
Ruine VI
Date 22-06-2015 11:59:52 | Catégorie : Poèmes confirmés
| Pourquoi choisir les ruines ? Pourquoi pas les parcs, les monuments, les fêtes ? Pourquoi, en toute dernière analyse, Ne pas choisir d’avoir ce petit sourire au coin des lèvres Et dire : « Eh ! Je blaguais ! » Pourquoi ne pas faire, comme le monde entier, Le choix du mensonge ? Pourquoi s’ s’attacher au plaisir des larmes de joie et de douleur mêlées Qui sont la seule rançon de Retiens ton souffle de peur que ce ne soit lui qui te retienne Le petit chien a l’air d’un mouton Il a l’expression bornée et sympathique Qu’ont les animaux domestiques qui sont de bonne compagnie Mais n’en ont pas moins un sacré caractère Pisser sur le mur où tant d’autres de ses pairs ont pissé avant lui Semble lui apporter un plaisir Où l’immédiateté le dispute à la malice Le mur s’arrête après un mètre dix-neuf de course poétique Vers ce ciel qui n’est un but que pour les fous et les oiseaux Lui seul a été détruit C’est une destruction sélective Ni le chien ni sa maîtresse ne savent à quoi ce bâtiment a pu servir autrefois A l’évidence il était alors moins poétique à regarder qu’il ne l’est à présent Quel fouillis d’herbes folles sur sa carcasse ! Quel tableau ses fenêtres brisées dont les restes de verre font des angles étranges Où peut entrer la lumière Le mystère de ses entrailles où, quelque part, gît la photographie en noir et blanc D’une équipe inconnue, gens souriants, un jour d’été, à l’appareil photo Figés désormais au milieu des gravats Un bout de joie collective Tous les petits détails qui disent les vies derrière les visages et les uniformes Oubliés sur le sol, tombés là par hasard Comme il en va de tous les souvenirs qui n’ont plus d’importance pour personne Choisir les ruines c’est accepter que le chemin ne soit qu’un paradoxe Celui-là qui mène des lieux perdus au fond de la mémoire à d’autres nulle part Sans pour autant oublier d’apprécier, à chaque instant, Le bruit des pas sur le verre brisé des décombres En fait, on ne choisit pas les ruines Ce sont elles qui nous choisissent.
Ruine VI
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