Planète X
Date 14-11-2014 07:47:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Cette nouvelle m'a été inspirée par la chanson 'Planet Claire' du groupe américain 'The B52's' ce qui explique certains éléments farfelus. Donald
Planète X
La planète X s'affichait sur l'écran : lumineuse, rose, une petite bille dans le ciel. Boyd regarda Erin et lui sourit. « Enfin, nous sommes arrivés au bout du voyage. » dit-il, soulagé. Le couple voguait dans l'espace depuis longtemps, accompagné de ses trois enfants. Une petite famille modèle, américaine jusqu'au bout des ongles, cultivée dans le Wyoming profond, entre les champs de céréales et de betteraves, et fertilisée à coups de bannière étoilée.
SAMMY, l'ordinateur de bord, lança la procédure de contrôle. Il était important de vérifier si X permettait la vie. Il ne s'agissait pas de se poser sur un monde supposé idyllique et devenu terrifiant par on ne savait quel cataclysme géologique. Ce scénario représentait le cauchemar des pionniers et Boyd le redoutait lui aussi. Il avait payée assez cher sa parcelle de terrain et il n'était pas question de mourir bêtement, irradié par des rayons gamma ou avalé par un poulpe à deux têtes.
— Vérification achevée, déclara SAMMY. — Donne nous les résultats, ordonna Boyd. — L'atmosphère permet la vie carbonée. — Une faune ? — Proche des espèces terriennes. — Une civilisation ? — Des hominidés.
Cette dernière information consterna Boyd. Il avait pourtant glissé un bon paquet de dollars au fonctionnaire en charge des patentes. Le marché était simple : il devait être le premier arrivé sur X, afin de s'assurer la meilleure place, avant l'arrivée d'indésirables venus de Californie, du Texas ou pire, du New-Jersey.
— Occupent ils toute la surface de la planète ? — Oui. Ils vivent sur les terres émergées, soit un quart de la surface du globe. — Combien sont-ils ? — Une centaine de milliers. — Tant que ça ?
« La tuile ! » Non seulement, Boyd n'était pas le premier arrivé mais en plus il y avait foule. SAMMY ne se trompait jamais dans ses estimations et cent mille voisins cela faisait trop. Certes, les ancêtres de Boyd avaient vécu pire en débarquant du Mayflower mais eux ils avaient la Bible et le sabre pour se débarrasser des Sioux et autres nuisibles à plumes.
— Ce ne sont pas des gars de chez nous, tu le confirmes, SAMMY? — Sans aucun doute. — A quoi ressemblent-ils ? — A vous. Presque. — Comment ça, presque ? — Ils n'ont pas de tête.
« Enfin une bonne nouvelle ! » se dit Boyd. Des estomacs sur patte n'allaient pas invoquer une quelconque constitution pour l'empêcher de construire sa ferme, d'élever ses vaches extra-terrestres et de planter de bonnes betteraves américaines. Au pire, il serait forcé de clôturer ses champs au triple fer barbelé. Boyd se sentit rassuré et il jugea la situation favorable.
— Et la flore ? — Comparable à celle de la Terre. A une exception près. — Quoi encore ? — Tous les arbres sont rouges. — Comment ça ? — Bistre, pourpre, carmin, vermillon, toutes les nuances de rouge, avec une dominante sur le rouge pur , la couleur primordiale.
« Une planète de communistes ! Il ne manquait plus que ça. » pensa Boyd. Déjà qu'il avait quitté les plaines du Wyoming à cause de la énième élection d'un démocrate à la tête de l’État Fédéral, alors se retrouver propriétaire d'un bout de terrain sur une planète rouge, c'était vraiment un manque de chance total. Il fallait en avoir le cœur net.
— Dis donc, SAMMY, est-ce que mon titre de propriété est légal pour ces gars sans tête ? — Je ne pense pas. — Pourquoi ça ? Il m'a coûté assez cher. — Il n'existe pas de loi ici. — C'est la jungle ? — Non. Ils vivent en harmonie sans règle aucune. — Ce sont des hippies ? — En quelque sorte.
« Coincé avec les potes de Joan Baez. De mieux en mieux » ronchonna Boyd. Il lui fallait l'avis de sa femme, Erin. Elle avait toujours été de bon conseil, depuis le début. Erin était un leader né. Reine des réunions Tupperware, elle avait ce petit quelque chose de différent des autres femmes du Wyoming. « Il est vrai qu'elle n'est pas née à Cheyenne. » remarqua Boyd.
— Erin, tu as choisie cette planète X. SAMMY dit qu'elle est peuplée de communistes hippies. — Je ne crois pas que ce soit le cas, Boyd. — Elle est rose vue d'ici et ses arbres sont rouges. — Et alors ? — Les indigènes n'ont pas de tête et ils vivent sans loi. — Oui ? — Comment on va faire respecter notre satané titre de propriété, maintenant ? — Nous allons vivre comme eux. — Sans tête ? — Non. Sans obéir au règlement vu qu'il n'y en a pas.
Boyd regarda Erin avec stupeur. Elle ne venait pas du Wyoming, ni du Colorado ni même de New-York et elle avait atterrie un soir dans le jardin de Boyd, sans prévenir. Ils étaient rapidement devenus le couple en vue à Springfield. Évasive sur ses origines, elle répondait au mieux à la question par un signe de tête vers le ciel.
— C'est quand même toi qui a insisté pour venir sur cette planète X, rappela Boyd. — C'est un bon choix pour nous et nos enfants. — Qu'en sais-tu ? — Je suis née ici. — Mais tu as une tête, toi ! — C'est pour ça que je suis partie. — Alors pourquoi revenir ici ? — Le mal du pays. — Et tes réunions Tupperware ? Springfield? Nos soirées bowling ? Le rodéo de Cheyenne ? — Pas besoin de tête pour ça. J'ai aimé ça, ils aimeront aussi. Crois moi, Boyd.
Boyd ne se posa plus de question superflue. Pragmatique, il jugea la situation sous contrôle, avec sa femme à la tête des opérations et son ordinateur de bord pour gérer les détails. « De toutes façons, s'il y a un problème, on fera comme avec les Sioux. » se dit-il pour se rassurer.
— SAMMY, prépare l’atterrissage et préviens les locaux, ordonna Boyd. — Que dois-je leur dire ? — Baratine les et propose leur des cadeaux. — Je ne sais pas improviser, vous le savez. Je ne suis qu'une intelligence artificielle ! — Crache leur la Bible ! — Et pour les cadeaux ? — File leur de la verroterie ! — Et si ça ne fonctionne pas ? — Atomise les !
Le vaisseau se posa sur l'Hémisphère Nord de la planète X, à des coordonnées identiques à celles de Springfield dans le Wyoming, une ville fondée un millier d'années auparavant par d'autres Boyd.
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