Détective Trask – Épisode 11 – Élafe
Date 13-08-2012 22:50:00 | Catégorie : Nouvelles
| N.b. Un épisode qui m'a pris plus de temps à écrire vu sa complexité. Il a fallu que je réfléchisse vraiment comme il faut pour éviter des erreurs de scénarisation.
Détective Trask – Épisode 11 – Élafe
Cela faisait maintenant trente minutes qu’il avait quitté Steve pour se rendre à son bureau. C’était d’ailleurs la première chose qu’il voulut faire. Après avoir rencontré l’énigmatique « R », Trask n’avait qu’une idée en tête, découvrir qui était ces gens qu’on appelait les Élafistes. R lui avait fortement conseillé de concentrer ses recherches sur eux. Il ne le lui aurait pas dit qu’il l’aurait fait de toute façon. Il avait trop de questions qui se dirigeaient vers ce groupe. À commencer par leur « maître ». Quelle relation avait-il avec cet homme? Sœur Rose-Marie pourrait répondre à la question. Elle avait été une sœur qui s’était beaucoup occupée de lui dans le passé, et, d’après la vision que le castigan Élafiste lui avait montrée, elle semblait faire partie des Élafistes. Mais avant d’aller lui rendre une visite de dernière minute, il voulut en savoir le plus possible sur ce groupe. Au moment où il serait à l’orphelinat, valait mieux ne pas perdre de temps avec des questions dont il pouvait avoir les réponses lui-même auparavant.
Trask fit des recherches sur Internet. Il eut très vite des résultats. « R » avait raison, contrairement aux Hermétistes, les Élafistes semblaient être un groupe beaucoup moins fermé. En fait, ils avaient même une page officielle. Il se doutait qu’il ne trouverait pas tous les secrets de la société dans cette page, mais il se dit qu’il était intéressant de voir ce qu’ils présentaient au public. En cliquant sur la page, on demanda le pays. Il put voir que ce groupe était dispersé à travers le monde. Il choisit évidemment le Canada, et choisit ensuite la langue, soit française. La page d’accueil était digne d’un site professionnel. Menus interactifs, animations flash, du contenu multimédia. La page avait un titre qui ressemblait à une organisation gouvernementale : « Association des Élafistes du Canada » Le menu lui laissa plusieurs choix, mais il opta immédiatement pour ce qu’il considérait comme le plus évident, c'est-à-dire : « À propos de nous ». En cliquant, on pouvait voir en fond un buste d’homme dont le style lui fit penser à la Grèce antique. Au-dessus, on pouvait voir un texte dont Trask se mit à lire attentivement :
« Établie au Canada depuis 1904, l’Association des Élafistes du Canada poursuit la tradition humaniste et philanthropique que les organisations européennes avaient entreprise. Les membres y apprennent à se perfectionner dans toutes les sphères de leur vie, et ensuite aider les autres à faire de même.
Les Élafistes ont toujours travaillé très fort pour aider à l’avancement des sociétés dont ils font partie, et à travers elles de l’humanité. Ils y arrivent par les nombreuses sous-organisations caritatives et bénévoles, mais aussi en subventionnant des conférences qu’ils considèrent comme suffisamment éclairantes et stimulantes pour l’être humain. Les Élafistes suivent les enseignements d’Élafe, illustre philosophe grec. Beaucoup le connaitront pour sa maxime la plus célèbre : “Le salut de l’homme passe par son évolution.” Cette phrase d’une vérité éloquente est notre véritable leitmotiv et elle régit la grande partie de notre philosophie. »
Trask trouva cela intéressant. Un club philosophique? Il cliqua ensuite : « Comment devenir membre. » Trask vit qu’il n’était pas si simple d’en faire partie :
« Avant de devenir membre, votre candidature doit être parrainée par au moins deux membres qui seront au-dessus du statut d’élève. Une fois le formulaire rempli, vous serez évalué par la haute hiérarchie. Si vous êtes approuvé, vous serez considéré comme un élève (le premier degré de la hiérarchie). Pendant un an, vous devrez passer à travers quelques “épreuves”. Chez les Élafistes, tout comme dans la vie, un membre doit passer à travers des épreuves pour arriver à l’évolution. L’année et les épreuves passées, l’élève passe le rite du “Corpus mortis” pour devenir un “Penseur”, soit le 2e degré. Veuillez noter qu’une cotisation annuelle de 500 $ CAN est nécessaire pour faire partie de l’organisation. Cliquez ici pour remplir le formulaire. »
Trask trouvait étrange qu’une organisation qui prônait l’évolution d’une société soit si sélective sur le choix de ses membres. Il vit aussi qu’il pouvait voir les nombreux sièges de l’organisation. Ils avaient plusieurs sites à travers le pays. L’endroit le plus proche de lui se trouvait à Montréal. Il prit l’adresse en note.
