Résumé des Chapitres précédents
Le Baron Armand de Valfort vient consulter Walter Morsirisse, détective privé, au sujet d’une lettre de chantage qu’il a reçue d’une inconnue qui signe : V.S. Cette dernière laisse entendre qu’elle viendra chez-lui le même jour, à minuit, réclamer la somme d’argent exigée. Le Baron invite Morsirisse à diner, ce même jour. L’après-midi précédant l’heure du diner chez le Baron, Morsirisse vient rendre visite à son vieil ami Sanvergogne et lui parle de l’affaire. Ce dernier semble cacher quelque chose. Morsirisse n 'insiste pas car il sait que Sanvergogne tôt ou tard lui avouera ce qu'il sait. Il qutte donc son ami. Un peu plus tard.... Il se rend à la Simonière. Le valet Étienne Duboulet lui ouvre la grille de la residence. Walter Morsirisse lui pose quelques questions. Ainsi, Étienne lui confirme que le Baron n'a reçu qu'une seule lettre de menace, renforçant ainsi les soupçons qui pèsent sur la bonne foi du Baron de Valfort.. Peu après Morsirisse est conduit par Étienne jusqu'à la bibliothèque où il fait la connaissance d'Hevé Santéglise, le précepteur de Juliette de Valfort, fille du Baron. Quelle n'est pas la surprise du detective de découvrir que le précepteur possède une envelope bleue, identique à la "letter anonyme" cachée dans le livre qu'il tient dans sa main. L’arrivée de la Baronne met un terme à leur discussion. La Baronne après avoir ‘congédié’ le précepteur avoue à Morsirisse qu’elle est la personne qui a déposé la lettre anonyme sur le bureau du Baron mais qu’elle n’en est point l’auteur. De son côté, le Baron la soupçonne. Morsirisse rassure la Baronne et promet de l’aider à découvrir le coupable. Hélas, le Baron change d'avis et déclare à Morsirisse qu'il ne désire plus que ce dernier ne poursuive son enquête. Le diner a enfin lieu. Rien ne se passe sinon un incident insignifiant entre la Baronne et Dame Chaboix au sujet de la leçon de la petite Juliette. La reaction du Baron est également bizarre.
SEPT
Un monstre de passage
Quand je retourne au salon, j’y retrouve une ambiance plus détendue. Une table de bridge s’est formée grâce aux soins de Dame Chaboix qui a réussi à ‘débaucher’ Henri de Valfort et Santéglise. Saturnin Valloix s’est joint à eux. Tandis que le Baron ‘regarde jouer’. Pendant ce temps la baronne et sa mère font la causette. Je jette un coup d’œil à ma montre. Il est vingt-trois heures trente. Le baron, en m’apercevant se lève et me rejoint. « Alors ? Avez-vous vu quelque chose ? -Non. Personne. - Vous en êtes sûr ? -Votre beau-père peut se tranquilliser, je vous en donne ma parole. » - Merci. Allons donc rejoindre mon épouse. » La Baronne nous sourit en nous voyant approcher. « Où étiez-vous donc passé, monsieur Morsirisse ? -Je n’étais pas bien loin, madame la Baronne. Je veillais au grain. » Cela nous conduit à parler de la pluie du bassin parisien. Puis, on passe aux neiges éternelles des sommets de la politique. On en discute avec une passion dont le souffle rivalise de force avec celui de la tempête au dehors. La baronne devient nerveuse. Comme sa mère, l’orage la rend nerveuse. Elle prie son mari de tirer les stores. Ce dernier jette un regard curieux vers la fenêtre, comme s’il s’interrogeait. Il hoche enfin la tête, et pose son verre sur la console. La console en bronze. Près du sofa. Celui où la baronne est assise à côté de sa mère. Bref ! Le baron va tirer les stores. Je l’observe. J’ai décidé de ne plus le lâcher des yeux. Il ajuste avec soins les hautes tentures de velours pourpre. Ceci fait, il ne revient pas tout de suite. Il va jusqu’à la table de bridge, certainement pour dire un mot à Saturnin Valloix. Le rassurer au sujet du ‘monstre’. Ce dernier est plongé dans son jeu. Dame Chaboix, sa partenaire, vient d’annoncer un ‘grand chelem’. Le silence de la pensée s’empare des joueurs, qui, le sourcil froncé, regardent avec concentration leurs ‘mains’. Puis, c'est ‘l'entame’. La première carte est déposée par