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Frères d'Armes ou dans Les Bras...
Plume d'Argent
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De pau
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Ces montagnes embrumées
Sont maintenant ma maison
Mais ma patrie est la vallée
Le restera a jamais
Un jour nous retournerons
A nos villes nos contrées
Pour enfin cesser de se massacrer
Entre frères d'armes

A travers la destruction
Du baptême du feu
Témoin impuissant de tant de souffrances
Glorifiées par les batailles
Malgré leurs assauts mortels
Dans la terreur et l'angoisse
Vous ne m'avez jamais abandonné
Oh mes frères d'armes

Il y a tant de mondes différents
Tant de soleils également
Nous habitons tous le même
Pourtant chacun dans le sien

Le soleil est aux Enfers
Et la lune se dresse
Laissez-moi vous faire mes adieux
Tout Homme doit mourir
Il est écrit dans les étoiles
Dans chaque ligne de nos mains
Que nous sommes fous de faire la guerre
A nos frères d'armes


Posté le : 19/05/2013 19:37
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Dora Doll
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Le 19 mai 1922 naît à Berlin Dora Doll


Née sous le nom de Dorothea Feinberg, Dora Doll est une actrice française d'origine russe.Blonde sensuelle, la moue aguichante, les formes généreuses moulées dans des chandails volontiers trop étroits, Dora Doll fut longtemps cantonnée aux rôles de garce et de fille de petite vertu.
Il serait toutefois réducteur et simpliste de limiter sa féconde carrière à ce banal constat.
C'est une véritable actrice dont on parle peu alors qu'elle est aujourd'hui omniprésente dans les téléfilms des chaînes françaises. Corrigeons cet étonnant paradoxe et retraçons son foisonnant parcours.
Elle tourne 124 films, autant de participations télévisées et un actif théâtral important.


Fille d'un banquier, Dora Doll, de son vrai nom Dorothéa Hermina Feinberg, voit le jour à Berlin le 19 mai 1922.
Elle a deux ans lorsque ses parents quittent la capitale allemande et décidèrent en effet très rapidement de l'installer à Paris en France où la jeune dorothéa suivit une scolarité normale. Cependant, très jeune, elle apprit à maîtriser de nombreuses langues. Parlant déjà le russe et l'allemand de naissance, elle apprit rapidement à maîtriser le français, mais également l'anglais et l'italien. Elle effectue ses études secondaires au Lycée Victor Duruy dans le 7ème arrondissement, puis au Lycée Camille Sée d'où elle se fait exclure pour ses trop nombreuses absences au profit des salles obscures.
Elle n'en a cure. Pour elle, c'est l'évidence même, son destin est tout tracé : elle sera actrice !
Malgré la réticence de ses parents à voir leur fille se lancer dans une carrière d'actrice, Dorothée réussit finalement à suivre des cours de théâtre au Conservatoire.
L'ascension de sa carrière d'actrice

Cependant, le papa, allergique aux baladins, ne l'entend pas de cette oreille et fait tout pour freiner les précoces velléités de sa fille unique.
Il ne réussit qu'à renforcer l'entêtement de Dora. Celui-ci est tel qu'elle va jusqu'à une tentative de suicide -payante- puisqu'elle finit par pouvoir s'inscrire comme auditrice aux cours dispensés par Louis Jouvet au Conservatoire. Après de nombreux rôles comme figurante, elle finit par changer son nom en Dora Doll pour adopter une connotation plus anglo-saxonne.


Le maître a un faible pour sa jeune élève et s'il la chouchoute, cela n'exclut pas un travail acharné jusqu'à ce qu'elle s'imprègne totalement du vernis de pédanterie et de préciosité qu'affiche Armande, la fille aînée de Chrysale, dans Les femmes savantes.

Simultanément, elle débute au cinéma comme figurante dans Hôtel du Nord. Evidemment, Jouvet n'apprécie guère, mais comme il tient le rôle principal, il refrène ses admonestations.
Puis vient Entrée des artistes (un titre prémonitoire pour les jeunes acteurs figurant au générique). Elle retrouve un Jouvet ravi au point qu'il en oublie de la morigéner. Il est vrai aussi qu'il incarne son propre rôle.

Dora enchaîne aussitôt avec sept autres films de bonne facture, mais ses implications restent encore relativement modestes.
Nous sommes à la veille de la déclaration de guerre et Dora passe, comme beaucoup d'autres, en zone libre.
De 1940 à 1944, elle se produit au Palais de la Méditerranée à Nice et au Théâtre de Monte-Carlo.
Elle joue de tout. Elle brille en Dame Lise dans Cyrano de Bergerac comme dans La dame de chez Maxim's de Georges Feydeau ou dans La fleur d'oranger de Birabeau et Dolley, et avec un bel éclectisme dans les joyeuses revues animées par Géo Dorlys !

A la Libération, Dora reprend contact avec le cinéma. Il s'opère avec La foire aux chimères, un film résolument noir, austère, mis en scène par Pierre Chenal, de retour de son exil sud-américain. Cette réalisation est fraîchement accueillie, mais la joie de Dora de figurer à l'affiche aux côtés d'un monstre de talent tel qu' Erich von Stroheim efface toutes les déceptions.

Elle rencontre un jeune comédien niçois du nom de Raymond Pellegrin, monté à Paris sur les conseils de Marcel Pagnol.
C'est le coup de foudre. Ils se marient le 12 juillet 1949 à la mairie du 17ème arrondissement.
Leur union s'égaie bien vite par la naissance d'une fille, Danielle.

Les années cinquante sont les plus intenses. Jacques Becker la remarque au théâtre lors d'une représentation de Clérambard de Marcel Aymé à la Comédie des Champs-Elysées. Elle incarne "la Langouste" aux côtés de Jacques Duby.
Impressionné par son abattage, le réalisateur lui offre son premier rôle important avec Touchez pas au grisbi.
Elle incarne Lola, la danseuse de cabaret au grand coeur et au sourire canaille qui en pince pour l'impénétrable truand campé par Jean Gabin.

Du coup, le cinéma la distancie du théâtre classique qu'elle a si bien servi jusque là. Dora se voit proposer toute une série de rôles de vamp, de fille facile : Un acte d'amour, La fille perdue, La cage aux souris, Les impures, etc.
Elle y étale davantage son glamour que son talent. Sa sensualité opère bien des ravages. C'est ce que veulent les producteurs.
Bonne fille, elle s'exécute.

Parmi son actif cinématographique quelques titres brillent d'un éclat particulier. Ses meilleurs souvenirs vont vers French Cancan où elle est dirigée par un merveilleux et charmant Renoir, mais aussi Le bal des maudits, un film américain tourné à Paris par Edward Dmytryk avec des partenaires prestigieux : Marlon Brando encore svelte et terriblement séduisant, Montgomery Clift déjà plongé dans sa phase destructrice, et Dean Martin, joyeux boute-en-train.

1954, la bonne année de French Cancan est aussi une année de déchirure : Raymond Pellegrin rencontre Giselle Pascal et tout bascule. C'est la séparation. Le divorce est prononcé l'année suivante.

Dix ans plus tard, le 13 décembre 1965, elle convole en secondes noces avec le chanteur François Deguelt. Son bonheur est de courte durée et se dissout dans une profonde amertume. La séparation intervient six ans plus tard.

Entre les tournages pour le cinéma et la télévision, elle revient régulièrement au théâtre, se produisant notamment dans L'homme traqué de Frédéric Dard, Procès à Jésus de Diego Fabbri, Le pain des Jules d'Ange Bastiani, Chérie noire de François Campaux, Il y a longtemps que je t'aime et Tovaritch, toutes deux de Jacques Deval, L'île aux chèvres d'Ugo Betti, etc.

En novembre 1961, une surprise de taille : au Théâtre Montansier de Versailles l'ex-vamp renoue avec le classique et se métamorphose en Madame Lidoine dans Le dialogue des Carmélites de Georges Bernanos. Elle reprend ni plus ni moins le rôle tenu à la Comédie Française par Lise Delamare !
Marcelle Tassencourt et Thierry Maulnier qui président aux destinées de la ravissante salle francilienne lui font encore cadeau d'un rôle superbe, celui de Catharina, l'agressive et trépignante Mégère apprivoisée de Shakespeare.

En septembre 1971, Robert Lamoureux lui confie la création de la fausse bonne auprès de Françoise Rosay en tante autoritaire dans La soupière au Théâtre Edouard VII.

En mars 1989, Jean-Claude Drouot, alors à la tête du Théâtre National de Belgique, l'accueille pour Il Campiello, une comédie peu connue de Goldoni.
Dora apparaît truculente et pathétique dans le rôle de Catte, une femme usée par la pauvreté. La pièce est jouée à Bruxelles et en province. Hélas, c'est un flop monumental. Dépourvue de la moindre rancune, excellente fourchette, elle s'en remet avec bonne humeur en goûtant le célèbre "waterzooï", la spécialité du plat pays de Brel !

Pour le cinéma comme pour le théâtre, l'âge n'est plus au glamour et Dora s'investit dans des compositions plus denses, plus dramatiques.
En 1976, Jean-Jacques Annaud tourne en Côte d'Ivoire La victoire en chantant, un film intelligent, criant de vérité, qui sera récompensé par l'Oscar du meilleur film étranger. Dora y incarne l'accorte Maryvonne, généreuse de ses charmes, un rôle pour lequel elle n'hésite pas à prendre vingt kilos et quelques rides.

Deux ans plus tard, Annaud la sollicite à nouveau pour un rôle de religieuse (!) dans Coup de tête, une satire sur les milieux pourris du football. Quant à Chabrol, il lui réserve une très belle composition auprès d'Isabelle Huppert dans Violette Nozière, l'histoire vraie d'une jeune parricide.

Les bons rôles commencent à arriver. C'est le moment que choisit la télévision pour se souvenir d'elle.
Ses participations sont tellement nombreuses, peut-être davantage qu'au grand écran, qu'il est impossible de tout énumérer.
Citons quelques-uns des plus populaires : Le château des oliviers de Nicolas Gessner, Les allumettes suédoises d'après le roman autobiographique de Robert Sabatier mis en scène par l'excellent Jacques Ertaud qui décède peu après le tournage, Une brève rencontre : Edith Piaf de Michel Wyn dans lequel elle interprète une superbe et saisissante Fréhel. En Camargue, elle tourne Le grand batre de Laurent Carcélès; dans le Rouergue, La clef des champs de Charles Nemes; en Ardèche, Le refuge, une série de Christian François; en Bretagne pour Cap des pins.

Aujourd'hui, elle incarne les grands-mères attentionnées, un emploi qu'elle n'a aucune peine à tenir puisque l'étant elle-même quatre fois.

Débordante d'énergie et de vitalité, la valise est toujours prête pour un tournage en extérieurs, une ambiance qui lui convient particulièrement bien.
La France, elle la connaît pour l'avoir parcourue de long en large avec Hippocrate, son fidèle petit yorkshire ainsi baptisé eu égard à la profession de médecin qu'exerce sa fille.
En retour, les Français l'apprécient et ne sont pas indifférents au charme de sa sympathique personnalité.

Son port d'attache est la Camargue… mais il est tout provisoire car elle reconnaît l'impérieux besoin de déménager tous les trois ans !


Ses Films

1938 Hôtel du Nord, de Marcel Carné, figuration.
Entrée des artistes, de Marc Allégret, avec Louis Jouvet
1939 Paradis perdu, d'Abel Gance, avec Fernand Gravey.
Entente cordiale, de Marcel L'Herbier, avec Victor Francen.
Battement de coeur, de Henri Decoin, avec Claude Dauphin.
Nuit de décembre, de Kurt Bernhardt, avec Pierre Blanchar.
Moulin Rouge, d'André Hugon, avec Lucien Baroux.
1940 Untel père et fils, de Julien Duvivier, avec Raimu.
Parade en sept nuits, de Marc Allégret, avec Raimu.
1946 La foire aux chimères, de Pierre Chenal, avec Erich von Stroheim.
L'inspecteur Sergil, de Pierre Chenal, avec Paul Meurisse.
La maison sous la mer, de Henri Calef, avec Viviane Romance.
1947 Quai des Orfèvres, de Henri-Georges Clouzot, avec Louis Jouvet.
1948 Manon, de Henri-Georges Clouzot, avec Cécile Aubry.
La passagère, de Jacques Daroy, avec Georges Marchal.
Le sorcier du ciel, de Marcel Blistène, avec Georges Rollin.
1949 Un homme marche dans la ville, de Marcello Pagliero, avec Ginette Leclerc.
Dans la vie tout s'arrange, de Marcel Cravenne, avec Paul Henried.
Pardon my French, de Bernard Vorhaus, version anglaise du précédent.
Rendez-vous avec la chance, d'Emile-Edwin Reinert, avec Henri Guisol.
1950 La passante, de Henri Calef, avec Henri Vidal.
La rose rouge, de Marcello Pagliero, avec Barbara Laage.
Identité judiciaire, de Hervé Bromberger, avec Raymond Souplex.
1951 Le garçon sauvage, de Jean Delannoy, avec Frank Villard.
1952 Bacchus mène la danse, de Jacques Houssin, inachevé.
1953 Destinées, sketch "Jeanne", de Jean Delannoy, avec Michèle Morgan.
Un acte d'amour / Act of love, d'Anatol Litvak, avec Kirk Douglas.
Touchez pas au grisbi, de Jacques Becker, avec Jean Gabin.
La fille perdue, de Jean Gourguet, avec Claudine Dupuis.
Monsieur Scrupule, gangster, de Jacques Daroy, avec Yves Vincent.
Maternité clandestine, de Jean Gourguet, avec Dany Carrel.
L'envers du paradis, d'Edmond T. Gréville, avec Erich von Stroheim.
1954 Pas de souris dans le bizness, de Henri Lepage, avec Geneviève Kervine.
Les impures, de Pierre Chevalier, avec Raymond Pellegrin.
La cage aux souris, de Jean Gourguet, avec Dany Carrel.
Votre dévoué Blake, de Jean Laviron, avec Eddie Constantine.
French Cancan, de Jean Renoir, avec Jean Gabin.
Le crâneur, de Dimitri Kirsanoff, avec Raymond Pellegrin.
Obsession, de Jean Delannoy, avec Michèle Morgan.
Nana, de Christian-Jaque, avec Martine Carol.
1955 Pas de pitié pour les caves, de Henri Lepage, avec Robert Berri.
Sophie et le crime, de Pierre Gaspard-Huit, avec Marina Vlady.
On déménage le colonel, de Maurice Labro, avec Yves Deniaud.
La foire aux femmes, de Jean Stelli, avec Etchika Choureau.
Soupçons / La pavane des poisons, de Pierre Billon, avec Frank Villard.
Chiens perdus sans collier, de Jean Delannoy, avec Jean Gabin.
Gueule d'ange, de Marcel Blistène, avec Maurice Ronet.
La môme Pigalle, d'Alfred Rode, avec Claudine Dupuis.
1956 Elena et les hommes, de Jean Renoir, avec Ingrid Bergman.
Calle Mayor / Grand'rue, de J.A. Bardem, avec José Suarez.
Le colonel est de la revue, de Maurice Labro, avec Yves Deniaud.
Pas de grisbi pour Ricardo, de Henri Lepage, avec Armand Bernard.
Ah ! quelle équipe !, de Roland Quignon, avec Colette Deréal.
Fernand cow-boy, de Guy Lefranc, avec Fernand Raynaud.
Adorables démons, de Maurice Cloche, avec Albert Préjean.
L'amour descend du ciel, de Maurice Cam, avec Claude Brasseur.
Quelle sacrée soirée / Nuit blanche et rouge à lèvres, de Robert Vernay, avec Jean
Bretonnière.
1957 Mademoiselle Strip-tease, de Pierre Foucaud, avec Philippe Nicaud.
Miss Pigalle, de Maurice Cam, avec Barbara Laage.
1958 The young lions / Le bal des maudits, d'Edward Dmytryk, avec Marlon Brando.
Archimède le clochard, de Gilles Grangier, avec Jean Gabin.
Enigme aux Folies-Bergère, de Jean Mitry, avec Frank Villard.
1959 Un témoin dans la ville, d'Edouard Molinaro, avec Lino Ventura.
Les frangines, de Jean Gourguet, avec Françoise Vatel.
125, rue Montmartre, de Gilles Grangier, avec Lino Ventura.
1960 La Reina del Tabarin / Mariquita, la belle de Tabarin, de Jess Frank, avec Yves Massard.
Cocagne, de Maurice Cloche, avec Fernandel.
Dossier 1413, d'Alfred Rode, avec Claudine Dupuis.
Première Brigade criminelle, de Maurice Boutel, avec Jacques Dumesnil.
1961 Le dernier quart d'heure, de Roger Saltel, avec Georges Rivière.
1962 Mélodie en sous-sol, de Henri Verneuil, avec Jean Gabin.
1964 Une souris chez les hommes, de Jacques Poitrenaud, avec Louis de Funès.
Dictionary of sex, de Radley Metzger, avec Pierre Brice.
1965 Pas de caviar pour tante Olga, de Jean Becker, avec Pierre Brasseur.
1970 La liberté en croupe, d'Edouard Molinaro, avec Michel Serrault.
Le jour de noces, de Claude Goretta, avec Jean-Luc Bideau.
1971 Hellé, de Roger Vadim, avec Robert Hossein.
1972 Certaines chattes n'aiment pas le mou / Godefinger, de Bob Logan, avec Claude Melki.
Les déracinés, d'André Teisserre, avec Henri Marteau, film inédit.
1973 La main à couper, d'Etienne Périer, avec Léa Massari.
1974 Zerschossene Träume / L'appât, de Peter Patzak, avec Raymond Pellegrin.
En grandes pompes, d'André Teisseire, avec Jean-Marc Thibault.
1975 Catherine et Cie, de Michel Boisrond, avec Jane Birkin.
Champagner aus dem Knobelbecher / Y en a plein les bottes, de Franz Marischka, avec Axel
Scholtz.
L'incorrigible, de Philippe de Broca, avec Jean-Paul Belmondo.
Deux imbéciles heureux, d'Edmond Freess, avec Maurice Biraud.
Calmos, de Bertrand Blier, avec Jean-Pierre Marielle.
1976 Comme un boomerang, de José Giovanni, avec Alain Delon.
Le pays bleu, de Jean-Charles Tacchella, avec Brigitte Fossey.
Julia, de Fred Zinnemann, avec Jane Fonda.
La victoire en chantant / Noirs et blancs en couleurs, de Jean-Jacques Annaud, avec Jean
Carmet.
1977 Diabolo menthe, de Diane Kurys, avec Eléonore Klarwein.
Violette Nozière, de Claude Chabrol, avec Isabelle Huppert.
1978 Coup de tête, de Jean-Jacques Annaud, avec Patrick Dewaere.
Les filles du régiment, de Claude Bernard-Aubert, avec Gérard Séty.
Dehors c'est nulle part, court métrage de Patrick Chapuis, avec Daniel Colas.
L'amour vole / Grandison, de Achim Kurz, avec Jean Rochefort.
Les givrés, d'Alain Jaspard, avec Henri Guybet.
1980 Les Charlots contre Dracula, de Jean-Pierre Desagnat, avec Gérard Jugnot.
1981 La nuit de Varennes, d'Ettore Scola, avec Marcello Mastroianni.
1982 Blue lady, court métrage d'Agnès Massery.
La femme ivoire, de Dominique Cheminal, avec Roland Blanche.
1983 Ave Maria / Rebelote, de Jacques Richard, avec Jean-Pierre Léaud.
Bastille, de Rudolf Van den Berg, avec Derek De Lint.
1985 Le voyage à Paimpol, de John Berry, avec Myriam Boyer.
Gros dégueulasse, de Bruno Zincone, avec Jackie Sardou.
La curée du lavoir / L'abreuvoir, court métrage de Gérard Fromentin.
1986 Commando Mengele / L'ange de la mort, d'Andrea Bianchi, avec Christopher Mitchum.
1987 Les deux crocodiles, de Joël Séria, avec Jean-Pierre Marielle.
Encore / Once more, de Paul Vecchiali, avec Jean-Louis Rolland.
Les keufs, de et avec Josiane Balasko.
1988 Mon ami le traître, de José Giovanni, avec André Dussolier.
Maniac killer, d'Andrea Bianchi, avec Chuck Connors.
1990 Conte barbare, court métrage de Pierre Schumacher.
1991 Les jours de la lune, court métrage de Jean-Pierre Duret.
1992 Le mari de Léon, de et avec Jean-Pierre Mocky.
Pas d'amour sans amour, d'Evelyne Dress, avec Patrick Chesnais.
1993 L'enfer, de Claude Chabrol, avec Emmanuelle Béart.
2000 Là-bas… mon pays, d'Alexandre Arcady, avec Mathilda May.
2001 Meilleur espoir féminin, de et avec Gérard Jugnot.
2002 De la tête aux pieds, court métrage de Pascal Lahmani.
2003 Poésie d'el amor, court métrage d'Olivier Vidal, avec Mischa Aznavour.
2005 Je vous trouve très beau, d'Isabelle Mergault, avec Michel Blanc.
La part animale, de Sébastien Jaudeau, avec Rachida Brakni

Liens

http://youtu.be/9J7nopyt7Xg les rôles de Dora Doll
http://youtu.be/JfeUS-ivpgU avec Pierre Tchernia

http://youtu.be/boOwnid8u3s Diabolo menthe (Dora Doll est la prof de gym en manteau de fourrure)

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Posté le : 19/05/2013 16:32
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Mustafa kemal Atatürk Turk-père 1
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Le 19 Mai 1881 serait né Atatürk Mustafa Kemal, "le Turc-Père"


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L'Islam, cette théologie absurde d'un Bédouin immoral, est un cadavre putréfié qui empoisonne nos vies.


Mais pourquoi nos femmes s'affublent-elles encore d'un voile pour se masquer le visage, et se détournent-elles à la vue d'un homme ? Cela est-il digne d'un peuple civilisé ? Camarades, nos femmes ne sont-elles pas des êtres humains, doués de raison comme nous ? Qu'elles montrent leur face sans crainte, et que leurs yeux n'aient pas peur de regarder le monde ! Une nation avide de progrès ne saurait ignorer la moitié de son peuple !
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin, éd. Albin Michel, 1954, p. 373


N'est-ce pas pour le Calife, pour l'Islam, pour les prêtres et pour toute cette vermine que le paysan turc a été condamné à saigner et à mourir pendant des siècles sous toutes les latitudes et sous tous les climats ? Il est temps que la Turquie songe à elle-même, qu'elle ignore tous ces Hindous et Arabes qui l'ont menée à sa perte. Il est grand temps, je le répète, qu'elle secoue définitivement le joug de l'Islam ! Voilà des siècles que le califat se gorge de notre sang.
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin, éd. Albin Michel, 1954, p. 332



Mustafa Kémal le père des Tucks et fondateur de la turquie moderne.
Mustafa Kemal, à partir de 1934 devenu Kemal Atatürk est né à Salonique et mort à Istanbul le 10 novembre 1938, est le fondateur et le premier président de la République turque.
Après la Première Guerre mondiale et l'occupation alliée de l'Empire ottoman, ce militaire de carrière refuse de voir l'Empire ottoman être démembré par le traité de Sèvres. Accompagné de partisans, il se révolte contre le gouvernement impérial et crée un deuxième pouvoir politique à Ankara. C’est de cette ville qu’il mène à la tête de la résistance turque la guerre contre les occupants.
Sous son commandement, les forces turques vainquirent les armées arméniennes, françaises et italiennes. Puis il défait les armées grecques qui occupent la ville et la région d’Izmir, la Thrace orientale et des îles de la mer Égée (Imbros, aujourd'hui Gökçeada, Ténédos, aujourd'hui Bozcaada, et Moschonisi, aujourd'hui Alibey). Après la bataille du Sangarios (aujourd'hui Sakarya), la Grande assemblée nationale de Turquie lui donne le titre de Gazi : le victorieux ; il parvient à repousser définitivement les armées grecques hors de Turquie. À la suite de ces victoires, les forces britanniques choisissent de signer un premier armistice avec lui et s’engagent aussi à quitter le pays.
Mustafa Kemal affirme également une volonté farouche de rupture avec le passé impérial ottoman et de réformes radicales pour son pays.
Inspiré par la Révolution française, il profite de ce qu'il considère comme une trahison du sultan lors de l’armistice de Moudros, pour mettre un terme au règne du sultan le 1er novembre 1922.
Il instaure ainsi la laïcité : séparation entre le pouvoir politique le sultanat et spirituel le califat.
Après la proclamation de la République, il déplace la capitale d’Istanbul à Ankara et occidentalise le pays à travers plusieurs réformes.
Notamment, il inscrit la laïcité dans la Constitution turque, donne le droit de vote aux femmes et remplace l’alphabet arabe par l’alphabet latin.
Sous sa présidence autoritaire dotée d'un parti unique, la Turquie a mené une révolution sociale sans précédent, qu’on appelle généralement « révolution kémaliste ». Le 24 novembre 1934, l’Assemblée lui donne le nom d’Atatürk, ce qui ne veut pas dire « père des Turcs », mais le « Turc-Père », au sens de « turc comme l'étaient les anciens », le mot Ata voulant dire ancêtre.
Il meurt d’une cirrhose du foie le 10 novembre 1938. Au cours des funérailles nationales, il est enterré au musée ethnographique d’Ankara. Sa dépouille repose aujourd’hui dans le mausolée dit de l’Anıtkabir

Enfance

Mustafa Kemal Atatürk est né, dans le quartier de Kocakasim de Salonique, dans une maison rose de trois étages située sur la rue d'Islahhaneavenue Islâhhâne.
Sa maison natale est actuellement le siège du consulat turc et abrite également un musée. La date exacte de sa naissance est incertaine mais ses biographes dans son historiographie officielle le font cependant naître le 19 mai, en référence à la date du déclenchement de la guerre d'indépendance turque, le 19 mai 1919.

Son père se nomme Ali Rıza Efendi et sa mère Zübeyde Hanım. Son grand-père paternel Hafız Ahmet Efendi descend des tribus nomades Kocacık Yörükleri, les Turkmènes Yörüks, originaires de Konya et d’Aydın, qui se sont établies en Macédoine aux XIVe siècle et XVe siècle.
Sa mère appartient à une vieille famille établie au bourg de Langaza dans les environs de la même ville.
Des cinq frères et sœurs d’Atatürk, quatre meurent en bas âge et seule Makbulé vécut jusqu’en 1956 : Fatma (1872-1875), Ahmet (1874-1883) et Ömer (1873-1883) sont morts prématurément de la diphtérie et Naciye (1889-1901) succomba à la tuberculose.
Mustafa Kemal commence son éducation à l’école coranique du quartier de Hafız Mehmet Efendi ; puis, suivant la volonté de son père, il entre à l’école laïque privée Şemsi Efendi en 1886.
Il garde un très mauvais souvenir des cours coraniques dans lesquels le maître religieux leur apprenait par cœur des versets en arabe, langue dans laquelle aucun des élèves ne comprenait un mot.
C’est à cette époque que son père meurt, en 1888. Sa mère s’installe alors à une trentaine de kilomètres de Thessalonique dans une ferme où travaille son frère. Mustafa Kemal doit cesser sa scolarisation pour devenir berger. Devant son refus de recevoir l’enseignement d’un pope grec, puis d’un imam, sa mère décide alors de le est rescolarisé à Thessalonique où il est hébergé chez sa tante.
En 1893, alors qu’il a douze ans, il se présente au concours d’entrée au collège militaire sans en parler à quiconque.
Sa mère craint les vicissitudes et les conditions difficiles de la vie militaire dans l’Empire ottoman. Diplômé du collège militaire de Salonique en 1896, il est admis à l'École des cadets à Monastir.
C’est dans cette école que son professeur de mathématiques Mustafa Bey décide d'ajouter « Kemal » qui signifit parfait, complet à son nom pour ses talents en mathématiques, parce que deux Mustafa dans la même classe, c'est trop.
Dans les années 1896 à 1899 il termine deuxième de sa promotion au lycée militaire de Monastir, aujourd'hui Bitolj en République de Macédoine.
Ces trois années passées à Monastir, ont fortement marqué sa personnalité. Grâce à un condisciple, Ömer Naci, il a découvert la littérature, et commence à composer des poèmes pendant une assez longue période.
D'autre part, les textes des grands penseurs français du siècle des lumières, surtout ceux de Voltaire, Rousseau, Auguste Comte, Camille Desmoulins et Montesquieu, lui ont révélé les principes qui constituent l'essence même des sociétés européennes mais il est également un fin admirateur de la France révolutionnaire et de Napoléon.
Durant son séjour à Monastir, il revenait régulièrement à Salonique pour les vacances scolaires, y passait de longues soirées dans les cafés grecs avec ses camarades d'enfance, et y découvrit grâce à de ravissantes entraineuses, toutes non musulmanes, les plaisirs charnels et les femmes ; il fréquentait également des cours où il apprenait à danser la valse et la polka et passait surtout beaucoup de temps chez des frères enseignants auprès desquels il perfectionnait son français.
Le remariage de sa mère, pour des raisons financières, avec Ragip, un père de famille veuf, l'indisposant, il ne rentrait chez lui que pour dormir.
À cette époque, les seules études supérieures possibles étaient les études de théologie et les études militaires.
Il entre à l’école de guerre d'Istanbul le 13 mars 1899. Mustafa Kemal ne figure pas parmi les bons élèves de l'École militaire : depuis son arrivée à Istanbul, sa vie, jadis studieuse, avait sérieusement été perturbée : il se rend compte que la capitale se compose en fait de deux villes juxtaposées, totalement différentes l'une de l'autre : au sud de la Corne d'Or se trouve la cité musulmane avec ses rues tortueuses, des hommes qui vaquent à leurs affaires de l'aube au crépuscule arrêtant leur activités dès que l'appel à la prière retentit pour se précipiter dans les mosquées ; des femmes dans leurs tchadors qu'il décrit comme des fantômes noirs rasant les murs ; dès la nuit tombée, ce secteur turc devient silencieux et désert ; au nord, le quartier de Péra, habité surtout par des étrangers, a un visage très différent : hôtels, théâtres, ambassades, salles de jeu, clubs, tavernes et autres lieux de plaisir se succèdent ; c'est dans cette ambiance qu'il sera absorbé lors de sa première année d'étude et ne s'était pas distingué aux yeux de ses professeurs.
Il avait fini par se ressaisir et était considéré comme un élève brillant lors de la remise des diplômes. Il quitte l'École militaire en 1902 avec le grade de lieutenant.