Il décida de quitter cette page pour aller vers des sites beaucoup moins officiels. Il en vit une qui lui sauta aux yeux : « La face cachée des Élafistes ». Il cliqua tout de suite, et vit que c’était une de ces pages sur la théorie du complot. Auparavant, il n’attribuait pas beaucoup de crédibilité à ce genre de propos, mais après ce qu’il avait vu… Il cliqua sur un lien nommé « Un peu d’histoire » :
« L’histoire officielle dit que le mouvement élafiste aurait été fondé en 1405 par un groupe d’érudits français lors d’une soirée privée dans un salon. La véritable croyance des Élafistes est qu’Élafe lui-même se serait présenté devant les fondateurs avec une mission, soit d'amener l’humanité vers sa nouvelle évolution. Ils ont eu beaucoup de personnages influents dans leur groupe, car c’était un de leur but, soit d’infiltrer les différents paliers de nos dirigeants, c’est-à-dire politique, religieux et intellectuels. En ayant autant de membres illustres, ils ont pu influencer de nombreux événements historiques tels que la Révolution française, la découverte de l’Amérique, la création des États-Unis, mais aussi des événements historiques plus noirs, par exemple, les différentes guerres (en particulier la Deuxième Guerre mondiale, voir le dossier à cet effet), famines et maladies. Tout ça pour servir leur dessein, soit faire avancer l’humanité selon leur vision. »
Trask ne savait trop quoi penser de ce qu’il venait de lire. Il vit un autre lien nommé : « Comment fonctionne les Élafistes » Et se dit que cela pouvait être intéressant, donc il cliqua dessus. Il vit une pyramide de quinze étages séparés en trois sections soit, de la plus basse à la plus haute : Enfance, adulte, lumière. Chaque section avait donc cinq paliers en elle-même. Il lit en bas de la pyramide et il était écrit : « Voici la hiérarchie d’une organisation Élafiste. La seule officielle et connue du public est celle de l’enfance, mais en réalité, ce n'est que la partie visible de l'iceberg comme on le peut voir dans ce tableau. Les différents attributs de cette pyramide ne sont pas choisis au hasard. Par exemple, les nombres 5, 3 et 15 sont considérés comme sacrés et magiques. La grande majorité des membres se retrouvent dans la section “Enfance”. Les membres les plus influents se retrouvent pratiquement tous dans “Adulte”. Pour ce qui est des membres qui se trouvent dans les plus hauts niveaux soit dans la section “Lumière”, il s’agit des véritables chefs de l’organisation, mais aussi ceux qui influencent vraiment notre société telle qu’on la connait. » Trask regardait de plus près la pyramide organisationnelle, il regardait particulièrement les noms. Il vit que dans « enfance », les positions étaient, du bas vers le haut : Élève, penseur, bâtisseur, créateur et guide. Il pouvait y voir une ascension créée par les titres des différents degrés. Cela devenait par contre plus étrange dans « Adulte » : Dormeur, serpent, chien, homme et Éther. Il n’était pas trop sûr où les Élafistes voulaient en venir avec cela. Et puis, il observa la section « Lumière ». Le premier échelon de lumière lui sauta aux yeux : Castigan. Il connaissait maintenant très bien cette position. Le reste le surprit moins : conciliat, maître, grand maître et Élafe. Il lut un peu plus bas qu’Élafe était au-dessus de la hiérarchie, car les Élafistes de haut niveau le croyaient encore vivant. Était-il possible que quelqu’un puisse vivre aussi longtemps? Trask ne savait plus quoi croire. Son système de croyances avait été énormément bouleversé depuis les derniers jours. Plus rien ne lui paraissait impossible désormais.
