Vacances et plus si affinités (défi du 6 août)
Date 07-08-2016 09:14:10 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Vladchamoulov, le 31 août 2016 Cher Monsieur Omer Dalors,
Je vous écris la présente tout en étant dans mes petits souliers, ce qui n’est pas gênant pour taper sur le clavier me rétorquerez-vous. Cela fait quinze ans que je travaille pour vous, au service du personnel plus précisément. Je suis le garçon qui éternue en faisant un bruit de pneu qui éclate et qui emprunte le papier des toilettes, en nombre toujours insuffisant, pour se moucher. Pour mieux me situer, je vous ai apporté un jour votre café. Il était trop froid à votre goût et vous me l’avez jeté à la tête. Je suppose que mon visage se dessine maintenant de façon encore floue dans votre mémoire. Pour plus de précisions, je suis roux (du côté de ma mère), les yeux marron (du côté du facteur), avec l’allure d’Alain Delon (mais de loin) et le charme de Sean Connery (dans le noir). Est-ce assez précis ? Revenons à nos moutons, même si j’y suis grandement allergique. Je suis actuellement en vacances en Tcherkovénie. C’était la seule destination étrangère accessible avec le maigre salaire que vous me versez malgré ma grande implication dans mon travail rébarbatif. En visitant la capitale, j’ai sympathisé avec une jeune femme prénommée Donalda qui m’a invité à un repas traditionnel dans sa famille. J’ai dégusté des moules vivantes en entrée et puis un plat de pieds de mouton aux algues. C’était plus étonnant que bon mais j’ai fait bonne figure et ai terminé mon assiette grâce au chien de la maison qui squattait sous ma chaise. Pour couronner le tout, j’ai dû partager mon verre de digestif (un alcool de corail pas piqué des vers, de vase bien entendu) avec Donalda. À la fin du repas, tout le monde était extrêmement joyeux et me félicitait en me broyant à tour de rôle, les phalanges de la main droite. J’ai pensé qu’ils ne devaient pas avoir vu beaucoup d’étrangers faire ainsi honneur à leurs plats trop locaux. Le lendemain matin, je fus étonné d’être sorti de mon sommeil par le maire de la ville, venu à ma rencontre à l’hôtel, afin de me faire signer des papiers. Un traducteur a pu m’expliquer que le repas de la veille était en fait une cérémonie de fiançailles et que le partage du verre d’alcool marquait mon accord pour le mariage. Il a fallu que je m’assoie pour ne pas défaillir. Je me suis enquis auprès du traducteur de la façon de me rétracter de mon engagement avec tact, en lui expliquant que je n’avais pas perçu toute l’implication de ce digestif indigeste partagé. Il me fit comprendre qu’il était risqué de faire marche arrière car Donalda fait partie d’une famille riche et puissante, membre actif de la pègre locale. J’ai bien envisagé de m’enfuir en écourtant mes vacances et en réintégrant plus rapidement mon poste, pour votre plus grande joie. Mais cela me fut fortement déconseillé sauf si j’avais la possibilité de changer d’identité et de faire une croix sur ma vie actuelle. Dans ce cas, j’aurais dû vous abandonner, ce que je ne peux envisager. C’est pourquoi, je dois attendre que les noces soient célébrées. Mais le mariage n’est programmé que le vingt-neuf septembre. En effet, il nous faut préalablement obtenir la bénédiction des divers clans tcherkovéniens et des membres de la famille de mes futurs beaux-parents, cela revient à parcourir le pays de long en large (heureusement qu’il ne fait que quinze mille mètres carrés). Vous comprendrez donc entre les lignes que je ne pourrais être de retour au premier septembre. Il va de soi que je ferai mon possible pour écourter le voyage de noces qui est censé durer un mois, selon la tradition locale, et ce, afin de concevoir rapidement un enfant. Je vous promets d’honorer mon épouse chaque jour afin d’être libéré de cette tâche qui est, je vous l’avoue, plus agréable que celle que vous me confiez. J’oubliais… il me faut acheter un costume et ma valise ne comporte que des shorts, des chemises à fleurs et un jean troué. Pourrais-je pousser le vice jusqu’à vous solliciter afin d’obtenir une avance sur mon salaire ? En retour, vous serez le parrain de notre premier enfant. Tout en vous remerciant de toute la sollicitude et la compréhension dont je ne doute que vous ferez preuve en lisant cette lettre, je vous prie d’agréer, Monsieur Dalors, mes excuses les plus plates (comme la poitrine de Donalda).
Alex Cusbidon
|
|