Mustafa Kemal lieutenant

Il excelle particulièrement dans les matières se rattachant à l'art de la guerre. En parallèle, il se cultive dans différents domaines, surtout par ses lectures.
En ce qui concerne la politique, ses positions deviennent de plus en plus précises : en français, il relit les grands penseurs qu'il avait découvert à Monastir et suit avec un vif intérêt l'actualité à travers la presse qui arrive de Paris.
En turc, il lit en cachette les ouvrages de Namik Kemal et ceux d'autres intellectuels progressistes interdits par la censure impériale.
Il entreprend ensuite des études à l'Académie militaire, qu'il achève le 11 janvier 1905 avec le grade de capitaine d'état-major. Il pourra bientôt faire preuve sur le terrain des compétences qu'il a acquises en six années d'études.
À l'Académie, il n'a jamais caché qu'il était de plus en plus habité par des projets révolutionnaires.
Il lisait les œuvres de John Stuart Mill dont il partageait les idées, tout particulièrement celles concernant la libération politique de la femme.
Il avait aussi lu tous les ouvrages sur Napoléon, dont il avait fait son idole, malgré quelques réserves. Un comité secret qu'il avait formé, au sein même de l'Académie, appelé Vatan, rédigeait et diffusait discrètement un journal manuscrit : il était l'auteur de tous les textes qui dénonçaient les tares du régime.
Le palais, qui avait appris cette activité clandestine, avait ordonné au directeur de l'établissement de surveiller de près ces contestataires, mais le directeur avait fait semblant de ne rien remarquer.
Diplôme en poche, il décide de louer une chambre avec quelques-uns de ses camarades dans le quartier de Beyazit.
Plusieurs officiers de sa promotion, dont son ami Ali Fuad, avaient pris l'habitude de se réunir pour discuter, avec un esprit critique, des affaires du pays et lire des ouvrages interdits. Cependant ils ignoraient que Fethi, un jeune homme démuni qu'ils hébergeaient, était en réalité un espion du palais.
À la suite de sa dénonciation, ils se font arrêter avec ses amis du comité le 29 décembre 1904. Ils sont incarcérés à la prison rouge d'Istanbul, mais faute de preuves, il est décidé de leur rendre la liberté, à condition que leur premier poste soit éloigné de la capitale.
Mustafa Kemal et Ali Fuad avaient espéré un poste proche d'Istanbul, en Thrace ou en Macédoine, mais ils furent dépêchés à Damas14 au sein de la 5e armée, dans le but d'effectuer un stage dans le 30e régiment de cavalerie où il fut chargé de parfaire la formation et l'entraînement d'officiers en les initiant aux théories stratégiques modernes afin de combattre les rebelles druzes.
Durant son séjour à Damas, il rencontre des dizaines d’officiers hostiles au sultan et au régime impérial. Il décide de créer une association révolutionnaire, Patrie et liberté, qui vise à combattre et à renverser le sultan.

L'organisation grandit rapidement et possède bientôt des ramifications dans toutes les unités syriennes ; en mars 1906, il a déjà créé des cellules à Jérusalem, Jaffa, et Beyrouth mais se rend compte qu'il ne pourra compter sur les arabes qui peuplent la région pour soutenir son action : ceux-ci sont absolument indifférents au sort de l'empire, dont la tutelle les gêne plus qu'elle ne les comble.
Pour Mustafa Kemal, la Macédoine reste incontestablement le lieu le plus propice pour fomenter des troubles politiques.
En août 1906, il passe clandestinement à Salonique où il se rend tout de suite chez sa mère. Grâce à un colonel de l'état-major, il obtient un congé maladie de quatre mois : il lui devenait ainsi possible de se montrer partout à Salonique sans crainte de se faire repérer. En peu de temps, il avait su créer la cellule salonicienne de Patrie et liberté. Le nombre des premiers membres ne dépassait guère la demi douzaine. Une nuit, ils s'étaient tous réunis chez l'un d'entre eux et Mustafa Kemal avait rappelé les trois objectifs de l'association avant de poser un revolver sur la table : il préférait que la prestation de serment soit faite sur cette arme plutôt que sur le Coran, comme le voulaient les traditions ottomanes.
Peu de temps après cette cérémonie, il apprend par un ami que sa fugue avait été découverte par ses supérieurs et qu'il était activement recherché en tant que déserteur.
Il finit par retourner à Jaffa. Afin de couvrir sa fugue, un commandant l'envoie immédiatement sur le front d'Akaba ; après la victoire là-bas, il retrouve son poste à Damas.
En novembre 1907, il obtient le rang de Kolağası, lieutenant entre capitaine et commandant, et il reçoit l'ordre de rejoindre la 3e armée en Macédoine, région en proie à une agitation permanente attisée par des nationalistes liés aux minorités.
Le fait d'avoir été muté de Damas à Salonique permet officiellement à Mustafa Kemal de se retrouver sur le terrain idéal pour ses activités révolutionnaires.
Là, il découvre une puissante organisation révolutionnaire : le Comité Union et Progrès qui a absorbé le groupuscule Patrie et liberté à Salonique.
Cette autre association révolutionnaire est mieux structurée, possédant de nombreuses ramifications à travers tout l'empire ainsi qu'à l'étranger.
Parmi ses plus hauts responsables figurent le colonel Djemal et Talaat. Les formalités d'admission inspirées du rituel maçonnique ne lui plaisent pas : le candidat, avec les yeux bandés, est reçu par trois individus masqués et portant une pèlerine ; il prête serment tout en posant sa main sur le Coran puis sur l'épée.
Mustafa Kemal est irrité par l'immixtion d'un élément religieux dans une entreprise qui se veut d'abord patriotique.
Avec son franc-parler habituel, il agace les principaux meneurs des unionistes qui recherchent sans cesse les moyens de l'éloigner autant que possible de leur siège central16. Mustafa Kemal adhère à la loge Vedata.
Cette loge est composée en grande partie d'étrangers, ce qui le pousse à la quitter.

Au printemps 1908, la révolution Jeunes-Turcs éclate. Niazi, l'un des dirigeants du mouvement, s'isole avec une poignée de partisans dans les montagnes macédoniennes. Mais Mustafa Kemal ne suit pas immédiatement le mouvement. Il est persuadé que la révolution serait un échec.
Le sultan dépêche l'armée pour mater les maquisards, mais l'armée se révolte à son tour contre le sultan.
Celui-ci rejette toutes les fautes sur ses conseillers et annonce la création d'un gouvernement constitutionnel.
C'est une victoire pour les Jeunes-Turcs qui s'empressent de rétablir la constitution de 1876.
En 1911, il commence à travailler sous le commandement du chef d'état-major à İstanbul.

Le militaire

Mustafa Kemal est volontaire pour partir au front.
L'armée ottomane manque de cadres dans ce pays et confie à Mustafa Kemal un poste dans la région de Tobrouk et de Derna. Le 22 décembre 1911 Mustafa Kemal est victorieux lors d'une contre-offensive qui permet de repousser l'armée italienne.
Après cette victoire à Tobrouk, il prend le commandement militaire de Derna le 6 mars 1912.
Mais en octobre 1912, le Monténégro déclare la guerre à l'Empire Ottoman, et est immédiatement suivi de la Serbie, de la Bulgarie et de la Grèce. Le gouvernement turc conclut en toute hâte un traité de paix avec les Italiens et ordonne à ses troupes d'évacuer la Libye. Mustafa Kemal repart en direction de la Turquie.

Les Balkans en guerre

De retour en Turquie, Kemal y trouve une situation déplorable : les armées ottomanes ont été battues sur tous les fronts. Les Serbes ont progressé sans rencontrer de résistance sérieuse et se sont emparés de Durazzo et de Monastir ; quant aux Grecs, ils ont pris Salonique et ont fait plus de 25 000 prisonniers.
Les Bulgares ont marché sur Istanbul et ont martelé les fortifications de Chataldja. Les Ottomans sont défaits dans pratiquement toutes leurs possessions d'Europe.
Mustafa Kemal prend alors part à la première guerre balkanique.
Il est chef d'état-major d'une division chargée de défendre la ligne de fortifications située en travers de la presqu'île de Gallipoli en face de Bulaïr. Au cas où cette position stratégique serait prise par les Bulgares, ils contrôleraient alors les Dardanelles, d'où ils pourraient envahir l'Anatolie et prendre Istanbul à revers. Les Bulgares lancent huit offensives qui sont toutes repoussées. Les villes de Dimetoka et d'Edirne sont reprises à l'ennemi.
C'est une victoire pour Kemal.
À la fin de la guerre balkanique, le triumvirat confie la réorganisation de l'armée ottomane à l'Allemagne, ce qui irrite les officiers ottomans, dont Mustafa Kemal, qui ne cessent de dénoncer la germanophilie d'Enver Pacha. Pour se débarrasser de lui, ce dernier le nomme au poste de lieutenant-colonel et l'expédie comme attaché militaire à Sofia en 1913.


Première Guerre mondiale Les Dardanelles

Mustafa Kemal au milieu de ses hommes.
À la suite de l'entrée en guerre de l'Empire ottoman au côté de l'Allemagne et de l'empire d'Autriche, Hakki Pacha affecte Kemal dans une unité commandée par le général allemand Liman von Sanders.
Convaincu que l'attaque des alliés se passerait à Gallipoli, il y installe son quartier général.
L'attaque des alliés contre Gallipoli se précise.
Von Sanders prépare ses troupes à défendre une côte longue de 80 km. Ne sachant pas où aurait lieu l'attaque principale, il crée trois unités de 20 000 hommes chacune se répartissant sur la côte.
Mustafa Kemal reçoit le commandement du groupe situé devant le cap Hellès, au sud de la péninsule.

Sanders charge Kemal de créer la 19e division à Tekirdağ, une brigade composée de Turcs et d'Arabes, à l'arrière des zones de débarquement.
L'attaque franco-britannique a lieu le 25 avril 1915. Mustafa Kemal, se trouve devant l'attaque principale. Il parvient à stopper la progression des Australiens pendant la journée que durent les combats.
À la nuit tombante, la crête est toujours entre les mains des Ottomans. Mustafa Kemal contre-attaque durant la nuit et la journée qui suivent, sans parvenir à repousser les Australiens. Il est cependant promu au rang de colonel pour avoir tenu la place.
Vers le début du mois de juin, il découvre un point faible dans les lignes ennemies et décide d'y effectuer une percée.
L'attaque, préparée pour le 28 juin, doit être exécutée par un régiment turc d'élite, nouvellement arrivé à Gallipoli. L'offensive se solde par un échec cuisant, et le 18e régiment d'infanterie est décimé.
Les Australiens, qui avaient pris entre temps un avantage stratégique en prenant la crête de la colline, se préparent à lancer une nouvelle offensive. Le général von Sanders confie à Mustafa Kemal le commandement du seul corps d'armée présent sur la presqu'île.
Dès l'aube, les deux attaques se déclenchent simultanément.
Après une terrible bataille, les Turcs en ressortent vainqueurs, empêchant la progression des Australiens. Après cette victoire, Mustafa Kemal se dirige au sud pour prendre le commandement de la bataille de Chonuk-Baïr.
Le combat éclate en pleine nuit. Après une longue bataille, les Ottomans balayent les deux bataillons britanniques et rejettent les troupes néo-zélandaises à la mer. Les Britanniques renouvellent leur offensive par deux fois, le 21 et le 22 août, mais ils sont repoussés.
Après ce succès, Mustafa Kemal est promu au rang de Pacha - général - et commande l'ensemble du front d'Anafarta. Durant la bataille des Dardanelles, l'Empire Ottoman, au prix de 253 000 victimes, est parvenu à protéger les Détroits, passage éminemment stratégique. Pendant la bataille, Mustafa Kemal déclare à ses hommes : « Je ne vous ordonne pas de combattre, mais de mourir. »


Autres batailles et activités politiques

À la suite de son action dans la bataille des Dardanelles, Mustafa Kemal est considéré comme un héros dans tout l'Empire. Les journaux le qualifient de sauveur des Dardanelles et de la capitale.
De retour à Istanbul, il se voit toutefois refuser le portefeuille de ministre de la défense par Talat Pacha devenu Grand Vizir à cause de ses critiques virulentes dans les choix militaires de ce dernier.
En 1916, il se voit confier le commandement du 16e corps d'armées au Caucase puis celui de la 2e armée à Diyarbakır où, avec l'aide du général Kazım Karabekir et de son chef d'état-major, le colonel İsmet İnönü, il entreprend de reconstituer complètement les troupes mises à mal avec pour objectif de résister aux forces tsaristes.
La révolution bolchevique de 1917 désorganise l'armée du Tsar et Kemal lance une offensive contre les provinces arméniennes : il reprend Muş et Bitlis.
Il se prépare à marcher sur Batoumi, lorsqu'il est rappelé en Syrie où les Britanniques soutiennent les indépendantistes arabes. Il est intégré sous les ordres du général allemand Erich von Falkenhayn où il se voit confier le commandement de la 7e armée de de l'Asien-Korps.
Il est rapidement démis de ses fonctions pour causes médicales dû au paludisme.
Il passe sa convalescence à Istanbul, où il reçoit les officiers opposés à la présence allemande dans le pays. Il est envoyé en 1918 en Allemagne avec l'héritier de la couronne, le prince Vahidettin dans le but de le réconcilier avec le modèle allemand. Il va au contraire tenter de convaincre le futur sultan de se désolidariser de l'Allemagne qu'il estime en train de perdre la guerre. Il l'incite également à limoger son grand vizir.
De nouveau malade et convalescent, Kemal apprend la mort de Mehmed V. Il décide d'aller à Istanbul pour rencontrer le nouveau sultan et le convaincre de ses vues. Toutefois Mehmed VI, conseillé par son beau-frère Damad Ferid ne tient pas compte de l'avis de Kemal et ce dernier est renvoyé en Syrie.


Conflit syro-palestinien Megiddo (1918).


Mustafa Kemal en compagnie d'officiers, 1918, Alep.
Arrivé en Syrie le 20 août 1918, il prend pour la deuxième fois le commandement de la 7e armée, composée de deux corps commandés par le colonel Ismet et le colonel Ali Fuad.
L'état des troupes ottomanes est déplorable, beaucoup de régiments ne se composant plus que dix pour cent de leurs effectifs habituels. Les hommes, privés de nourriture et d'eau meurent quotidiennement.
Leur moral est au plus bas et il faut user de violence pour les maintenir dans les rangs. Des patrouilles en camion, armées de mitrailleuses, sillonnent les arrières avec l'ordre d'abattre toute personne désertant les rangs, ce qui n'empêche pas les désertions.
Pour défendre leurs bases, les Turcs ne disposent que de huit avions et de deux batteries de DCA tandis que les Britanniques, alliés avec les Arabes de l'émir Fayçal, parviennent à masser des effectifs très supérieurs en nombre.
Les efforts de réorganisation de Kemal sont stoppés par une crise de colique néphrétique qui le contraint à rester alité dans son quartier général de Naplouse.
Les Britanniques attaquent le 19 septembre. Les armées turques sont vite balayées et elles sont obligées de fuir devant l'avancée des troupes britannico-arabes. La retraite tourne à la débâcle.
Kemal parvient à conserver autour de lui un petit noyau de troupes disciplinées.
Ensemble, ils se rendent à Damas, où il décide avec le général Sanders d'abandonner les régions arabes pour défendre l'Anatolie. Le 30 septembre, toutes les troupes ottomanes de Syrie se replient sur Alep.
Kemal utilise la 7e armée pour bloquer toutes les routes menant vers l'Anatolie. Les troupes en fuite se reconstituent.
Le 26 octobre, deux régiments de cavalerie hindoue leur font face. Mustafa Kemal se rend aux avant-postes et commande lui-même le tir de ses hommes.
Il parvient à repousser vers le sud les troupes britanniques. À ce moment, les Ottomans voient au loin les Britanniques jeter leurs casques et pousser des hourras de joie : le gouvernement du sultan Mehmed VI vient de signer avec les alliés le traité de Moudros. L'Empire ottoman vaincu dépose les armes le 30 octobre 1918.


La fin de l'empire

Kemal doit se rendre à Adana pour recevoir le commandement militaire de toutes les forces armées ottomanes. Espérant que le gouvernement turc dénoncera ce traité d'armistice, il essaie de gagner du temps.
Il refuse d'évacuer Alexandrette. Un télégramme d'Istanbul lui intime l'ordre de collaborer avec les forces britanniques. Refusant de voir son pays occupé, il réunit des officiers, constitue des dépôts d'armes et de munitions dans les montagnes voisines et recrute des partisans.
Le 20 novembre, il est convoqué à Istanbul où il se rend compte des conséquences de l'accord d'armistice pour le pays.
L'Empire ottoman est dépecé et envahi : l’Arabie, la Syrie, la Palestine, la Macédoine, la Thrace et la Mésopotamie passent sous le contrôle des Alliés. Des cuirassés britanniques sont ancrés dans le Bosphore, les troupes britanniques occupent Istanbul, les Français, les Britanniques, les Italiens et les Grecs se partagent les villes turques.


Guerre contre l'Occupation et résistance

Le général Mustafa Kemal.
Les partis politiques sont extrêmement divisés sur l'attitude à adopter par rapport aux occupants. Certains veulent transformer l'Empire ottoman en un protectorat américain.
Pour Kemal, l'occupation étrangère est vécue comme une humiliation.
Il tente de convaincre les partis politiques de ne pas accorder leur confiance au Grand Vizir, Tewfik Pacha.
Mais ceux-ci le soutiennent à une écrasante majorité. Kemal tente malgré tout de convaincre le sultan de résister à l'occupant, ce que ce dernier refuse.
Il considère Kemal comme un homme vulgaire, dangereux et impulsif auquel il ne fait pas confiance. Le lendemain, il dissout le parlement et nomme son beau-frère, Damad-Férid Pacha, Grand Vizir.
Kemal est isolé et ses appels à la résistance ne rencontrent guère d'écho.
La démobilisation de l'armée met un terme à sa carrière militaire. Il se retire à Shishli, aux environs d'Istanbul en compagnie du colonel Arif.
Quelques mois plus tard, les alliés se retrouvent en difficulté face à leur opinion publique qui demande la paix et la démobilisation des troupes.
Les Français, les Britanniques et les Italiens décident de démobiliser une partie de leurs troupes stationnées dans l'Empire Ottoman.
En mai, les troupes grecques se déploient dans la région de Smyrne, où vit la minorité grecque d'Asie Mineure, ce qui va attiser la rancœur turque.
Les appels à la lutte se font de plus en plus insistants à la suite de ce déploiement.
Kemal est rappelé pour mater la rébellion.
Il embarque avec le colonel Arif et Refet sur le Bandırma en direction de Samsun, mais un rapport de police remis à Mehmed VI le dénonce comme sympathisant de la cause rebelle.
Celui-ci ordonne son arrestation. Kemal débarque à Samsun le 19 mai 1919 où il est étroitement surveillé par les Britanniques. Pour échapper à cette filature, il transfère son quartier général à Kavas puis à Amasya.
Le 22 juin, Refet, Ali Fuat et Rauf Orbay prennent le parti de Kemal et décident d'unifier les organisations de résistance sous les ordres d'un état-major unique.
Kemal cesse alors toute relation avec le pouvoir impérial et constitue un nouveau pouvoir politique en Anatolie.
Il s'assure le soutien des officiers initialement rétifs à sa politique.
Un congrès est convoqué à Sivas pour le mois d'octobre et tout l'Empire est invité à y envoyer des délégués.
Kemal y obtient le soutien des principaux chefs militaires du pays.
Fort de ce nouveau statut et secondé par les inspecteurs et commandants régionaux, il organise les mouvements populaires. Dans chaque ville et dans chaque village, les comités de résistance populaire se créent.
Les officiers démobilisés sont les premiers à répondre à cet appel, entraînant avec eux un nombre croissant de volontaires.
Le sultan Mehmed VI demande des explications à Kemal sur ses activités. Kemal lui demande de se mettre à la tête du nouveau mouvement de résistance. Furieux, Le sultan le relève de ses fonctions le 8 juillet 1919 et casse son grade de général.
Il signifie aux autorités militaires et civiles de ne plus obéir aux ordres de Kémal.
Kemal annonce à ses officiers cette crise ouverte entre le sultan et lui :
« Nous sommes arrivés à la croisée des chemins.
Si nous poursuivons notre lutte, nous ne devrons compter dorénavant que sur nous-mêmes. Le gouvernement impérial sera contre nous. »
Il reçoit le soutien de ses compagnons, à la condition qu'il ne porte pas atteinte à l'autorité ou au prestige du sultan.
Il avance à septembre la date de la tenue du congrès de Sivas et entre-temps convoque un congrès à Erzurum du 23 juillet au 7 août 1919 au cours duquel Kemal obtient le soutien de Kazim Karabékir qui est à la tête de la 2e armée du général Béki.


Sivas

La première séance plénière a lieu le 13 septembre 1919. Mustafa Kemal a une vision claire de l'avenir à donner à l'ex-empire, sur la politique à mettre en œuvre et sur l'attitude à adopter vis-à-vis du sultan. Le Congrès se prononce pour une indépendance absolue et totale du peuple turc dans un cadre restreint, plutôt qu'à une autonomie relative dans un cadre plus large.
Le sultan tente de mettre fin au congrès en ordonnant au gouverneur de la Malatya, Ali Galib, d'armer des miliciens kurdes et de les faire marcher sur Sivas. Deux régiments d'infanterie montée du général Békir défont ces milices.
Mustafa Kemal étant à présent fort d'une nouvelle autorité, personne n'ose plus remettre en cause ses décisions. L'assemblée constitue rapidement un Comité exécutif dont il est nommé président.
Il fait ériger ce comité en gouvernement provisoire qui obtient le droit d'agir en toute indépendance du pouvoir impérial.
Mustafa Kemal provoque des élections générales dans tout le pays et demande au Congrès d'envoyer un ultimatum au Sultan, lui intimant de renvoyer le Grand Vizir, Damad Férid Pacha, coupable d'avoir provoqué la rébellion kurde.
Ne recevant aucune réponse, il décide d'isoler Istanbul du reste de l'Anatolie.
Il fait réquisitionner les lignes télégraphiques, saisir les impôts et le courrier officiel et remplace les fonctionnaires fidèles au sultan par des fonctionnaires acquis aux idées révolutionnaires.
Ceux qui hésitent à appliquer ses directives sont menacés d'exécution.
Mehmed VI réplique en appliquant la stratégie de son oncle, Abdülhamid II.
Il limoge son Grand Vizir, rouvre le parlement et convoque de nouvelles élections. Il signe par ailleurs un accord secret plaçant l'Empire ottoman tout entier sous mandat britannique et stipulant que le sultan, met la puissance morale et spirituelle du Califat au service du Royaume-Uni dans tous les pays musulmans où s'exerce son influence.
Dans l'attente des élections, l'assemblée transfère son siège de Sivas à Ankara le 27 septembre 1919. Mustafa Kemal se voit très vite isolé politiquement, y compris par ses proches tels que Rauf Orbay. Les députés demandent le départ des forces occupantes.
La réponse britannique est cinglante : 100 000 soldats marchent sur Istanbul et arrêtent plus de cent cinquante députés qu'ils déportent à Malte et ferment le parlement.
İsmet İnönü et Fevzi Çakmak parviennent à prendre la fuite et à rejoindre Mustafa Kemal.


La Grande assemblée nationale de Turquie

Loin de condamner l'action britannique, Mehmed VI met au contraire la tête de Kemal à prix.
Pendant ce temps, Kemal organise de nouvelles élections. Les nouveaux députés se réunissent à Ankara et le 23 avril 1920, un nouveau pas vers la création de la république turque est accompli avec la fondation de la Grande assemblée nationale de Turquie "la Türkiye Büyük Millet Meclisi".
Le 29 avril 1920, un Comité exécutif est élu. Ce comité déclare que le nouveau parlement est le gouvernement légal et provisoire du pays.
Mustafa Kemal est élu président de l'assemblée à l'unanimité.
Il franchit une étape supplémentaire vers la fin du sultanat en déclarant sans valeur juridique les décisions du gouvernement légal d'Istanbul car occupé par les britanniques.
En réponse aux nationalistes, le ministre de la guerre Soliman Chevket Pacha se voit confier par le sultan, avec le soutien des Britanniques, le commandement de l'Armée du Calife.


La guerre civile armée au Caire

Le sultan, relayé par les Hodja et les prêtres, exhorte les Turcs à prendre les armes contre les nationalistes de Kemal, présentés comme les ennemis de Dieu. L'inévitable guerre civile éclate dans toute sa brutalité.
À Konya, les insurgés arrachent les ongles et écartèlent les envoyés de Kemal.
En représailles, les notables de la ville sont pendus publiquement par les forces kemalistes.
Les nationalistes essuient plusieurs défaites, et l'armée du Sultan se rapproche d'Ankara, siège du nouveau parlement. Des désertions ont lieu chez les troupes les plus fidèles à Mustafa Kemal.
Ce dernier se voit contraint de se replier.


Traité de Sèvres

À la grande stupeur des Turcs, le traité de Sèvres qui consacre le dépeçage de l'Empire est signé par Mehmed VI le 10 août 1920. En Anatolie, les territoires ethniquement et historiquement arméniens avant le génocide de 1915-1916 deviennent indépendants.
Les zones partiellement grecques de la côte (Smyrne) sont rattachées à la Grèce, le Kurdistan devient autonome.
Les zones ethniquement turques sont divisées en zones d'influence des puissances occidentales. L'armée est dissoute, et un système de tutelle étrangère mis en place. Pour Norbert de Bischoff c'est "Ainsi s'effondrait après une chute sans égale, un des plus grands empires qu'ait connus l'histoire moderne".
Le rejet est très vif dans la population turque.
Si ce document fut signé par le gouvernement ottoman d'Istanbul, la plupart des Turcs, dans la presque totalité du pays, ne reconnaissent que l'autorité du gouvernement d'Ankara dirigé par Mustafa Kemal qui, lui, refuse catégoriquement ce traité et ses clauses.
Les Turcs prennent fait et cause pour les nationalistes. De toute l'Anatolie, hommes, femmes et enfants affluent vers Ankara. Font partie du mouvement fonctionnaires, anciens députés, généraux et officiers, ingénieurs, agents de chemin de fer, etc. Mustafa Kemal constitue aussitôt un gouvernement de salut public, et il charge des généraux d'organiser la défense nationale.
L'armée du Calife se désagrège d'elle-même en quelques jours, sauf à Izmit où elle sert de couverture à la garnison britannique.
Le spectre de la guerre civile s'éloignant avec le basculement massif en sa faveur, Mustafa Kemal s'attaque aux troupes étrangères. En septembre 1920, Kemal charge Kazım Karabekir d'attaquer et de repousser les forces arméniennes au-delà des frontières turques.
S'ensuivent les reprises des villes de Sarıkamış le 20 septembre 1920, de Kars le 30 octobre 1920 et de Gumri le 7 novembre 1920. Un traité de paix avec l'Arménie est signé à Gumri.
Les Turcs sont soutenus par les Soviétiques qui leur livrent des armes.
Lénine et Trotski envoient le vice-commissaire Frounze pour appuyer et conseiller l'armée turque.
L'objectif suivant des troupes kémalistes est de mater les revendications autonomistes kurdes, ce qui est rapidement réglé.
En janvier 1921, les villes de Kahraman Maraş et Şanlı Urfa (1919-1921) puis de Bozanti sont reprises aux Français.
Le gouvernement d'Ankara signe un traité de paix provisoire avec la France libérant la Cilicie. Par la suite, l'armée de Kemal repousse les forces italiennes, forcées de fuir le pays.
Enfin, Mustafa Kemal décide de libérer Istanbul. Après une attaque fulgurante contre les forces britanniques, le Haut-commissaire britannique prépare ses hommes à l'évacuation. Le sultan promet aux puissances signataires du traité de Sèvres d’accepter le protectorat de « celle d’entre elles qui serait disposée à lui prêter assistance ».
Comme les alliés n'ont plus les moyens d'envoyer des hommes combattre les forces de Mustafa Kemal, l'homme d'État grec, Elefthérios Venizélos propose aux alliés de confier la prise de l'Empire ottoman à la Grèce. Son but est de reconstituer la grande-Grèce.


