Léo " Fin. "

Date 22-08-2015 15:11:06 | Catégorie : Nouvelles confirmées


"Il ne me fallut finalement qu’une seule semaine pour rassembler mes poèmes et ainsi tenir entre mes mains mon premier recueil. Quelques jours entiers, mais aussi des morceaux de nuits, enfermés dans mon bureau.
Et puis, les vacances de la Toussaint sont arrivées.
Nous eûmes envie de partir. Loin. Comme un besoin d’océan.
Au dernier moment, nous avons trouvé une location en Vendée.
Le soleil fut au rendez-vous et les températures incroyablement douces pour la saison. Alors que les filles profitaient de la baignade, je restais sur la plage désertée, aux côtés de ma femme. Rêveur et plus serein, je la trouvais jolie.
Lentement, patiemment, elle me reconnut. Et peu à peu, nous nous retrouvâmes enfin.
Je restais assis pendant des heures à écouter ou regarder les vagues, bien incapable encore de pouvoir m’accrocher aux pages d’un quelconque livre. Je ressentis le soleil, le vent et les embruns. Doucement, je m’éveillé d’un long somme aux bois dormants, comme on revient d’une lancinante léthargie.
Je prenais le temps de ressasser ce que j’avais pu entendre ou lire.
Je m’agrippais à tous les mots.
La dépression n’était qu’un trou. Un trou d’où l’on ressortait un jour.
Peut-être n’était-il qu’une chance que jamais les idiots ne sauraient connaître ?
Cette sensibilité et ses inconforts restaient à priori le privilège des natures riches, qui, d’un enseignement douloureux, finissaient pas s’ouvrir à un peu plus de lumière ou de paix.
Un jour, forcément, j’allais en ressortir plus heureux que jamais, les yeux décillés et le cœur plus vibrant.

Une fois par mois désormais, j’allais vomir ma vie dans le cabinet du psychiatre. J’en ressortais plus léger, détenant quelques espoirs, mais aussi quelques clefs.
Cependant, il me fallait trouver un nouveau projet. De l’écriture encore.
Mais quoi ? Je n’avais que ma vie, ses secrets et ses peines.
N’était-il pas temps d’en mesurer ses contrecoups, de s’y arrêter un peu, et tenter si possible, d’en tourner quelques pages ?
Je m’y suis attelé et, aujourd’hui encore, m’y cramponne, pour d’ultimes instants et quelques derniers mots.
Noël est revenu. Si superflu. Je ne m’en souviens pas. A cause peut-être des médicaments.
Je ne pensais plus qu’à écrire, encore et encore. Je me remplissais d’une frénésie de mots, de flots hémorragiques. Mais voilà, j’étais vivant. Sauvé peut-être.
Il y avait des hauts, peut-être un peu trop haut parfois, euphoriques, mais aussi ces bas, je crois, déjà un peu moins bas. Comme par superstition, je n’osais pas dire que j’avais le sentiment de guérir un peu.
Je me demandais, si, au sortir de ce tunnel, ce qui semblait s’acquérir ou se reprendre, finalement, s’acquérait durablement. Je voulais le voir ainsi.
Bien sûr, il y avait encore ces moments de vide intense et le silence. Ma peur aussi, quand je me retrouvais seul. Mais de plus en plus, je me sentais entier.
Chaque jour je me libérais un peu plus en écrivant, ce que jamais je n’avais osé dire. En quelque sorte, mon impudeur me soutenait.
Le printemps est revenu.
Une petite maison d’édition publia mon recueil. Ce n’était rien, mais j’étais fier.
Puis, petit à petit j’ai regagné mon jardin. J’ai constaté l’ampleur de l’abandon, des dégâts occasionnés par cette absence. Comme s’ils avaient été responsables de tous mes maux, j’ai sévèrement rabattu les framboisiers. Après, j’ai retourné la terre.
Je sentais cette autre saison.
Le 18 juin, j’eus quarante ans. Le psychiatre me congédia. J’étais alors hors du trou.
Mes proches étaient là pour moi, presque comme avant. J’étais parfaitement vivant.
Manquant, occasionnellement inconsistant ou incomplet, parfois avec ma culpabilité de vivre encore, mais toujours là, capable de faire l’inventaire de tout ce que je voulais à présent solidement incarner.
Je comprenais aussi que je ne serai plus jamais ce type lisse, qu’apriori tout le monde semblait apprécier. Je ne serai plus non plus celui qui s’acharnait à vouloir plaire à tout le monde, s’assurant ainsi de prendre le parti finalement de ne plaire à personne en particulier.
Désormais, je laisserai les gens désireux s’approcher vraiment de moi. Ils auront le loisir de me connaître parfaitement, et peut-être aussi de m’apprécier tout simplement.
Je renoncerai enfin à cet adage qui soutient que « pour vivre heureux, il faut vivre caché ».
Je donnerai à présent la chance à ceux qui le souhaitent de me trouver vraiment, et m’autoriserai même, éventuellement, à déplaire tout aussi fortement.
Aussi, je tenterai de me moquer des jugements, de ceux qui n’auront pas su reconnaître le courage qu’il m’a fallut pour délivrer tous ces mots.
J’avais compris.
Il demeurait des millions de façon d’être un homme.
Probablement, autant qu’il en existe.
Assurément, jamais plus, je ne me comparerai."




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