Le repas
Date 16-07-2016 15:15:08 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Réponse au défi d'Arielleffe
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Marianne se donne un dernier coup de brosse dans les cheveux et termine son maquillage. Elle jette un œil à sa silhouette fine soulignée par une robe moulante, prend une grande inspiration et murmure un « C’est parti ! » devant son miroir pour se donner du courage. Quelques minutes plus tard, la sonnette de l’appartement résonne. Gérard ouvre la porte à ses parents, Joséphine et Albert, qui lui crient un retentissant : « Joyeux anniversaire gamin ! ». Sa mère lui remet un emballage arborant la forme d’une bouteille en lui posant un baiser bruyant sur la joue, avant de se diriger vers la salle à manger où Marianne termine de mettre les couverts. Des « bonjour » plutôt froids sont échangés. Gérard ajuste la position des couteaux et des verres pendant que sa mère refait le pliage des serviettes, ce qui agace visiblement la maîtresse de maison qui part s’engouffrer dans la cuisine. L’apéritif est pris autour de quelques chips et zakouskis qui sont dévorés par Gérard, sous l’œil admiratif de sa maman. – Tu as toujours adoré les biscuits salés et les chips. Tu te souviens au mariage de Tante Martine… Et c’est parti pour vingt minutes d’anecdotes surannées, ressassées chaque année et qui ne fait plus rire Marianne depuis bien longtemps. Le plat est le traditionnel cassoulet. La cuisinière a droit aux reproches habituels : « Tu mets de trop gros morceaux de viande, il n’y pas assez d’haricots, ton lard n’est pas assez gras, c’est fade, etc.» Albert se sert pourtant avec bon appétit et en profite pour vider la bouteille de vin. Il termine le repas en somnolant sur sa chaise et en émettant de légers ronflements. Marianne ne traîne pas à enchaîner avec le dessert : un magnifique gâteau au chocolat. Elle coupe de belles parts qu’elle sert à ses invités. Le cliquetis de la petite cuillère déposée sur l’assiette sort beau-papa de ses rêves.
– Tu n’en manges pas ? remarque belle-maman. – Non, je n’ai plus faim et je fais attention à ma ligne. – Oh, tu sais, à ton âge, ce n’est plus important ! Mon Albert aime bien que j’ai des formes. Ce n’est pas très joli de ressembler à une planche à repasser. – Personnellement je préfère ressembler à une sole qu’à une baleine !
Les assiettes vides et les verres de mousseux terminés, Marianne se lève d’un bond et prend la parole de manière solennelle. Des yeux ronds se lèvent vers elle.
– Bon, il faut que je vous livre mon discours. Gérard, comme c’est ta fête, j’en profite.Je dois t’avouer ne plus te supporter. J’en ai marre de tes tics, tes tocs et tes ronflements. Tu as de qui tenir évidemment ! Je ne t’aime plus et vous, beaux-parents, je ne vous ai jamais aimés. Ce plat que vous adorez tant vous ressemble : il est vulgaire et gras. Je pars avec mon prof de mandarin. Même avec ses petits yeux bridés et son strabisme, il a remarqué mes efforts pour rester svelte et il me complimente, ce dont tu es devenu incapable depuis plusieurs années. Les enfants ont quitté le nid, je ne suis donc plus obligée de faire bonne figure. Ton cadeau est mon départ, tu pourras ainsi tout agencer à ta guise. Je prends mes clics et mes clacs. Adieu les maniaques !
La future ex-maîtresse de maison sort de la pièce mais revient aussitôt en ajoutant :
– Ah oui, j’ai oublié un détail : comme vous m’avez fait chier toutes ces années, j’ai mis un puissant laxatif dans le gâteau. Ainsi, nous sommes quittes.
Enfin libre, Marianne prend ses valises cachées dans le placard de l’entrée et sort de l’appartement en claquant bruyamment la porte.
Les convives se regardent, médusés, lorsque des gargouillis intestinaux rompent le silence pesant. Se pose alors une question cruciale, voire vitale : qui sera le premier à atteindre la seule et unique toilette ?
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