’élèves, tout à fait libres. Cours d’ordinaires, 25 lignes, trois pages, cinq ou six pages. Aucune règle pour les topos ; qui voulait, quand on voulait, sur quelque thème que ce fût. J’ai du moins des documents : une collection de topos, avec les annotations de Chartier. Certains traitent de la volonté, de l’égoïsme, des superstitions, de l’espace, du temps, de la musique, du théâtre etc. : tout près du programme mais d’après quelque expérience ou quelque lecture personnelles. Voici un petit roman de 80 lignes écrit en bordure de l’Odyssée, épisode des sirènes.
Il corrigeait ces balbutiements avec une exactitude, avec une attention, avec une rigueur qui confondent. Si nul n’était contraint d’entrer dans le jeu, il n’admettait pas qu’on jouât mal le jeu quand on y était entré.
Il ne suffit pas de dire que Chartier lisait le plus médiocre topo mot par mot, il ne suffit pas de dire qu’il le lisait avec conscience : il le lisait avec confiance. A chacun de nous il faisait confiance. »
(Samuel Sylvestre de Sacy, NRF, septembre 1952


Courriers de Alain pendant la guerre de 1914 :


« Il n’y avait pas à hésiter ; tout dépendait de la force restante. C’est ainsi qu’à mes 46 ans, et que sur le vu du médecin-major, je me trouvai canonnier dans la lourde.(HP)
Le massacre des meilleurs ; j’y insiste. Considérez tout à nu cet effet de la guerre, et même de la victoire. L’honneur est sauf, mais les plus honorables sont morts. Toute la générosité est bue par la terre. Car c’est la vanité souvent qui crie et qui pousse à la guerre ; mais devant le feu, c’est la vraie force, physique et morale ensemble, qui va la première ; et à la fleur de l’âge, avant même que les enfants soient faits. La guerre n’est plus une épreuve pour les héros, je fais ici, allusion aux combats singuliers de l’Iliad, mais un massacre des héros. On fait la guerre afin d’être digne de la paix ; mais les plus dignes n’y sont plus quand on fait la paix.Je voudrais que les ombres des héros reviennent, et qu’ils admirent cette paix honorable qu’ils auront achetée de leur vie.»
(Propos d’un Normand, 3 août 1914)
Lettre à Marie Salomon, 11 avril 1916 :
« Vite je vous écris. Je travaille beaucoup. Le temps vole. Et j’arrive à oublier ces morts violentes qui voltigent. Il ne faut pas moins que la méditation suivie pour supporter un univers pareil. L’ennemi est nerveux et nous tire très bien dessus. Tant pire ! Je considère chaque journée comme une conquête, et comme un chapitre soustrait aux forces. Je ne pense pas que le résultat des méditations vous sera longtemps caché.. Sachez seulement que je n’oublie rien des leçons de Sévigné (sans doute les meilleures, certainement les plus libres que j’aie faites), que rien n’est perdu dans cette tête bien aménagée ; un obus peut la casser, certes, mais non pas la mettre en désordre par simple persuasion. Toute la philosophie est ici à l’épreuve et tient le coup. »
« Le métier d’artilleur est un métier d’ajustement ; chacun y a son rôle, et le temps de craindre manque dans l’occasion même où il y a lieu de craindre. Je connus surtout le téléphone, qui est chose ouvrière encore plus, et même j’y devins maître par les notions de physique que j’avais. Je fus expert en réparations de lignes et en réparation d’appareils. » (HP)
Alain à Elie et Florence Halévy :
Beaumont, le 6 décembre 1914,
« Mes anciens élèves ont été bien éprouvés. Je connais deux tués, deux blessés, un disparu, un prisonnier. »
« Quelles injures quand les combattant reviennent ! Mais nul chef ne veut les entendre ; il sait être absent. Le pouvoir s’exerce par des subalternes, dont les plus humbles sont des camarades, vêtus de la même boue que les hommes. Je n’ai pas vu de mutineries ; je ne sais pas bien comment elles ont commencé ; encore moins comment elles ont fini. Mais je savais qu’elles viendraient, et qu’elles viseraient des hommes qu’elles pourraient atteindre.
J’attaque donc le chef en son centre Je veux montrer le ridicule de faire massacrer les meilleurs hommes jusqu’à ce que l’ennemi soit las de tuer. Et j’ai le regret de dire que de l’officier tel que je l’ai vu, il ne doit rien rester, ni le costume, ni le ton.» (HP)


Les amis, les admirateurs, les lecteurs


André Bridoux
« J’ai toujours considéré comme une chance, on peut me croire, d’avoir été, au lycée Henri IV , l’élève de M. Chartier, et comme une chance toute particulière d’avoir été son élève avant 1914. Pas seulement par nostalgie d’un âge d’or. Mais, dès la fin de l’autre guerre, après les Quatre-vingt-un chapitres et le Système des Beaux-Arts, la notoriété de M, Chartier s’est prodigieusement accrue, et très rapidement. Certes, il appartenait toujours à ses élèves, auprès desquels son prestige n’a cessé de grandir ; mais il appartenait, aussi, forcément, à ses œuvres, et à sa renommée. Avant 1914, il nous appartenait presque tout entier. »

