Secret révélé chapitre 2
Date 23-05-2016 09:03:27 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Chapitre 2 :
Je suis Émilie Rosa, une chercheuse qui travaille pour Emmerich Golbez. Je crois que mon supérieur hiérarchique est un savant fou. Je ne peux pas intervenir activement contre les réalisations de mon chef pour le moment, car il risquerait d’entrer dans une colère noire s’il apprenait que je m’opposais à ses projets. Et puis je ne veux pas finir comme cobaye ou pire. En effet Emmerich croit que son manège n’est pas passé inaperçu, mais il faudrait être aveugle pour ne pas le soupçonner d’avoir organisé la déchéance de certains chercheurs. Je manque de preuves directes contre lui, et il est apprécié par le général de la base, donc je suis pour l’instant dans l’incapacité de faire virer Golbez. Mais cela ne m’empêche pas de travailler à la perte du fou. Il n’est pas le premier à travailler sur des microbes dans un but offensif, à vouloir transformer des virus en armes de guerre. De plus je dois avouer qu’il dispose de connaissances solides en médecine humaine, et en biologie. Néanmoins il a un côté mégalomane qui laisse présager le pire, j’ai peur qu’un jour il ne retourne ses créations contre sa propre nation. Surtout que lui et l’éthique cela fait deux. Non seulement j’ai appris qu’il était volontaire pour utiliser comme cobayes des prisonniers de guerre non consentants, mais qu’il était un des initiateurs d’un système dégueulasse et inhumain. Il fut conseiller auprès des autorités pour la mise en place de la loi de rentabilisation des détenus terroristes. Et il insista lourdement sur la nécessité de ne pas s’encombrer de scrupules avec les prisonniers de mon pays. Qu’il fallait inclure les auteurs d’attentats et leurs soutiens, mais aussi des activistes innocents. Par exemple une féministe qui protestait de manière virulente contre le président actuel, méritait sous certaines circonstances de figurer comme cobaye. Il s’agit d’un projet complètement démentiel, pourtant Emmerich non seulement l’a applaudi, mais il a contribué à son officialisation.
Je parais peut-être jalouse parce que Golbez mène une carrière plus prometteuse que moi, que je stagne au poste de chercheuse depuis cinq années. Cependant il est tout de même un danger pour son pays, une menace potentielle puissante. Surtout qu’il semble aimer trahir en échange d’un profit puissant. Par exemple il a violé le serment d’Hippocrate, bien qu’il ait suivi une formation de médecin. Il a ouvertement causé des souffrances physiques importantes avec ses expériences sur des gens. Et le pire était qu’il ne cherchait pas à soulager sur le long terme, mais à perfectionner des armes biologiques. Et s’il n’y avait que cela, mais non Emmerich a toute une collection de promesses bafouées. Il a révélé des informations intimes sur des personnes avec qui il a fait semblant de se lier par amitié ou amour pour mieux provoquer la chute de rivaux. Et pourtant cela fait plusieurs années que des hautes personnalités politiques caressent Golbez dans le sens du poil, lui montrent un bon niveau d’estime. J’ose à peine imaginer comment Emmerich réagira si une alternance s’opère à l’échelle du gouvernement, qu’il passe de chaudement félicité à moins bien considéré. Il risque d’entrer dans un état de fureur continue, de perdre la raison, ou du moins d’opérer une série de vengeances particulièrement dévastatrices. Ce ne sera d’ailleurs pas son premier coup d’éclat en matière de représailles, je le soupçonne d’avoir répandu la maladie sur ses anciens collègues d’université. J’admets que mon ressentiment contre Golbez s’appuie probablement en partie sur de la colère à son égard. Je supporte difficilement ses propos machistes, toutefois j’analyse aussi la situation de façon logique. Or vu qu’Emmerich est un spécialiste du coup en traître, lui confier de hautes responsabilités sur le plan militaire revient à s’adonner à un jeu particulièrement dangereux.
