On les appelait les Solvay
Au temps d’hier, gaité pour nos yeux
Elles sillonnaient les canaux
Etraves fendant, calme l’eau
Dans les campagnes chaloupées
Mon grand Père et mon père
Matelots ils en étaient fiers
Ce n’était pas la galère
Ils volaient les frontières
La péniche rouge et blanche
Comptait tous les serviles biefs
D’un saut de mouton plutôt bref
Sur les écluses qui s’étanchent
Pleuraient ce départ trop fugitif
Regardaient au loin la silhouette
Vidé de houille, chaleur muette
Des foyers de ces gens affectifs
Capitaine, mes aïeux le devinrent
Quittant ce beau canal fluvial
De la Marne au Rhin convivial
Pour celui du midi qu’ils entretinrent
La péniche prise d’embonpoint
Jaugeant orgueilleuse sa cadette
Marquise de bois vernis coquette
Corne de cuivre rutilante au besoin
Les écoutilles chantaient au vent
Leur bonheur grisant de naviguer
Sous l’ombre fraîche des peupliers
Parade à la beauté du gaillard d’avant
Bastingage lavé, d’un propre
Immaculé elle grisaillait nue
Quand la tentaculaire grue
L’engrossait de boulet crotte
Elle s’enfonçait de son lourd
Enfantement au fond d’une eau
Qui lui léchait la jauge en haut
Pour la laisser petite belle de jour
Dans la nuit profonde du jour
Elle accostait à une patte d’oie
Lançait ses aussières de fer en joie
Pour s’amarrer à une bite de velours
Soleil encor caché, l’écluse l’absorbait
De sa panse au bassin tendre
Premier baisers à la coque cendre
Dans l’écume d’une toilette aisée
Elle rutilait telle une déesse
Dans les campagnes de France
C’était la péniche des silences
Elle flottait élégante ô princesse
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