Les grecs dans la guerre.

Le pacte est conclu en moins de 48 heures et la Grèce envoie une première armée en Thrace orientale.
Elle encercle et désarme la 1re armée turque commandée par le général Jaffar Tayar. Puis, cette même armée débarque à Edirne et désarme les forces turques. D'autres armées grecques interviennent également.
En 1921, les Turcs perdent du terrain et Kemal, conscient de la faiblesse des troupes irrégulières, lève au printemps une armée régulière en y intégrant les maquisards et l'armée verte de Edhem.
Mais Edhem refuse catégoriquement de rejoindre l'armée régulière et il propose au contraire ses services au Sultan. Mehmed VI refuse, Edhem se met alors au service des Grecs et fait envoyer à l'Assemblée d'Ankara une proclamation dans laquelle il déclare : « le pays est las de la guerre. Le seul qui la désire encore est Mustafa Kemal. Renvoyez cette brute sanguinaire et concluez immédiatement la paix.
Je me fais l'interprète des vœux de la nation. »
Kemal n'a d'autre choix que de confier à İsmet İnönü la mission de combattre l'Armée verte.
Les forces régulières de Refet Pacha capturent l'état-major d'Edhem et désarment ses soldats à Kütahya. Edhem s'enfuit et rejoint les Grecs avec lesquels il établit une collaboration. Le général grec Papoulas décide de mener son attaque au mois de janvier 1921.
Le 6 janvier, les Grecs prennent la ville d'Afyonkarahisar. İsmet İnönü lance sa 61e division et un groupe de cavalerie sur Kütahya, puis il contre-attaque victorieusement à la hauteur d'İnönü. C'est la première victoire d’İnönü (6-10 janvier 1921) et des nouvelles forces kémalistes contre les forces grecques. Cette bataille a un retentissement énorme dans tout le pays. Mustafa Kemal utilise cette victoire à son avantage en convoquant en séance plénière le parlement le 20 janvier 1921. La loi constitutionnelle affirmant « la base de l'État turc et la souveraineté du peuple » y est votée.
Norbert de Bischoff écrit à ce sujet :
« la déclaration du 20 janvier 1921 fut le premier coup de hache porté dans l'ancienne constitution ottomane, la première fois que fut opposé à la souveraineté du Sultan-Calife le principe démocratique qui fait dériver tout le droit constitutionnel et toute la puissance politique de la souveraineté du peuple. La loi du 20 janvier 1921 ne créait pas un statut provisoire, un statut de fortune : elle posait des normes constitutionnelles permanentes, totalement différentes de celles qui avaient régi la Turquie jusqu'à ce jour. »
Dans le même temps, le gouvernement cesse de s'appeler « Gouvernement provisoire » et prend le nom de « Gouvernement de l'Assemblée nationale ».


İnönü.

Le 30 mars, les Grecs reprennent l'initiative et attaquent la ville d’Eskişehir avec 40 000 hommes.
Les Turcs les repoussent au cours de la deuxième victoire d’İnönü (30 mars-1er avril 1921). Cette victoire est accueillie avec beaucoup d'enthousiasme à Ankara.
Tirant les conséquences des échecs militaires grecs, les alliés se déclarent officiellement neutres dans le conflit et retirent " de facto " leur soutien à l'offensive grecque. Les Français encouragent même les forces kémalistes à continuer la guerre et les Italiens fournissent secrètement des armes à l'armée kémaliste.
Le changement d'attitude de la France et de l'Italie est surtout motivé par le souci d'éviter que la Grande-Bretagne ne devienne la seule maîtresse de la Méditerranée orientale à travers la Grèce.
Surtout, l'Italie fut opposée à l'invasion de l'Anatolie occidentale par la Grèce dès le début.
L'armée turque reste cependant inférieure en nombre et en équipement à l'armée grecque.
Face à l'offensive grecque du 7 juillet, Kemal se voit contraint de se replier sur les berges de la Sakarya. Le parlement évoque le remplacement de Kemal par un général moins autoritaire. Ce dernier monte à la tribune de l'assemblée le 5 août 1921 pour y demander les pleins pouvoirs :
« Une fois de plus la Turquie est en danger de mort ! Une fois de plus, l'heure n'est pas aux discours, mais aux actes ! J'exige d'être nommé commandant en chef, avec des pouvoirs dictatoriaux ! »
Mais les députés ne sont pas favorables à cette proposition. Un député lui demande s'il ne serait pas préférable qu'il abandonne ses fonctions civiles pour se consacrer entièrement à ses fonctions militaires. Mustafa Kemal lui répond :
« Je vous répète que la Turquie est en danger de mort et c'est tout ce que vous trouvez à répondre ? Pour pouvoir la sauver, il faut que j'exerce un contrôle absolu sur les affaires civiles, comme sur les affaires militaires, et que je ne sois pas constamment obligé de vous rendre compte de mes actes. Je n'ai pas dit : " Je vous demande les pleins pouvoirs.
" Je vous ai dit : " Je les exige ! " Si vous me les refusez, j'agirai en conséquence. Soyez tranquilles : la Turquie ne périra pas ! Mais si vous me mettiez dans la triste obligation de choisir entre la Turquie et vous, alors sachez que mon choix est déjà fait et que mes soldats l'approuveront. »
L'assemblée accorde les pleins pouvoirs à Mustafa Kemal le même jour. Mais elle spécifie que ceux-ci expireront à la signature du traité de paix. Il quitte alors Ankara pour le front.


Mustafa Kemal, au commandement le 5 août 1921.

Le 14 août 1921, une bataille terrible s'engage entre les forces grecques et turques. Mustafa Kemal a établi son quartier général à Ala-Geuz, un peu à l'arrière des lignes turques.
Le 13 septembre 1921, après une longue bataille, les Turcs sont victorieux et obligent les Grecs à se replier vers l'ouest. Pendant leur fuite, ils adoptent la politique de la " terre brûlée ". Les villages sont incendiés et les récoltes saccagées.
De retour à Ankara, Kemal est accueilli en triomphateur.
Le 19 septembre 1921, l’Assemblée nationale accorde à Mustafa Kemal le titre de maréchal et de Gazi le héros vétéran.
La victoire de Sakarya est saluée par les chefs d'État de la Russie, de l'Iran, de l'Afghanistan, des Indes, des États-Unis et d'Italie. Le gouvernement français est le premier à en tirer les conséquences politiques.
Le 10 octobre 1921, la France envoie M. Henry Franklin-Bouillon pour la signature d'un traité avec le gouvernement d'Ankara.
Ce traité dit traité d'Ankara a une importance capitale, car non seulement c'est la première fois qu'une puissance occidentale traite directement avec le gouvernement d'Ankara en délaissant le sultan Mehmed VI, mais aussi parce que la France se retire de la liste officielle des ennemis de la Turquie et qu'elle considère le traité de Sèvres nul et non avenu.
En outre, elle se déclare disposée à accorder au peuple turc une paix équitable et l'indépendance.
Le protocole annexe du traité permet à Kemal de libérer définitivement la Cilicie et d'avoir le soutien de 80 000 soldats turcs et l'armement nécessaire pour 40 000 autres soldats.

La grande offensive

Mais il lui faut encore plus d'hommes pour continuer la guerre et il entreprend avec İsmet İnönü et Fevzi Çakmak la reconstitution de l'armée turque. Pour ce faire, il vide tous les arsenaux, rassemble tous les stocks, fait remettre en état tout le matériel qui peut encore servir et achète des armes à la Bulgarie, aux États-Unis et à l'Italie, qu'il paie avec de l'argent emprunté à Moscou et l'aide financière envoyée par les musulmans de l'Inde, alors colonie britannique. Par la suite, il ordonne la mobilisation générale : tout homme âgé de plus de 18 ans doit rejoindre la nouvelle armée nationale. Il se consacre à cette tâche durant tout l'hiver 1921 jusqu'au printemps 1922, en travaillant plus de dix-huit heures par jour dans son bureau.
Durant l'été 1922, la nouvelle armée turque est prête à entrer en campagne.
Le 26 août, il lance la Grande offensive : Büyük Taarruz contre les forces grecques.
Au bout de dix jours de combats, les 103 000 soldats turcs viennent à bout des 132 000 soldats grecs qui sont rapidement obligés de s'enfuir et de se cacher dans les montagnes avoisinantes pour échapper à la cavalerie turque.
Les autres se ruent par dizaines de milliers vers Izmir pour gagner les îles de la mer Égée.
Le commandant en chef pénètre à Izmir : Smyrne le 9 septembre 1922.
La population turque de la ville lui fait une ovation et le remercie de l'avoir libérée de l'occupation grecque. L'Incendie de Smyrne ravage la ville grecque, alors que ses habitants hellènes fuient par milliers l'avance, quartier par quartier, des troupes turques et kurdes. La prise de Smyrne ne met cependant pas fin aux hostilités. Kemal souhaite attaquer l'armée grecque en Thrace.
Il tente une attaque, mais se voit interdire la traversée des Dardanelles par les Britanniques. Déterminé, il reçoit les officiers de deux régiments d'élite et leur demande de faire marcher leurs soldats vers les positions britanniques et de traverser en silence les tranchées ennemies sans tirer le moindre coup de feu. Le 29 septembre 1922, les soldats reçoivent l'ordre de se mettre en route.
Le plan a lieu comme prévu et un accord est trouvé entre les deux parties au dernier moment.
Les Britanniques ne sont plus soutenus par les Français qui craignent l'éclatement d'une nouvelle guerre mondiale où la Russie serait du côté de la Turquie. La France envoie en toute hâte de nouveau Franklin-Bouillon.
Celui-ci prend tous les engagements possibles vis-à-vis du " Gazi " et lui promet même que les Grecs évacueront rapidement la Thrace.
Une conférence s'ouvre le 6 octobre à la mairie de Mudanya. Quatre généraux participent à la conférence : un Britannique, un Français, un Italien et le Turc İsmet İnönü. Par cette convention, les alliés s'engagent à obliger la Grèce à se retirer de la Thrace et promettent d'évacuer le plus rapidement possible l'Empire ottoman. Un armistice fondé sur ces principes est ratifié à Mudanya le 11 octobre 1922.
Cette victoire permet à Mustafa Kemal d'engager son combat sur le terrain politique pour l'abolition du sultanat et la proclamation de la république.


Déplacement de populations

Les populations civiles doivent payer un lourd tribut à la guerre.
Tout d'abord, les populations grecque-orthodoxe et arménienne dont les dirigeants se sont rangés du côté des Grecs ont subi de lourdes pertes, tant matérielles qu'en vies humaines.
Ensuite, les accords d'armistice prévoient la cession à la Turquie de l'Anatolie, de la Thrace orientale et des îles d'Imbros et de Ténédos.
Il s'ensuit un échange forcé de populations entre les communautés grecques d'Asie Mineure et les communautés turques de Grèce.
Les chrétiens grecs -mêmes turcophones d'Anatolie intérieure- et les musulmans crétois -même grécophones- sont contraints à l'exil.
Ce sont près de 1 500 000 Grecs et 500 000 Turcs qui sont transférés entre ces territoires.
Un accord est toutefois trouvé pour les communautés turques de Thrace occidentale en Grèce qui sont autorisées à rester sur leurs terres ancestrales en échange du même droit accordé à la communauté grecque orthodoxe d'Istanbul avec la préservation de leur patriarcat.
Ces événements resteront gravés dans la mémoire collective grecque sous le nom de « catastrophe d’Asie Mineure » (Mikrasiatiki Katastrofi). Ce transfert servira aussi d'argument lors de la guerre de Palestine de 1948 pour justifier les positions israéliennes s'opposant au retour des réfugiés palestiniens et défendant un échange entre les 750 000 réfugiés arabes palestiniens de Palestine et les 800 000 réfugiés juifs du monde arabe.
Les survivants du génocide arménien voient leur espoir d'un État indépendant s'effondrer, et doivent pour la plupart partir en exil.
Mustafa Kemal, président de la république


Election de Mustafa Kemal.

Atatürk est élu à la présidence de l’Assemblée nationale à deux reprises, le 24 avril 1920 et le 13 août 1923.
Il s’agissait alors d'une charge cumulant les fonctions de chef d’État et de gouvernement. Lorsque la République est proclamée le 29 octobre 1923, Atatürk en est élu le premier président pour quatre ans, conformément à la constitution.
La République turque se construit autour de principes inspirés de la Révolution française.
L'unité de la République, la sécularisation, mais aussi l'occidentalisation et la modernisation du pays. En effet, le régime kémaliste au lendemain de la chute de l’Empire ottoman veut recréer une nouvelle identité nationale, étatiste et laïque sur le modèle rigoureusement suivi en tout point de la république française.
Pour ce faire, Mustafa Kemal doit abattre les dernières institutions de l'ancien Empire ottoman.
Une de ses premières mesures radicales fut de décréter la suppression des caractères arabes au profit de l'alphabet latin.
Enfin, l'unité nationale se veut structurée autour d'une unité ethno-culturelle forte. Les minorités allogènes (Arméniens, Grecs et Kurdes) doivent quitter le pays ou s'assimiler.


Complot de Smyrne

À partir de 1924 et 1925, les syndicats et les partis d'opposition sont interdits.
Un véritable culte de la personnalité entoure alors le Président de la République. Mustafa Kemal devient de plus en plus autoritaire. Il est de plus en plus contesté, même au sein de son propre parti, le CHP. Les principaux opposants sont Rauf Orbay, Kazım Karabekir et Ali Fuat.
Ils démissionnent ensemble du CHP pour fonder leur propre parti, le Parti républicain progressiste (Terakkiperver Cumhuriyet Fırkasi). Kazım Karabekir en devient son premier président. Mais le 3 juin 1925, le parti est interdit à la suite de la révolte kurde menée par le Cheikh Said. Après une grave crise économique qui touche la Turquie en 1925 et 1926, un complot voit le jour pour assassiner Mustafa Kemal.
Les anciennes cellules du Comité Union et Progrès sont reconstituées en secret. Les anciens amis de Kemal, Rauf, Refet, Ali Fuad, Kazım Karabekir et d'autres chefs de files de l’opposition sont accusés par le régime de s'être alliés pour renverser le gouvernement. Les rapports de police de l'époque indiquent que le chef du complot est Cavit Pacha, ancien ministre des finances sous le gouvernement Jeunes-Turcs.
En juillet 1926, Mustafa Kemal se rend en visite officielle à Smyrne.
Deux jours avant sa visite, la police arrête trois individus suspects. Elle découvre plusieurs bombes dans leur maison.
Les prévenus avouent avoir voulu assassiner Mustafa Kemal sous l'ordre de plusieurs parlementaires. Un des parlementaires, interrogé à son tour avoue que l'assassinat du Président aurait dû permettre aux quatre grands Pachas, Refet, Ali Fuad et Kazım Karabekir et Adnan, de prendre le pouvoir avec Rauf et Cavit. Mustafa Kemal les fait arrêter sur le champ et comparaître devant un tribunal d'indépendance.
Les prévenus les moins importants sont jugés et pendus le jour même. Se trouve parmi eux le colonel Arif, le confident de toujours de Mustafa Kemal. Kemal signe son arrêt de mort sans sourciller.
La deuxième partie du procès a lieu à Ankara. Tous les chefs de l'opposition sont alors enfermés dans un petit box. Refet, Ali Fuad et Kiazim Kara Bekir sont condamnés à la dégradation militaire et à l'indignité nationale à vie.
Ils retrouveront leur liberté quelques jours plus tard. Quant à Cavit, il est condamné à mort.
Mustafa Kemal utilise ce complot pour donner la vision d'une Turquie menacée par des ennemis de l'intérieur.


La Turquie de Mustapha Kémal.

Après s'être débarrassé de toute opposition, Mustafa Kemal modifie le mode de fonctionnement de l'Assemblée Nationale.
Dorénavant, les députés seront choisis exclusivement parmi les membres du Parti républicain du peuple, qui devient de fait parti unique. Les membres du parti sont désignés par le président du parti qui est Mustafa Kemal, et le président de la République est élu par les députés de l'Assemblée.
Le système électoral est dès lors fermé et plus aucune opposition ne se manifeste alors au sein du parlement.
Le parlement renouvelle le mandat présidentiel de Mustafa Kémal en 1927, 1931 et 1935 qui refuse de devenir président à vie. En 1930, il déclare :

« Je ne mourrai pas en laissant l'exemple pernicieux d'un pouvoir personnel. J'aurai fondé auparavant une République libre, aussi éloignée du bolchevisme que du fascisme. »

Le verrouillage politique du pays lui permet de mener la révolution qu'il souhaite mettre en œuvre : la Révolution à toute vapeur.
Il entreprend la construction de la nouvelle Turquie mais il se heurte à un problème de financement : les caisses de l'État sont vides.
Il se voit conseillé de recourir au crédit étranger.
Or d'après lui, « le meilleur moyen de perdre son indépendance, c'est de dépenser l'argent qu'on ne possède pas. »
Il a en mémoire les effets qu'a eu la dette ottomane sur l'Empire ottoman et sur l'économie du pays, et il pense qu'en ayant recours aux capitaux étrangers, la Turquie perdrait une partie de son indépendance.
Pour financer ses projets, il décide de créer plusieurs banques, comme la Sumer Bank et la Eti Bank patronnées par la Merkez Bankasi, la banque centrale-1930.
Ces banques drainent les capitaux pour mettre en œuvre des plans de développement économique.
Grâce à ces sources de financement, des milliers de kilomètres de routes sont construits ainsi que plusieurs centaines de ponts, un réseau de chemins de fer est créé, ce qui permet de désenclaver l'Anatolie pour accéder à un développement économique homogène.
L'agriculture est revalorisée, les paysans disposent de plus de moyens et d'outils agricoles, leurs fermes deviennent plus spacieuses et plus propres. Et pour la première fois de leur histoire, ils peuvent épargner pour préparer l'avenir de leurs enfants.
Le gouvernement kémaliste entreprend avec l'aide de l'URSS d'importants plans d'industrialisation.
Des dizaines de centrales électriques sont ainsi construites pour l'industrie naissante. Des dizaines de fabriques de sucres et de ciments sont créées. Suivies par des verreries et des fabriques de céramiques, des fonderies, des aciéries et des usines de produits chimiques.


Une opposition faible.

Au début des années 1930, l'abstention augmente en Turquie. En effet, le peuple ne pouvant s'exprimer librement préfère s'abstenir. Mustafa Kemal sentant que lui, le parti et le parlement se coupent peu à peu du peuple décide de créer un parti d'opposition de toutes pièces.
Ce parti doit à la fois être indépendant et docile, il doit être critique sans porter atteinte au prestige du président.
Le Parti républicain libéral est ainsi mis en place le 12 août 1930 pour les élections municipales du 5 octobre de la même année. C'est son ami Fethi Okyar qui devient président du parti.
Il est rejoint par une douzaine d'anciens députés avec parmi eux Adnan Menderes et Makbule Atadan, sœur de Mustafa Kemal. Ce dernier prend soin d'expliquer à Fethi ce qu'il attend de lui, en particulier sur les attaques contre son gouvernement et lui confie « Je ne veux pas mourir avant d'avoir vu, en Turquie, la disparition d'un pouvoir personnel. Je veux que la République devienne entièrement démocratique ».
Fort du soutien de Mustafa Kemal, Fethi se présente à la circonscription d'Izmir et y tient un meeting où il attaque le gouvernement. Mais des coups de pistolets y sont tirés, la panique fait un mort, la police intervient, disperse l'auditoire et arrête tous les dirigeants du nouveau parti.
Mustafa Kemal doit intervenir en personne pour faire libérer Fethi et les opposants et il donne l'ordre à la police de désormais protéger les meetings.
Quelques jours plus tard, Fethi monte à la tribune de l'Assemblée nationale et critique la politique économique d'İsmet İnönü.
Mais une bagarre éclate rapidement au sein de l'Assemblée entre députés des deux partis, Mustafa Kemal est contraint de faire évacuer la salle. Dans son œuvre de « démocratisation » de la Turquie, il décide de supprimer la censure dont a été victime la presse.


Opposition puissante

La liberté d'expression va permettre aux journalistes de critiquer fortement Kemal et sa politique à travers des articles ou des caricatures. Des monarchistes, des anciens d'Union et Progrès et des communistes se regroupent autour de Fethi pour critiquer le gouvernement.
Dans le même temps, une grève menée par des communistes touche Izmir et des émeutes éclatent dans le Kurdistan.
Fethi décide de dissoudre son parti le 17 novembre 1930 à la suite des allégations de fraude électorale que le régime a portées contre son parti pour expliquer le succès de celui-ci aux élections municipales d'octobre30,31.
La révolte de Menemen éclate non loin d'Izmir en décembre 1930.
Elle est menée par un imam qui affirme être un prophète envoyé par Dieu, et qui lance des critiques acerbes contre le gouvernement.
Il appelle les Turcs à se révolter contre le gouvernement kémaliste.
Lors d'un de ses meetings, la police intervient pour disperser la foule, mais les militants se jettent à l'attaque des policiers. Devant cette résistance inattendue, le gouvernement décide alors d'envoyer un corps d'armée, mais celui-ci refuse de combattre.
La sédition gagne rapidement d'autres villes turques, comme Konya, et Bursa.
Devant la rébellion, Mustafa Kemal décide de revenir à l'ancien système, il proclame l'état de siège, supprime la liberté de la presse et fait intervenir l'armée dans les régions qui se sont révoltées. Les troupes du Cheikh Mehmed se font rapidement juger et emprisonner. L'ordre revient rapidement, mais Kemal est déçu par la tournure qu'ont pris les événements.
Il souhaitait créer une « opposition constructive », qui démocratiserait la Turquie, mais c'est finalement le contraire qui s'est produit.

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Posté le : 19/05/2013 16:21
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Mustafa kemal Atatürk Turk-père la suite
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Fin provisoire du multipartisme

Au printemps 1932, Mustafa Kemal déclare :
« Que le peuple ne s'occupe pas de politique pour le moment.
Qu'il se consacre à l'agriculture, au commerce et à l'industrie. Il faut que je gouverne ce pays pendant dix ou quinze ans encore. Après cela, nous verrons s'il est capable de se diriger lui-même… »
Pour les élections de 1932, il décide de revenir au système électoral précédent, seul le Parti républicain du peuple a le droit de présenter des candidats.
Mais il tente de rajeunir le parti, et d'y faire adhérer des hommes et des femmes d'origines modestes, des paysans en particulier.
Pour avoir une petite opposition au sein du parlement, il désigne douze députés indépendants qui ont pour mission de critiquer l'action gouvernementale.
Kemal se rend compte que les réformes mises en œuvre par son gouvernement ne sont pas populaires.
Le régime décide donc de se projeter dans un autre cadre, passant du cadre réformiste à un cadre révolutionnaire. Pour ce faire, plusieurs délégations sont envoyées en Italie fasciste et en URSS, afin d'étudier les ressorts de ces deux révolutions.
Sous cette double influence, le régime kémaliste s'oriente vers une politique de mobilisation des masses à parti unique, en créant des Maisons du peuple qui ont pour mission de diffuser la propagande du parti.
La jeunesse turque est transformée en fer de lance de la révolution kémaliste à travers des associations de jeunesse officielles. Cependant le régime kémaliste ne se transformera jamais vraiment en régime fasciste, et encore moins en régime communiste.
Le modèle reste celui d'une modernisation autoritaire du pays, sans référence idéologique unique.
Sur le plan international, la Turquie se rapproche de l'Iran du chah Reza Pahlavi et de l'Afghanistan qui voyaient avec admiration les réformes menées par Atatürk. Reza Pahlavi va tenter de mener une révolution comparable à la révolution kémaliste dans son pays.
Par ailleurs, Atatürk, contre l'Union Soviétique, s'appuie sur la politique semi-libérale menée par Celal Bayar et son conseiller Hirsch. Contre le nazisme, il se réconcilie avec la Grèce de Venizélos - qui proposera Atatürk à l'élection du prix Nobel de la paix à la fin des années 1930 - et de la France. Il se rapproche également de la Yougoslavie et de la Roumanie.

Quand un grand journaliste autrichien, Emil Ludwig lui rapporte en 1935 que Mussolini a beaucoup de sympathie pour lui, Atatürk se met en colère et traite le chef du gouvernement italien de « hyène » à cause de la guerre d'Éthiopie.
« Vous osez me comparer à cette hyène ! Est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous dites ! Jamais je n'accepterai que l'on me compare à cet homme qui écrase l'Éthiopie sous les bombes. »
Mustafa Kemal prononce à l'époque plusieurs discours qui resteront célèbres : celui relatant la Guerre d’indépendance et la fondation de la République (nutuk) les 15 et 20 novembre 1927 ainsi que son discours de la 10e année le 29 octobre 1933.
Face aux émeutes dans certaines villes de la Thrace comme Edirne, Tekirdag, Kırklareli et Çanakkale visant la communauté juive, Mustafa Kemal intervient énergiquement et ordonne que l'ordre soit rétabli rapidement.
Voyant dans ces émeutes anti-juifs l'influence directe des agents secrets allemands, il fait savoir que l'antisémitisme ne sera jamais toléré en Turquie.
D'ailleurs, il ouvre la porte en 1933 à 150 universitaires allemands d'origine juive, qui avaient perdu leurs postes en Allemagne, en leur proposant de s'installer et de travailler en Turquie. Ces universitaires ont largement contribué à la réforme universitaire de 1933 qui a permis la création de l'université d'Istanbul.
Conformément à la loi sur les noms de famille, le parlement donne le 24 novembre 1934 à Mustafa Kemal le patronyme de Kâmal qui signifit forteresse Atatürk, qui signifie non pas « père des Turcs » mais plutôt « Turc ancêtre », « Turc père » ;
il abandonne alors le prénom Mustafa pour se nommer Kemal Atatürk.
Le peuple turc suivra le mouvement en prenant lui aussi des noms de familles. Dans la foulée, le gouvernement renomme les principales villes turques, Angora devient Ankara, Smyrne devient Izmir, etc.


Problèmes de santé

Atatürk ne s'est jamais beaucoup soucié de sa santé.
Il ne prend pas au sérieux les recommandations de ses médecins lui conseillant de prendre du repos.
Ainsi après la bataille des Dardanelles il est contraint de passer une partie de l’année 1918 dans un hôpital de Vienne pour suivre une cure à la suite de problèmes rénaux. En 1927 il est victime de plusieurs spasmes coronariens.
Plus tard ses problèmes rénaux le rattrapent, et il décide pourtant de continuer à travailler pendant sa cure, ce que les médecins lui ont déconseillé de faire.
Il entreprend des voyages dans des pays lointains alors même que ses proches lui demandent de rester pour ne pas détériorer sa santé. À la suite d'un voyage important à Adana son état de santé se détériore.

Le 6 septembre 1938 il rédige son testament où il affirme :

« Je ne laisse, en tant qu'héritage spirituel, aucun verset, aucun dogme, aucune règle pétrifiée et figée. Mon héritage spirituel, c'est la science et la raison Tout dans ce monde évolue rapidement. La conception du bonheur et du malheur se modifie, au fil du temps, chez les peuples et les individus. Affirmer, dans ce contexte, que l'on a su inventer des recettes éternellement valables équivaudrait à renier l'incessante évolution des idées et de la science. Nul n'ignore ce que j'ai essayé de faire, ce que je me suis efforcé de réussir pour le bien de la nation turque. Ceux qui, après moi, voudront avancer dans mon sillage, sans jamais s'éloigner de la raison et de la science, deviendront mes héritiers spirituels. »


Il meurt d’une cirrhose le 10 novembre 1938 à 9h05, dans le palais de Dolmabahçe à İstanbul. Ses derniers mots sont Au revoir avant de plonger dans un profond coma. Il est enterré au musée ethnographique d’Ankara le 21 novembre 1938.
Les chefs d'État du monde entier viennent présenter leurs hommages au cours de ses funérailles.
Depuis le 10 novembre 1953, son corps repose à l'Anıtkabir, à Ankara.


