La Plaine des Confins du Monde, Septième Partie

Date 10-09-2012 14:00:00 | Catégorie : Nouvelles


Mon amie, je chemine de plus en plus loin au cœur de cette plaine aride dont l'immensité me semble sans limites. Et plus je progresse, plus j'ai l'impression que le but que je me fixe semble lointain. La Citadelle Écarlate apparait malgré tout au-delà de l'horizon. Entourée de brumes éternelles, elle est enracinée au milieu de la steppe. Ses contours noirâtres m'apparaissent peut-être un peu plus distinctement maintenant. Mais je sais qu'il me faudra encore de nombreuses heures de marche - un ou deux jours éventuellement - avant d'atteindre ses premiers contreforts.
Quand je lève les yeux en direction la Forteresse, un frisson glacé me parcourt l'échine, et de la sueur se met à couler de mon front. D'atroces souvenirs remontent malgré moi à la surface de mon esprit. Mes yeux se dilatent d'effroi lorsque je reconnais ses parois démesurées parsemées de fissures, encroutées de moisissures multicolores courant de haut en bas. J'identifie pareillement à jadis les lézardes qui se dessinent sur les pourtours de ses donjons et de ses murailles ; certaines sont d'ailleurs à-demi dissimulées par une multitude de toiles d'araignées et des monceaux de poussière plusieurs fois centenaires. Je distingue encore les sculptures démoniaques qui y ont été taillées en maints endroits : ici, une sorte de créature hominidée à la face purulente et aux ailes de chauve-souris accrochées dans le dos. Là, un visage grimaçant de douleur, dont la chevelure est un entrelacs de vipères disposées à bondir sur le premier intrus passant à leur portée. Ailleurs, plus haut, le buste d'une femme gracile à la face d'ange, en train de déchirer ses propres entrailles à l'aide de ses mains aux ongles acérés comme des serres. Lorsque je contemple fugitivement ces représentations cauchemardesques, c'est comme si je revivais les instants terribles que j'ai vécu à l'intérieur de ses murs ; instants qui m'ont amené des jours durant aux portes de la folie et de la mort.
J'évite donc, autant que possible, de regarder vers cette Citadelle couleur de Nuit. J'aurai très vite - trop vite - l'occasion de me confronter à elle, et à tous les maléfices engendrés par ses occupants. De ma manche, j'essuie mon visage ruisselant de pluie. Je resserre davantage la cape brunâtre trouée de toutes parts autour de mes épaules. Je vérifie une fois de plus que mon nécessaire de voyage est bien en place. Mon sac à dos aux courroies élimées par le temps et les épreuves, est toujours là. Je suis fin prêt à affronter les dangers qui se dissimulent dans les tréfonds de cette antre dantesque.
Tandis que mes pas me poussent en avant, je laisse de coté les souvenirs terrifiants qui m'ont un instant submergés. Je concentre mon attention sur ton visage, mon amie. Je me remémore ta silhouette, ton aspect tel que je l'ai discerné la dernière fois où nos routes se sont croisées ; c'était dans la Cité de Kÿth-Kanath, je revois la scène comme si c'était hier. Car, dans ton armure de guerrière étincelante,tes cheveux couleur d'or flottant aux vent, tes yeux d'un bleu d'azur brillant de fierté et de détermination, tu étais d'une beauté à couper le souffle. Tu a fait un geste d'adieu vers moi, avant de longer le sentier qui t'éloignait de la ville. Je t'ai regardé un moment. Puis, tu a disparu derrière la colline menant vers la limite territoriale de cette métropole.
Je n'espère donc qu'une chose, c'est de te retrouver aussi fraiche et farouche qu'à ce moment là. Je ferai tout ce qu'il faut pour te sortir du piège mortel dans lequel tu as été entrainée malgré toi. Et je suis déterminé à affronter toutes les créatures démoniaques nées des gouffres infernaux se cachant au cœur de cette Citadelle pour te ramener vers la lumière et vers la vie...



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