Il cliqua ensuite sur un autre lien intitulé « Leur but ». Le texte était digne d’un roman fantastique : « Leur but ultime, qu’Élafe leur aurait donné lors de la Grande rencontre, est d’accomplir le «Nova Aetate», c'est-à-dire d’amener l’humanité vers une nouvelle évolution. Pour y arriver, ils ont un plan, donné aussi par Élafe, en plusieurs étapes. Premièrement, infiltrer les différents milieux influents de l’humanité. Deuxièmement, manipuler la masse en les faisant affronter différentes “épreuves”. Troisièmement, modifier l’environnement et les individus pour les amener vers l’évolution. Quatrièmement, éliminer ceux qui refusent le changement et favoriser ceux qui vont vers celui-ci. » Le reste du texte était des dénonciations du totalitarisme eugénique que ce plan prônait. Si tout ce qui y était dit était vrai, Trask ne pouvait qu’être d’accord. C’était trop de pouvoir dans les mêmes mains.
Il se faisait tard et Trask considérait qu’il en savait assez de ce côté pour l’instant. Il était maintenant temps de rendre visite à sa vieille amie. La sœur Rose-Marie.
L’orphelinat catholique Sacré-Cœur était un des derniers de son espèce, car le gouvernement utilisait dorénavant surtout des établissements laïcs. Les enfants qui s’y trouvaient n'étaient souvent que de passage. On les gardait dans l'attente d'une place dans un centre d’accueil officiel. Trask avait été donc dans les derniers enfants en résidence permanente. Quand Trask arriva devant ce qui était le lieu qui l’avait vu grandir, il ne put freiner la nostalgie qui l’envahissait. Tout était si simple à l’époque. Ce n’était plus la candeur cette fois qui l’amenait en ce lieu. C’était la soif du savoir. Il ouvrit la grande porte et fut surpris du changement. Les lieux étaient les mêmes, mais l’ambiance était différente. Un calme total. Très différent des bruits d’enfants qui criaient et couraient partout. On ressentait le vide. Le silence fut brisé quand une voix de vieille femme parla : « Puis-je vous aider? » Trask se retourna et reconnut une des sœurs. C’était sœur Berthe. Elle le reconnut et s’exclama vivement : « Mais c’est le petit Allan! C’est gentil de nous rendre visite! » La chaleur de son accueil était très réconfortante pour Trask, lui qui avait eu une vie difficile ces derniers jours. « Je suis très heureux de vous revoir moi aussi », répondit Trask. « Il est très rare de voir nos anciens pensionnaires nous rendre visite. » fit remarquer tristement sœur Berthe. « J’imagine qu’ils sont trop occupés à bâtir leur vie. » dit Trask se faisant rassurant. Les deux s’échangèrent un certain moment sur leur vie respective quand quelqu’un descendit l’escalier principal. C’était sœur Rose-Marie. À la grande surprise de Trask, elle ne sembla pas surprise de sa visite. Elle dit : « Je croyais bien avoir entendu une voix familière. » « Je voulais justement vous voir. » répondit Trask. « Vraiment? Alors, suivez-moi vers mon bureau. » Trask salua Berthe et suivit Rose-Marie. Rendu à son bureau, il vit qu’il n’y avait plus d’images saintes, ni de crucifix. La pièce ressemblait presque à un bureau de fonctionnaire. La sœur devina l’étonnement de Trask et lui dit : « Il a fallu rendre notre établissement un peu plus laïc, pour avoir le droit de continuer nos activités. » Elle reprit : « Alors poussin. Quel bon vent t’amène? » Trask sursauta. Il avait oublié qu’elle l’appelait « poussin » quand il était petit. Avec le dernier rêve, cela le laissait songeur. Il lui dit :