D'importantes réformes vers la sécularisation : les Réformes kémalistes de la république turque

Pour commencer, Mustafa Kemal fait voter à l'Assemblée nationale l'abolition de la monarchie et fait expulser le dernier sultan ottoman Mehmet VI le 1er novembre 1922. Le titre de calife est donné par l'Assemblée nationale à Abdülmecit, l'aîné de la maison ottomane.
Mais la plus importante réforme de Mustafa Kemal est l'instauration de la république turque le 29 octobre 1923, donnant à la nation turque le droit d'exercer la souveraineté populaire à travers une démocratie représentative.
Pour que la nouvelle république éclose, Mustafa Kemal abolit le califat, qui est détenu par les sultans ottomans depuis l'incorporation de l'Égypte à l'Empire ottoman en 1517, le 3 mars 1924. Cette même date, les membres de la maison ottomane sont déchus de la nationalité turque et expulsés du pays.
Mustafa Kemal considère le port du fez, que le sultan Mahmud II avait érigé en code vestimentaire de l'Empire ottoman en 1826, comme un symbole féodal et finit par l'interdire aux Turcs qui sont incités à porter des chapeaux.
Il demande aux Turcs d'adopter aussi le code vestimentaire européen. Mustafa Kemal n'interdit pas le port du hijab, craignant une guerre civile, mais son port est interdit aux fonctionnaires, et il est fortement déconseillé dans la vie publique.
Il interdit également les musiques et les danses orientales. Et à partir de 1934, la radio n'émet plus que de la musique occidentale. Il favorise le développement d'une culture occidentale et investit à l'opéra, le ballet et la musique classique.
Après l'abolition du califat, il fait venir en Turquie un collège de juristes occidentaux.
Il adopte sur leurs conseils le code commercial allemand, le code pénal italien, et le code civil suisse, avec certaines modifications ou adaptations.
La polygamie est interdite, les hommes et les femmes deviennent égaux en droits, et les citoyens turcs deviennent devant la loi aussi libres qu'un citoyen helvétique.
En 1926, le calendrier musulman est remplacé par le calendrier grégorien.


En 1928, le gouvernement décrète que l'alphabet arabe sera remplacé par l'alphabet latin avec les lettres spéciales "ğ Ğ ı ş Ş", cette réforme sera connue sous le nom de Révolution des signes.
Le changement d'alphabet devait prendre plusieurs années selon les conseils des linguistes et universitaires, mais Mustafa Kemal décide que le changement se fera en trois mois ou ne se fera jamais.
Tous les Turcs âgés de 6 ans à 40 ans doivent ainsi retourner à l'école pour apprendre le nouvel alphabet.
Il a enseigné l'alphabet latin pour la première fois à Sinop.
Ce changement colossal est le symbole de la volonté de sortir de la sphère culturelle arabo-musulmane remplacée alors par la culture occidentale.
L'école primaire devient obligatoire, et de nouvelles écoles sont ouvertes dans tout le pays.
L'école devient mixte, républicaine et laïque selon le modèle français de Jules Ferry.
La scolarisation des filles est fixée comme une priorité nationale.
En 1934, il promulgue une loi obligeant les Turcs à se doter d'un nom de famille.
La Grande assemblée nationale de Turquie lui donne à cette occasion le nom d'Atatürk ou père de la nation.
Cherchant à limiter l'influence de l'islam sur les établissements politiques et culturels turcs, il décide de supprimer le califat le 3 mars 1924, responsable à ses yeux du ralentissement du développement de la Turquie.
Il adopte le système de la laïcité française ; la religion n'est pas contestée, mais elle se limite à la sphère strictement privée.


La question kurde

À la suite de la laïcisation et à l'occidentalisation du pays imposée par Mustafa Kemal, la problématique des minorités religieuses et culturelles est posée, en particulier celle de la communauté kurde.
Le souhait du gouvernement kémaliste est d'avoir une Turquie homogène ethniquement et religieusement.
Mustafa Kemal voit l'addition de différentes nationalités en Turquie comme une faiblesse, dont pourraient se servir les Européens et en particulier les Britanniques pour diviser et détruire la Turquie.
Les Kurdes sont musulmans, sans être sémites.
Ce ne sont donc pas des populations arabes, c'est pourquoi la Turquie affirme que ce sont « des populations authentiquement turques ».
La volonté est donc de les assimiler au groupe majoritaire.
Néanmoins,les Kurdes ont des revendications nationalistes et séparatistes, et leur langue appartient en fait au groupe des langues indo-européennes,famille iranienne
.
Le problème se complexifie encore par les revendications turques sur les vilayets de Mossoul et de Kirkouk, deux régions d'Irak riches en pétrole et où vivent une majorité de Kurdes et Turkmènes.
Ces derniers se trouvent dans un état d'insurrection permanente dès 1921. Dans le cadre de l'assimilation kurde, le gouvernement de Kemal vote en 1924 une loi qui interdit l'usage du kurde dans les publications écrites et dans les écoles.
Une grande révolte kurde menée par le Cheikh Saïd éclate alors.
Les tribus kurdes attaquent Elazığ, Maras et Bitlis et soutiennent ouvertement l'ancien régime du Sultan (lequel avait signé le traité de Sèvres qui garantissait l'autonomie kurde) contre la République.
La révolte est soutenue par des sociétés secrètes islamiques et de grands journaux.
De leur côté, pour empêcher le rattachement de Mossoul et de Kirkouk à la Turquie, le Royaume-Uni encourage les rebelles kurdes à la révolte et leur fournit armes et subsides.
Mustafa Kemal décide d'envoyer neuf divisions en Anatolie, en donnant l'ordre à ses soldats de réprimer les insurgés. Il crée des tribunaux dits d'indépendance et des cours martiales emprisonnent tous les Kurdes reconnus coupables d'« atteinte à la sûreté intérieure de l'État ». Quarante-six meneurs sont pendus sur la grande place de Diyarbakir.
Le but du gouvernement d'Ankara est de faire d'eux des exemples et de dissuader les Kurdes d'encore recourir à la révolte.
Il décide par la même occasion de supprimer les turbés et les dervicheries, les sectes religieuses, les couvents et les confraternités qu'il accuse de soutien envers les nationalistes kurdes.
La révolte est matée mais la Turquie finit par reconnaître l'autorité de l'Irak sur Mossoul en juin 192637.
En 1930 la révolte éclate à nouveau et l'armée turque mobilise près de 70 000 hommes et 100 avions pour mater la rébellion.
En 1932, la loi martiale est décrétée sur le territoire kurde, la déportation et la dispersion d'une partie de sa population en Anatolie orientale est organisée. Le 14 juin 1934 une loi connue en tant que « Loi no 2510 » promulgue entre autres des déplacements de populations en vue de l'assimilation de la population kurde.
La population kurde s'y oppose et d'autres révoltes éclateront, notamment en 1937-1938 à Dersim avec le leader Seyid Riza, et d'autres qui s'étendront jusqu'au Kurdistan irakien.
Lors d'un discours tenu le 1er novembre 1936, Mustafa Kemal reconnaît que le problème kurde est un des plus graves problèmes intérieurs de la Turquie.


Mustapha Kemal dans sa vie privée.

Mustafa Kemal connaît le français, l'anglais et l'allemand et est passionné par la Révolution française et les idées des Lumières. C'est en partie sur ces principes que s'est construite la République turque.
Au cours de sa jeunesse, Kemal a un mode de vie très libre.
durant ses permissions, il lui arrive de se rendre dans les quartiers européens réputés pour leurs salles de spectacles, leurs bars et leurs maisons closes.
À la fin de ses études militaires, il passe sa vie au front, il partage alors sa vie entre des maîtresses turques ou étrangères.
Il rencontre une jeune Bulgare, Dimitrina, avec qui il envisage de se marier. Son père étant le ministre d'un pays potentiellement ennemi, il préfère stopper la relation.
Pendant la guerre de libération, il fréquente Fikriye, une lointaine cousine qui se suicide quelques années plus tard en apprenant le mariage de Kemal avec Latifé.
Le 29 janvier 1923, il épouse Latifé Uşakki qui l'accompagne dans ses tournées dans le pays. Ce mariage dure jusqu'au 5 août 1925.
Il épouse alors un idéal, il voit en sa femme Latifé le modèle de la femme turque.
Il adopte sept filles, toutes adultes, l'historienne Afet İnan, la première femme pilote de guerre au monde Sabiha Gökçen, Fikriye, Ülkü Adatepe, Nebile, Rukiye, et Zehra. Pour l'historien français Alexandre Jevakhoff, ce choix s'inscrivait dans une sorte de marketing politique, ses filles qui occupaient des postes prestigieux devaient donner au monde une vision moderne et émancipée de la femme turque, et devaient par ailleurs encourager les femmes turques à suivre cette voie.
Il adopte également un jeune garçon, Mustafa et il prend sous sa protection deux garçons, Abdurrahim et İhsan.


L'Héritage de Mustapha Kemal aujourd'hui.

Plus que Mustafa Kemal lui-même, c'est son successeur İsmet İnönü, qui a fortement encouragé un culte de la personnalité post mortem, un culte qui a survécu jusqu'à ce jour : le portrait d'Atatürk est partout, dans tous les bureaux de l'administration publique, les classes, sur tous les billets de banques et dans les maisons de beaucoup de familles turques qui le considèrent comme un héros national.
La Loi no 5816, adoptée le 25 juillet 1951, stipule que "Quiconque insulte publiquement ou maudit la mémoire d'Atatürk est incarcéré avec une lourde sentence entre un et trois ans". Sentence aggravée si la diffamation a lieu par voie de presse.
Beaucoup de lieux portent son nom comme l'aéroport international d'Istanbul ou le Stade Olympique Atatürk dans cette même ville.
Une ou plusieurs statues d'Atatürk se trouvent dans la plupart des villes de Turquie.
La première statue érigée à son nom date de 1926 et se trouve à Sarayburnu dans la ville d'Istanbul.
Chaque cour d'école en Turquie possède un buste d'Ataturk.
Tous les ans au moment exact de son décès, c'est-à-dire le 10 novembre à 9 h 05, les sirènes retentissent à travers tout le pays, deux minutes de silence sont observées, la diffusion audiovisuelle est interrompue pendant ces deux minutes.
Les drapeaux sont mis en berne pour cette journée.
Auparavant, la manifestation du deuil était plus marquée, les journaux avaient des titres noirs, les cinémas, les restaurants restaient fermés ce jour-là.
Ces pratiques ont été abandonnées en 1989, pour mettre l'accent sur la commémoration plutôt que le deuil.
L'immense majorité des partis politiques se réclament de l'héritage kémaliste, cependant les poussées extrémistes sont rapidement tentées de contester le mythe fondateur : en ce sens celui-ci constitue un rempart historique qui s'est avéré efficace contre les dérives extrémistes.
« Objet d'un culte de la personnalité certainement unique dans une démocratie, Atatürk a mis en place un système moderne pour les années 1930, mais qui s'est complètement figé par la suite en mémoire du « chef éternel ».
Parallèlement, l'État kémaliste a mené un pays musulman de 70 millions d'habitants vers la démocratie et la stabilité, ce qui est rare dans cette région du monde ; il a également lutté avec succès pour la laïcité et contre le développement trop important des mouvements islamistes. »
Pour Alexandre Adler, Atatürk n'avait qu'un seul but :
« L'élévation du pays vers la démocratie et la prospérité européennes, où la culture française et la précision allemande allaient jouer le même rôle que naguère la profondeur métaphysique et la splendeur imagière de l'Iran. »
Le parcours de Kemal a ceci de singulier qu'il s'appuie largement sur l’armée comme instrument au service d'objectifs supérieurs : laïcité, démocratie, stabilité politique, place de la femme dans la société…
Son exemple va profondément influencer la culture de l'armée turque qui interviendra à plusieurs reprises lors des périodes d'instabilités politiques pour finalement restituer le pouvoir aux institutions une fois la crise passée, alors qu'en d'autres circonstances des dictateurs se seraient installés.
Dans le monde, Atatürk a influencé de nombreux chef d'État et des leaders nationalistes.

Au Maroc, la révolution indépendantiste d'Abdelkrim (première guerre de décolonisation du xxe siècle) s'étaient déroulée dans la même période que la révolution kémaliste. Abdelkrim suivait donc avec intérêt les évolutions en Turquie et s'est inspiré de certaines idées kémalistes pour diriger l'éphémère République du Rif (1920-1926).
Plus tard les nationalistes de gauche tels Abderrahim Bouabid et Mehdi Ben Barka et le parti de l'indépendance et de la démocratie de Mohamed Hassan El Ouazzani prendront le kémalisme comme exemple pour établir un projet de société pour le Maroc.
Le président tunisien Bourguiba ne cachait pas son admiration pour le kémalisme et les réformes qu'il a mises en place en Tunisie sont comparables aux réformes kémalistes.

Le chah d'Iran, Reza Pahlavi, et le chef d'État afghan, Mohammed Zaher Chah, se sont directement inspirés du kémalisme pour mener des réformes dans leur pays.
Mustafa Kemal a aussi eu de l'influence sur des chefs nationalistes, comme sur le nationaliste algérien Messali Hadj qui disait :
« Les premières prouesses militaires de Mustapha Kemal Pacha eurent sur le monde islamique une grande résonance, un profond réconfort et un immense encouragement43. »
Le combattant du FLN Ferhat Abbas s'est également inspiré de l'œuvre de Mustafa Kemal pour rédiger le manifeste du 12 février 1943.
Il avait d'ailleurs pris pour pseudonyme le nom de Kemal Abencérage.

Il a servi de modèle également à Husni al-Zaim en Syrie.
L'indépendantiste indien Jawaharlal Nehru admirait également Mustafa Kemal :
« Kemal Atatürk était mon héros dans ma jeunesse.
À l'époque, nous nous occupions de notre propre mouvement d'indépendance.
Je n'oublierai jamais le moment de joie et la manière de laquelle nous avons célébré en prison la grande victoire qu'il avait remportée.
Il est l'un des grands constructeurs de l'époque moderne en Orient.
Je continue d'être un de ses grands admirateurs. »
Mustafa Kemal a de manière générale encouragé les peuples du tiers-monde à prendre leur indépendance et à se prendre en main.


Quelques unes de ses citations

L'homme politique qui a besoin des secours de la religion pour gouverner n'est qu'un lâche ! Or, jamais un lâche ne devrait être investi des fonctions de chef de l'État.
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin, éd. Albin Michel, 1954, p. 13

Depuis plus de cinq cents ans, les règles et les théories d'un vieux cheikh arabe, et les interprétations abusives de générations de prêtres crasseux et ignares ont fixé, en Turquie, tous les détails de la loi civile et criminelle. Elles ont réglé la forme de la Constitution, les moindres faits et gestes de la vie de chaque citoyen, sa nourriture, ses heures de veille et de sommeil, la coupe de ses vêtements, ce qu'il apprend à l'école, ses coutumes, ses habitudes et jusqu'à ses pensées les plus intimes. L'Islam, cette théologie absurde d'un Bédouin immoral, est un cadavre putréfié qui empoisonne nos vies.
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin, éd. Albin Michel, 1954, p. 323

Vous venez me parler des avantages que nous a valu notre conversion à l'Islam, et moi je vous dis : regardez ce qu'elle nous a couté !
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin, éd. Albin Michel, 1954, p. 326

Il faut savoir choisir, entre la révélation passée et la liberté future.
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin, éd. Albin Michel, 1954, p. 326

La République turque ne veut pas demeurer le pays des cheiks et des derviches, des confraternités et des couvents. Comme ordre, il n'y en a qu'un seul de vrai et de raisonnable — celui de la civilisation.
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin, éd. Albin Michel, 1954, p. 326

Le Califat n'est qu'un reliquat de l'Histoire. Rien ne justifie son existence.
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin, éd. Albin Michel, 1954, p. 328

N'est-ce pas pour le Calife, pour l'Islam, pour les prêtres et pour toute cette vermine que le paysan turc a été condamné à saigner et à mourir pendant des siècles sous toutes les latitudes et sous tous les climats ? Il est temps que la Turquie songe à elle-même, qu'elle ignore tous ces Hindous et Arabes qui l'ont menée à sa perte. Il est grand temps, je le répète, qu'elle secoue définitivement le joug de l'Islam ! Voilà des siècles que le califat se gorge de notre sang.
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin, éd. Albin Michel, 1954, p. 332

Je ne suis pas assez fou pour mettre dans le même sac les étrangers qui nous pillent, et ceux qui nous enrichissent.
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin, éd. Albin Michel, 1954, p. 370

Mais pourquoi nos femmes s'affublent-elles encore d'un voile pour se masquer le visage, et se détournent-elles à la vue d'un homme ? Cela est-il digne d'un peuple civilisé ? Camarades, nos femmes ne sont-elles pas des êtres humains, doués de raison comme nous ? Qu'elles montrent leur face sans crainte, et que leurs yeux n'aient pas peur de regarder le monde ! Une nation avide de progrès ne saurait ignorer la moitié de son peuple !
Mustapha Kémal ou la mort d'un empire, Jacques Benoist-Méchin, éd. Albin Michel, 1954, p.


Liens :


http://youtu.be/1VeKKwnX4Sk F. Mitterand
http://youtu.be/tmE-EcO2SDc


http://youtu.be/DoEZBkmb7Gs Ste Sophie
http://youtu.be/lQs-r0H7Wg4

http://youtu.be/yuHZ0bm9PAY Ataturk I
http://youtu.be/-v4LqvINc5I 2
http://youtu.be/h9f3hA9_wH0 3
http://youtu.be/lj6EcErI3es 4
http://youtu.be/yvkWD9gnOfs 5
http://youtu.be/tMUclHjzIBg 6




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Posté le : 19/05/2013 16:10
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Ho chi Minh partie 1
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Le 19 Mai 1890 serait né Nguyên Aï Quoc connu sous le nom de Ho Chi Minh


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Annam est le territoire administré par la France à partir de la fin du siècle dernier ; il comprend le Vietnam, le Cambodge et le Laos ; deux protectorats et une colonie : la Cochinchine, administrée par un gouverneur général : Paul Doumer. C'est dans ce contexte humiliant que Ho Chi Minh vécut sa jeunesse. Il naît entre 1890 et 1894, à la date présumée du 19 Mai 1890 au village de Huang Tru bordé de rizières ; à 360 km de Hué, et à 1 442 KM de Saïgon. Son père est fonctionnaire et lettré ; sa mère meurt en 1901. Son père sera révoqué en 1910 après une faute grave due à sa grande brutalité. Le futur Ho Chi Minh n'accomplit aucun cycle scolaire complet (études primaires et collège). Dans ces années, en 1908, le nationalisme éclot ainsi que des manifestations paysannes contre l'imposition.


Celui qui deviendra président du Conseil d'État de la République socialiste du Viêt Nam, Hô Chi Minh, du vietnamien Hồ Chí Minh qui signifit "Écouter", est né Nguyễn Sinh Cung, puis il sera également connu sous le nom de Nguyên Aï Quoc ou encore ' l'oncle Hô ", il est au cours de sa vie, militant communiste et homme d'État vietnamien.
Il serait donc né le 19 mai 1890 à Hoàng Trù et il meurt le 2 septembre 1969, à Hanoï.
Il est avant tout le fondateur de la République démocratique du Viêt Nam. Il est le successeur de l'empereur du Vet-nam Bảo Đại et il sera suivi par Tôn Đức Thắng
Président du Parti des travailleurs du Viêt Nam
En 1975, le nom de Hô-Chi-Minh-Ville ou Thành Phố Hồ Chí Minh fut donné à la ville la plus peuplée du Vietnam, l'ancienne Saïgon.

Nguyên Tat Thanh, à noter, en passant, que Nguyen en Vietnamien signifit "monsieur", donc le futur Hô Chih Minh, dont le nom de naissance est Nguyễn Sinh Cung, est le Symbole de la lutte contre les impérialismes français et américain et figure emblématique d'un tiers-monde en construction, Hô Chi Minh mènera l'Indochine à son indépendance, au terme de deux longues guerres.
Il s’expatrie à vingt ans pour échapper à la misère et parcourt le monde avant de faire, en 1920, à Paris, la découverte du communisme, qui le séduit par son discours anticolonial. Il mène la vie errante d’un militant discipliné du Komintern, alternant missions de propagande à travers l’Asie du Sud-Est et la Chine, et séjours à Moscou, où ses chefs lui reprochent de placer son patriotisme vietnamien avant l’internationalisme prolétarien.

Le père de la nation (1930-1945)

En 1930, année où éclate une première insurrection contre le colonisateur français, il fonde le parti communiste indochinois. Ayant échappé aux prisons anglaises, puis aux purges staliniennes, il retourne en Chine, d’où, à la faveur de l’entrée en guerre du Japon, il revient au Viêt Nam en 1941, après trente ans d’absence, et prend le nom sous lequel il entrera dans l’histoire, Hô Chi Minh. Ayant fondé le Viêt-minh, Ligue pour l’indépendance du Viêt Nam, il proclame, après la capitulation japonaise, la République démocratique du Viêt Nam, dont il devient président.

Le président vietnamien (1945-1969)

Les négociations avec Paris ayant tourné court, Hô Chi Minh conduit, de 1946 à 1954, la guerre d’indépendance qui aboutit, aux accords de Genève, à la partition du pays le long du 17e parallèle. Resté président du seul Nord-Viêt Nam, il semble s’effacer derrière d’autres personnalités politiques, comme ses anciens lieutenants Vo Nguyên Giap et Pham Van Dong, puis Lê Duc Tho. Mais l’autorité morale de « l’oncle Hô » reste inentamée.
À partir de 1959, il appuie activement la guérilla du Viêt-cong, qui combat le régime pro-américain du Sud-Viêt Nam, ce qui entraîne finalement l’intervention directe des États-Unis en 1965. Pour lui, la réunification du pays a autant d’importance que la construction du socialisme au Nord. Leader charismatique, symbole de tous les mouvements de libération nationale, il meurt en 1969, trop tôt pour voir la fin de la guerre et l’entrée des Nordistes dans Saigon, rebaptisée Hô Chi Minh-Ville en 1975.

-Le patriote vietnamien (1890-1945)

Les exigences de la vie clandestine, puis les opportunités politiques font que bien des aspects de la biographie d'Hô Chi Minh demeurent inconnus. Né Nguyên Tat Thanh, il n'adopte le nom même de Hô Chi Minh que tardivement, en 1941, après avoir notamment usé à partir de 1920 du pseudonyme de Nguyên Ai Quôc (« qui aime son pays »).

-Les années de formation (1890-1920)

Ses débuts sont obscurs (1890-1911) Il semble être né le 19 Mai 1890 mais la chose est seulement probable. Natif du village de Kiêm Lan, dans le Nord-Annam Province de Nghệ An, Indochine française (Tonkin) Ce n'est pas certain. Son père était, semble-t-il, un paysan relativement aisé, qui parvint à entrer dans l'administration impériale mais fut licencié à la suite d'une sombre histoire d'homicide involontaire. Le fils reçut d'abord une bonne instruction au niveau de l'enseignement primaire, mais cet homme, qui finit par connaître plusieurs langues, resta pour l'essentiel un autodidacte.

La découverte du monde (1911-1919)

Le 5 juin 1911, il s'expatrie. Aide-cuisinier à bord d'un paquebot, il découvre les ports européens et africains, puis, durant la guerre, séjourne quelque temps à Londres. On le retrouve à Paris en 1919, où il exerce le métier de retoucheur de photographies.
La fin des hostilités marque le début de sa carrière politique par une adhésion au parti socialiste, la SFIO. En 1919, il intervient à la conférence de la paix de Versailles, où il demande l'émancipation de ses compatriotes. Au congrès de Tours de 1920, Hô Chi Minh se rallie d'emblée au communisme, qui met l'accent sur l'émancipation des peuples coloniaux.

-Le militant communiste (1920-1941)

Il mène une vie errante de 1920 à 1941, son existence est heurtée et vagabonde. Il reçoit une formation politique à l'occasion des cinq séjours qu'il fait en URSS. Ensuite, à plusieurs reprises, il assume la mission de propagandiste et de chef révolutionnaire en Extrême-Orient. En 1924, à Moscou, il est le représentant de l'Asie du Sud-Est aux réunions du Komintern, où il condamne la politique coloniale du parti communiste français (PCF). De la fin 1924 à 1927, il recrute et forme en territoire chinois les premiers cadres d'un parti communiste indochinois. Les incidents entre l'URSS et la Chine, où les communistes sont combattus par le gouvernement nationaliste de Tchang Kai-Chek, le contraignent à quitter ce pays. En 1928-1929, Hô Chi Minh reprend la même action, dans la clandestinité, au Siam, puis en Malaisie, colonie anglaise.

-La fondation du parti communiste indochinois (1930)

En janvier-février 1930, au congrès de Hong Kong, il préside à la création du parti communiste indochinois (PCI). Peu après, la rébellion de Yên Bay au Tonkin et celle du Centre-Annam provoquent l'arrestation de divers militants, dont Vô Nguyên Giap et Pham Van Dong. Nguyên Ai Quôc, qui est resté à Hongkong, est dénoncé à la police anglaise et arrêté par celle-ci pour menées subversives. La justice française réclame en vain son extradition, et Hô Chi Minh est condamné à six mois de prison par les Britanniques. Libéré, il vit dans la clandestinité jusqu'en 1934.

-De Moscou au Tonkin (1934-1941)

De retour à Moscou, il échappe aux grandes purges staliniennes, mais ne se voit plus confier la moindre responsabilité au sein du Komintern, où on lui reproche sans doute de placer son nationalisme vietnamien avant l’internationalisme prolétarien.
Rentré en grâce, il retourne en Chine en 1938 à la faveur de la guerre sino-japonaise ; commissaire politique dans la 8e armée de route communiste, il se trouve aux frontières du Tonkin en 1940, où il se lie d’amitié avec Vô Nguyên Giap et Pham Van Dong, qui seront ses deux plus proches lieutenants autant que ses disciples.

De la guerre à l’indépendance (1941-1945)

Il est de retour au pays, au Viet-nam, (1941) en février 1941, après trente ans d’absence. C’est alors qu’il prend le nom de « Hô Chi Minh » qui signifit « Puits de lumière ».
C’est avec l’aura du ressuscité puiqu'il passait pour mort depuis 1932, qu’il préside, le 19 mai, à la fondation du Viêt-minh, Ligue pour l’indépendance du Viêt Nam. Il met ainsi en accord la dynamique nationaliste avec celle du communisme international, conformément aux dernières résolutions du Komintern.

En route Vers l’indépendance en 1945.

La mainmise japonaise sur l'Indochine lui fournit l'occasion de préparer un soulèvement et de constituer au congrès de Lianzhou (mars 1944) un gouvernement provisoire, où figurent des nationalistes non communistes. Il obtient même l'appui des missions de liaison américaines, qui cherchent à recruter des partisans pour lutter contre les Japonais, mais qui songent aussi à s'attacher le maître probable d'une Indochine décolonisée.
La capitulation japonaise ouvre à Hô Chi Minh les portes d'Hanoi, et il peut y proclamer le 2 septembre 1945, après l'abdication de l'empereur Bao Dai l'indépendance de la République démocratique du Viêt Nam, dont il devient le président.


Le président vietnamien (1945-1969)

-La lutte pour l'indépendance du Viêt Nam (1945-1954)

Hanoi Le 18 mars 1946, les troupes françaises arrivent à Hanoi, où elles relèvent les Chinois. Mais le gouvernement provisoire, dont les membres non communistes ont été éliminés, a mis à profit la fin de l'année 1945 et le début de 1946 pour implanter dans tout le pays une organisation politico-militaire. Après les accords de Fontainebleau, le Viêt Nam est reconnu comme État libre au sein de l'Union française, créée en 1946, mais le sort de la Cochinchine reste une pierre d’achoppement.
La marche à la guerre (1945-1946)
Hô Chi Minh est-il disposé à conclure avec la France un compromis plus ou moins durable ? Estime-t-il, au contraire, qu'une guerre est inévitable et qu'il faut gagner le temps nécessaire à sa préparation ? La question sera seulement tranchée lorsque les archives du Viêt-minh seront accessibles aux historiens. Certes, l'appel à l'insurrection générale du 19 décembre 1946 ne fait que répondre au bombardement du port de Haiphong décidé par l'amiral d'Argenlieu le 26 novembre. MAis la minutie avec laquelle est exécutée en décembre l’attaque coordonnée de garnisons du Tonkin et d’Annam, prouve que l'entrée en guerre a été décidée très certainement dès l'été 1946.

