Copie conforme
Date 14-05-2015 15:41:46 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Réponse au défi de Donald :
http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=8753#forumpost8753
Nous sommes la veille de la fête des mères et j’arpente nonchalamment les allées du marché hebdomadaire à la recherche d’un joli bouquet fleuri. Je me faufile à travers la foule dense, me rappelant pourquoi je ne viens jamais ici. En dépassant une petite mamie toute courbée sur sa tribune, je me retrouve face à une jeune fille. Mes yeux croisent les siens qui deviennent fuyants. Une sensation étrange m’envahit soudain. Je sais que je ne suis nullement physionomiste mais là , son visage m’est sans conteste bien connu car on dirait le mien. J’eus un court instant l’impression d’avoir fait face à un miroir, comme je le fais chaque matin dans ma salle de bain, sauf que, là , je ne suis pas nue ! Je me retourne et mon clone n’est plus dans mon champ de vision, avalé par la foule d’inconnus. Je me précipite dans la direction où mon double a disparu. Il faut que j’en aie le cœur net. Je me faufile, avec un peu de violence parfois, entre les badauds locaux et d’outre-frontière. Une chevelure brune attachée en queue de cheval et qui adopte une allure équine, ce doit être elle. Je presse le pas et crie « Mademoiselle, attendez, s’il-vous –plaît ! ». Mais ma requête lui fait accélérer la cadence. Je finis au pas de course et l’attrape par l’épaule. Elle s’arrête enfin et se retourne.
Je n’ai donc pas rêvé, elle est mon parfait sosie. Tout de suite, une foule d’hypothèses me traversent l’esprit. Mes parents m’auraient-ils caché une jumelle, maléfique si cela se trouve ? Mon père aurait-il fauté, à moins qu’il ait été donneur de sperme sans que je le sache ? La nature aurait-elle manqué d’imagination et repris un modèle existant ? Troublée, j’entame la conversation en bégayant :
– Bon… bonjour. Je… enfin… c’est trop bizarre !
La jeune femme baisse les yeux et rougit. J’ai donc l’occasion de détailler les traits de son visage. À part quelques cicatrices qui me sont propres, c’est mon portrait craché. Je continue.
– Vous avez remarquez notre ressemblance, je suppose ? C’est troublant, vous ne trouvez pas ? – Non.
Non ?! Elle rigole de moi ? Elle continue à fuir mon regard et je déteste cette attitude. A-t-elle quelque chose à cacher ? Elle semble avoir la réponse à mon interrogation mais se refuse à me livrer la vérité.
– Regardez-moi, je vous en prie.
Elle s’exécute péniblement, comme si soutenir mon regard lui était la chose la plus difficile au monde.
– Vous constatez que l’on est pareilles… – Oui, un peu. – Plus qu’un peu ! J’ai l’impression d’être devant mon miroir. – Je suis désolée !
Sa phrase me laisse perplexe. De quoi s’excuse-t-elle ? De m’avoir caché son existence de jumelle ? D’appeler mon père « papa » en cachette ? Ou pour Mère Nature qui a manqué d’imagination ?
– Pourquoi êtes-vous désolée ? Vous avez une explication ? Moi, je suis perdue… – Je suis votre plus grande fan !
Là , mes yeux se transforment en boules de billard, ma bouche devient béante malgré moi me donnant un air ahuri. Comprenant implicitement que j'attends une quelconque explication, mon double se met à table :
– J'ai vu le reportage à la télé suite à la sortie de votre roman "Haut les mains !" et depuis je rêve de devenir… vous ! Vous aviez l'air si à l'aise, sûre de vous et vous êtes si jolie. J'ai toujours rêvé d'écrire un livre à succès. – Je suis loin d'être célèbre pourtant. Mon succès fut très relatif, vous savez. Mais comment avez-vous fait pour obtenir cette ressemblance ? – Avec de la chirurgie esthétique, une coloration des cheveux, des lentilles, un bon régime et le tour est joué. Je savais que vous détestiez le marché et je n'étais pas censée vous y croiser. – Là , c'est moi qui suis désolée… Et, vous avez vu un psy récemment ? – Non, pourquoi ? Je me sens beaucoup mieux depuis que je suis… vous.
Là , mon cerveau se déconnecte quelques secondes de la réalité. J'ai l’impression de rêver, ou plutôt de cauchemarder. Discrètement, je me pince la fesse droite. La douleur vive me signifie que je suis bien éveillée et consciente. Bon, je décide de prendre cela comme un comportement flatteur. Qui aurait cru un jour que j'aurais une fan ?
– Et comment vous appelez-vous ? – Joséphine. – C'est de naissance ou il y a eu aussi de la chirurgie sur votre prénom ? – J'ai payé cinq cents euros pour le modifier. Mes parents m'ont prénommée Gertrude. – Là , vous avez en effet gagné au change ! Allez, je vous invite boire un café.
Malicieusement, je l’amène jusque chez ma mère. Lorsque celle-ci nous ouvre, son regard passe de mon visage à celui de mon invitée avec des points d’interrogation dans les yeux. C’est avec amusement que je lui demande :
– Tu nous offres un café, Maman ?
Nous pénétrons jusqu’au salon avant qu’elle ne prenne la parole.
– Ce n’est pas Halloween ! Je ne comprends pas. Tu veux que j’aie une attaque ?
Elle détaille les traits de Gertrude comme si elle était plus poupée de cire que personne.
– C’est incroyable ! On ne voit même pas que c’est un masque. Du beau travail !
J’éclate de rire face à l’embarras de Gertrude.
– Mais non ! Ce n’est pas un masque. Elle a voulu sciemment me ressembler grâce à la chirurgie. Du coup, je ne suis plus fille unique… dans tous les sens du terme. Je te présente Joséphine II, enfin Gertrude pour les intimes. – Enchantée. Vous voulez un petit café ?
Autour de nos boissons fumantes, Gertrude explique à nouveau sa démarche et toute l’admiration qu’elle me voue. Je ne peux nier que mon ego se gonfle, enfle jusqu’à être au bord de l’explosion.
Finalement, ma plus grande fan est devenue ma meilleure amie. Peu à peu, elle a laissé la nature reprendre ses droits. Ses cheveux ont repris leur couleur rousse, les lentilles ont fini dans la poubelle et elle a pris quelques kilos. Nous nous sommes amusées à écrire un roman à deux. Il n’a eu qu’un succès mitigé mais il lui a permis de passer à la télé, à son tour !
|
|