Santéglise, le joueur à la gauche de Dame Chaboix, la ‘déclarante’. De la position que j’occupe, assis dans un fauteuil entre la console de bronze et le sofa, je ne peux guère voir le jeu, toutefois, à la façon dont M. Valloix arrange ses cartes avant de les étaler sur la table, j’en déduis qu’en bon joueur, il s’assure d'alterner les couleurs rouges et les couleurs noires pour le confort, comme c’est l’usage. La manche est commencée. Dame Chaboix réussira –t-elle son ‘grand chelem’ ? Le Baron de Valfort ne semble pas s’en préoccuper. Il revient se joindre à nous, abandonnant les joueurs à leur sort. « Saturnin ne semble plus penser à ‘son’ monstre, me dit-il en baissant la voix. -Je vois qu’il est plongé dans un ‘grand chelem’. - Un chelem de plus que Dame Chaboix va encore rater. -Ne soyez donc pas méchant, lui lance son épouse avec un sourire indulgent. -Nous verrons bien. Et si j’osais, je dirais que la chute ne fait pas un pli. » Comme j’aime les finesses subtiles, je démontre au Baron que j’apprécie la sienne, en y ajoutant une de mon cru. « On dirait en effet, qu’elle n’y coupera pas. » Cela détend un peu plus l’atmosphère. « Il est vrai, dit la Baronne, que mon cher Papa n’a pas de chance avec ses partenaires. -Ma fille, intervient madame Valloix, ‘votre cher Papa’ les intimide tellement, qu’ils ne savent plus ce qu’ils font. -Tenez ! S’écrie soudain le Baron de Valfort, voyez ! Cela n’a pas manqué. » Au même instant, Saturnin Valloix se met debout, entouré des rires joyeux de Henri de Valfort et Santéglise. « Deux de chute ! Lance ce dernier. » Dame Chaboix, effondrée, hébétée, fixe ses mains vides d’où s’est échappé son ‘grand chelem’. « Allons ! Nous ferons les comptes plus tard, dit Henri. Maintenant, nous avons tous droit à la ‘ fine Napoléon’ de mon frère Armand. » Bientôt, nous sommes entourés par les joueurs. Un verre en main, les uns se congratulent, les autres s’interrogent. « Pourquoi n’avez-vous pas fait ‘l’impasse de la Dame’, demande Saturnin Valloix à sa partenaire qui, maintenant remise de sa confusion, est installée dans un fauteuil à côté du mien. -C’était trop risqué… -Mais non, voyons ! Il était évident qu’Henri n’avait pas le Roi, puisque Santéglise avait contré. -Dans un ‘grand chelem’ on contre toujours pour tromper l’adversaire. Il pouvait avoir ‘bluffé’. - Bluffé ! Ah oui! Pour ça il vous a bien bluffé ! » C’est la deuxième fois de la soirée que Dame Chaboix est vexée. Je la sens au bord des larmes. J’aimerais bien pouvoir la consoler, mais que lui dire ? Le mieux, semble-t-il, est de ne pas la regarder. Le poids d’un regard peut être lourd dans certains cas. Je détourne donc la tête. Mes yeux tombent sur le Baron de Valfort. Il se tient debout parmi les invitées, à quelques pas de moi. Il me fait un signe de tête, et vient me rejoindre. Je me lève pour l’accueillir. Il semble, non pas comme on dit ‘traîner la jambe’, mais du moins en perte de vitesse. Je m’inquiète. « Baron, sous sentez-vous bien ? -Cette journée, Morsirisse, m’a épuisé. -Avez-vous besoin d’un médecin ? -Non. Je vous l’ai dit : juste un peu de fatigue. Je vais monter dans ma chambre me reposer. Mais avant de sortir, je vais prier à ma femme de donner des ordres à Étienne afin qu’il vous aide à vous installer au premier étage. Il y a une chambre d’ami. Elle n’est pas grande, mais elle a l’avantage d’être située sur le même palier que la mienne. Je me sentirai plus en sûreté. -C’est parfait. - Alors, à demain, Morsirisse. -Écoutez, Baron ! Minuit sonne ! C’est déjà demain. Je crois que vous n’avez plus rien à craindre… -Je l’espère. » Le Baron fait demi-tour. Je ne vois plus que son dos jusqu’au moment où il sort de la pièce. Je le suis machinalement jusque sur le pas de la porte. Il gravit les escaliers qui mènent au premier étage. Sans hésitation, il prend à gauche, et appuie sur la poignée de la première porte. La porte de sa chambre.
(A suivre)
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