Intolérance, que n'ai-je pas accompli en ton nom :

Date 10-11-2014 16:06:44 | Catégorie : Essais confirmés


Intolérance, que n'ai-je pas accompli en ton nom :

S'il y a un aspect de l'être humain que j’exècre particulièrement - non seulement pour en avoir été souvent victime, mais aussi pour l'avoir régulièrement vu se propager sous diverses formes autour de moi -, c'est l'intolérance. Beaucoup d'entre vous le savent désormais pour l'avoir découvert dans certains de mes écrits les plus personnels, je suis né différent. Car, non seulement je suis né avec une tache de vin sur une partie de mon visage, ressemblant à une sorte d"éponge dont la partie visible recouvrait le coté gauche de ma figure, et dont la partie invisible est un agglomérat de veinules comprimant légèrement mon cerveau ; ce qui implique que je suis parfois sujet à de légères crises de convulsion d'une durée de quelques minutes à l'heure actuelle. Généralement, ces crises sont plus fréquentes lorsque je suis en état d'anxiété ou de stress ; ce qui m'arrive, hélas, assez régulièrement au vu de mon hypersensibilité et des nombreuses épreuves diverses et variées que j'ai vécues au cours de ces dernières années ; et qui m'ont profondément malmenées. Mais, lorsque j'étais enfant, alors que je ne prenais pas encore les médicaments appropriés afin de les juguler au mieux, ces crises duraient une ou deux semaines, voire davantage. Et elles me conduisaient systématiquement a l’hôpital, où j'étais sous surveillance constante.
Heureusement, aujourd'hui, cette période est depuis longtemps terminée, et si je fais une crise de convulsions par mois,; d'une durée de cinq minutes à chaque fois, c'est bien le maximum. Dans ce cas, lorsque je la sens arriver - car je sais en reconnaître les signes précurseurs depuis longtemps -, je m'assieds quelque part ; je tente de me détendre et de penser a des choses agréables. Elle se diffuse alors dans ma jambe droite, qui est prise de tremblements incontrôlés et spasmodiques ; des sortes de courants électriques la traversant de part en part, accompagnés d'insensibilisations. Puis, peu à peu, ces phénomènes disparaissent, et au bout de cinq minutes, tout rentre dans l'ordre. Mon neurologue m'a expliqué le fonctionnement de ces symptômes et m'a dit que, normalement, avec les médicaments que je prends, il n'y aurait jamais rien de plus grave qui m'arriverait concernant mon état. Il y a un nom pour cela ; il s'agit de la maladie de "Sturge-Weber". Je m'en suis d'ailleurs accommodé depuis longtemps, et je vis très bien avec, car elle n'est pas handicapante dans ma vie de tous les jours.
A l'age de 18 ans, par ailleurs, j'ai pris la décision de subir plusieurs opérations de chirurgie esthétique, afin de faire disparaître au maximum cette tache de vin qui recouvrait une partie du coté gauche de mon visage. A cette époque, j'avais encore en mémoire toutes les moqueries, les railleries, les rejets, les brimades, dont j'avais été victime de la part de mes camarades, durant mon enfance et mon adolescence. Je dois avouer que je ne souhaite à personne - mème pas à mon pire ennemi - d'avoir vécu l'Enfer que j'ai, chaque jour, subi, durant cette période ; le début de mes "Années Noires", comme je les nomme souvent. D’être continuellement considéré comme le "mouton noir" de la classe, celui avec lequel on ne voulait jamais s'afficher, a coté duquel on ne voulait jamais s'asseoir, ni en classe, ni a la cantine ; que l'on ne souhaitait jamais avoir dans son équipe ; qui n'était jamais invité aux soirées entre copains, aux "Boums" ; a qui on ne parlait jamais, sinon pour se moquer de sa tache, pour lui faire des grimaces, des remarques blessantes ; a qui ses camarades de classe ne serraient jamais la main, ou, quand ils étaient obligés de le faire, qui s'essuyaient ensuite, de peur d'avoir été contaminés par moi ; ou a qui les filles ne faisaient jamais la bise, pour la même raison. Combien de fois ai-je essayé de m'intégrer à ces groupes de camarades. Dès que j'arrivais auprès d'eux, le silence se faisait immédiatement - comme une gène qui s'installait immédiatement -, ou ils se dispersaient.