Une autorité surtout morale

Dès cette époque, le problème du partage du pouvoir s'est vraisemblablement posé au sein du Viêt-minh. L'autorité d'Hô Chi Minh est-elle restée prépondérante ? S'est-il instauré, au contraire, une direction collégiale ? Il semble bien que les hommes comme Giap et Pham Van Dong ont peu à peu supplanté le leader vieillissant. De fait, le visage que les documents officiels donnent d'Hô Chi Minh dès 1953-1954 est celui d'un personnage entrant dans la légende : un vieillard aux traits ascétiques (« l’oncle Hô »), accueillant les enfants et dispensant des conseils de sagesse.
Indépendance et partition du Viêt Nam (1954)
Quoiqu’il en soit, la défaite des Français à Diên Biên Phu en mai 1954 marque la fin de la guerre ; le 20 juillet 1954, par les accords de la conférence de Genève, Hô Chi Minh accepte le partage du Viêt Nam. Il reste le premier président d'une République démocratique du Viêt Nam réduite au nord du 17e parallèle.

Le président du Nord-Viêt Nam (1954-1969) Un chef d’État en retrait

De 1956 à 1959, il est secrétaire général du parti Lao Dông. Mais en 1959, Lê Duan lui succède et partage sans doute désormais la réalité du pouvoir avec le secrétaire Lê Duc Tho et le général-commissaire politique Nguyên Chi Thanh.

La guerre du Viêt Nam

Pourtant, l’influence morale de « l’oncle Hô » reste immense. À partir de 1959, il apporte son soutien à la lutte menée contre le président Diêm au Viêt Nam du Sud. Il s'engage alors à fond dans la guerre révolutionnaire. Pour lui, la libération du Sud a autant d'importance que la construction du socialisme au Nord. Lorsque, en 1965 les États-Unis bombardent le Viêt Nam du Nord, Hô Chi Minh apparaît non seulement le chef de la révolution vietnamienne, mais aussi le héros de tous les mouvements de libération nationale. Après l'arrêt des bombardements, en 1968, il accepte de négocier. Et, à partir de 1969, les maquisards du Viêt-cong sont reconnus par les Américains comme des interlocuteurs valables.

Mort et héritage

Hô Chi Minh meurt le 3 septembre 1969 à 79 ans, dans le palais présidentiel d'Hanoi ; son testament politique, rédigé le 10 mai de la même année, dénonce les coupables divisions entre les pays socialistes. En avril 1975, à la fin de la guerre, son nom est donné à la ville de Saigon.
Hô Chi Minh a cherché à concilier patriotisme ardent et théorie révolutionnaire marxiste-léniniste. Celle-ci a fini par l’emporter, au travers d’un système implacable que « l’oncle Hô » avait contribué à mettre en place en usant de son immense charisme.
Pour en savoir plus, voir les articles Histoire du Viêt Nam, guerre d'Indochine, guerre du Viêt Nam.



http://www.cinearchives.org/Filmhttp: ... rg/Films-447-297-0-0.html
s-447-297-0-0.html

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La colonisation de l'indochine



La première implantation française en Indochine (XVIIe-XIXe siècle)
Histoire et civilisation du Vietnam au temps des Lê (1997), nous explique comment leur présence, pendant ces deux siècles de troubles, ouvrit aussi la route à la Compagnie des Indes orientales et à la présence française.

Les royaumes indochinois aux XVIe et XVIIe siècles

Au seuil de l'histoire moderne, rien ne semble prédisposer la France à des contacts privilégiés avec les divers peuples de la péninsule indochinoise. Depuis le traité de Tordesillas du 7 juin 1494, cette partie du monde relève du padroado portugais, la dynastie d'Aviz ayant obtenu le double monopole de la colonisation et de l'évangélisation sur tout ce qui se trouve à l'est d'un méridien passant à 370 lieues à l'ouest des Açores.

Ce point de vue strictement romain ne bouleverse guère la vie des royaumes qui se partagent alors l'Indochine. Le plus important, le Dai-Viêt, placé depuis 1427 sous l'autorité d'un empereur de la dynastie des Lê, se divise en deux moitiés hostiles. Au nord, le Bac ky, « pays du nord » que les Européens appellent le Tonkin selon l'expression chinoise, est gouverné par un ministre devenu roi et ayant fondé sa propre dynastie, celle des Trinh ; au sud, le Nam ky, « pays du sud » ou Cochinchine, appuyé sur Hué et la dynastie des Nguyên. Cette division n'empêche nullement le maintien à Hanoi, près des Trinh, de l'empereur Lê, totalement dépourvu de pouvoir réel mais entouré d'un cérémonial qui en fait, en principe, l'équivalent de l'empereur de Chine. Au sud de la Cochinchine, et correspondant à l'actuelle région du Khanh Hoa, le petit royaume du Champa est le plus oriental des royaumes hindouisés. Le peuple cham a été vaincu par les Vietnamiens, peuple de civilisation chinoise, qui laisse toutefois un fantôme d'indépendance à ce petit État dont le roi est assisté de conseillers vietnamiens jusqu'à sa complète disparition au XVIIIe siècle. Plus important, le royaume du Cambodge s'étend à l'ouest et au sud de la cordillère annamitique, et englobe la région de l'actuelle Saigon, mais connaît un lent déclin par rapport à la période angkorienne. Il existe enfin un petit royaume d'Ai Lao, autour de la région de Vientiane, qui constitue le premier noyau de l'actuel Laos et dont les relations européennes ne commencent à faire mention qu'à la fin du XVIIe siècle.

Comme on pouvait s'y attendre, les premiers Européens qui découvrent ces régions viennent sur les vaisseaux portugais qui desservent les différents comptoirs de l'Estado da India, et touchent Macao, au sud de la Chine. Fernao Perez en 1516, Duarte Coelho en 1524, l'aventurier Antonio Faria et Mendes Pinto qui décrit son extraordinaire périple dans la Pérégrination en 1535, avant les missionnaires jésuites d'origine italienne du début du XVIIe siècle : les Pères Busomi et Borri, débarqués à Tourane sur la côte de Cochinchine en 1615 et 1618, puis le Père Giuliano Baldinotti, qui pénètre au Tonkin et écrit une relation en 1629. Tous se heurtent à la barrière de la langue, qui semble presque insurmontable.

L'action fondatrice d'Alexandre de Rhodes

Le premier Français à avoir parcouru l'actuel Vietnam est un Père jésuite, Alexandre de Rhodes (1591-1660). Il ne s'agit d'ailleurs pas vraiment d'un sujet du roi de France, puisque le P. de Rhodes est avignonnais, donc sujet du pape. Arrivé à Macao en 1623 sur un navire portugais, comme peuvent le faire tous les religieux de la Compagnie de Jésus, il se met à l'apprentissage du chinois et du japonais, mais ne peut poursuivre vers le Japon, qui se ferme alors de manière hermétique aux étrangers. Au vu de ses capacités linguistiques, on lui propose la nouvelle mission du Tonkin, fondée depuis peu par Baldinotti. Il débarque sur la côte de la Cochinchine, à Tourane, actuelle Da Nang, en 1624. Là, il est de suite frappé par les intonations de la langue vietnamienne, et la gamme des « tons », plus riche que la gamme chinoise ; c'est sur les quais du port, en discutant avec les marins et les enfants dont il compare le discours au « gazouillis des oiseaux » qu'il apprend à parler. En quelques mois, il maîtrise suffisamment le vietnamien pour prêcher dans cette langue.

De 1627 à 1630, le Père de Rhodes séjourne dans le royaume du Tonkin, alors gouverné par le chua Trinh Trang (1623-1657) ; il est accompagné par son confrère Pedro Marques, bon connaisseur des langues asiatiques. Toutefois, la prédication se trouve vite compromise par le conflit qui éclate entre les deux jésuites et les mandarins confucianistes qui entourent le roi ; en 1630, Trinh Trang chasse les missionnaires. Ne pouvant rentrer en Cochinchine, d'autant plus défavorable aux religieux chrétiens qu'elle les imagine devenus des espions du Tonkin, les deux compagnons retournent à Macao, où Alexandre de Rhodes s'occupe du collège des jésuites.

En 1640, le missionnaire avignonnais repart pour le Vietnam, cette fois la Cochinchine. Le gouvernement des Nguyên reste mal disposé vis-à-vis de la prédication catholique, et le chua Thuong Vuong suscite des difficultés dont les chrétiens sont victimes. Entre 1640 et juillet 1645, Alexandre de Rhodes doit faire plusieurs fois la traversée entre Macao et Tourane, fuyant la Cochinchine lorsqu'il en est chassé. Les catéchistes qu'il a formés restent alors seuls à assurer l'évangélisation, devenant ainsi « les pieds et les mains » de la jeune chrétienté. Pris par les autorités avec l'un d'eux, André, le Père de Rhodes doit assister à la décapitation de son émule. Il est lui-même définitivement banni en juillet 1645, et emporte la tête d'André à titre de relique jusqu'à Macao, puis Rome.

Si l'apostolat d'Alexandre de Rhodes au Vietnam s'arrête là, son œuvre en faveur des missions qu'il vient de créer se poursuit. Après de nombreux retards, il parvient au Vatican en 1649 et s'emploie à plaider la cause des chrétientés du Tonkin et de Cochinchine. En 1652, il essaie de nouer des contacts à Paris afin d'accélérer les décisions ; il finit par obtenir du Père général Goswin Nickel (1652-1664) l'envoi de vingt-cinq jésuites au Dai-Viêt ; parmi eux se trouve le Français Joseph Tissanier. Alexandre de Rhodes est aussi le premier informateur du public francophone sur le Vietnam. Il publie plusieurs relations de voyage dans les années qui suivent 1650 : l'Histoire du royaume du Tonkin (1651), les Relations des progrès de la foi au royaume de la Cochinchine (1652), et surtout ses Voyages et Missions(1653). L'ensemble est publié à peu près simultanément en italien, français et latin. Les autres relations importantes de cette époque seront celles de Filippo Marini, traduite en français en 1666, et de Joseph Tissanier, en 1663. Par ailleurs, Alexandre de Rhodes reste connu pour avoir mis au point la première romanisation de la langue vietnamienne, le quôc-ngu. Cette romanisation, légèrement modifiée par Pigneaux de Béhaine à la fin du XVIIIe siècle, est utilisée en vietnamien moderne, la seule langue d'Extrême-Orient à avoir abandonné les idéogrammes au profit des caractères latins. Pour réaliser cet important travail d'adaptation, Rhodes s'était appuyé sur les tentatives de romanisation du chinois de Matteo Ricci et Diogo de Pantoja.

Mais le but essentiel du P. de Rhodes, lorsqu'il revient en Europe, est de mettre en place une hiérarchie catholique et un encadrement de prêtres séculiers en Asie ; à la différence de beaucoup de religieux, jésuites, dominicains ou franciscains, il estime que le temps des seuls ordres missionnaires est dépassé : les chrétientés d'Asie doivent être confiées à des séculiers, si possible originaires des pays en voie de christianisation. À Rome, il est vigoureusement appuyé par le secrétaire de la Propagande, Francesco Ingoli. La congrégation De Propaganda Fide est une sorte de ministère des missions, créé par Grégoire XV en 1622, qui essaie entre autres de faire contrepoids à l'archaïque padroado, désormais gênant mais toujours revendiqué par le Portugal qui n'a plus vraiment les moyens de défendre ses comptoirs et ses navires, attaqués par les Hollandais et les Anglais de plus en plus présents dans les eaux asiatiques. En août 1650, Alexandre de Rhodes est invité à présenter la situation des chrétientés vietnamiennes devant les cardinaux de la Propagande ; il parle de trois cent mille fidèles exposés à toutes les avanies, et à qui seraient nécessaires, dans l'immédiat, trois cents prêtres européens. À plus long terme, ses préférences vont à la formation de prêtres vietnamiens, moins faciles à identifier par les autorités et connaissant mieux les habitudes locales ; ce qui suppose la mise en place de séminaires, comme le recommandent d'ailleurs les décisions du concile de Trente. Pour mettre en place ce clergé, le P. de Rhodes propose d'envoyer sur place des évêques pourvus d'un titre in partibus infidelium, à l'insu des Portugais : par exemple des Italiens ou des Français. L'attitude des cardinaux reste très prudente : le danger est évidemment la brouille avec le Portugal, et même avec l'Espagne, car les deux Empires ibériques sont régis par Tordesillas. Devant ces réticences, Alexandre de Rhodes décide de gagner Paris pour faire avancer le projet.

Les vicaires apostoliques et la mise en place des Missions étrangères de Paris

À Paris, Rhodes rencontre un jeune ecclésiastique passionné par l'avenir des missions, François Pallu (1626-1684), au sein d'une société pieuse, celle des « Bons Amis ». Les idées qu'il défend sont commentées et développées par Pallu et Lambert de la Motte, qui se dépensent sans compter pour obtenir des appuis politiques et financiers : ceux de l'Assemblée du Clergé, de la Compagnie du Saint-Sacrement, de la duchesse d'Aiguillon, nièce de Richelieu qui offre une rente annuelle de six cents écus pour les futurs évêques de Cochinchine et du Tonkin. Enfin les deux ecclésiastiques éveillent l'intérêt de Colbert et des armateurs rouennais ; le projet vient s'inscrire dans le cadre du développement maritime et colonial souhaité par Colbert, alors qu'il réfléchit à une Compagnie des Indes française, et dont le projet se concrétise comme on le sait en 1664.

Au cours de l'année 1664, les divers projets concernant les missions deviennent autant de réalités. Louis XIV et Colbert favorisent la création à Paris des Missions étrangères, société de droit pontifical formée de séculiers, et établie rue du Bac. Puis les vicaires apostoliques en Extrême-Orient sont eux-mêmes nommés : François Pallu, né à Tours en 1626 et ordonné prêtre en 1650, devient évêque in partibus d'Heliopolis, avec dans son ressort la Chine centrale, le Tonkin et le Laos. Pierre Lambert de la Motte, né à Lisieux en 1624 et ancien avocat à la Cour des aides de Rouen, devenu prêtre en 1655, devient évêque de Béryte avec la Chine du Sud et la Cochinchine. Enfin Ignace Cotolendi, curé d'Aix-en-Provence, est fait évêque de Metellopolis avec la responsabilité de la Chine du Nord et de la Tartarie. Ce dernier meurt en route, en Inde, tandis que Pallu et Lambert de la Motte, partis par deux routes différentes, finissent par atteindre le Siam, actuelle Thaïlande, en 1664. Ayuthia, au nord de Bangkok, est alors la capitale de ce royaume bouddhiste et tolérant où Mgr Lambert reste longtemps avant de pénétrer au Dai-Viêt, fermé de manière presque hermétique. François Pallu décide de rentrer en Europe, mais son confrère réussit à faire passer des missionnaires en Cochinchine : Louis Chevreuil, puis Antoine Hainques et François Deydier, qui tous dépendent des Missions étrangères de Paris, les MEP.

Les prêtres des MEP entreprennent l'évangélisation de la Cochinchine, puis du Tonkin, poursuivant ainsi l'œuvre entreprise par le P. Alexandre de Rhodes. Quelques jésuites avaient tenté de poursuivre ces « travaux évangéliques », et avaient tenté de se rapprocher de la cour de Hué et de la dynastie des Nguyên, avec moins de succès qu'en Chine. Et par ailleurs, ils sont bannis du Tonkin par les Trinh en 1664 : là, les catéchistes étaient donc restés seuls à s'occuper des missions, s'inspirant évidemment beaucoup des méthodes d'apostolat de la Compagnie de Jésus, d'où une large tolérance à l'égard de certaines coutumes, en particulier les cérémonies en l'honneur des défunts qui incluaient prosternations rituelles ou libations d'alcool et de nourriture. Ils acceptaient également le maintien d'une perche dressée près de la maison familiale au jour de l'An et indiquant la route aux esprits aveugles des ancêtres ; cette perche portait toutefois une croix. Des frictions à propos des seuils de tolérance à respecter ont eu lieu entre catéchistes formés par les jésuites et prêtres des MEP ; les cas litigieux sont soumis à Mgr Lambert en 1670 lorsque, accompagné de Bénigne Vachet, il atteint Faifo sur la côte de Cochinchine avant d'être reçu à Hué par le chua Hiên Vuong. La situation est alors plus favorable aux missionnaires en Cochinchine qu'au Tonkin, où les autorités percevaient les Européens comme des espions au service des Nguyên.

D'une manière générale, la mission du Tonkin est très difficile au cours du XVIIIe siècle. Le confucianisme était plus présent chez les fonctionnaires du « Royaume du Nord », tandis que le Sud était plus ouvert au bouddhisme et, d'une manière générale, aux courants commerciaux. À partir de l'édit antichrétien de 1700, les persécutions se succèdent au Tonkin : 1703, puis 1717, 1722, 1740, 1759… Les victimes et les apostasies sont nombreuses, nombre de catéchistes et plusieurs missionnaires sont exécutés. Loin d'être amnistiés, les apostats étaient souvent condamnés à la « prison des éléphants », c'est-à-dire au travail forcé dans les écuries des éléphants du chua, qui utilisait ces animaux comme armes de choc, leur faisant jouer un peu le rôle de chars d'assaut. Le Tonkin se trouve alors en état de guerre presque permanente contre son rival du sud, ce qui entraîne en même temps un état de très forte tension sociale, de plus en plus sensible après 1750. Le Dai-Viêt, déchiré entre les deux dynasties de chua Trinh et Nguyên, connaît à la fin du XVIIIe siècle un embrasement général à laquelle assistent, impuissants, les derniers représentants de la dynastie impériale des Lê. C'est à la faveur de cette conflagration que les Français développent leur présence.

Les visées de la Compagnie des Indes

Depuis l'époque de Colbert, la France cherche un point d'appui dans l'océan Indien, ou entre l'Inde et la Chine. La première installation à Madagascar se termine mal en 1674, puis les tentatives faites au Siam au temps du roi Phra Naraï (1657-1688) et de son ministre européen Constantin Phaulkon tournent également au fiasco après 1688. Les Mascareignes, île Bourbon et île de France à partir de 1715, sont trop éloignées de Pondichéry acquise en 1674 et de l'accès au commerce chinois.

Les agents de la Compagnie des Indes orientales, créée en 1664, portent leur attention sur l'île de Poulo-Condor, aujourd'hui Con Son, au large de la pointe de Ca Mau. L'île est particulièrement bien placée sur la route de la Chine, et un établissement fixe est conseillé par François Pallu. Un représentant de la Compagnie, Véret, propose de s'y installer après une série de reconnaissances effectuées en 1686. Mais rien de plus concret n'est réalisé alors, et ce sont les Anglais qui s'installent à Poulo-Condor en 1702. Ils y élèvent un fortin, d'ailleurs détruit peu après ; le Père jésuite Antoine Gaubil, qui se rend en Chine en 1722, décrit les avantages et les inconvénients de cette île en méditant sur les malheurs des Anglais. L'idée de s'y installer semble alors abandonnée.

Sous Louis XV, les projets français se portent sur la baie de Tourane, aujourd'hui Da Nang, sur la côte du Quang Nam, avec les deux ports de Tourane et Faifo – Hoi An et Da Nang – protégés par l'île de Cham. Le littoral annamite a été reconnu par Friel, un neveu de Dupleix, qui estime que Tourane et Faifo seraient les meilleurs établissements en Indochine. Dumont visite la Cochinchine en 1748 et propose l'île de Cham, face à Faifo ; les directeurs de la Compagnie des Indes chargent alors Pierre Poivre, qui revient d'Extrême-Orient et a rédigé un rapport sur l'Indochine, de retourner sur place pour étudier les possibilités d'un comptoir. Poivre débarque à Tourane en 1749, et visite à Hué le chua Vô Vuong. Le souverain lui réserve un bon accueil, mais ses fonctionnaires suscitent mille difficultés : son interprète est enlevé, plusieurs de ses domestiques sont jetés en prison, il doit payer pour les faire libérer. Poivre écrit au siège de la Compagnie qu'« une Compagnie qui voudra s'établir en Cochinchine […] doit s'y annoncer avec les moyens de s'y faire craindre et respecter ». Dès cette époque commence à prendre corps l'idée d'une expédition armée vers l'Indochine ; Choiseul semble avoir été partisan de ce projet, tout en poursuivant des ambitions sur les Philippines. Mais tout cela est interrompu par sa disgrâce, en 1770, et il faut attendre la constitution du gouvernement de Louis XVI pour que ces projets reprennent corps avec Vergennes et Sartine. L'entreprise est confiée à un armateur, de Rothe, mais elle est interrompue par la Guerre d'Amérique. Cependant la situation évolue très vite, au Vietnam, depuis les années 1770.

La crise éclate à partir de Hué : en 1765, à la mort de Vô Vuong, le trône échoit à un enfant entouré d'un conseil de régence. Il est vite détrôné, et le chua du Tonkin, Trinh Sâm, en profite pour attaquer le Royaume du Sud. Mais au même moment éclate un formidable soulèvement, l'un des plus importants qui aient jamais embrasé l'Asie du Sud-Est : la « révolte des Tây Son », révolte née en Cochinchine dans la province de Binh Dinh et déclenchée par trois frères Nguyên – sans lien de parenté avec la dynastie –, Nhac, Huê et Luu, à partir de la petite bourgade éponyme de Tây Son, sur le plateau d'An Khê. Dès le départ, les révoltés semblent avoir souhaité la réunification du Vietnam ; ils prennent le contrôle de grandes villes, surtout Quy Nhôn en 1773, tandis que les Trinh s'emparent de Hué. La situation semble perdue pour la dynastie des Nguyên.

Mgr Pigneaux de Béhaine et Nguyên Anh

C'est alors qu'entre en scène le prince Nguyên Anh, frère du chua légitime détrôné et exécuté, et pratiquement dernier représentant de sa famille. Mais l'histoire du prince Nguyên Anh, qui devait reconquérir le trône de ses aïeux et fonder la dynastie impériale des Nguyên sous le nom de Gia Long, est étroitement associée à celle d'un ecclésiastique français, Pierre-Joseph Pigneaux de Béhaine. Né en Thiérache en 1741, aîné d'une famille qui compte dix-neuf enfants, Pierre-Joseph entre au séminaire des MEP et est ordonné prêtre en 1765. Il s'embarque alors pour les missions d'Asie, où il devient en 1767 professeur au séminaire de Hon Dat, près de l'actuelle Saigon, alors un simple poste de douane entre Cochinchine et Cambodge, du nom de Gia Dinh. En 1770, les difficultés que connaît le « Royaume du Sud » l'amènent à transférer ce séminaire à Pondichéry. L'année suivante le voit promu évêque in partibus d'Adran, avant de devenir vicaire apostolique de Cochinchine en 1774. À cette date, il était connu de la cour de Hué car il avait servi de précepteur au jeune Nguyên Anh, et avait travaillé au perfectionnement du quôc ngu, la romanisation du vietnamien élaborée par Alexandre de Rhodes. En 1775, il retrouve Nguyên Anh qui avait commencé à rassembler ses partisans et tenait la Basse Cochinchine, c'est-à-dire le delta du Mékong. C'est grâce à lui que le prélat français peut établir un nouveau séminaire à Ha Tien, à la frontière actuelle du Cambodge et du Vietnam. Nguyên Anh poursuit les opérations militaires contre ses ennemis et réussit à s'emparer de Gia Dinh (Saigon) qu'il fortifie en 1777. Deux ans plus tard, il impose un protectorat militaire au Cambodge ; établi à Bien Hoa, il reprend son titre de chua tandis que Mgr Pigneaux joue à ses côtés le rôle d'un conseiller militaire européen.

Toutefois, les choses se dégradent après 1781, du moins pour l'héritier des Nguyên. Les Tây Son reprennent l'offensive et utilisent une centaine de jonques pour faire le siège de Saigon en 1782 : il se termine par le massacre des Chinois du quartier de Cholon, accusés d'avoir fait le jeu du chua Nguyên. Ce dernier doit se replier sur l'île de Phu Quoc, dans le Golfe du Siam ; il erre ensuite d'une île à l'autre jusqu'à la minuscule Pulo Way, qu'il atteint avec une seule jonque et sept cents hommes. C'est là, démuni de tout, qu'il retrouve Mgr Pigneaux venu à son secours. Ce dernier sait les Nguyên moins défavorables au christianisme romain que les Trinh ou les Tây Son. Il dissuade Nguyên Anh de contracter une alliance avec les Portugais, comme il en avait l'intention, et lui propose l'alliance de la France. En même temps, il élabore les grandes lignes d'un projet d'expédition vers la Cochinchine.

Le « petit traité de Versailles »

Nguyên Anh semble avoir été rapidement convaincu ; de toute façon, il n'avait guère le choix. Pigneaux fait voile vers la France, emmenant le jeune prince Canh, le fils aîné de Nguyên Anh alors âgé de quatre ans, ainsi que le sceau du chua comme preuves de l'authenticité de sa mission. En France, après nombre de démarches, le prélat réussit à se faire entendre et son action aboutit à la signature, en 1787, d'un traité entre Louis XVI et le roi de Cochinchine, parfois appelé « petit traité de Versailles ». Il est paraphé à Versailles par les comtes de Vergennes et de Montmorin pour le roi de France, par le jeune prince Canh assisté de l'évêque d'Adran pour le roi de Cochinchine.

Ce « petit traité de Versailles » comporte neuf points. L'alliance entre les deux rois est offensive et défensive : une escadre de vingt navires de guerre français, embarquant cinq régiments européens, doit être placée sous les ordres de Nguyên Anh. Louis XVI s'engage à fournir dans les quatre mois l'équivalent d'un million de dollars, en espèces et fournitures militaires. De son côté, le souverain Nguyên accepte que des consuls de France s'installent sur le littoral cochinchinois, là où ils le jugent convenable ; ces consuls sont autorisés à faire construire des bateaux en utilisant le bois de haute futaie des forêts locales. Enfin, la Cochinchine cède à perpétuité les sites qui commandent la baie de Tourane et le port de Faifo. L'alliance, enfin, est renforcée par un système d'entraide militaire au niveau de toute l'Asie. Si le roi de France mène la guerre « en Inde », il peut lever quatorze mille hommes en Cochinchine et les équiper à l'européenne ; et si les Français sont attaqués en Cochinchine, le chua doit leur fournir soixante mille hommes, clause qui vise évidemment l'Angleterre.

Déjà évêque in partibus d'Adran, Mgr Pigneaux est alors sacré évêque de Cochinchine et nommé ambassadeur extraordinaire près de Nguyên Anh. Le seul problème réel reste le poids financier de cet ambitieux traité, beaucoup trop lourd pour le budget déséquilibré de la France en 1787. Ces difficultés françaises expliquent sans doute les déboires qui attendent le prélat et le prince Canh après leur départ de Lorient pour Pondichéry sur la Dryade, en décembre 1787. En effet, Mgr Pigneaux, qui a trouvé cinq mille hommes disponibles à l'île de France, se trouve ensuite bloqué à Pondichéry par la mauvaise volonté du gouverneur Conway, qui finit par refuser purement et simplement de fournir le moindre navire. Il semble que Versailles n'ait rien fait pour désavouer ou blâmer ce gouverneur de Pondichéry, un Irlandais au service de la France qui prétendait avoir été outragé par le prélat. En tout cas, celui-ci ne se décourage pas : il engage le patrimoine de sa famille pour fréter deux navires chargés d'armes que lui fournissent les négociants des Mascareignes et de Pondichéry. Le 5 juin 1789, Mgr Pigneaux et le prince Canh reprennent la mer, accompagnés d'une poignée de volontaires, jeunes officiers de l'armée et de la marine embarqués sans contrat. Mais les événements que connaît alors la France, en ce printemps de 1789, enlèvent tout espoir d'assistance et condamnent cette expédition déjà bien discutée à sombrer dans l'oubli…

De la réunification du Vietnam à l'empire d'Annam

Pendant ce temps, Nguyên Anh n'a pas attendu l'arrivée des secours pour agir. Toutes ses forces sont regroupées à l'extrême sud de la péninsule indochinoise, et il a combattu pied à pied contre les troupes du plus fin stratège des Tây Son, Nguyên Huê. Il a dû demander l'asile au Siam, tandis que l'aîné des Tay Sôn devenait roi de Cochinchine et que Hué, progressant vers le nord, provoquait le suicide du dernier des Trinh. Les choses semblent se gâter pour les Tay Sôn en raison de l'opposition de la Chine, qui envoie des troupes contre eux ; mais Hué réussit à récupérer la situation, ce dont est victime la dynastie impériale des Lê, désormais éliminée de la scène politique.

