Mon trésor de souvenirs

Date 27-05-2012 18:30:33 | Catégorie : Nouvelles


NOEL :

Être un enfant, à noël, dans notre bidonville des années 50...
C'était la même féerie que pour tous les autres enfants, sans le décorum...Mais cela, nous ne le savions pas. Sans doute y a t' il eu quelques maisons avec le sapin décoré, mais pas dans celles que je connaissais
.
Notre sapin, nous l'avions dans la salle des fêtes, à droite, devant la scène.
C'était le noël que nous offrait notre commune. Chaque enfant avait son jouet et ses friandises. Je repense parfois à cet énorme sucre d'orge qu'on nous offrait : à la pomme ou à la cerise... J'étais toujours surpris de ne jamais ressentir le goût du fruit dessiné sur l'emballage, mais c'était bon.
Il y avait, ce jour-là, une représentation artistique par une troupe d'un quartier du Havre, avec ses chanteurs et les clowns Luciani et Roberto dont j'ai gardé le souvenir de l'auguste qui jouait si bien la danse du sabre'au piano.

fête en famille ? Je me souviens que pour beaucoup, c'était un jour comme les autres. Toutefois, à la charcuterie, on voyait étalées des terrines inhabituelles, quelques mets appétissants et tentants qui trouvaient parfois preneurs. Cela a été, pour moi, l'occasion d'apprendre ce qu'étaent ballottines' et' galantines'.
Nos cadeaux se limitaient à un sachet de crottes en chocolat et à une grosse orange. Ces oranges... Elles étaient énormes ! Et parfumées ! Elles nous servaient au rituel de noël : La fabrication de la lampe du soir. Nous coupions l'orange en deux parties égales et nous la dégustions lentement en prenant bien garde de ne pas arracher la petite tige centrale : il était indispensable de la conserver. La peau de la partie supérieure était le couvercle. Nous sculptions, avec la pointe d'un couteau, des découpes en forme d'étoiles ou de triangles. Notre père veillait à verser de l'huile dans la base de la lampe, et on laissait la mèche de notre orange s'imprégner, pour le soir.
Et je ne pourrais oublier ces soirs de noël, quand nous allumions nos lampes et que nous posions délicatement le couvercle dessus. Moment magique... éteindre la lumière et voir ces boules oranges luire dans la nuit. Une fois couchés, nous gardions les yeux fixés sur nos lampes, tandis que des lueurs mouvantes se dessinaient sur le plafond.
Nous nous endormions avec l'odeur de la peau de l'orange qui, lentement, se desséchait.
Le lendemain matin, la lampe était éteinte. Le couvercle était ratatiné et noirci...

Nous ferions une autre lampe l'année suivante, sans doute.


La boucherie, tout près de chez moi, était un endroit que je fréquentais assez assidument. Contre une image des potages Liebig, je moulais régulièrement le café de la bouchère, tout en écoutant les tranches de vie qui se déroulaient près de moi, dans la boutiqueEt puis, je m'y étais fait un ami !

ZARKO.

Mon premier contact avec ce petit chiot berger-allemand, ne s'était pas établi sous les meilleurs auspices.
Il était en liberté devant la porte, au milieu de la rue. son maître s' amusait à lui lancer un bâton que le chien ne voulait plus lâcher. J' ai eu le tort de vouloir m'en mêler et, en secouant fortement le bâton, je suis parvenu à lui arracher. Je ne connaissais rien du mauvais caractère de ce berger allemand là, moi.
Ce qui fait que, se désintéressant totalement du bâton, il s' agrippa à pleins crocs, par une volte-face imprévisible, à mon fond de culotte.
Je tentais de lui faire lâcher prise en tournoyant à vive allure sur moi-même, mais il virevoltait autour de moi crocs fortement serrés, avec un petit grognement de gorge qui me mettait mal à l'aise.

Le spectacle devait être plaisant, si j' en juge au nombre de rieurs qui augmentait sans cesse autour de moi et qui s' amusait beaucoup en me voyant faire le derviche tourneur. Finalement, on on lui a fait lâcher prise et j' ai laissé un pan de ma culotte.