Lucien Cancouët, NRF, septembre 1952
« Nous mangeâmes souvent le pain de l’intendance, connûmes les mêmes fatigues, la même vermine, la même espérance.
Et quand, enfin, la guerre prit fin, les hasards de la vie ne nous séparèrent pas. Dès que je fus libéré, je courus chez lui et je le revis dans son petit appartement de la rue de Rennes où nous fûmes si heureux de nous retrouver vivants et entiers après avoir entendu les cloches de l’Armistice. »
La guerre lui avait beaucoup appris. Lui seul osa en tirer l’entière leçon. Mars ou la guerre jugée et Suite à Mars ont signifié à tous les tyrans, petits et grands, que la force ne résout rien et que seule vaut la confiance de l’homme en l’homme. »

Maurice Toesca, Le Lycée de mon père, p. 112
« Je relis Alain. Il était percheron et en avait l’allure. Il arrivait dans la cour du lycée Henri IV, roulant les épaules, tirant son chariot d’idées. Il le déversait et nous picorions. C’était un professeur de refus et de mépris, un anarchiste. Le mal était l’Autorité. Et pourtant il ne détestait pas l’autorité qu’il avait sur nous. Avec un physique de tambour-major, une âme de général en chef. »

Jean Prévost, Dix-huitième année, p.66
« La simple entrée d’Alain, Normand taillé en Viking, m’apparut comme un événement phénoménal. Les anciens l’appelaient volontiers « l’homme aux larges épaules ». Une liberté absolue commandait, qui s’accommodait d’ailleurs d’une discipline également absolue née du consentement unanime des élèves.
Tandis qu’il se débarrassait de son chapeau, de son manteau, il entamait un monologue sur les taxis, sur l’esperanto, sur les trains, les autobus et nous commencions à tendre l’oreille... Puis il s’asseyait à sa chaire.
Il entra, boitant un peu d’une blessure ; je ne vis d’abord que des épaules et des mains énormes. Enlevé le chapeau mou dont le bord lui tombait sur le nez, ce nez grand et gros apparut sur une moustache rude. Il s’assit, ouvrit sa serviette, sur laquelle il posa une main, mit l’autre à sa tempe. Ce geste releva les cheveux gris : « Tiens, son front n’est pas petit, comme il semblait, mais comme il le plisse et déplisse vite. Yeux gris ? non, je les vois mal, très enfoncés ; il tient le droit à moitié fermé, comme un qui se moque ». Il serait resté coiffé, laissant oubliés son front et ses yeux, je l’aurais pris pour un officier de dragons.
Il nous identifia, nous autres nouveaux, sans dignité, sans air d’ennui. Après quoi, il tira de sa serviette un gros livre. J’attendis cet enseignement fameux, en exhortant mon cœur aussi fort qu’un chrétien qui va ouïr les doctrines profanes. Mais je fus ahuri : ce qu’il lisait traduisait, commentait, c’était une ode d’Horace : celle où Ulysse parle à ses compagnons. Je me rappelle son geste joyeux au derniers vers « Cras, iterabimus aequor » « Demain nous naviguerons au large ». Cette joie, je le sentis, venait de l’entente de ce corps robuste avec sa lecture ; je me rappelai le Centaure et mes courses dans les bois, cette fois sans regret ni chagrin, comme les souvenirs que la musique rappelle. Quand l’heure sonna, et qu’il partit, sa serviette sous le coude, en roulant les épaules, je l’aimais déjà. »


Bibliographie


Principales oeuvres :
Quatre-vingt-un Chapitres sur l'esprit et les passions (1917)
Petit Traité d'Harmonie pour les aveugles (en braille, 1918)
Mars ou la guerre jugée (1921)
Propos sur l'esthétique (1923)
Propos sur les pouvoirs - Eléments d'une doctrine radicale (1925)
Sentiments, passions et signes (1926)
Le citoyen contre les pouvoirs (1926)
Les idées et les âges (1927)
Propos sur le bonheur (1928)
Propos sur l'éducation (1932)
Propos de littérature (1934)
Propos de politique (1934)
Propos d'économique (1935)
Souvenirs de guerre (1937)
Les Saisons de l'esprit (1937)
Propos sur la religion (1938)
Eléments de philosophie (1940)
Vigile de l'esprit (1942)
Préliminaires à la mythologie (1943).


A écouter
http://youtu.be/BVHCl6tv5Ho les monty Python
http://youtu.be/DbeRF--jQpM Moustaki
http://youtu.be/O3jaXAfa-fY escudero
http://youtu.be/VuaGw4ofe_U le philosophe de Coluche
http://youtu.be/Vf2_MqFJpbg Amel Bent
A regarder
http://youtu.be/vaTP4_n5KL8
http://youtu.be/oaRbwtppPNg
http://youtu.be/V1NgCsaGzaY
http://youtu.be/6l6m3SFxOvQ
http://youtu.be/_d6udNieGnU

La philosophie
http://youtu.be/Uz0q5ifPXqA
http://youtu.be/KyqLOPTA8dc


Lire la suite : http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=2174#forumpost2174


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Posté le : 03/03/2013 09:43
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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