Voyant ses ennemis occupés au Tonkin, Nguyên Anh lance une offensive qui entraîne la reprise de Saigon (1789) alors qu'apparaissent les navires français portant Mgr Pigneaux, le prince Canh, un régiment des Mascareignes et la dizaine d'officiers volontaires : le lieutenant-colonel Barisy, l'officier du génie Ollivier et les officiers de marine Chaigneau, de Forçant, Vannier, Dajot, Guillon, Guilloux et Girard, galvanisés par le prélat. Au cours des années 1790, 1791 et 1792, c'est-à-dire pendant la Révolution française, ils organisent l'armée de Nguyên Anh, fortifient les citadelles de Nha Trang et Saigon puis commencent à construire une flotte « à l'européenne » avec les moyens dont ils disposent. En 1792, la flotte des Tây Son subit une terrible défaite près de Quy Nhôn, et cette même année voit mourir Nguyên Huê, qui s'était donné le titre de roi de Haute Cochinchine et du Tonkin sous le « nom de règne » de Quang Trung.

L'offensive de Nguyên Anh lui permet de reconquérir une à une les villes du sud, dans le contexte de déclin des Tây Son ; Ollivier fortifie « à la française » les places reprises, en utilisant des techniques éprouvées à Pondichéry. Quy Nhôn, bastion des Tây Son, est assiégée en 1799 : c'est alors que meurt Mgr Pigneaux, dont la tente de campagne, placée près de celle de Nguyên Anh, était signalée par une grande bannière rouge, couleur de sa dignité épiscopale. Ses restes sont transférés à Saigon où est organisée une importante cérémonie funéraire le 16 décembre 1799, en présence du chua et de toute la cour. Un mausolée, le « tombeau d'Adran », est édifié près de Saigon. Deux années restent nécessaires pour prendre Hué, où régnait toujours le dernier des Tây Son, et pour contrôler l'ensemble du Vietnam ; en 1802, Nguyên Anh entre à Hanoi en grande pompe. Cette victoire signifie aussi la fin de trente années de guerres civiles, qui avaient dévasté l'ensemble du Dai-Viêt. Dans l'ancienne capitale des Trinh et des Lê, l'héritier des Nguyên se proclame bua, « empereur », et choisit pour « nom de règne » celui de Gia Long, « Souveraine Extension ».

Le règne de Gia Long s'étend de 1802 à 1820, et se situe au départ d'une nouvelle dynastie impériale, celle des Nguyên, dont les descendants ont régné jusqu'à Bao Dai, empereur de 1925 à 1955. Le Vietnam réunifié est désormais, pour les Français, l'« empire d'Annam » ; c'est la Chine qui, lors de l'investiture de 1804, emploie l'appellation de « Viêt Nam » qu'elle conserve ensuite dans les documents officiels, et qui finit par s'imposer.

Par rapport à la France, Gia Long avait désavoué la Convention qui a exécuté Louis XVI, et l'avait fait savoir par lettre. À l'exception du député Monneron, la France révolutionnaire ne s'est guère inquiétée de l'Indochine. Sous Napoléon, Charpentier de Cossigny en 1801, puis Renouard de Sainte-Croix en 1807, rédigent deux mémoires sur l'Extrême-Orient, sans plus de résultats. Il faut attendre la Restauration pour voir se renouer quelques-uns des liens tissés sous Louis XVI, et, en 1818, à l'extrême fin du règne de Gia Long, le comte de Kergariou rend visite au souverain annamite. Il est reçu avec tous les honneurs, mais repart sans que le vieux souverain ait parlé de remettre Tourane à la France. Toutefois, après sa mort en 1820, deux anciens « volontaires » de Mgr Pigneaux, Chaigneau et Vannier, le premier agissant au titre de consul du roi Louis XVIII, s'installent à Tourane pour essayer de rétablir les échanges commerciaux avec la France sous Minh Mang, le successeur de Gia Long. Mais les persécutions antichrétiennes qui ont lieu sous cet empereur, ainsi que sous Tu Duc (1848-1883) suscitent l'indignation de l'opinion catholique en France, permettant à Napoléon III l'envoi d'une escadre commandée par Rigault de Genouilly ; au retour de la campagne de Chine, elle débarque à Tourane en 1858, et occupe Saigon l'année suivante. En 1862, Tu Duc est amené à autoriser le culte catholique, et cède à la France la Cochinchine orientale et Poulo-Condor.

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Posté le : 19/05/2013 15:04

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Le Vietnam français Instauration de l'administration française en Indochine

Paysans de Cochinchine vers 1910
Le 6 avril 1885, un nouveau ministère républicain s'installe, dirigé par Henri Brisson (avril-décembre 1885), député radical depuis 1876. En peu de jours, le calme est revenu à Paris. Le protectorat français sur toute l'Indochine est acquis, les préliminaires de la paix avec l'Empire chinois des Qing ayant été conclus le 4 avril de cette année. Le 9 juin, le nouveau traité de Tientsin est signé, la France finit par mettre la main sur le Tonkin. Malgré le mauvais souvenir de ces ides de mars qui ont causé sa mort politique, Jules Ferry, qui a voulu cette conquête, en a toujours revendiqué la paternité.
Cinq ans plus tard, les passions apaisées, il est redevenu « le Tonkinois », mais dans un tout autre sens que celui qui prévalait en 1885.
Il vient d'être choisi par les Français du Tonkin comme leur délégué au Conseil supérieur des colonies (Assemblée consultative des intérêts coloniaux qui groupe des représentants désignés par les Français d'outre-mer).
Au même moment, il préface le livre de Léon Sentupery, Le Tonkin et la mère patrie, et termine son texte en affirmant porter « fièrement le titre de Tonkinois dont les méchants et les sots croient faire outrage ».
Deux ans plus tard, l'Indochine est devenue un sujet de consensus.
Le 20 janvier 1892, il écrit aux colons dont il est le représentant, après le vote des crédits par la Chambre : « Il n'est pas besoin d'insister, j'imagine, sur la portée politique et financière de ces fermes résolutions. Mais il faut noter, comme la révélation d'un état d'esprit assurément nouveau, la facilité inattendue avec laquelle ces mesures nécessaires se sont réalisées.
Il s'est formé dans la Chambre des députés une majorité de « coloniaux » incontestable et incontestée ; les nouveaux venus, les jeunes députés, lui sont presque tous acquis.
C'est un des nouveaux élus, un jeune, M. Delcassé - gardez ce nom - qui a défendu votre cause devant la Chambre.
Il l'a fait sans faiblesse et sans réticence, non seulement avec talent, mais avec autorité: l'autorité d'un homme nouveau, qui juge avec franchise, courage et bon sens, les querelles et les erreurs de ses aînés. Il n'y a pas de risque, je vous l'atteste que ces nouvelles générations républicaines méconnaissent, comme l'ont fait trop souvent leurs devancières, les grandeurs et les espérances de la politique coloniale. »
L'Indochine finira par devenir un des fleurons de l'Empire français et une large et constante majorité politique soutiendra les ambitions coloniales de la République française. Sur le plan militaire, la conquête de l'Indochine, qui progressa du Sud vers l'ouest et le nord de la péninsule, fut officiellement achevée en 1896, mais la pacification de la région ne fut réelle qu'à la fin de la Première Guerre mondiale.
Pour autant, les acteurs de la conquête, tels que les généraux Gallieni (en Indochine de 1893 à 1895) et Pennequin (en Indochine de 1888 à 1898 puis de 1904 à 19134), ne se faisaient aucune illusion sur l'avenir des possessions coloniales qui, pour eux, étaient appelées à reprendre leur indépendance un jour.
Le 15 juillet 1910, le naufrage de la chaloupe-canonnière La Grandière sur les rapides du Mékong provoque la mort du gouverneur militaire de Saïgon, le général Léon de Beylié, du médecin-major Vincent Rouffiandis et de deux matelots.


Paul Doumer, est gouverneur-général de 1896 à 1902: il se fait construire la Villa Blanche au cap Saint-Jacques
Après des années d'hésitation entre l'administration directe (le statut de colonie) ou indirecte (le régime du protectorat), les Français choisirent le « protectorat » pour le Cambodge et l'Annam.
Ce mode d'administration indirecte d'une société colonisée reconnaissait la validité des institutions existantes et la nécessité de les utiliser. En même temps, il permettait d'alléger les dépenses de la France, mais le protectorat se mua rapidement en administration directe.
Seule la Cochinchine fut à proprement à parler une colonie. Le Tonkin et le Laos eurent un régime mixte. Mais les monarchies indochinoises furent réduites à des formes vidées de leur substance: une administration coloniale dirigeait en fait le pays, sous la responsabilité du gouverneur général et du ministère des Colonies. Dans leurs Mémoires, l'empereur d'Annam, Bao Daï (intronisé par les Français en 1932) et le roi du Cambodge Norodom Sihanouk (intronisé en 1941) ont évoqué avec humour leur rôle purement symbolique, qui leur permit à tous deux de mener des « vies de play-boy » pendant quelques années.

Partages entre la France et l'Angleterre

Les dernières conquêtes territoriales pacifiques de la France en Indochine furent les provinces de Mélou Prei et Tonlé Repou en 1904, de Battambang et Siem Reap en 1907, toutes rattachées au Cambodge.
Un traité conclu en 1896 par la France et le Royaume-Uni, prévoyait l'extension territoriale de leurs colonies et protectorats respectifs. Ce traité prévoyait la réunion au profit de la Birmanie du nord-ouest du Siam, et au profit de la Malaisie britannique, des provinces du sud récemment annexées par le Siam. La France de son côté, devait étendre son influence à tout le nord-est du Siam (Isaan).
Le Siam aurait donc constitué selon les modalités de ce traité, un état-tampon entre les possession britanniques et française en Indochine. Finalement, seuls quelques territoires furent rattachés à la Birmanie, et les provinces de Mélou Prei et Tonlé Repou furent rattachées au Cambodge en 1904, et les provinces de Battambang et Siem Reap en 1907.

Administration économique

En 1897, le gouverneur général Paul Doumer créa les structures administratives de l'Indochine, véritable État colonial, avec des services généraux et leurs annexes dans les cinq « pays », doté d'un budget général afin que la colonie ne pèse plus sur les finances de la France. À cette fin, Doumer organisa un système de prélèvement fiscal lourd et impopulaire. Devant l'insuffisance des rentrées de l'impôt foncier et de la capitation, et malgré une foule de taxes locales, l'administration s'arrogea le monopole du commerce de l'opium, du sel et de l'alcool de riz - les deux derniers étant essentiels pour la population indigène. Celui-ci fournit 20 % des rentrées du budget jusqu'en 1930, avec des sommets de 36,5 % en 1913 et 44 % en 1920.

L'Indochine était une colonie d'exploitation et non de peuplement : la mise en valeur des ressources du pays débuta dès la fin de la conquête. Des négociants comme Jean Dupuis, de grands groupes industriels et financiers (Fives-Lille, société des Batignolles, Comptoir national d'escompte, Société générale, Crédit lyonnais) s'implantèrent en Indochine pour avoir un accès au marché interne de la Chine et l'achèvement du chemin de fer du Yunnan reliant Haïphong à Yunnanfou concrétisa leur stratégie. Albert Sarraut, gouverneur-général radical-socialiste de 1911 à 1914, puis de 1916 à 1919, ministre des Colonies à partir de 1919, s'en fit le héraut. Il fonda l'Agence économique de l'Indochine pour la propagande en direction des milieux d'affaires.
Il élabora le plan d'équipement de la péninsule, dit « plan Sarraut », en 1921.
La Première Guerre mondiale, par l'importance de la contribution de l'Empire colonial à l'effort de guerre de la métropole française, confirma son intérêt économique.
Économie et développement des infrastructures

Le pont Paul-Doumer

L'État français et les sociétés capitalistes jouèrent des rôles complémentaires dans cette œuvre de colonisation qui avait pour but de mettre en marche une exploitation économique. La Banque de l'Indochine (BIC) fondée en 1875 devint l'interlocutrice obligée du gouvernement général; elle contrôlait de fait l'économie indochinoise. Bénéficiant d'un statut unique parmi les banques privées françaises, car dotée du privilège d'émission de la piastre indochinoise, la Banque de l'Indochine était à la fois une banque d'affaires et une société financière. Son domaine d'action s'étendait à l'Asie entière et au-delà.
En 1937, elle était partie prenante dans presque toutes les entreprises économiques. De grandes firmes financières et industrielles métropolitaines, du groupe Rivaud, spécialisé dans les affaires de caoutchouc, à la société Michelin, investirent aussi en Indochine.
De toutes les colonies, mise à part l'Algérie, ce fut elle qui reçut le plus d'investissements, évalués à 6,7 milliards de francs-or en 1940.
Le flux des investissements métropolitains convergeait principalement vers les mines, les plantations d'hévéas, de thé et de café, ainsi que vers certaines industries de transformation: les textiles, les brasseries, les cigarettes, les distilleries et le ciment.
Les transports et les voies de communication, essentiels à l'expansion de l'économie coloniale, bénéficiaient d'une attention particulière de la part de la France. Saïgon devint bientôt un grand port d'Extrême-Orient qui prit place au sixième rang des ports français en 1937 ;
e chemin de fer relia Hanoï à Saïgon à partir de 1936 (Trans-Indochinois).
En 1939, Saïgon n'était plus qu'à trente jours de bateau de Marseille, et à cinq jours d'avion de Paris. Le télégraphe sans fil, plus rapide que la télécommunication par câbles sous-marins, fonctionna à partir de 1921. Un effort fut également porté sur l'infrastructure routière et les réseaux de canaux.

Œuvre éducative et sociale L'enseignement et la culture

L'enseignement était l'autre instrument essentiel de la « conquête des cœurs et des esprits ». Dans ce domaine, les premières années furent dominées par la tentation de l'assimilation (faire des enfants d'Indochine de petits Français). Toutefois, dans les années 1920 et surtout 1930, du fait de la résistance rencontrée auprès de peuples de cultures anciennes, et aussi de la poussée en Europe de certaines idées subversives, des modifications furent apportées aux programmes d'enseignement.
En 1930, le gouverneur général Pasquier exprimait ses doutes: « Depuis des milliers d'années, l'Asie possède son éthique personnelle, son art, sa métaphysique, ses rêves. Assimilera-t-elle jamais notre pensée grecque et romaine ? Est-ce possible ? Est-ce désirable ?
Nous, Gaulois, nous étions des barbares.
Et, à défaut de lumières propres, nous nous sommes éclairés, après quelques résistances, à celles qui venaient de Rome. Le liant du christianisme acheva la fusion. Mais en Asie, sans parler des éloignements de race, nous trouvons des âmes et des esprits pétris par la plus vieille civilisation du globe. »

Le prédécesseur de Pasquier, Alexandre Varenne, faisait même ces recommandations aux enseignants : « Ne leur enseignez pas que la France est leur patrie.
Veillez qu'ils aient un enseignement asiatique qui leur soit utile dans leur pays. » Il en résulta un compromis : l'« enseignement franco-indigène », doté de trois degrés, primaire, secondaire et supérieur dont les effectifs ne cessèrent de progresser, sans compter que les écoles publiques étaient doublées d'établissements privés catholiques ou laïques dont l'existence était antérieure et le nombre plus important. Le nombre d'élèves de l'enseignement public au Viêt Nam dans le primaire s'éleva de 126 000 en 1920 à plus de 700 000 en 1943-1944. Dans le secondaire, de 121 en 1919, leur nombre atteignit 6 550 en 1943-1944. Au Cambodge, 15 700 enfants étaient scolarisés dans le primaire public en 1930 ; ils étaient 32 000 en 1945.
En outre, c'est également au Cambodge que l'instituteur français Louis Manipoud réforma avec succès les écoles de pagodes (bouddhiques) en introduisant des matières dans le cursus traditionnel. Ces écoles rénovées accueillaient 38 000 élèves en 1939 et cinquante-trois mille en 1945. Toutefois, sauf en Cochinchine, les campagnes ne furent pas dotées d'un réseau scolaire serré et, en 1942, 731 000 enfants étaient scolarisés sur une population totale de 24,6 millions.

Au Viêt Nam, l'enseignement du Quốc ngữnote , la langue vietnamienne transcrite en caractères latins, et du français fut généralisé.
La suppression en 1919 des concours traditionnels de recrutement des mandarins contribua de façon déterminante à séparer les nouveaux lettrés de l'univers intellectuel et moral sino-vietnamien empreint de valeurs confucéennes. Les Vietnamiens surent intégrer dans leur pensée les apports de la France - une pluralité de références intellectuelles et politiques -, et contrairement à ce que nous pouvons penser, ils furent les propres créateurs de leur culture moderne.

Ainsi, une élite locale, en majorité des Vietnamiens et des citadins, émergea souvent issue de la classe des mandarins. En 1940, le groupe des diplômés de l'enseignement supérieur ou spécialisé était évalué à 5 000 personnes. L'université indochinoise connut elle aussi un accroissement d'effectifs (de 457 en 1938-1939, le nombre d'étudiants atteignit 1 575 en 1943-1944).
On peut y ajouter les fonctionnaires (16 941 en 1941-1942), les enseignants (16 000 en 1941-1942), tous issus de l'enseignement primaire supérieur ou secondaire, ou de l'université indochinoise.
Bien que minoritaires, ils formaient ce « tiers-état » auquel le gouverneur général Alexandre Varenne recommandait que l'on fît une place, considérant que, si des droits ne leur étaient pas octroyés, ils les réclameraient eux-mêmes.
Œuvre sanitaire

Le statut des Indochinois et des Français

Les enfants de l'œuvre civilisatrice française, de formation équivalente ou à diplômes identiques, se voyaient souvent refuser l'égalité de statut et de traitement avec les Français, car dans cette société coloniale, la minorité européenne occupait le sommet de la hiérarchie. Plus que la fortune, l'appartenance raciale était un indicateur du statut social d'une personne vivant en Indochine.
Bien qu'un régime de séparation ethnique n'existât pas sous une perspective politique et juridique, une frontière invisible séparait les gens et les mettait à leur place dans la hiérarchie sociale, malgré une certaine diffusion des mariages mixtes.
Par exemple, la liaison amoureuse que Marguerite Duras met en scène dans le roman L'Amant est une transgression du code de la société coloniale. En effet, cela paraissait plutôt normal qu'un Français prît une femme indochinoise pour concubine, souvent d'une manière temporaire, mais en revanche, une alliance même légitime entre une Française et un Indochinois était très mal perçue.
Un Français se trouvant en Indochine vivait le plus souvent en célibataire. Dans ces conditions, il était inévitable que des couples se forment. Plus que les sentiments, ce furent les circonstances qui présidèrent à leur naissance.
À l'époque de la colonisation de l'Indochine, les Français, qui prenaient la décision de s'établir dans cette région asiatique, formaient une minorité: leur nombre ne dépassa jamais le seuil de 40 000 personnes (en 1940) sur une population totale de 22 655 000 habitants.
De toute évidence, ces Français furent en majorité des cadres de la fonction publique ou du secteur privé, ainsi que des ecclésiastiques, religieux et religieuses, et des commerçants, plus rarement des colons. En effet, en 1929, 6 000 fonctionnaires étaient présents en Indochine et leur principal privilège était le supplément colonial qui doublait la solde métropolitaine.
Si le despotisme n'était pas pratiqué journellement par les Français et si un certain nombre d'entre eux avaient l'estime et l'affection des habitants indochinois de descendance ancestrale (Vietnamiens, Laotiens et Cambodgiens), il n'en demeurait pas moins qu'un Français coupable d'un meurtre sur la personne d'un Indochinois était frappé d'une peine relativement légère en vertu d'un « verdict de race » contre lequel le gouverneur général Albert Sarraut avait d'ailleurs mis en garde les juges. Si nous laissons de côté les facteurs conjoncturels, la politique coloniale française porte une lourde responsabilité dans la mesure où elle opposa une fin de non-recevoir aux Indochinois modérés comme aux radicaux.
Faute de voir aboutir les revendications d'égalité et de liberté, exprimées dès 1906-1908 par un naturalisé français du nom de Gilbert Chieu, publiciste et entrepreneur, le mouvement s'amplifia dans les années 1920 où une grande partie de l'intelligentsia fut séduite par le marxisme-léninisme. Dans l'éventail des doctrines occidentales, ce dernier avait l'avantage d'offrir les réponses aux problèmes posés par la dépendance coloniale ; il trouvait un écho au sein de la paysannerie et du monde ouvrier, mais aussi un appui dans la métropole elle-même.

Conditions de vie des paysans et situation économique dans les années 1930
Pendant la période où les Français administraient l'Indochine, la situation des paysans si elle s'améliora, ne parvint pas à combler son retard. Les surplus exportables étaient en effet soumis aux fluctuations des prix sur les marchés régionaux et mondiaux. L'endettement et l'absence de titres de propriété favorisaient l'accaparement des terres par les propriétaires les plus riches et les marchands, et le nombre des paysans sans terre allait en croissant, ce qui augmentait le nombre du petit peuple des villes. Parallèlement, l'économie coloniale ruinait les structures traditionnelles d'organisation et d'entraide de la communauté paysanne: l'institution multiséculaire des rizières communales connut une forte érosion au point d'avoir pratiquement disparu en Cochinchine à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La paysannerie manifesta son mécontentement de façon bruyante, voire violente, à plusieurs reprises, ainsi en 1930-1931 en Cochinchine et dans le nord de l'Annam, puis à nouveau entre 1936 et 1938. Le mécontentement paysan était instrumentalisé par des intellectuels marxistes et trouvait un écho chez les ouvriers.
Faute de s'attaquer à la racine des maux dont souffraient les ruraux, l'administration coloniale était prisonnière de contradictions apparemment insolubles, qu'exprima le gouverneur général Jules Brévié à propos de l'occupation de concessions par des paysans sans terre en 1938 : « Lorsque nous protégeons les droits des uns, nous commettons une injustice et portons atteinte à l'équité à l'égard des autres.
Lorsque nous négligeons ces droits, nous violons la loi et condamnons nos méthodes. »
La main-d’œuvre des plantations, des usines et des mines formait un prolétariat composite avec, souvent, un pied dans la rizière et l’autre dans l’entreprise coloniale. Il était soumis à un régime de travail sévère : retenues sur salaire et châtiments corporels étaient assez fréquents.
Si l’oppression patronale ne différait pas de celle d’autres pays, en Indochine, elle fut identifiée à la présence étrangère et alimenta le mouvement nationaliste et communiste. Dans les années 1930, celui-ci connut deux grandes poussées sous l’effet de la crise économique mondiale du début des années 1930 causée par le krach boursier consécutif à la crise de 1929, et de l’extension des activités de la IIIe Internationale et de la stratégie « classe contre classe » du parti communiste français (PCF)note 4. Dans le même temps, une aile radicale de l’intelligentsia qui organisa les groupuscules communistes émergeait. Elle était souvent formée dans les écoles publiques françaises d'Indochine qui avaient semé l'idée de la Révolution française dans les esprits.
Ainsi le lycée Albert Sarraut de Hanoï fut un vivier de futurs communistes indépendantistes, ou futurs nationalistes.
En 1930, Nguyen Ai Quoc, le futur Ho Chi Minh, unifia ces groupuscules sous le nom de parti communiste indochinois (PCI), d’abord section du PCF puis, à partir de mai 1931, reconnu comme section de l’Internationale.
À partir de 1936, le triomphe du Front populaire en France et l’orientation du front antifasciste, alors que la menace d’une invasion japonaise se dessinait en Extrême-Orient, redonnèrent vigueur à l’opposition.
En outre, la grande dépression économique qui toucha l’Indochine entre 1930 et 1934, et illustra la crise du régime capitaliste aboutit à accroître la puissance de la Banque d’Indochine à laquelle le gouvernement français confia l’assainissement de l’économie.
Celle-ci fut la principale bénéficiaire des faillites, des expropriations et de la concentration des entreprises, ce qui provoqua un surcroît de mécontentement instrumentalisé par les communistes.

Seconde Guerre mondiale (1939-1945)

Invasion japonaise de l'Indochine, Guerre franco-thaïlandaise, Histoire de l'Empire colonial français pendant la Seconde Guerre mondiale, Combats en Indochine (1945) et Révolution d'Août.
La Seconde Guerre mondiale a été déterminante pour l'avenir de l'Indochine française. L'Empire du Japon, en guerre contre la Chine depuis 1937, profite de la défaite française en Europe (juin 1940) pour adresser un ultimatum aux Français. Il entend occuper la frontière nord de l'Indochine et couper la voie ferrée de Haïphong au Yunnan, une des voies de ravitaillement de Tchang Kaï-chek. Le gouverneur Catroux accepte, faute de moyens pour s'y opposer.
Démis de ses fonctions le 26 juin 1940, il rejoint la France libre. L'amiral Decoux, qui lui succède le 20 juillet 1940, est chargé d'appliquer à partir du 22 septembre l'accord passé le 30 août avec le Quartier-général impérial. Cet accord autorise la présence de 6 000 soldats japonais au Tonkin ainsi que l'utilisation d'aérodromes. En échange, le Japon reconnaît l'intégrité territoriale et la souveraineté française de principe en Indochine. Cet accord ne peut toutefois empêcher la violente occupation de Lang Son et le bombardement de Haïphong.
L'Indochine reste sous l'autorité nominale de Vichy jusqu'en 1945.
L'Indochine fidèle au régime de Vichy sous l'autorité de son Amiral gouverneur, applique les mesures de la métropole : lois anti-juives, anti-franc maçonne, traque des opposants (indochinois mais aussi français) et s'engage dans un modus-vivendi avec le Japon. En fait celui-ci n'intervient pas du tout dans les affaires coloniales, avant de virer totalement de cap par son coup de force du 9 mars 1945.
La barque indochinoise est fort éloignée de la France de Vichy par la distance et le gouverneur Decoux est laissé presque seul. Il met en place une politique identitaire indochinoise destinée à vanter les races indochinoises face aux influences japonaises et thaïlandaises. Il va sans dire que cette politique creuse un fossé envers le colonisateur et prépare les futures révoltes d'après 1945.
Hô Chi Minh, communiste indépendantiste vietnamien parfaitement francophone et adversaire implacable de la France, crée en 1941 le Viêt-Minh par la fusion du Parti communiste indochinois (fondé en 1930) et de groupes nationalistes. Il jette les bases d'une résistance d'abord antifrançaise et ensuite antijaponaise (les militaires japonais avaient une attitude conciliante à l'égard du Viêt Minh au début). Son mouvement se développe surtout à partir du début de 1945, grâce à l'aide matérielle des Américains qui dès Yalta et Potsdam avaient décidé de chasser la France d'Indochine.
Fin 1940, la guerre franco-thaïlandaise est déclenchée par la Thaïlande qui, armée par le Japon, profite de l'affaiblissement de la France depuis sa défaite face à l'Allemagne pour attaquer l'Indochine française. Le but est de récupérer les territoires situés au Laos et au Cambodge qui lui avaient ravis par la France en 1893, 1902, 1904 et 1907 et de reconstituer le royaume d'Ayutthaya. Le 16 janvier 1941, à Phum Préav, se déroula une contre-offensive française lancée par le 5e régiment étranger d'infanterie qui, malgré une infériorité en hommes et en matériel du côté français fit subir de lourdes pertes aux forces thaïlandaises.
Le lendemain, le 17 janvier 1941, la flottille de la Marine nationale en Indochine coula la flotte thaïe lors de la Bataille de Koh Chang. Mais sous la « médiation » nipponne, le 9 mai 1941, la France est contrainte de signer un traité de paix, par lequel elle abandonne à la Thaïlande les provinces de Battambang et de Siem Reap, enlevées au Cambodge, et celles de Champasak et Sayaburi, prises au Laos.
Ces provinces seront restituées à l'Union indochinoise en 1945.
Le 29 juillet 1941, le Quartier-général impérial impose le stationnement de 75 000 hommes dans le sud de l'Indochine, l'utilisation de plusieurs ports et aéroports, ainsi qu'une coopération économique, conditions auxquelles se plie l'amiral Jean Decoux. Ce dernier appliquera par ailleurs sans état d'âme à l'Indochine les principes de la Révolution Nationale du maréchal Pétain. Les lois de Vichy contre les juifs, les francs-maçons, les gaullistes sont appliquées.
Entre la fin de 1944 et le début de 1945, une terrible famine, causée par des désastres naturels et aggravée par le contexte de la guerre, se déclenche au Tonkin et se prolonge durant toute l'année 1945, faisant un nombre important de victimes, évalué au minimum à plusieurs centaines de milliers.
Le 9 mars 1945, les garnisons françaises sont attaquées par surprise par l'armée impériale japonaise. Sur les 34 000 Français métropolitains dans la région et 12 000 militaires d'origine européenne, plus de 3 000 ont été tués en moins de 48 heures, parfois exécutés par décapitation à coups de sabre. Les six mois de captivité ont coûté la vie à plus de 1 500 disparus. Cette opération détruit l'administration coloniale.
Le Japon encourage la formation de régimes nominalement indépendants, dans le cadre de sa sphère de co-prospérité de la grande Asie orientale, avec en particulier le soutien de l'empereur d'Annam Bao Daï. À la fin de sa vie, le président américain Roosevelt ne fait pas mystère que la France ne doit pas retrouver l'Indochine à la fin de la guerre. Il propose même à Tchang Kaï-chek d'occuper entièrement l'Indochine, ce à quoi ce dernier se refuse.
Truman (qui succède à Roosevelt mort en avril), Staline et Churchill se réunissent à la Conférence de Potsdam en 1945. Truman et Staline, défavorables au colonialisme français, décident que le Viêt Nam sera divisé en deux parties : lors de la capitulation du Japon, les Chinois (dirigés par le généralissime Tchang Kaï-chek) s'installeront dans le nord le 9 septembre 1945 (une semaine avant, le 2 septembre 1945 à Hanoï, le leader communiste Ho Chi Minh proclamait la République démocratique du Viêt Nam) et les Britanniques (commandés par le général Sir Douglas David Gracey (1894-1964, KCB, KCIE, CBE, MC and bar dans le sud 6 septembre 1945.