Toutefois, avec un peu de patience et le goût du chien pour le jeu, Zarco et moi avions fini par être des amis inséparables ; J' allais le voir tous les jours, j' allais le promener, au bout de sa laisse, et le chiot est devenu rapidement un gros chien très susceptible que j' étais le seul à approcher sans crainte...ainsi, nouveau chef indien, j'avais installé mon tipi dans la niche de Zarko ou je restais à méditer, jambes et bras croisés, pendant que le chien montait bonne garde devant l'entrée.
Un jour ma mère, qui avait la main assez leste, comme toutes nos mères, prétendit m'allonger une taloche pour une bétise quelconque. J' ai eu le temps d' éviter la baffe et de m' enfuir à fond de train, ma mère, la main levée, me talonnant de près. Trop tard pour elle, je plongeais littéralement dans la niche de Zarko, qui aussitôt, se rua sur ma mère qu' il menaça de ses crocs, sa chaine tendue.
Ma mère fit une sage retraite stratégique et, avant de se retirer, me dit en agitant sa main à plat :

- " Celle-là, je te la dois ! Et crois moi, je n' aurai pas besoin de courir pour te la donner... "

Je passai un après-midi morose... Aller chasser le bison étant trop risqué avec les squaws en furie, en liberté dans les grandes prairies !
Toutefois, l'heure du goûter dissipa petit à petit mes craintes, et ce fut en bon fils guilleret que j' allais quémander mon quatre heures. La baffe me sonna à l' oreille :

-" Tiens ! Je te la devais, celle-là ! "

Tout contentieux étant liquidé, je pris mon goûter en toute quiétude et en cogitant sur ce qui venait de m'arriver ; Tout était bien en ordre, je l' avais mérité, j' en avais différé la réception et maman me l' avait livré avec du retard ! Affaire réglée, plus de rancune, on s' aimait comme avant !





DES VACHESFURIEUSES :


Zarko me suivait partout et vous savez bien que les gamins adorent cela, aussi le laissait-on gambader avec moi à sa guise, partout où j' allais.
Ce qui fait qu' un jour, mon père et ma mère ayant décidé une virée dans les champs pour une ceuillette de rosés-des-près, je leur avais demandé de les accompagner, ce qu'ils acceptèrent, bien entendu...
Et bien entendu aussi, Zarko voulu profiter de la promenade.
Nous voici dans la grande prairie, derrière l'école des filles, tous les trois déployés pour couvrir une large bande de recherche.

Zarko gambadait à travers le champ, reniflant, mordillant, happant tout ce qui l'intriguait. Hèlas, un important troupeau de vaches, assez loin de nous, attira son attention. Je présume que c' était sa première rencontre avec ce type d' animaux et cela l' irrita et l' inquièta fort.
Malgré mes cris pour le rappeler, il fonça en aboyant furieusement et se retrouva au milieu des vaches à qui il essaya de mordiller les pattes.
Les vaches, d' abord paniquées, se mirent à galoper en tous sens en meuglant lamentablement. Et puis leur peur se transforma soudain en rage furieuse et elles présentèrent brusquement leurs cornes au pauvre Zarco qui décida instantanément d' abandonner les lieux, à fond de train.
La trouille le fit se réfugier dans mes jambes !
En voyant le troupeau prendre de la vitesse en chargeant le chien, donc moi, la peur me fit courir vers mes parents qui réalisèrent illico qu' il y avait urgence dans l' immédiat.
Les bêtes furieuses formaient maintenant un pack serré qui fonçait sur nous au grand galop.

Nous n' avons déterminé aucun plan d' urgence, dans un ensemble parfait, nous avons atteint notre vitesse maximum, cote à cote, vers la barrière de barbelés la plus proche, et là, dans un plongeon synchronisé nous avons glissé, sur le ventre, sous le barbelé le plus bas.
Nous avions pratiquement eu les cornes des vaches qui nous ont taquiné les fesses !
C' est à ce moment que j' ai réalisé que ma mère, qui était, disons, assez corpulente, avait atteint une vitesse de pointe très importante, compte tenu du fait que, partis ensemble, elle était arrivée en même temps que nous.

Et j' estimais que j'avais sacrément fait vite !











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