— Je préférerais que vous ne m’appeliez plus poussin, je suis adulte désormais. — Oui, je m’en excuse, déformation professionnelle. Donc mon cher Allan, vous vouliez me parler? — Oui, j’ai des questions sur mes origines. — D’accord, je vois. J’ai bien peur que je ne puisse vous en dire plus que par le passé, hélas. — J’ai de nouvelles informations. Des informations qui pourraient vous aider à vous rappeler. — Que voulez-vous dire? — Une source très fiable m’a informé que c’est un maître Élafiste qui m’aurait amené ici. Il serait français. Cela vous dit quelque chose. — Non. Comme je vous le disais tous ce que je sais, c’est que mère supérieure Florence vous aurait intégré ici. Vous étiez presque naissant. Malheureusement, elle est morte sans laisser de notes sur ce sujet. — Que connaissez-vous des Élafistes? — Hmmm, très peu, c’est une organisation caritative, je crois? J’ai bien peur que je ne sois pas très utile sur ce sujet. — Écoutez, je vais devoir jouer franc-jeu avec vous. Cette même source m’a fait savoir que ce n’est pas mère supérieure Florence qui m’ait intégré ici, mais bien vous, sœur Rose-Marie. — Et pourquoi aurais-je menti? — Parce que certains ne veulent pas que je sache d’où je viens? — Et pourquoi les aiderais-je? Je sers Dieu, pas une autre cause. — Ma sœur, je vois que vous portez un pendentif en dessous de votre robe. J’aimerais bien que vous me le montriez. — Ce n’est qu’un banal crucifix. Rien de particulièrement intéressant à voir. — J’aimerais le voir tout de même. — Je peux savoir pourquoi? — Juste vérifier une théorie.
Sœur Rose-Marie sortit le collier de sa robe et Trask put voir une simple croix. Elle était identique à celle qui se trouvait sur le mur du fond. La sœur remit le pendentif dans ses vêtements et lui dit : « Votre curiosité est satisfaite? » Et elle reprit : « Vous deviez vous méfier de ce qu’on vous dit. Beaucoup de gens tentent de profiter de l’infortune des autres. » Elle conclut : « Vous avez un bel avenir devant vous, oubliez le passé. » Trask, confus, répondit : « D’accord, désolé de vous avoir importuné. » « Ne vous excusez pas, je comprends votre recherche. Malheureusement, j’ai bien peur qu’elle soit vaine. Maintenant, je vais devoir vous demander de quitter, mes pensionnaires vont avoir besoin de nous. » Elle guida Trask à l’entrée. Rendu à la porte, Trask se retourna vers sœur Rose-Marie et vit quelque chose d’étrange. Elle avait de la sueur sur le front. Beaucoup. Elle ferma la porte. Et Trask fit une réalisation. Il tenta d’ouvrir la porte, mais on l’avait verrouillé. Trask cogna, mais personne ne répondit. Sœur Rose-Marie avait utilisé une illusion. Quelque chose avait cloché lorsqu’elle avait montré le pendentif. Lorsqu’elle avait montré le crucifix, Trask avait vu une croix sur le mur. Or, il n’y en avait pas quand il était arrivé. L’avoir compris à ce moment, il aurait pu défaire le sort.
Cet évènement prouvait tout de même une chose. Elle était bien une Élafiste.
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