Les Français, sous l'impulsion du général de Gaulle, décident de rétablir la souveraineté française sur l’Indochine après la Seconde Guerre mondiale, à une époque où d’autres puissances coloniales reprennent pied dans leurs colonies asiatiques (Birmanie et Malaisie pour le Royaume-Uni, Indonésie pour les Pays-Bas) 11.
En 1946, le 28 janvier, les troupes britanniques acceptent de quitter le Viêt Nam, tandis les Chinois se retirent également du nord du territoire vietnamien. En échange, les Français restituent à la République de Chine leurs droits sur les concessions françaises dans ce pays, elles aussi évacuées par les Japonais, le 6 mars 1946.
Guerre d'Indochine (1946-1954)


Guerre d'Indochine.

Au lendemain de l'évacuation japonaise, le Laos et le Cambodge parviennent à faire reconnaître leur souveraineté en douceur. Il n'en va pas de même au Viêt Nam, enjeu stratégique et économique d'une tout autre importance.
Le Vietminh et d'autres groupes indépendantistes cherchent à établir leur autorité sur le pays. Le général Leclerc et la deuxième division blindée sont envoyés par le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, pour restaurer l'autorité de la France.
Des négociations sont ouvertes et aboutissent aux accords du 6 mars 1946 aux termes desquels le Viêt Nam est libre (mais pas indépendant, car il fait partie de l'Union française). Ces accords, signés par Hô Chi Minh et Jean Sainteny, ne durent pas.
Leclerc reconquiert la Cochinchine, mais estime qu'à terme, l'indépendance vietnamienne deviendra inévitable. Sa mort laisse le Vietminh sans interlocuteur. Celui-ci tente d'interdire aux Français le port de Haïphong, dont le bombardement par la flotte française rend le conflit inévitable. S'ensuit la Guerre d'Indochine, à l'issue de laquelle la France quitte la péninsule en 1954 après la défaite de Dien Bien-Phu.
Les accords de Genève séparent le Viêt Nam temporairement en deux États, mais l'échec de la tenue des élections de réunification en 1956 conduit à la guerre du Viêt Nam en 1964.

Configuration des forces en présence

La guerre oppose deux antagonistes principaux : la France, métropole lointaine, affaiblie par la Seconde Guerre mondiale et qui met longtemps à déployer ses forces; et le Viêt-Minh, organisation politique disposant de moyens réduits à l'origine, mais qui arrivera à retourner la situation en sa faveur. Hô Chi Minh, son chef politique, et le jeune général Võ Nguyên Giáp, chef de la branche militaire, peuvent compter sur un encadrement discipliné et efficace. Leurs militants sont dans la population vietnamienne « comme le poisson dans l'eau ».
Du côté français, les chefs du gouvernement provisoire (le général de Gaulle, puis Léon Blum), puis les chefs des gouvernements successifs de la IVe République, délèguent des chefs militaires de valeur: le général Leclerc, remplacé à sa mort par l'amiral d'Argenlieu, puis les généraux de Lattre de Tassigny et Henri Navarre. Leurs forces, très hétérogènes, atteindront 350 000 hommes: Français de métropole et légionnaires, soldats de l'Union française, troupes des États associés d'Indochine (Cambodge, Laos, et forces de l'empereur Bao Daï rentré en grâce après un exil à Hong Kong), supplétifs levés dans les tribus montagnardes et financés par la culture de l'opium. D'abord réticents, les États-Unis finissent, au nom de la lutte anticommuniste, par financer en grande partie l'effort de guerre français, affecté par le scandale de l'affaire des piastres.
À partir de 1949, la victoire de Mao-Tsé-Toung en Chine permet au Viêt-Minh de recevoir un équipement important venu de Chine, de l'Union soviétique et des autres pays du bloc communiste. Il reçoit aussi un soutien moral considérable des mouvements communistes et anticolonialistes du monde entier, y compris de France, où le Parti communiste français (plus de 20 % de l'électorat à l'époque) fait campagne contre la « sale guerre ».
L'opinion française ne se sent pas vraiment engagée dans cette guerre, qui n'intéresse, pense-t-on, que quelques gros intérêts privés et l'armée française ne pourra jamais faire appel au contingent.
Au contraire, le Viet-Minh arrive à marginaliser et éliminer les forces indépendantistes rivales et à élargir son emprise sur la population par la terreur, qu'il peut mobiliser dans le renseignement, le ravitaillement et le soutien logistique des combattants. C'est la clé de sa victoire contre les Français, et plus tard contre les Américains.

Enjeux

Une réorganisation et une clarification du contenu sont nécessaires. Discutez des points à améliorer en page de discussion.
La France, considérée par les États-Unis et l'URSS comme un pays vaincu, devait selon eux céder la place.
La diffusion de la culture française, par l'action des missions catholiques et des collèges et lycées publics français, était une motivation puissante, mais la défense de la liberté en était une autre dans un affrontement Est-Ouest qui allait grandissant.
La question de rétablir la grandeur de la France - par la guerre s'il le fallait - faisait l'unanimité dans les sphères dirigeantes, de gauche (dont étaient issus la plupart des gouverneurs et des administrateurs coloniaux) comme de droite. Cette grandeur passait nécessairement par un empire colonial et un rayonnement culturel.
Cependant les intérêts économiques, dans le cas de l'Indochine, étaient exceptionnellement importants, car il était aussi question de terres, d'industries, et de possessions de Français de métropole, influents auprès du Parlement quand ils n'étaient pas eux-mêmes membre du Parlement.
Ainsi, comme l’écrivait Pierre Brocheux dans le dossier collectif L’Indochine au temps des Français publié dans la revue L'Histoire, « L’Indochine était une colonie d’exploitation et non de peuplement », ce qui veut dire que la France y voyait un potentiel économique. De plus, Brocheux ajoute qu’à l’exception de l’Algérie (qui n'était d'ailleurs pas une colonie), de toutes les colonies, l’Indochine avait reçu le plus d’investissements, évalués à 6,7 milliards de francs-or en 194012
« Le flux des investissements métropolitains convergea principalement vers les mines, les plantations d’hévéas, de thé et de café, ainsi que vers certaines industries de transformation : les textiles, les brasseries, les cigarettes, les distilleries, le ciment. »

Dans le répertoire plutôt large des histoires de la colonisation européenne du xxe siècle, l’Indochine française ne fut pas une exception, car des investissements d’envergure se sont placés en Indochine. Comme l’écrivait l’historien français Hugues Tertrai, 43 % des investissements industriels et miniers sont principalement situés au Tonkin, au nord du Viêt Nam actuel : charbonnages du Tonkin, qui extraient un bon anthracite en bordure de la baie d'Ha Long, cimenterie de Haïphong, qui avait participé aux travaux de fortification du Tonkin, cotonnières de Nam Dinh, exerçant plus difficilement son activité au sud de Hanoï. Les investissements en Indochine sont également importants — 34 % de l’ensemble — dans les plantations d’hévéa, qui couvrent 100 000 hectares au sud du Viêt Nam et au Cambodge.
De plus, la culture d’hévéa indochinoise a non seulement alimenté les industries françaises du caoutchouc (surtout pour la compagnie Michelin qui a commencé à investir en 1925), mais elle s’est aussi développée depuis le début du xxe siècle, quoique la Seconde Guerre mondiale ait durement frappé l’industrie de l’hévéa. Ces remarques sur la situation économique des investissements français portent à penser que la France fut très déterminée à garder ses colonies en Indochine, afin d'y exploiter ses ressources naturelles, comme par exemple le caoutchouc pour l'industrie automobile de plus en plus importante.
En parlant toujours du caoutchouc et de la culture de l’hévéa, Marianne Boucheret écrit que « le caoutchouc fait figure de symbole de la réussite coloniale », car non seulement les exportations étaient très importantes, mais la culture de l’hévéa rapportait beaucoup de dividendes qui « témoignent des succès obtenus par l’hévéaculture dans la péninsule indochinoise ». Mme Boucheret ajoute aussi que le succès de la culture d’hévéa contribue à « l’arrivée massive de capitaux métropolitains en Indochine, attirés par des taux de profit élevé ». Ce qui se traduit par une croissance fulgurante.
En 1939, les exportations de caoutchouc d'Indochine étaient huit fois plus élevées qu’elles ne l’étaient une quinzaine d’années auparavant. Par conséquent, ajoute-t-elle, « cela représente plus du quart de la valeur des exportations totales de la péninsule, contre moins de 5 % en 1924 ».
Selon le site Internet britannique Spartacus, l'Indochine était une colonie qui rapportait beaucoup de dividendes aux Français, car la région recelait du zinc, du charbon et aussi de l'étain, tandis que la population locale constituait un marché pour les produits manufacturiers de la métropole.
En effet, à partir de 1938, au moins 57 % des exportations indochinoises étaient le fait de compagnies françaises.
De plus l'Indochine, outre ses ressources internes, était une voie d'accès très prometteuse vers les marchés de la Chine du Sud, avec le chemin de fer du Yunnan, comme voie privilégiée de cette pénétration.
La guerre d'Indochine marque pour la France une double défaite, à la fois comme puissance coloniale cherchant à sauvegarder son Empire et comme membre du bloc occidental tentant d'endiguer l'expansion du communisme. Ce « goût amer d’échec », comme l’écrivit Franchini, traduit l'affaiblissement du statut international de la France dans le monde d'après 1945. Cette inquiétude face au communisme est très bien exprimée par Jean Chauvel, représentant de la France à l’ONU.
« Et on affecte alors de considérer Ho Chi Minh comme le chef d’une guérilla communiste résiduelle. En privé, le ton est plus inquiet. En témoignent les propos tenus par Jean Chauvel, représentant de la France à l’ONU, à une personnalité américaine : « Le temps devrait venir où les États-Unis et la Grande-Bretagne auraient à partager la charge de la France pour barrer la route du Sud au communisme, ou bien la France serait obligée de liquider ses engagements indochinois et d’abandonner l’Indochine à Moscou. » »
La lutte contre le communisme apparaissait comme un enjeu légitime pour les gouvernements de la IVe République, engagés dans le contexte de la Guerre froide. D'ailleurs, pendant la même période, des insurrections communistes sont étouffées par les Américains aux Philippines et par les Britanniques en Malaisie. Mais, dans ces deux pays, la guérilla communiste n'avait qu'une base populaire insuffisante et ne disposait pas, comme le Viet-Minh par la frontière chinoise, d'une voie de ravitaillement régulier. De plus, dans ces deux cas, les métropoles ont su se préparer à l'indépendance par une entente de longue date avec les élites locales.

Stratégies et tactiques

Tout affrontement armé ressemble dramatiquement à un jeu d’échecs et seule l’intelligence, qui engendre des stratégies et des tactiques, permet au futur vainqueur de crier fièrement échec et mat en brandissant son drapeau. Ainsi conçue, la Guerre d’Indochine a donné l’occasion tant aux Français qu’au Viêt-Minh de déployer une panoplie de stratégies et de tactiques qui reflétaient leur désir de gagner.

Du côté Viêt Minh

Giap et Hô-Chi-Minh
Lorsque la Guerre d’Indochine éclate en 1946, l’inégalité des forces entre le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) et le Viêt-Minh est flagrant, car le CEFEO dispose de matériel militaire moderne alors que le groupe nationaliste qu’il affronte ne bénéficie pas nécessairement de grands moyens auu début. Étant techniquement désavantagé, le Viêt-Minh ne peut s’offrir le luxe d’affronter les Français d’une manière traditionnelle en tout temps.
C’est pourquoi, il va jouer la stratégie de l’espace – en s’étendant pour disperser l’effort de l’adversaire -, mais plus encore celle du temps. En 1947, Truong Chinh, l’un des chefs du parti communiste vietnamien, conçoit la théorie de la guerre révolutionnaire qu’est la Guerre d’Indochine dans un opuscule intitulé Nous vaincrons certainement de cette manière en trois points :
La lutte, essentiellement défensive, s’appuie sur la guérilla.
La guerre de mouvement vient s’ajouter à la guérilla.
Celle-ci se poursuit, mais le corps de bataille, qui a eu le temps de se constituer progressivement, est assez puissant pour passer à la contre-offensive générale, et remporter la victoire sur les colonialistes et leurs « fantoches ».
La guérilla signifie qu'il ne faut pas attaquer les troupes françaises de face, car, dans un affrontement à découvert contre le Corps expéditionnaire français, les membres du Viêt-Minh sont pleinement conscients qu’ils peuvent se faire écraser à plate couture. Jusqu’en 1949, le Viêt Minh mène donc des actions de guérilla, dont le général Giáp définit ainsi les principes : « Éviter l’ennemi quand il est fort, l’attaquer quand il est faible.
Attaquer l’ennemi partout de sorte que, partout, il se trouve submergé par une mer d’hommes armés hostiles afin de miner son moral et d’user ses forces.
Il est nécessaire de prendre l’anéantissement des forces vives de l’ennemi comme but principal du combat, et de ne jamais, pour la défense ou l’occupation d’un territoire, user les nôtres. »
Afin de bien s’organiser d’un point de vue militaire, Hô Chi Minh et Truong Chinh, s'assurent qu’une structure militaire soit rapidement mise en place. Elles reposent sur trois échelons : les milices populaires (au niveau du village) dont l’élite est versée dans les troupes régionales ; puis celles-ci, dont les meilleurs éléments passent dans les troupes régulières; vouées aux grandes opérations, ces dernières sont l’amorce de l’armée populaire vietnamienne. À tous les niveaux, un commissaire politique veille au respect de la ligne définie par le Viêt Minh, au besoin par la terreur.
Pour le Viêt-Minh, la montagne couverte de forêts tropicales offre un cadre particulièrement adapté à la guérilla, mais le pays n’est aucunement un pays homogène. En effet, des minorités ethniques montagnardes (souvent catholiques) ne soutiennent pas le combat d’indépendance du peuple vietnamien.
Pour obtenir leur collaboration, le Viêt-Minh utilise la persuasion, puis la terreur, afin d'assurer son autorité sur leurs villages. Vers la fin du conflit indochinois, le Viêt-Minh tenait dans ses mains plus de 5 000 villages sur 7 000. De plus, même dans les villes qui avaient l’air d’être bien administrées par les Français, le Viêt-Minh prélève l’impôt révolutionnaire. En bref la tactique du Viêt-Minh est d'être partout et nulle part, de se fondre dans la population, de disparaître subitement dans la nature, voire dans le sol.

Du côté français

Les Français quant à eux lèvent des supplétifs, installent des postes ici ou là pour encadrer la population et l’empêcher de tomber sous l’emprise vietminh. Malgré cela, la présence française est plutôt molle et durant la nuit, les membres du Viêt-Minh font sentir leur présence.
Les membres du Viêt-Minh sont au courant des mouvements des troupes françaises même avant que celles-ci décident de passer à l’action. Ils peuvent prévoir sans aucune difficulté les mouvements du corps expéditionnaire, tributaire de sa lourde logistique, car il est espionné par toute une population. Il suffit souvent de lire les journaux pour connaître les actions. Un dirigeant du Viêt-Minh[Lequel ?] déclare même que le corps expéditionnaire français est « aveugle » (il ne voit pas l’adversaire), « sourd » (il n’est pas renseigné) et « boiteux » (ses communications sont difficiles). Dans ses Mémoires sur la Guerre d’Indochine, le général Giap décrit ce duel entre les Français et le Viêt-Minh comme étant « une guerre sans front ni objectif fixes, avec des vagues d’attaque imprévues, venant de directions jugées sans risque par l’ennemi » et il ajoute aussi que « la guérilla de mouvement dans notre résistance différait de beaucoup de la guerre de mouvement d’envergure des temps modernes. »
«nous avions remporté des succès éclatants à l’issue de combats nocturnes dans les zones montagneuses et boisées.
En effet, ces dernières offraient des conditions propices à la progression de nos troupes qui cernaient l’ennemi (les troupes françaises) avant que celui-ci ne les repère et n’utilise ses armes. Durant plusieurs années sur les terrains découverts, nos hommes n’engageaient que de petits combats à condition de prendre l’ennemi par surprise rapidement pour aussitôt se replier. Il fallut attendre Diên Biên Phu pour assister au déploiement de grandes unités combattantes, durant des jours et des nuits, basé sur des points d’attaque et l’encerclement, un système d’abris et de boyaux. »
Pendant la Guerre d’Indochine, même si la Chine communiste n’est pas sur l’échiquier du conflit, beaucoup ont été formés dans l’art de la guérilla dans le sud de la Chine16. Revenir au Viêt Nam n’était point difficile pour les membres du Viêt-Minh, car la défaite française à Cao Bang (près de la frontière chinoise) en octobre 1950 a permis au Viêt-Minh de s'emparer de cette zone.


Bao Dai

Les Français ont tenté par tous les moyens de mater le mouvement nationaliste en créant en 1949 un État du Viêt Nam dirigé par le dernier empereur de la dynastie Nguyen Bao Dai, et en exerçant un effort de contre-guérilla qui sera un échec. Dans le livre Histoire de la Guerre d’Indochine, le général Yves Gras, qui prit part au conflit, écrit que pour « pacifier » la Cochinchine, le général Valluy, commandant-en-chef, avait configuré les troupes du général Nyo à près de 40 % des forces du corps expéditionnaire : 23 de ses 69 bataillons d’infanterie, 9 groupes d’artillerie et 5 escadrons de cavalerie, soit 38 000 hommes, auxquels s’ajoutaient les 6 000 hommes de la garde cochinchinoise et la totalité des partisans soit environ 10 000.
« La principale faiblesse des troupes françaises venait de leur dispersion. De nombreuses missions de sécurité détournaient la plupart d’entre elles de la « chasse à l’ennemi ». Elles avaient à protéger, outre leurs propres bases, les axes de communication, les installations économiques, notamment les plantations d’hévéas, et la population des campagnes. »
Cela étant dit, l’auteur du livre Histoire de la Guerre d’Indochine précise davantage ses explications en spécifiant que ces stratégies et tactiques rendaient les hommes des troupes françaises immobiles. Cela avantageait donc considérablement le Viêt-Minh en termes de forces mobiles, car il pouvait saisir l’occasion « de se concentrer au moment et à l’endroit où il le voulait. » Une autre chose importante à mentionner : la difficulté de la guerre, pour les Français, était accrue par l’impossibilité de distinguer un Vietnamien ordinaire d’un guérillero.


Des centaines de milliers de réfugiés fuient le Nord Viêt Nam, après la victoire du Viêt Minh, comme ici à Haïphong en août 1954

Finalement, la bataille de Diên Biên Phu, à la limite occidentale du Tonkin, dans les montagnes aux confins du Laos, a violemment mis un terme à la présence française en l’Indochine, les Américains attendant d'agir.
Selon Laurent Henninger, chargé de mission au Centre d’études d’histoire de la défense, l’installation de sept campements portant un nom de code (Huguette, Lilie, Claudine, Éliane, Dominique) permettait au corps expéditionnaire français de garder « la route qui relie Hanoï au Laos et de saisir cette plaine coupée d’une rivière et entourée de collines formant comme un immense stade. » D’ailleurs, pour l’état-major français, Diên Biên Phu devait être utilisé comme un point de fixation pour attirer le Viêt-Minh, adversaire insaisissable, dans une bataille rangée.
L'état-major français compte sur sa supériorité aérienne pour clouer au sol et éliminer les forces ennemies. En fait, le Viêt Minh déjoue la surveillance aérienne en faisant passer hommes et matériels par des pistes invisibles sous les arbres, sur des véhicules bricolés avec des carcasses de vélos. Le creusement d'abris souterrains lui permet d'échapper aux bombardements aériens. Les premières vagues d'assaut (50 000 hommes du général Giáp contre 11 000 soldats français) mettent l'ensemble du camp à la portée de la puissante artillerie (d'origine chinoise) amenée à pied d'œuvre par le Viêt Minh. La piste d'atterrissage devenue inutilisable, la garnison française n'est plus ravitaillée que par des parachutages dramatiquement insuffisants.
Le 7 mai 1954, après deux mois de résistance acharnée, la base de Diên Biên Phu tombe.
D’ailleurs, selon Laurent Henninger, « nul ne pouvait prévoir que le général Giap concentrerait autant d’artillerie sur des collines aussi escarpées et recouvertes de jungle. » La France avait demandé à son allié, les États-Unis, d’autoriser une intervention aérienne pour sauver le camp retranché, mais le président Eisenhower, qui ne voulait plus de présence française et qui craignait une extension du conflit par engagement de la Chine, avait refusé.
À Paris, une nouvelle crise parlementaire fait tomber Georges Bidault et René Pleven, partisans de la poursuite des opérations, et amène au pouvoir Pierre Mendès France avec un programme de négociation. La conférence de Genève consacrée au règlement de la question indochinoise s’ouvre le lendemain de la chute de Diên Biên Phu.


Conclusion générale


La conférence de Genève
Finalement, le président du conseil, Pierre Mendès-France, conclut la conférence de Genève le 21 juillet 1954 et ces accords, selon Jacques Dalloz, n’ont point donné « une issue définitive au problème vietnamien, mais permettent à la France de s’en dégager. » Le Viêt Nam sera coupé en deux parties à partir du 17e parallèle : au nord, la République démocratique du Viêt Nam (communiste), au sud, un Viêt Nam pro-occidental. Les États-Unis ne signent pas les accords de Genève, se « bornant à prendre acte » laissant ainsi prévoir leur future implication. Le Sud Viêt Nam proteste de la façon dont l'armistice est conclu. Il est trop tard, les infiltrations de la guérilla communiste vers le Sud s'intensifient.
Des centaines de milliers de réfugiés fuient le Nord Viêt Nam vers le Sud.
Par la suite, l’indépendance du Viêt Nam (divisé en deux parties), du royaume du Laos et du royaume du Cambodge sont reconnues. Selon les accords de Genève, des élections devront être tenues dans les deux ans afin d’unifier le Viêt Nam. Mais le non-respect de cette échéance entraîne une reprise de la guérilla communiste (Vietcong) dans le sud. Pham Van Dông déclare: « Nous gagnerons l'unité du Viêt Nam comme nous avons gagné la paix.
Aucune force au monde ne nous en détournera. Peuple du Viêt Nam et compatriotes du Sud, la victoire est à nous ! »
À partir de 1964, les États-Unis soutiennent massivement, d’un point de vue militaire, le gouvernement sud-vietnamien et cela plonge le Viêt Nam dans une autre guerre.

Statuts L'ex-Indochine française

La création de l'Indochine française, plus précisément Union indochinoise, résulte du décret du 17 octobre 1887, créant le « gouverneur général civil de l'Indo-Chine » et confiant à celui-ci « l'administration supérieure de la colonie de la Cochinchine et des protectorats du Tonkin, de l'Annam et du Cambodge ».
À l'intérieur de cette entité, le Laos (régime mixte) et le Cambodge (protectorat, monarchie sous tutelle française) gardent leur nom, mais le Viêt Nam n'existait pas en tant que tel. Trois États occupaient son territoire :
le Tonkin (du vietnamien Đông Kinh, « capitale de l'Est »), régime mixte ;
l'Annam (« Sud tranquille », l'un des noms du Viêt Nam sous occupation chinoise), protectorat (monarchie sous tutelle française) ;
la Cochinchine (contrée nommée ainsi parce que située sur la route maritime entre Cochin sur la côte orientale de l'Inde, et la Chine), colonie.


Posté le : 19/05/2013 14:59
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Pol pot la folie du diable
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Le 19 Mai 1925 naît Saloth Sar, mieux connu sous le nom de Pol Pot

Le monstre, le Dark Vador économique mais aussi humain, le tortionnaire absolu, le côté le plus sombre de la force à fondu sur un pays ni plus ni moins méritant, et ni plus, ni moins cultivé qu'un autre, et c'est bien là que réside l'horreur, comment une population peut-elle participer ainsi à sa propre destruction.
Après Hitler, Staline et les autres, le mystère posé par les dictateurs sanguinaires reste entier. Comment ? pourquoi ? avec le soutien de qui ?? , qu'en est-il de la soumission criminelle ? ?....
Comment faire disparaître en quelques heures toute l'économie d'un pays ? C'est possible ! Pol Pot l'a fait. Bienvenue dans un monde où un leader fou claque des doigts, et il n'y a plus que des morts-vivants.
Pol Pot a dirigé l'un des régimes les plus énigmatiques du XXe siècle. Pendant les trois ans et demi qu'il a passé à la tête du Cambodge, plus d'un million de personnes ont été les victimes d'un véritable génocide. Il a fait de ce pays réputé pour sa douceur une nation d'esclaves construite sur des charniers.
A travers la biographie de Pol Pot, par Philip Short celui-ci retrace l'histoire du cauchemar cambodgien en partant du point de vue de ses responsables, et d'abord du premier d'entre eux. Philip Short raconte donc la vie de Pol Pot : de sa jeunesse paysanne à ses dernières années au fond de la jungle en passant par l'influence qu'a eue sur lui le bouddhisme.
L'égalitarisme drastique voulu par Pol Pot et les Khmers rouges a germé tant sur la culture et l'histoire cambodgiennes que sur la paranoïa d'un petit pays pris entre ses voisins.
Mais la Chine, il souligne que la France et les Etats-Unis partagent une responsabilité morale dans ce qui est arrivé.
A ce titre "'Pol Pot, anatomie d'un cauchemar" est à lire absolument et permet de mieux saisir les implications des procès des Khmers rouges qui s'est ouvert à l'été 2007.

Pol Pot la journée du 17 Avril 1975.la démence à l'oeuvre.

Le 17 avril 1975 fut une des journées les plus sombres de l'histoire du XXème siècle. Plongeons-nous dans son atmosphère unique.
Au petit matin, les troupes Khmers Rouges entrent dans Phnom Penh et prennent le pouvoir. Dans les premiers instants, lasse d'une guerre inextricable impliquant nombre de puissances étrangères, la population accueille la révolution avec enthousiasme.
Mais tous les témoins s'accordent sur un point : il ne faudra guère plus de quelques dizaines de minutes à la capitale du Cambodge pour comprendre que le pire est à venir. Qui sont les Khmers Rouges ? Pour la plupart, des adolescents et de jeunes adultes embrigadés, complètement analphabètes, venus des campagnes profondes du pays. Ils voient une ville pour la première fois de leur vie et ne comprennent rien, boivent l'eau dans les cuvettes des toilettes, défèquent dans les bidets.
Habillés de noir, rudimentaires, humbles et obéissants, ils ne reconnaissent qu'une autorité : Angkar, c'est-à-dire "l'Organisation", nom de code du parti communiste dirigé d'une main de fer par Pol Pot, a.k.a. Frère Numéro Un.
Leur fanatisme ne s'encombre d'aucune sophistication, d'aucun scrupule – ils sont disposés à torturer et massacrer avec insouciance et application ce qu'Angkar jugera bon de leur désigner pour cible.
Ils vont, dans l'exercice du pouvoir, montrer autant de glaciale sauvagerie que les pires unités SS.
Leur credo tient en quelques mots : toute trace de capitalisme doit être impitoyablement détruite, y compris si c'est un être humain, y compris si c'est un enfant. Et, pour parvenir à cette fin, la méthode imaginée par Pol Pot s'avère d'une confondante efficacité.

