Mémoires d'un Enfant des Ages Obscurs, suite 5 :
Date 14-04-2015 12:21:08 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| - Bon, tu peux rejoindre les autres, à présent. ». Dès lors, Nathanÿel s'est comporté comme si notre entretien n'avait pas eu lieu. Il s'est mis en mouvement. Il a zigzagué avec vivacité entre ses camarades. Il s'est dirigé vers le seuil du corridor débouchant sur les salles de classe. Il a évité des groupes de gamins trop excités ou trop bruyants. Il en a esquivé d'autres trop denses. Il en a repéré qui l'examinaient avec méfiance ou hostilité. Et il les a abruptement contourné. Puis, en faisant mine de ne heurter personne, il s'est engouffré dans le couloir. Et, il a disparu. De mon coté, je me suis précipité vers la salle des professeurs. Je n'avais que quelques minutes, et tant à faire. J'ai écarté les écoliers qui progressaient trop lentement à mon goût. Je les ai invité à regagner leurs cours au plus vite. Deux ou trois ont grogné un vague « oui, Maître » J'en ai aperçu un autre qui a murmuré « pauvre con ». Mais je ne l'ai pas apostrophé. J'ai songé : « Ça se réglera plus tard. ». J'ai, à mon tour, poussé jusqu'au seuil de l'allée couverte. Je l'ai longée sur quelques mètres. J'ai entrevu ses murs blancs défraîchis et fissurés. J'ai cerné ses appliques grillagées, poussiéreuses et constellées de toiles d'araignées. Je suis arrivé devant la porte donnant accès à la salle des professeurs. J'ai posément manié son loquet. En l'ouvrant, j'ai remarqué sa vitre encastrée éternellement fêlée. J'ai considéré les centaines de graffitis injurieux, les dizaines d'estafilades, les quelques ébauches à caractère sexuel qui l'arpentait. Je m'en suis désolé. « Ils n'ont de respect pour rien », me suis-je affligé. « Heureusement qu'il y en a, parfois, qui valent la peine qu'on se batte pour eux. ». Je suis entré. J'ai refermé la porte derrière moi. Et je me suis figuré : « Bon, maintenant, il n'est pas question de paresser. J'ai du pain sur la planche ! ».
« Évidemment, j'ai séance tenante essayé de vous téléphoner », avait promptement enchaîné Maître Anthelme. Assommée, ma mère n'avait pas réagi. « Votre numéro personnel, votre numéro professionnel, et votre numéro de portable étaient dans la base de données de notre établissement. Donc, j'ai tenté ma chance. Mais vous étiez indisponible. Je vous ai laissé plusieurs messages. J'ai souhaité contacter votre mari, sans plus de résultat. Je n'ai pas vu les minutes défiler. Et comme l'a deviné Nathanÿel, j'y ai passé tout l'après-midi. J'ai été frustré, je ne vous le cache pas. Plusieurs fois, des collègues sont entrés. Ils désiraient m'informer que mes élèves m'attendaient. Je les ai fustigé, leur ai expliquant que j'avais plus urgent à faire. Ils ont insisté. Je leur ai dit qu'ils n'avaient qu'à les distraire. Ils m'ont dévisagé, comme si j'étais devenu fou. Puis, ils se sont éclipsés. J'ai dû laisser une vingtaine de messages sur vos différentes messageries vocales. Dans ma voiture, sur le trajet qui me ramenait chez moi, je me suis entêté. Mon agacement a été tel, qu'à un « Stop », j'ai manqué de heurter une aéromobile. Le nephlÿm la pilotant m'a maudit. Plus loin, j'ai grillé un feu rouge sans m'en rendre compte. J'ai reçu une amende de sept-cents-cinquante euros, augmentée d'un retrait de cinq points sur mon permis quelques jours plus tard. Elle a été accompagnée d'une convocation au tribunal moins d'une semaine après. Une fois à mon domicile, j'ai planté ma veste sur une chaise croulant sous des tonnes de livres. Je me suis rué sur mon téléphone. Toutes les trente minutes, j'ai composé vos numéros. Le reste du temps, j'ai déambulé dans mon salon, tout en fulminant contre vous. L'esprit ailleurs, j'ai inspecté les rayonnages de ma bibliothèque. Je me suis emparé d'un livre, l'ai convulsivement feuilleté, et l'ai reposé. J'en ai fait de même avec un autre, puis un autre, avant de me jeter de nouveau sur mon combiné. Et ce n'est que vers vingt-deux heures, alors que la nuit était tombé depuis des lustres, que mes nerfs étaient sur le point de me lâcher, et que mon ventre criait famine, que j'ai abandonné. Les prémonitions de Nathanÿel m'avaient mis en garde. Je ne les ai pas écoutées. Et je m'en suis voulu. Comme quoi, on a beau avoir parmi son entourage des individus marqués par le Don, on cherche toujours à être plus malins qu'eux. Dans la foulée, j'ai averti l'un de mes amis de ce dont j'avais été témoin à la pause de midi. « Elÿn.., mon Frère. Oui..., je sais que ça fait des mois que je n'ai pas assisté à un Chapitre. J'en suis désolé. Mais ce n'est pas pour ça que je te sollicite. J'ai une information à te communiquer.
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