Le Mystère de la Chambre Close
Résumé des Chapitres précédents
Le Baron Armand de Valfort vient consulter Walter Morsirisse, détective privé, au sujet d’une lettre de chantage qu’il a reçue d’une inconnue qui signe : V.S. Cette dernière laisse entendre qu’elle viendra chez-lui le même jour, à minuit, réclamer la somme d’argent exigée. Le Baron invite Morsirisse à diner, ce même jour. L’après-midi précédant l’heure du diner chez le Baron, Morsirisse vient rendre visite à son vieil ami Sanvergogne et lui parle de l’affaire. Ce dernier semble cacher quelque chose. Morsirisse n 'insiste pas car il sait que Sanvergogne tôt ou tard lui avouera ce qu'il sait. Il qutte donc son ami. Un peu plus tard.... Il se rend à la Simonière. Le valet Étienne Duboulet lui ouvre la grille de la residence. Walter Morsirisse lui pose quelques questions. Ainsi, Étienne lui confirme que le Baron n'a reçu qu'une seule lettre de menace, renforçant ainsi les soupçons qui pèsent sur la bonne foi du Baron de Valfort.. Peu après Morsirisse est conduit par Étienne jusqu'à la bibliothèque où il fait la connaissance d'Hevé Santéglise, le précepteur de Juliette de Valfort, fille du Baron. Quelle n'est pas la surprise du detective de découvrir que le précepteur possède une envelope bleue, identique à la "letter anonyme" cachée dans le livre qu'il tient dans sa main.
QUATRE(SUITE)
La Baronne Simone de Valfort
« Monsieur Morsirisse, me dit-elle, en me reprenant sa main que j’ai conservée tout près de mes lèvres, je suis désolée… » Elle pause une seconde, comme si une pensée l’avait effleurée puis, ignorant toujours Santéglise qui n’a pas bougé, elle reprend : « Mon mari vous attend dans son bureau. Je vais sonner Étienne afin qu’il vous conduise auprès de lui. Le dîner sera retardé de quelques minutes. J’espère que vous n’y verrez pas d’inconvénients. Mélanie notre vieille cuisinière a eu des difficultés ce soir avec sa mayonnaise… » La Baronne ne peut s’empêcher de sourire. Ses lèvres légèrement entrouvertes laissent échapper un rayon d’une blancheur nacrée. Cette femme a environ vingt ans de plus que moi, mais je me sens vieux devant elle. J’essaye de lui rendre son sourire. Je n’insiste pas. Ma jambe me fait mal. J’essaye alors de faire de l’esprit. « Ne vous en faites pas Madame, pour la mayonnaise. Votre cuisinière n’a qu’à servir les œufs. On s’en accommodera. -Oh, non ! Mélanie se fâcherait. Elle est très fière, » répond-elle, avec une bonne humeur qui tourne aussitôt, comme la mayonnaise de la vieille cuisinière. J’observe sur le front de la Baronne, l’ombre d’une pensée– peut-être la même que la précédente, celle qu’elle avait en arrivant. Mais cette fois-ci, je ne vais pas tarder à en apprendre la teneur. Elle lève brusquement la tête, éclairant un instant la pièce de ses cheveux blonds. Apercevant le précepteur, ébloui, elle lance : « Mon cher Santéglise ! Je vous en supplie, allez donc voir à l’office si Mélanie arrive à s’en sortir. Vous pourrez ensuite rejoindre les invités au « Petit salon ». - J’y vais de ce pas, madame la Baronne. » Santéglise fait aussitôt mine de se retirer, son livre toujours à la main. « Mais non ! Laissez « Shakespeare » ici. Vous le reprendrez plus tard. » Le précepteur hésite un instant. La Baronne me dit alors, pour être entendu de lui : « Il ne peut se passer un instant de ce volume de Shakespeare. Il adore cet auteur et voudrait communiquer sa passion à notre chère petite Juliette. -Je vais le ranger là , sur ce rayon de la bibliothèque, lui répond le précepteur. » Ceci fait, il quitte la pièce silencieusement. La Baronne attend qu’il soit sorti pour se diriger vers un des fauteuils près de la baie vitrée. Une fois installée, elle me fait signe de m’asseoir en face d’elle. « Monsieur Morsirisse, je désirais vous parler. » Telle était donc la pensée qui ne la lâchait pas depuis son entrée. « Madame, je vous écoute, je lui réponds d’une voix que j’ai peine à reconnaître… -Mon mari m’a dit que vous êtes un ami du Prince de Malfeuille. -Rien ne me serait plus cher que de pouvoir l’affirmer. -Vous le pouvez ! Le Prince de Malfeuille m'a toujours parlé de vous en des termes si élogieux…» Je remercie la baronne. Elle se redresse légèrement sur son siège. Elle lisse de sa main le pan de sa robe noire. Un geste nerveux. Elle prétend vouloir faire disparaître un pli invisible. Comme si les plis se voyaient sur une robe noire… Une impulsion. Les femmes lissent cette partie de leur robe lorsqu'elles désirent cacher quelque chose. Mais elles ignorent que cette action elle-même les dénonce. La baronne est insatisfaite du résultat. Elle tire fortement sur le tissu. Un mouvement qui confirme la nature du geste précédent et désajuste le vêtement qui lui va déjà si bien, mais souligne la profonde concavité au centre de son ventre où la soie de la robe adhère étroitement. Elle pose sur moi ses yeux bouleversants. Je me dis que son geste n'est peut-être pas nerveux. Qu'en sais-je ? Est-elle vraiment nerveuse ? Ou est-ce moi qui le suis ? Sous le regard de la baronne, il me semble me trouver dans un rêve opiacé. Toutes mes pulsions sont exacerbées, réduites miraculeusement à une seule sensation : un long baiser contenant l'assouvissement de toutes les passions… Soudain ! J’entends sa voix. Et ce qu’elle me dit, je n’aurais jamais pu le deviner, et encore moins arriver à le croire. « Monsieur Morsirisse, je suis au courant de la lettre qu’a reçue mon mari. -Quand vous en a-t-il parlé ? -Il n’a pas eu besoin de m’en parler. C’est moi-même qui la lui ai remise. »
(A suivre)
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