Délocaliser l'humain

Quelques heures à peine après leur arrivée à Phnom Penh, et prétextant de la nécessité de protéger les habitants d'un bombardement américain à venir (bien entendu imaginaire), les Khmers Rouges annoncent que la ville entière doit immédiatement être évacuée dans les délais les plus brefs.
Hommes, femmes, enfants, vieillards, les malades comme les bien portants, reçoivent l'ordre de faire leurs bagages et de se préparer à quitter leurs foyers, leur usines, leurs bureaux, leurs hôpitaux.
Malheur aux retardataires ! Phnom Penh compte à l'époque deux millions et demi de personnes : toutes doivent s'en aller sans délai. Quiconque renâcle ou se plaint est abattu en pleine rue.
En un clin d'œil, l'angoisse s'installe.
Quel est l'objectif de Pol Pot, à travers cette migration forcée, précipitée, frénétique, sous la menace des AK-47 ? Abolir toute différence entre les citadins – qu'il juge gangrenés par l'esprit capitaliste – et les paysans pauvres – qu'il considère comme un genre de race supérieure, seule dépositaire de l'avenir radieux.
Pol Pot va au plus simple : en les chassant de leurs appartements et de leurs maisons, et en les empêchant d'emporter leurs biens avec eux, il métamorphose de facto les citadins en misérables, en sans-abris faméliques.
Il les jette sur les routes, sous bonne garde, sans vivres ni moyens de subsistance, afin de les parquer en pleine nature, de les faire revenir à un stade préhistorique et de les rééduquer par le travail.
Toutes les villes du pays subiront le même sort.
C'est une expropriation à l'échelle d'un pays : au lieu de déplacer les biens, déplaçons ceux qui les possèdent.
Bien entendu, en chemin, les plus faibles vont périr : les traînards et les invalides sont exécutés sur le bord des routes, sans jugement ni exception.

"Si tu vis, ce n'est pas un bien, et si tu meurs, ce n'est pas un mal",

dit un slogan Khmer Rouge. Mêlant un volontarisme dément, un autoritarisme le doigt sur la gâchette et une improvisation complète, l'évacuation de Phnom Penh fait plus de 10.000 morts en un temps record.
La cohue est telle que, dans les 24 premières heures de l'exode, on n'avance que de dix mètres par heure à certains embranchements.
Des barrages filtrent la foule : sont mis de côté tous les anciens serviteurs du régime précédent : fonctionnaires, officiers, professeurs, embarqués dans des camions et massacrés à coups de pelles, car les Khmers Rouges économisent les munitions.
Quiconque porte des lunettes est condamné à mort à très brève échéance : dans l'esprit de la révolution cambodgienne, seul le bourgeois sait lire, et le bourgeois doit être éliminé. Au sujet de cette révolution, Philip Short, auteur d'une formidable biographie de Pol Pot chez Denoël, parle de "mort subite de la raison".
On ne saurait mieux dire. "L'objectif de Pol Pot était de plonger le pays dans un brasier révolutionnaire." L'incendie prit instantanément.

Disparition de l'échange

Pol Pot est pressé. Il n'a ni les petits chemins de Lénine, ni la patience prédatrice de Staline.
Ce funeste 17 avril 1975, Phnom Penh est à peine prise qu'il décrète l'annulation de la monnaie cambodgienne et la fermeture de la Banque Nationale, dont le bâtiment est dynamité avec tout ce qu'il contient – un nuage de billets s'élève dans le quartier.
C'est un coup de maître, d'un point de vue totalitaire.
Car non seulement, il n'y a soudain plus de villes, ni d'État digne de ce nom, ni de marchés, ni d'écoles, ni d'hôpitaux, ni de religion, les pagodes sont recyclées en centres de torture, non seulement Angkar dirige tout et décide de tout sans jamais fournir d'explications, mais l'argent lui-même est volatilisé et toute la valeur économique de la nation est ramenée à zéro.
Dans leur départ hâtif, bouclant leurs valises sous l'injonction glaçante des jeunes tueurs en noir, les habitants des villes, paniqués, ont emporté tout ce qu'ils pouvaient en billets de banque. Sur la route, les mêmes tueurs en noir leur expliquent la nouvelle situation : votre argent ne vaut plus rien, nous l'avons aboli, vous pouvez vous en débarrasser.
Au fil des jours, le citadin, nouveau misérable, se résigne, comprend que les Khmers Rouges ne plaisantaient pas ; un survivant raconte les avoir vus vider dans une rivière un volumineux sac de dollars américains.
S'enfonçant dans les sables mouvants de la folie idéologique, le Cambodge dit adieu à l'économie et au monde.
Les citadins, épuisés, affamés, désespérés au milieu de cet exode insensé et chaotique, finissent par se délester de leur dernière, fragile et très relative richesse.
Un témoin parle de chemins couverts, par endroits, de nappes de billets.
Les Cambodgiens sont pris au piège : dans l'espace ultraviolent tracé par Angkar, leur dernier moyen de subsistance est Angkar. L'Organisation seule nourrit, et elle seule torture. Elle torture plus qu'elle ne nourrit, du reste. Elle tient tout le pays, chaque maison, chaque enfant, chaque ruisseau. Le réel a disparu.
Les frontières se referment. Le peuple entier est condamné au même bagne, lequel se confond uniformément avec le territoire.
Un mot de travers, un seul, parfois un regard, et vous êtes radié de la liste des vivants.
Frère numéro un "is watching you"

C'était donc fait, Pol Pot avait réussi.

Comme dans un rêve, il avait bouclé un dossier qui aurait demandé cinq siècles à Brejnev : il n'y avait plus de différence entre les classes, car n'y avait plus de classe supérieure, ni d'argent, ni de marchands, ni de marchandises, ni d'acheteurs, ni de banques, ni de Bourse, ni de devises, ni de coffres, ni de possibilité d'échange autre que le troc – et à quoi bon le troc dans un pays où plus personne n'a quoi que ce soit ?
Le commerce rendit l'âme. Le communisme, le vrai, advint. Ne subsistèrent que la terreur, seule debout et qui commandait chaque instant de la vie, et la misère qui lui obéissait, rampant de peur.
La faim et l'inhumanité devinrent la règle. On vit des gens condamnés à manger leurs parents.
On vit de jeunes enfants chargés du rôle de bourreaux, exécuter des adultes condamnés et ligotés en leur injectant du poison. On toucha le fond de l'abjection totalitaire dans chaque village de chaque région du Cambodge.
Le camp de Tuol Sleng devint le Auschwitz des Khmers Rouges ; on y électrocutait à la chaîne, de manière industrielle.
Il ne fait aucun doute que la vaporisation de l'argent a considérablement servi ces cruautés. L'argent, c'est l'échange libéré.
Même en très petites quantités, même déprécié, il constitue par sa simple présence une possibilité de résistance au destin, sinon au pouvoir. L'argent permet des échanges imprévus, impossibles à planifier.
Il est l'éventualité d'un désordre libéral dans le grand projet collectiviste.
Or, ce grand projet ne tolère aucun autre désordre que celui qu'il génère lui-même, puis réprime – répression qui génère un autre désordre, qu'il réprime également, et ainsi de suite à l'infini. Le totalitarisme est une chute.
Le système Khmer Rouge est une chute verticale en accéléré.
L'argent rayé d'un trait de plume par Pol Pot, c'est la main qui vous pousse dans le vide.
De l'argent au néant, sans escale
Dans notre article précédent, nous abordions la catastrophe provoquée par Larine pendant la révolution russe. Nous sommes ici en présence d'un évènement similaire à la catastrophe provoquée par l'économisme russe, MiKhaïl Zalmanovitch connu sous le pseudo de Youri Larine,
pendant la révolution russe, identique par ses causes et ses effets, mais incomparablement plus rapide.
Du communisme, les Khmers Rouges ôtent tout ce qui dépasse. Ils ne conservent que l'os, c'est-à-dire la destruction systématique, dont Bakounine disait qu'elle était "l'acte créateur par excellence". Indéniablement, les Khmers Rouges créent une nouvelle société : économiquement, elle ne peut se comparer à aucun autre.
Quand le socialisme va tout au bout de ses intentions, les instruments de mesure traditionnels sont brisés ; les concepts économiques n'ont plus cours ; les dégâts ne se comptent pas en billets de banque, puisqu'il n'y en a plus, mais en cadavres – et l'on ne sait plus où les mettre.
En quatre années de règne seulement, le régime Khmer Rouge fit deux millions de morts sur huit millions d'habitants.
Tous innocents. Un quart du peuple cambodgien disparut, avalé par la famine, la torture et les exécutions ; les trois quarts restant en vie traversèrent un cauchemar d'une telle envergure que la raison, aujourd'hui encore, peine à le croire possible. Ils ne s'en sont jamais remis.
La nature économique autant que politique du laboratoire nihiliste Khmère Rouge ne doit pas être oubliée. Interdire l'échange à l'échelle d'une nation n'est pas moins barbare que d'abattre une fillette d'un coup de pelle dans la nuque : le résultat est exactement le même. Une chose est sûre, au moins : le monde sans classes est le pire des mondes.
En 1975, les Khmers rouges prennent le pouvoir au Cambodge, menés par un certain Pol Pot.
Durant presque quatre années, il dirige dans l’ombre un des régimes les plus meurtriers de l’Histoire, ne révélant son identité que tardivement.
Derrière Frère numéro 1, principal responsable des 1 à 2 millions de morts de l’autogénocide cambodgien, se cachait un certain Saloth Sar, ancien étudiant des bancs de l’université Française et descendant d’une famille Sino-Khmer assez aisée.

L'élimination ou l'horreur sans limite

C’est peut-être l’un des plus terribles récits sur la terreur communiste. L’ouvrage L'Élimination de Rithy Pan, avec Christophe Bataille chez Grasset en 2012, devrait être étudié dans les écoles et offert à certains candidats à l’élection présidentielle;
L'élimination par Rithy Pan
J’ai beau connaître les crimes du communisme, je reconnais que la cruauté des tortionnaires communistes cambodgiens dépasse toute imagination. Les frontières du mal sont très largement dépassées. C’est le récit (ou le scénario) de Rithy Pan qui, en 1975, avait 13 ans. Les Khmers rouges prennent le pouvoir et commence le génocide. Le narrateur perd toute sa famille en quelques semaines : son grand frère porté disparu, son beau-frère médecin exécuté au bord de la route, son père qui n’a plus la force de s’alimenter, sa mère qui se laisse mourir aux côtés de l’une de ses filles déjà morte… L’histoire de ces années est racontée par celui qui l’a vécue. Il en a fait aussi un film qui dresse aussi le portrait de l’un des responsables du génocide : le bourreau Duch.
Le narrateur–victime essaie de comprendre. Comment a-t-on pu exterminer 1.7 millions de personnes (un tiers de la population du pays) en quelques mois pratiquement. Enfants, femmes, jeunes, vieux, personne n’a été épargné. Aucun régime n’est allé aussi loin dans la soumission de l’individu. Rien ne devait être personnel. Tout était confisqué par les Khmers rouges. Y compris les rêves. L’individu n’existe plus, il devient objet. Le Khmer rouge décide s’il doit vivre ou non. Les critères sont très aléatoires car la purification sociale s’applique à tout le monde. Même ceux ayant des « origines saines » sont exterminés. Il suffit d’une délation, d’un soupçon et tout est fini. Même la langue change, on invente de nouveaux mots, on interdit d’autres. On connaît les photos de Cambodgiens (y compris des enfants) avec un numéro agrafé à même la peau. Ce sont pour la plupart ceux qui sont passés par le sinistre centre de torture et d’exécution S 21 à Phnom Penh dirigé par Duch. Environ 12 380 personnes au moins furent torturées et exécutées dans ces lieux. Ceux qui arrivaient là étaient déjà condamnés à mort : « À S21, c’est la fin, dit Duch. Plus la peine de prier, ce sont déjà des cadavres. Sont-ils hommes ou animaux ? C’est une autre histoire ».
Ce qu’a enduré Rithy Pan et avec lui des centaines de milliers de Cambodgiens est pratiquement impossible à raconter tant l’ampleur du crime dépasse tout entendement. Mais il faut le faire. Comment raconter la torture à mort de la jeune fille Bophana, coupable parce qu’elle écrivait à son amoureux dans une langue romantique ? Comment décrire les vivisections sur les femmes jeunes pour leur prendre les organes et leur sang ? Comment faire comprendre les crimes d’enfants qu’on écrasait contre les troncs des arbres ? Ou la mort de faim de la petite nièce de l’auteur ? Elle s’éteint à 5 ans à ses côtés. Le récit est par endroit insupportable. L’auteur ne néglige pas, non plus, ceux qui ont admiré les Khmers rouges. Du journal Le Monde aux intellectuels « engagés » comme Alain Badiou en passant par l’ONU qui a fermé les yeux. Pol Pot était lui-même un ancien étudiant à Paris !
Le régime communiste cambodgien a été « parfait » dans son fonctionnement jusqu’en 1979. Il a voulu créer un Homme nouveau et pur. Vu le nombre de morts, il a pratiquement réussi.

Les khmers rouges ont exterminé en moins de quatre ans un quart de la population du Cambodge. Le procès de la dictature communiste a pourtant bénéficié d’un traitement médiatique particulièrement discret en France, où fut formé Pol Pot.
Roshane Saidnattar, rescapée des camps des khmers rouges, était à la médiathèque de Sainte-Savine (Aube) pour présenter son documentaire, L'important c'est de rester vivant. Ce film est un témoignage sur des évènements historiques et d'actualité. Historiques puisque le régime communiste fut responsable de l'extermination de 2 millions de Cambodgiens, le quart de la population ! entre avril 1975 et janvier 1979.
D'actualité puisque le procès des quatre plus hauts dignitaires survivants du régime s'est ouvert le 27 juin dernier. Et la couverture médiatique fut minimale pour un génocide d’une telle ampleur. Ce procès, qui aurait pu être un Nüremberg du communisme, s'est donc déroulé dans un relatif anonymat. L'article laisse d’ailleurs un goût d'inachevé puisque pas une seule fois le journaliste n'utilise le terme de communiste. Cela fait partie du processus de "respectabilisation", mis en lumière par Jean-François Revel dans La grande parade, qui consiste en un traitement médiatique inégal entre les crimes selon que ceux-ci soient commis par des nazis ou des communistes les exactions de ces derniers étant pourtant beaucoup plus nombreuses. On observe la même mansuétude dans le journal Libération après le dernier verdict condamnant "Douch" à la perpétuité.
Ce dernier avait été condamné à 30 ans en première instance.

Petit rappel historique
:
Les Khmers rouges, menés par Pol Pot et soutenus par la Chine, sont en guerre contre les forces gouvernementales, qui bénéficient du soutien du Viêt Nam du Sud et des États-Unis. Le désengagement de ces derniers en 1973 est fatal au régime brutal et corrompu de Lon Nol. L’armée n’est capable que de défendre la capitale, Phnom Penh, surpeuplée de réfugiés fuyant les bombardements américains ou les mesures drastiques imposées dans les zones rurales par les Khmers rouges. Ceux-ci finissent par prendre la capitale le 17 avril 1975 pour mettre en place un régime autoritaire maoïste.
Le rôle essentiel du communisme parisien dans la formation du monstre avait été présenté au tribunal par Raoul-Marc Jennar lors du procès de "Douch" en 2009.
Ce sinistre personnage a dirigé la sinistre prison S-21, de laquelle seulement sept survivants sur 20 000 détenus sont sortis.
Saloth Sar, qui prendra le pseudonyme de Pol Pot, avait en effet étudié à la Sorbonne. S’il n’obtint aucun diplôme, il se forma à l'idéologie marxiste en compagnie de Yeng Sary et Khieu Samphan, qui seront plus tard ses fidèles lieutenants dans le génocide.
Tous lisaient quotidiennement "L'Humanité", qui fêtera leur arrivée au pouvoir.
Le 24 avril 1975, le responsable de la rubrique Asie du journal communiste, Jean-Émile Vidal exultait :
La fête du peuple. Et déjà, le gouvernement royal d'Union nationale et le Front uni national ont pris des mesures pour que les plus déshérités, ceux qui ont souffert dans les villes sous contrôle de l'ennemi tandis qu'une poignée de gens faisaient fortune, aient part aux réjouissances.
Les stocks de vivres détenus par les spéculateurs ont été réquisitionnés. Des campagnes arrivent le riz et la viande.
Les prix du riz, du porc et du bœuf ont été réduits en quelques jours dans des proportions considérables.

Une pancarte a été déposée par un anonyme, (voir photo ci-dessus ) dans un temple à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de Phnom Penh. Neuf mille crânes de victimes du régime communiste y sont entreposés.
Pol-Pot, secrétaire général du Parti Communiste Kampuchéen, fera ainsi régner la terreur pendant quatre années.
Les citadins et les intellectuels, assimilés à la bourgeoisie et au capitalisme, sont forcés d’aller travailler dans des champs ou envoyés dans des prisons d'État qui ont été instituées dans tout le pays.
La monnaie, la famille, la religion et la propriété privée sont abolies. Deux millions d'être humains perdront la vie suite aux famines, maladies et sévices.
Le 25 décembre 1978, redoutant le chaos s'installant chez son voisin, le Viêt Nam envahit le Cambodge.
Le régime des Khmers rouges s’effondre rapidement et Pol-Pot s’enfuit dans la jungle où il tentera de reconstruire une guérilla pour revenir aux "affaires" .
Condamné à mort par contumace, il trouvera une retraite dorée en Thaïlande où il sera finalement retrouvé mais s'éteindra en 1998, à 73 ans, avant d'avoir pu être jugé pour ses crimes.Yann Henry.

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La vie toute entière de Pol Pot est entourée de mystère, spécialement en ce qui concerne sa mort. Homme public assez discret, assorti d’une sombre tendance paranoïaque, le leader du régime khmer rouge s’est créé sa propre biographie, à l’instar d’autres dictateurs.
Une chose est sûre cependant, il reste incontournable lorsque l’on aborde la question du génocide cambodgien.
Plusieurs historiens et biographes ont tenté d’éclaircir la nébuleuse entourant l’homme, qui plongea le Cambodge dans ce terrible chaos.


Biographie

Le 19 Mai 1925 naît Saloth Sar, mieux connu sous le nom de Pol Pot qui est une abréviation du nom qui lui fut donné par les autorités chinoises, Politique potentielle, était le leader des Khmers rouges et le Premier Ministre du Kampuchéa Démocratique parti de trè-s triste mémoire dans le Cambodge actuel entre 1976 et 1979. Les politiques de son gouvernement ont provoqué la mort de près de deux millions de personnes.

Sa jeunesse

Issu d’une famille paysanne sino-khmère aisée liée aux autorités royales, Saloth Sar naît le 19 mai 1925 , à Prek Sbauv, dans la province cambodgienne de Kampong Thom.
Si d’autres sources avancent la date de 1928 pour sa naissance, ce premier point de divergence ne prête pas trop à conséquence.
Son père, gros propriétaire terrien, aurait eu de bonnes connections avec les autorités royales de la capitale.
Lorsqu’il sera au pouvoir, il prendra soin d’effacer cette page de son histoire personnelle.
En affirmant qu’il est issu d’une famille paysanne, typiquement khmère, sa version correspond ainsi bien mieux à l’idéologie du régime en place.
Il vit son adolescence à la campagne, où il suit l’enseignement bouddhiste dans le but de devenir moine. Mais il aurait étudié dans une école Catholique selon d'autres sources.
Passionné de politique, il s’engage dans le mouvement vietnamien anti-impérialiste de Hô Chi Minh au cours de la Seconde Guerre mondiale, et devient membre du Parti communiste indochinois en 1949.
Son gout pour le politique

Le gouvernement cambodgien lui accorde cette même année une bourse afin qu’il puisse effectuer des études de radio-électricité (EFREI, anciennement EFR) à Paris, de 1949 à 1953. Dès son arrivée en France, il rejoint les cercles du Parti communiste français, auprès desquels il se familiarise avec l’idéologie marxiste, et au sein desquels il passe la majorité de son temps.
C’est sur les bancs de la Sorbonne qu’il rencontre Yeng Sary et Khieu Samphan, avec qui il prendra la direction du mouvement khmer rouge.
C’est également à cette époque qu’il fait la connaissance de Jacques Vergès, l’avocat français controversé, actuel défenseur des idéologues khmers rouges dans le procès qu’il leur est intenté.

Sa montée vers le pouvoir.

Saloth Sar quittera la France sans diplôme et deviendra malgré tout professeur de français peu après son retour au Cambodge, dans deux établissements privés de Phnom Penh, Chamroeun Vichea et Kampuchaboth (1956-1963).
Lorsque les Français se retirent d'Indochine en 1954, le roi Norodom Sihanouk est nommé à la tête de l'État et la monarchie est restaurée au Cambodge.
Comme plusieurs de ses contemporains, Saloth Sar s'oppose au nouveau pouvoir et entre dans un parti communiste de faible envergure, le "Parti révolutionnaire du peuple khmer".
Ce parti deviendra par la suite le "Parti communiste du Kampuchéa", l'organe politique des Khmers rouges.
En 1962, il est élu secrétaire du comité central du parti, pour y militer activement. Élu secrétaire du comité central du parti en 1962.

Etoile montante pour la chine

Les autorités de la Chine communiste, qui commencent à s'intéresser à cette étoile montante du mouvement communiste cambodgien lui attribuent le surnom de "Political Potential". Un surnom qu’il gardera jusqu’à sa mort, un autre moyen d’effacer ses traces.
Il s'efforce alors de former les premiers combattants khmers rouges avec le soutien de la Chine. À cette époque, Mao Zedong voit en lui un moyen aisé de favoriser l'expansion du communisme anti-soviétique et pro-chinois dans la région.

Epoque troublée au Cambodge

À la fin des années 1960, la guerre que les États-Unis livrent au Vietnam s’étend au Cambodge. Les troupes américaines tentent de déloger par des bombardements massifs les forces Viet-Minh qui s’y réfugient.

En 1963, pour fuir la police, de plus en plus suspicieuse quant à ses activités politiques, Saloth Sar prend le maquis avec ses compagnons et entre dans la clandestinité. Il s'efforce alors de former les premiers combattants Khmers rouges avec l’aide et le soutien de la Chine.
Il est à noter qu'à cette époque, Mao Zedong voyait en lui un moyen aisé d'empêcher l'expansion du communisme soviétique dans la régio

Le 18 mars 1970, avec la bénédiction de la CIA, le maréchal Lon Nol orchestre un coup d'État et renverse la monarchie cambodgienne. Une guerre civile éclate.
Norodom Sihanouk et ses partisans se joignent aux Khmers Rouges contre le nouveau régime sous la bannière commune du Gouvernement Royal d'Union Nationale du Cambodge (GRUNC).
Malgré l'appui des États-Unis et du Sud-Vietnam, le régime brutal et corrompu de Lon Nol s'avère incompétent dans la lutte contre le communisme.
En 1973, la situation militaire se détériore et l'armée n'est en mesure que de défendre la capitale, Phnom Penh, surpeuplée de réfugiés fuyant les bombardements américains.

Prise du pouvoir

Les forces communistes menées par Pol Pot triomphent de l’armée de Lon Nol le 17 avril 1975, date à laquelle la capitale tombe entre les mains des Khmers Rouges, considérés au départ comme une force libératrice par la population.
Pol Pot se fait alors connaître comme le frère numéro un.
Il est le membre le plus important de l'Angkar, nom khmer de "l'Organisation révolutionnaire", l'organe suprême du gouvernement des Khmers rouges.

1975 devient l’Année zéro du régime Khmer Rouge. Dès leur prise de pouvoir, les Khmers Rouges soumettent le pays à la dictature et mettent en place un régime totalitaire dont l’une des premières actions est l’élimination de tous les individus liés au gouvernement précédent. Le nouveau gouvernement contraint également les habitants des villes à aller travailler à la campagne pour nourrir la population. Le régime s’en prend particulièrement à la population urbaine et aux intellectuels.

En 1976, le Cambodge devient le Kampuchéa Démocratique et Pol Pot est nommé premier ministre. L’année suivante, alors que Pol Pot a déjà échappé à trois tentatives d’assassinat, il multiplie les purges dans son parti et parsème la frontière de mines anti-personnelles.
Il définit également trois catégories d’individus à réprimer:
- l’ensemble des Vietnamiens présents au Cambodge
- les khmers parlant vietnamien
- les khmers entretenant des relations ou ayant des intérêts avec les Vietnamiens.
Sont également visés les individus ayant reçu une éducation ou manifestant une appartenance religieuse quelconque.

Au total, entre 1,7 et 2 millions de personnes auraient trouvé la mort sous le régime par exécution, torture, suite à une surcharge de travail forcé, par le fait de maladies non traitées, ou bien encore de famine.

La chute de Kmers rouges

En 1979, à la chute du régime, Pol Pot prend à nouveau le maquis. Il est inculpé de génocide par contumace par un Tribunal Révolutionnaire du Peuple.
Selon certaines rumeurs, il aurait coulé des jours paisibles bien loin de la jungle cambodgienne, dans une résidence luxueuse en Thaïlande. Il se serait, par ailleurs, livré au trafic illégal de bois et de pierres précieuses pendant cette période.
Ici encore, les rumeurs ne tarissent pas.

En 1985 Pol Pot démissionne du poste de commandant en chef des Khmers Rouges mais conserve un rôle de supervision. En 1993, alors que le roi Sihanouk est à nouveau à la tête du gouvernement, Pol Pot s’oppose au gouvernement. Trois ans plus tard, le reste du groupe des KR se divise et une partie rejoint le gouvernement.

En juin 1997, Pol Pot ordonne l’assassinat de Song Sen, son ami et ancien ministre de la défense, qu’il soupçonne de collaborer avec le gouvernement. La femme et les enfants de Song Sen sont également exécutés. Pol Pot est alors arrêté pour trahison et jugé par un tribunal du peuple qui le condamne, le 25 juillet 1997, à une assignation à résidence surveillée à perpétuité. De façon à le briser politiquement.

Alors que ses derniers fidèles désertent et que les États-Unis travaillent à la mise en place d'un plan pour le capturer et le traduire devant la justice internationale, Pol Pot meurt. Le 15 avril 1998, à l’âge de 73 ans, il succombe officiellement d'une crise cardiaque.
Cela peu après avoir appris que Ta Mok, ancien Frère numéro cinq du régime khmer rouge qui avait rejoint le gouvernement, s’apprêtait à le livrer au gouvernement cambodgien.

Mort bienvenue mais curieuse.

Une zone d’ombre entoure la mort de Pol Pot. Certains journalistes ont prétendu qu’il s’était suicidé, d’autres qu’il avait été empoisonné par son médecin. La fin de son existence s'est déroulée dans des conditions particulièrement mystérieuses, qui laissent encore planer un doute quant à la véracité de sa mort.
Sceptique vis-à-vis de l’identité du corps, le gouvernement cambodgien, appuyé par la communauté internationale, a demandé qu’une autopsie indépendante soit réalisée.
Mais le corps a été incinéré très rapidement, et la preuve de sa mort n'a jamais véritablement été apportée. A l’instar d’Hitler, de nombreuses légendes ont commencé à se propager.
Caché en Thaïlande avec la bénédiction du gouvernement, retourné dans le maquis avec une poignée de fidèles,… quand il s’agit de personnages aussi troublants, la fiction prend vite le pas sur la réalité. Peu importe la date et l’endroit où Pol Pot est décédé, une seule chose est sûre, il n’a pas payé pour ses crimes.
Entre 1,7 et 2 millions de victimes, soit près d’un quart de la population de l’époque.
Reste à la justice, cambodgienne et internationale, de se rattraper et à juger, tant qu’ils sont encore en vie, les autres responsables du génocide cambodgien.

liens
http://youtu.be/e8YfetyvDXM
http://youtu.be/P89qIq_spJg

http://youtu.be/iq7f7I2KEpo 1
http://youtu.be/vWgd1eUieSE 2
http://youtu.be/x3dj90jh3mE 3
http://youtu.be/NmHRDmFAXZs 4
http://youtu.be/k9xbPqeoRKQ 5
http://youtu.be/8OkkXaXej-k 6

http://youtu.be/N2lnMp5qZ1M
http://youtu.be/BQMyX80jCF8
http://youtu.be/3qhgmfnRJio

http://youtu.be/1-SI8RF6wDE
http://youtu.be/1jTDRKctDpI

http://youtu.be/1-SI8RF6wDE


http://www.youtube.com/watch?v=bLzKqqEOvvA

http://youtu.be/Gjn97sqPRsQ
http://www.youtube.com/watch?v=F_QOl1 ... e&list=PLC6CAB6C84FF2F422 histoire



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Posté le : 19/05/2013 14:37

Edité par Loriane sur 20-05-2013 04:19:28
Edité par Loriane sur 20-05-2013 04:20:36
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Re: buvons un verre....
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http://youtu.be/Tltpx7h9GhA

J'ai découvert cette chanson (La vieille dame) par hasard et je l'aime beaucoup. Cet enregistrement d'une émission de France Inter a été fait la veille de la mort de Joëlle (enfin si l'on en croit youtube).

C'est étrange, n'est-ce pas ? Chanter la mort d'une personne âgée et mourir le lendemain à 29 ans...

Posté le : 18/05/2013 17:45
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Re: buvons un verre....
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Bonsoir rems

Voilà d'excellentes références, mais j'espère que pour autant tu n'envoies pas aux oubliettes de la poésie de grands anciens tels Villon, Racan, Leconte de Lisle, Desbordes-Valmore...

A ta santé !


Posté le : 18/05/2013 16:35
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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