S’intéresser à la perte de Golbez pourrait me valoir des ennuis prodigieux. En effet en creusant bien, en enquêtant avec minutie, il pourrait déterrer des éléments capables de m’envoyer en prison. Il a un haut niveau d’accréditation, donc il a accès à des réseaux de renseignements développés. En théorie il n’a pas le droit de mener de recherches pour son compte personnel, mais d’après ce que j’ai compris il a soudoyé quelqu’un aux renseignements militaires pour disposer de puissants moyens d’enquête. Ainsi il a pu évincer plusieurs de mes collègues, pour le crime d’avoir exprimé lors de manifestations des opinions hostiles à la politique gouvernementale. Moi-même je suis une féministe plutôt énergique, cependant je prends la précaution de mettre un masque lors des réunions et des défilés dans la rue. Toutefois ce type de précaution ne garantit pas une protection totale contre les investigations, en relevant des empreintes digitales, en épluchant mon emploi du temps et en interrogeant des connaissances à moi, il devrait être possible de découvrir mes activités féministes. Dans mon pays, les femmes ont toujours le droit de vote, et peuvent encore travailler dans l’armée et la police. Néanmoins des politiques opportunistes ont décidé de classer certaines associations de défense de l’égalité des sexes comme des organisations terroristes. Ils ont mis à jour la prétendue conspiration des féministes, user de faux documents et de témoignages mensongers pour affirmer que des partisantes de l’égalité désiraient instaurer une dictature où les femmes domineraient. Certes il est vrai qu’une minorité très restreinte de femmes pensent que leurs semblables sont supérieures aux hommes, mais il s’agit d’une portion tellement ténue qu’elle doit se chiffrer dans mon pays à tout au plus quelques centaines de personnes et encore.
Et le côté navrant de Golbez ne se limite pas seulement aux femmes, il a d’autres cibles attitrées notamment les noirs et les homosexuels. Il a contribué à une vraie purge dans les rangs de la base sur beaucoup de malheureux, sous prétexte que la couleur de leur peau et leur orientation sexuelle lui déplaisaient. Emmerich a été appuyé dans ses délires navrants par la loi K, un projet législatif honteux qui s’appuie sur de pseudo-études scientifiques et d’autres preuves fabriquées pour justifier un comportement homophobe et raciste contre les noirs. Je ne sais pas si c’est par calcul politique ou par conviction que Golbez se montre souvent hostile avec les non-blancs et les non-hétérosexuels. Il y a sans doute un mélange de ces deux facteurs. Même s’il est sincèrement répugnant, je pense qu’il agit aussi sur le terrain de la haine par carriérisme, volonté de monter plus rapidement dans la hiérarchie. Plus je connais Emmerich, plus je me dis qu’il est urgent de se débarrasser de lui. Problème je piétine actuellement pour trouver un prétexte solide. Je pourrais organiser une coalition de victimes, et fomenter un complot vicieux pour le faire chuter. Cependant je préfère m’appuyer davantage sur la vérité plutôt que le mensonge pour causer la déchéance de Golbez. J’en demande peut-être beaucoup, et chaque jour où Emmerich reste en place signifie une hausse du nombre de ses victimes. Toutefois je tiens à rester fidèle à certains principes. Si j’emploie les mêmes méthodes que l’ennemi, je ne vaudrais sans doute pas mieux que lui. Bien sûr cela a un côté frustrant, et ronger son frein, attendre une occasion favorable me porte sur les nerfs. Mais la patience est nécessaire pour récolter des preuves solides et, empêcher un individu protégé par des puissants d’échapper à la justice.
J’ai quand même espoir d’arriver à quelque chose de positif pour contrer Golbez. Son train de vie me parait assez suspect, il doit se livrer à des trafics pour augmenter ses revenus. Je ne pense pas qu’il vende ses connaissances sur les microbes à d’autres camps. Mais il doit quand même plonger dans des activités illégales. Alors pour le démasquer, je vais recourir à un capteur de sons, une machine capable de faire entendre et d’enregistrer une conversation à plusieurs centaines de mètres de distance. J’ai obtenu en jouant de mes relations du matériel de pointe en matière d’écoute qui surpasse les outils standards de la police. J’espère bien ainsi parvenir à piéger durablement Emmerich. J’enverrais ensuite les preuves collectées à un journal anti-militaire. Une étoile montante chez les scientifiques de l’armée qui se livre à des trafics peu recommandables, cela devrait faire couler beaucoup d’encre et causer une vive polémique. Même si les pacifistes sont de plus en plus pointés du doigt dans mon pays, il y a encore des contestataires engagés contre les abus de l’armée. J’ai souvent honte de travailler pour les institutions militaires, mais je n’ai pas trop le choix. Ma famille était trop pauvre pour me payer des études longues, alors j’ai dû signer un contrat me liant à l’armée pendant dix ans, en échange d’une bourse. Je prends des risques, si je tenais à ma carrière, j’aurais dû attendre de finir mon engagement militaire et de trouver un autre employeur avant d’essayer de lancer un scandale contre Golbez. Mais par moment il est nécessaire d’aller jusqu’au bout de ses convictions pour se sentir bien. Or plus je fréquente Emmerich, plus j’ai honte d’attendre. Moins je suis porté à la patience à son égard, ses vantardises, son machisme et son nationalisme fanatique me tapent sur le système, m’énervent au plus haut point.
