Rideau !
Date 20-12-2014 19:46:30 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Réponse au défi de la semaine :
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Jean-Baptiste est un acteur d’une soixantaine d’années. Jouer la comédie a toujours été sa passion, sa vie, son amour, sa raison de vivre. Susciter l’émotion, créer une tension dramatique ou faire rire équivalent pour lui à l’extase. Chaque pièce jouée est un acte d’amour avec son public. Beaucoup l’ont qualifié de « marié au théâtre », « d’amant de la scène ». Il est en effet resté célibataire endurci, insensible aux charmes des starlettes en recherche perpétuelle de flashs des paparazzis.
Mais depuis quelques temps, les journaux cessent de l’encenser pour virer carrément vers la critique acerbe. Des titres comme « Jean-Baptiste décadent », « Le grand J-B n’est plus », « J-B bon pour le placard ! », sont comme des épées plantées profondément dans son être sensible.
Depuis quelques semaines, il incarne Argan dans « Le malade imaginaire ». Malgré toute son implication, son jeu n’est plus. C’est comme s’il était une bougie dont la flamme a été soufflée. Il ne trouve plus de plaisir dans le jeu, se sent comme un amant délaissant sa belle, fatigué par ses caprices et ses sautes d’humeur.
Dans une scène, un faux médecin lui administre un remède provenant d’une fiole bleutée. L’acteur le boit cul-sec. Le tableau suivant consiste en un simulacre de mort afin de confondre l’épouse vénale d’Argan. Les yeux fermés, Jean-Baptiste sent son corps s’engourdir, ses oreilles bourdonner. Les paroles de ses partenaires de scène ne lui parviennent presque plus. Au moment où il est censé sortir de sa catatonie, rien ne se passe. On le secoue et le gifle, sans obtenir de sa part aucune réaction. Le public retient sa respiration et le régisseur ordonne de baisser le rideau. Les pompiers dépêchés sur place ne pourront que constater le décès de l’acteur. Une expression d’apaisement se fige sur son visage maquillé.
Un article dans le journal évoquera la présence d’un poison dans la fameuse fiole bleue. L’accessoiriste fut d’abord inquiété mais une lettre retrouvée dans la loge de l’acteur et le port étrange de sous-vêtements verts le concernant confirmèrent la thèse du suicide organisé. Il voulait mourir sur scène avant qu’on lui interdise de s’y produire. Au moment de publier son article, le journaliste doit choisir son titre ; il hésite, reste un instant immobile avant d’écrire « Rideau ! ».
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