Contrôle fiscal
Date 14-06-2015 18:30:48 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Réponse au défi de la semaine :
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Les yeux encore embrumés par le sommeil, Lucie se rend à sa boîte aux lettres. Elle ramasse une carte postale et une enveloppe. Le paysage méditerranéen figé sur le carton lui fait esquisser un sourire. Son amie Eléonore la salue depuis son lieu de vacances. Les mots «soleil », « mer bleue », « bronzage » et « farniente » la font s’évader quelques instants. Encore deux semaines au turbin et ce sera à son tour d’envoyer des cartes postales qui feront baver d’envie ses amies. Bien que La Panne fasse moins rêver que Saint-Tropez mais chacun compose avec son budget. Dans ses évocations, ce sera sûrement plutôt « ondée », « petit vent frais », « moules frites » et « kwistax » mais tant pis !
Elle ouvre l’enveloppe et découvre une lettre à l’en-tête de l’administration fiscale. Un petit pincement vient lui chatouiller le creux de l’estomac. Elle apprend qu’un contrôleur passera le lundi suivant afin d’effectuer quelques vérifications. Il lui faut préparer ses extraits de compte, qu’ils soient nationaux ou à l’étranger, le cas éventuel, ses fiches de paie et toutes ses factures.
La trentenaire émet un long soupir et s’assied. Elle n’a pas grand-chose à cacher à part ses prestations sporadiques en tant que gogo danseuse quelques vendredis ou samedis par mois, bien loin de son boulot de gratte-papier. Le patron ne la déclare pas, ce qui les arrange tous les deux ; pas de cotisations sociales pour lui et pas de plafond imposable dépassé pour elle. Cette rentrée financière lui permet juste d’arrondir ses fins de mois grâce à ses quelques rondeurs de fesses et de joindre les deux bouts grâce à celui, érectile, des clients qui lui glissent des petites coupures dans le string. Il lui est même arrivé de recevoir un poème par ce biais, ou plutôt par un billet plus doux que de banque. Et c’était Arthur ! Les mots couchés sur le papier l’ont touchée droit au cœur et l’ont amenée s’intéresser à lui. Leur relation est encore fragile et ils apprennent à se connaître.
Voici le lundi arriver, Lucie a préparé tous ses justificatifs sur la table de la salle à manger. L’interphone de l’entrée retentit. Son cœur cesse de battre un quart de seconde avant qu’elle aille déclencher l’interrupteur en lançant « Deuxième étage, première porte à droite. » sans recevoir de réponse. Et si elle venait d’ouvrir à un malfrat qui sonne chez tout le monde dans l’espoir de pénétrer dans l’immeuble pour y perpétrer un quelconque méfait. Et elle qui vient de lui dire où elle se trouve. On frappe à la porte. Un coup d’œil à travers le judas l’informe qu’une femme est de l’autre côté. Elle a bien le look d’une inspectrice des finances avec son chignon serré et son tailleur strict, pas celui d’une malfaitrice… bien que la différence soit ténue.
Lucie lui ouvre et sert son sourire le plus jovial. Sans répondre ni à son bonjour ni à sa poignée de main, la dame se présente comme « Madame Joubert, inspectrice en chef au sein du Service Public Fédéral, service des recettes. »
– Cela tombe bien, j’adore cuisiner ! lance Lucie, non sans malice.
Sa blague ne déride nullement la dame âgée d’une bonne cinquantaine d’années et dont les petits yeux perçants créent une impression de malaise chez son interlocuteur.
La jeune femme lui désigne le tas de paperasses qui jonche sa table. Mais l’inspectrice semble préférer s’intéresser à la décoration d’intérieur.
– Vous avez de jolis tableaux. Et ces masques africains, ils sont d’origine ? – Je ne sais pas. Tout provient de la brocante estivale du Risquons-Tout. Je n’ai pas demandé leurs pédigrées aux vendeurs. Je le ferai la prochaine fois que je chine. Promis ! – Et le cabriolet devant l’immeuble, il vous appartient si je ne m’abuse. – Vous avez bien mené votre enquête, on ne peut rien vous cacher. Mais ce n’est qu’une Fiat 500. On est loin de la Ferrari ou de la Porsche… à mon grand regret.
La dame au chignon épluche avec soin les extraits de compte classés par ordre chronologique après des fouilles quasi archéologiques effectuées la veille.
– Vous ne faites par beaucoup de shopping. C’est assez étonnant pour une jeune femme comme vous. On vous entretient ? – J’avoue que je prends soin de ma carrosserie. – Vous détournez ma question. Avez-vous un homme… ou une femme dans votre vie ? – Euh… c’est plutôt intime comme question et je n’en vois pas la pertinence. – Vous ne devez rien me cacher. – Si vous le désirez, je peux vous faire un striptease là , tout de suite ! – Ne soyez pas insolente, cela pourrait vous coûter cher. Alors, répondez-moi. – J’ai des relations. – Je ne crains rien et ne suis pas corrompue. – Là , c’est vous qui vous méprenez. J’entretiens des relations. – Plusieurs relations ? – Oui. – Vous êtes donc volage. – Et pourquoi pas nymphomane aussi ? Sachez que mes relations sont toujours avec le même homme. – Ah, je préfère cela. Et comment se prénomme-t-il ? – Arthur. Quel est le lien avec cette inspection ? – C’est la relation que MOI j’entretiens avec Arthur. – Quoi ! Il a une double vie ? Vous êtes sa femme ? Il semble aimer les femmes mûres, et c’est un euphémisme ! Ça alors ! C’est pour cela que vous souhaitiez me rencontrer ? – J’avoue que je voulais vous connaître. – Voilà c’est chose faite. Il va falloir qu’il choisisse entre nous deux maintenant, entre la viande fraîche et la faisandée ! Moi qui le croyais différent. De toute façon, je considère son attitude comme inacceptable et irrespectueuse. Je ne veux même plus avoir affaire à lui. Lucie éclate en sanglots, les larmes coulent, mélange de déception, de colère et de jalousie. Madame Joubert s’approche, son visage s’attendrit. Elle pose une main dans le dos de Lucie et l’autre sur son épaule. – Calmez-vous… je voulais juste vérifier si vous le méritiez. – Pourquoi ? Vous cherchiez une raison valable de divorcer ? – Arthur n’est ni mon mari ni mon amant. C’est mon fils !
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