Minuscule ne rime pas avec ridicule (réponse au défi du 23/7)
Date 24-07-2016 19:30:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Tom Degroot s’était lancé dans l’arène politique juste après ses cinq années à l’ENA d’où il était sorti avec une grande distinction. Il avait intégré la Droite dont le programme se rapprochait de ses idéaux. Du haut de son double mètre, on ne remarquait que lui dans les meetings, les assemblées et les campagnes. Son affiche le représentait en capitaine de navire qui scrute l’horizon avec comme slogan « Je vois plus loin ! ». Lors des interviews, il défendait bec et ongles l’esprit d’entreprise, la combattivité, la nécessité de limiter les revenus des personnes à charge de la société pour les inciter à participer à la richesse du pays. Il stigmatisait les faibles et les « petits », les accusant de se complaire dans leur misère et leurs difficultés. Il aimait utiliser l’argument de sa grande taille pour justifier sa prise de recul et une vue d’ensemble du fonctionnement du système. Ce qu’il ne devinait pas, c’est qu’il avait fortement agacé une petite créature dont l’existence n’est révélée que dans les contes, une fée ! Et pas n’importe laquelle, la Fée Palemalin, sœur de la Fée Pachier. Un soir, elle s’introduisit dans la chambre de Tom et lui toucha la joue du bout des ailes. Le lendemain matin, le politicien se réveilla dans son lit devenu énorme et son pyjama démesuré. Il faillit presque mourir étouffé par le drap. Était-ce une caméra cachée ? Une mauvaise blague de partisans de la gauche ? Il fit un énorme bond en direction de la table de nuit où se trouvait son téléphone portable. Il sauta de touche en touche pour composer le numéro de son meilleur ami devenu son conseiller politique. Ne sachant quoi lui expliquer, il lui demanda de venir sur-le-champ en utilisant la clé cachée sous le nain de jardin au chapeau bleu. Luc entra et appela d’une voix inquiète son ami. – Je suis dans la chambre ! Il entra dans la pièce encore plongée dans la pénombre. – Allume la lampe s’il-te-plaît. Je suis dans le lit. – Tu es malade ? – Pas vraiment. Tu vas comprendre. La lumière éclaira une pièce apparemment vide. C’est là que Luc remarqua une petite chose qui s’agitait sur l’oreiller. Il s’approcha et reconnut son ami. – Mince ! T’as fondu ! – C’est peu de le dire ! Tu crois que c’est à cause du réchauffement climatique ? – Tu as mangé quoi hier soir ? – Un steak et des petits pois. – Trop petits les pois !! Et ils se mirent à rire nerveusement tous les deux. – Trêve de plaisanterie, tu crois que c’est réversible ? – On ne sait même pas ce que tu as ! Une microïte aigue ? J’espère que ce n’est pas contagieux. – Il faudrait que tu me trouves des vêtements à ma taille, on verra pour la suite. – OK, je prends quelle taille ? Puce ou micropuce ? Tu mesures combien ? Un bon pouce… Luc revint une heure plus tard avec une tenue de sport, un costume trois pièces, un T-shirt à fleurs et un bermuda. – Génial ! Tu as trouvé ça où ? – Au rayon jouet, ce sont les tenues de Kent. Ce mec fait du sport, va à des réceptions chiques et part en vacances. Mais il ne met pas de slip, désolé. Si tu veux, je peux t’arranger un rencart avec Barbie ! On a sympathisé. – Réfléchis plutôt pour la suite de ma campagne. Je ne suis plus crédible ainsi ! Les deux amis s’arrangèrent pour que les interviews se fassent en duplex avec un cameraman qui effectuait des gros plans et qui signait un contrat de confidentialité. Tom ne sortait plus de chez lui. Un plat surgelé lui faisait les repas de toute la semaine et un verre d’eau lui suffisait à titre de bain. Lors des rassemblements, le public ne voyait plus le candidat qu’à travers des écrans, ce qui attisa la curiosité des paparazzis. Ces derniers parvinrent à voler des images à travers les rideaux mal fermés de la maison du candidat. Le lendemain, les journaux à sensation titrèrent : « Plus petit qu’on ne le croit ! », « Où est passé le grand Tom ? », « Tom Pouce existe vraiment, il fait de la politique ! ». Le politicien fut obligé d’offrir une interview en direct sur la première chaîne nationale. Debout sur la table face à Anne-Claire Coudray, il commença son discours : – Mes chers concitoyens, me voici face à vous. Un matin il y a quelques semaines, je me suis réveillé avec cette taille. Au revoir mes deux mètres, bonjours mes dix centimètres. Je ne sais pas ce qui s’est passé mais cette expérience m’a transformé. Je vous annonce officiellement que je vais rejoindre le parti de Gauche. J’ai compris qu’il fallait défendre les plus faibles, les plus petits car je sais maintenant ce qu’ils ressentent. Faites-moi confiance, je reste à la hauteur ! C’est ainsi que Tom changea de parti et de campagne. On le vit sur une affiche avec un pouce levé qui avait la même taille que lui. Son discours portait sur la défense des handicapés, des malades et des enfants. Et c’est ainsi qu’il se hissa jusqu’au second tour des élections présidentielles. Son rival mesurant un mètre cinquante avec talonnettes, les journalistes évoquèrent « David contre Goliath ! ». Et comme dans la légende, gagna celui qui était le plus chétif. Pour fêter cela, Luc offrit deux boîtes de camembert à Tom. – Tu es la fusion de ces deux marques : Le Petit et Président ! Le nouveau dirigeant de la France tint ses promesses, à la grande surprise de ses concitoyens. Il devint ambassadeur des plus faibles et protecteur de l’enfance. Ses déplacements à l’intérieur de l’Elysée s’effectuaient en voiture télécommandée, il avait un couturier particulier et le mobilier fut adapté. Lors d’une conférence internationale sur les soins de santé, il convia les ministres chargés de cette mission dans les pays européens. Mal lui en prit car la ministre belge, Maggie De Block, s’assit par erreur sur un siège qui ne lui était pas destiné et écrasa le Président français. Les représailles furent vives entres les deux pays. Le Parlement français vota le boycott des frites et du chocolat belge et demanda la démission de la ministre fautive. Des funérailles nationales furent organisées et la France pleura pendant une semaine son président qui était devenu un grand homme en rapetissant.
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