Dès que j’ai atteint le stade de l’adolescence, j’ai méprisé souvent les chefs influents de l’armée de mon pays. Beaucoup de dirigeants militaires de ma nation ont saboté les initiatives visant à renforcer l’ONU, ou à la création d’une armée mondiale digne de ce nom, tout cela pour préserver des intérêts politiques fanatiques. Alors j’ai conçu une certaine défiance à l’égard des généraux et d’autres hauts gradés de ma nation. Cependant mes options d’étude s’avéraient vraiment très limitées, alors j’ai fait une sorte de pacte avec le démon. Je conçois qu’il existe des soldats dévoués envers les gens simples, qui œuvrent pour le bien commun. Toutefois l’armée obéit bien plus au principe de hiérarchie que de démocratie. Les chefs puissants de mon pays peuvent jouer avec le destin politique de citoyens à l’échelle d’un continent en se montrant éloquents. Surtout qu’il existe des dirigeants de l’ombre qui n’ont pas de compte à rendre aux électeurs, il s’agit des personnalités de certaines multinationales. J’ai l’intime conviction que certaines guerres livrées par l’armée de ma nation, ont été commanditées par des gros actionnaires, et non la nécessité de lutter contre le terrorisme. Cependant j’ai été forcée de me joindre à une institution qui me semble néfaste. Je tenais absolument à concevoir des vaccins. Or le seul appui efficace pour mes rêves se limitait à l’armée. Il existe bien quelques bourses d’excellence pour récompenser les meilleurs élèves, mais elles sont réservées à une élite intellectuelle dont la moyenne générale surpasse le dix-huit sur vingt. Ceux qui rétorquent qu’à force de travail et de motivation, il est possible d’atteindre le plus haut niveau, oublient deux ou trois choses. Des centaines voire des milliers de gens visent le sommet dans les domaines artistiques, politiques, économiques et intellectuels mais généralement ils doivent faire des compromis avec leurs ambitions. Ainsi est la vie, entre le rêve et la réalité il y a très souvent un décalage important. Je ne dis pas que l’effort est inutile, je précise juste que par moment les circonstances sont plus fortes que la volonté.
D’ailleurs une personne seule n’arrive pas à grand-chose. Il faut fréquemment un soutien moral, financier, logistique pour concrétiser de grandes ambitions. Ainsi en collaborant avec l’armée j’ai pu améliorer les vaccins contre la grippe, et mener quelques projets personnels qui m’ont beaucoup plu. Mais j’ai aussi dû gérer un certain ressentiment de la part d’amis, qui n’appréciaient pas que je pactise avec ce qu’ils qualifiaient d’organisation dégénérée et corrompue. Par contre ma famille a plutôt accepté mes choix d’étude, j’ai même été chaudement félicité par mon père et ma mère. Néanmoins je garde par moment de l’amertume de mon choix de m’allier avec des militaires. Certes je ne fabrique pas des armes ou tuent des innocents pour l’argent, mais je collabore à la gloire d’une institution avec de gros défauts. Dans mon pays, il y a des dizaines de partis qui existent mais seules deux instances politiques majeures ont assez de moyens et de relations pour exercer à tour de rôle le pouvoir. Et franchement je trouve que les deux organisations qui s’opposent pour le contrôle de ma nation se ressemblent assez sur de nombreux points. Peu importe le bord du président, il maintient depuis plusieurs décennies une sécurité sociale faible, pour ne pas dire pathétique, un système scolaire qui favorise de graves inégalités, et une armée avec un budget colossal. Bien sûr il y a des variations entre certains candidats, et la justice nationale me semble plus efficace qu’il y a un siècle. Mais entre les deux grandes tendances dominantes de la vie politique de ma nation, il y a sur beaucoup de sujets de nombreux points de concordance et d’union. Je ne dis pas que la politique c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Toutefois les gros partis de mon pays me semblent bien plus proches des riches que des pauvres.
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