Parfois, du fait de mes hospitalisations répétées durant mon enfance, j'étais longtemps absent. Dès cette époque, je me suis progressivement replié sur moi même. Ces enfants et adolescents m'ont fait tellement de mal du fait de leur jugement à mon égard, sans me connaître, sans savoir qui j'étais réellement, juste parce que je ne leur ressemblais pas, que je n'ai pas eu d'autre choix que de m'enfermer dans un monde intérieur où il ne pouvaient ni m'atteindre ni me blesser. Car, même si cela peut paraître incroyable à la personne qui lit ces lignes, chaque jour était un véritable calvaire. Chaque jour, je me demandais qu'est ce qu'ils allaient encore inventer pour me brimer, pour se moquer de moi, pour me singer, pour me harceler moralement. Chaque jour, je me demandais quel moyen pourrais-je employer afin de leur échapper, afin de calmer leur violence psychologique à mon égard ; afin de leur faire comprendre que je voulais juste vivre en bonne harmonie à leurs cotés. Mais, rien n'y a fait : pendant une demi-douzaine d'années environs, de la quatrième à la terminale, chaque jour a été un Enfer que j'ai caché à mes parents pour qu'ils ne s'inquiètent pas à mon sujet. Il faut en effet dire que, familialement, cela a été une période particulièrement éprouvante également : mon père a quitté ma mère durant environ deux ans, et le climat était extrêmement tendu. Je me souviendrais toujours de cette nuit hallucinante au cours de laquelle mon père a failli mettre le feu à la maison ou nous habitions alors, a tenté d'y pénétrer en essayant défoncer sa porte à coup de hache, ou, un peu plus tard dans la nuit, il a pris des médicaments avec de l'alcool, voulant se suicider après avoir ouvert le gaz ; ou nous avons du le veiller après que la police et les pompiers soient intervenus. C'est aussi l'époque où, amoureux d'une jeune femme de l'établissement scolaire dans lequel j'étais, et mutilé mentalement par toutes ces souffrances précédentes de la part de mes camarades, je n'ai jamais trouvé le courage de l'approcher ; de peur d’être repoussé ou moqué une fois de plus. J'en suis, à un moment donné, devenu presque anorexique, au point que mes parents m'ont emmené voir le docteur, inquiets de me voir sans appétit. Au point que je n'en dormais plus, que je me repliais encore plus sur moi même, et qu'intérieurement, je me sentais monstrueux, condamné a cacher mes émotions et mes sentiments à qui que ce soit. Il y a bien une fois ou deux, ou je lui ai écris une lettre, ou je lui ai écris ma première nouvelle d'une centaine de pages, la mettant en scène elle et moi. J'ai réussi a lui faire parvenir grâce a une connaissance commune. Mais elle ne m'a jamais répondu. La seule fois ou je me suis trouvé physiquement en face d'elle, j'étais tellement tétanisé par mes émotions, mon manque d'expérience, et ma souffrance due à ma différence, que je n'ai pu prononcer aucun mot, aucun son ; et qu'au bout de quelques secondes de silences, comprenant que je ne parlerai pas, elle s'en est allé.
De fait, de ma plus tendre enfance à la fin de cette période d'une demi-douzaine d'années, je me suis progressivement renfermé dans un monde qui n'appartenait qu'à moi, et où personne ne pourrait ni m'atteindre, ni me juger, ni me faire de mal. Tout d'abord, grâce aux jeux de construction d'enfant dont j'étais friand durant mon enfance : lego, playmobil, dessin aussi ; un peu d'écriture, déjà, à partir de mes quinze ans. Et, surtout, beaucoup de lecture. Chaque jour, lorsque j'allais au collège, puis au lycée, j'avais toujours un livre a portée de la main. C'est a cette époque que j'ai découvert "les livres dont vous êtes le héros", ancêtres des jeux de rôles ; activité dans laquelle je me suis engouffré plus tard. J'ai aussi lu Alexandre Dumas, Henri Troyat, Jules Verne, les collections "Rouge et Or", la "Bibliothèque Rose" ou la "Bibliothèque Verte", les Mythes et Légendes, les fascicules "Inexpliqué" qui m'ont ouvert une porte sur d'autres thèmes qui sont toujours chers a mon cœur aujourd'hui. Chaque jour, à la récréation, je m'installais à l'écart de mes camarades de classe, et je lisais durant toute la récréation. Le seul instant où je levais les yeux de mon livre, c'était lorsque l'élue de mon cœur passait non loin de moi, avec ses ami(e)s. Je la regardais, je l'admirais, de loin, sans me faire remarquer, afin qu'elle ou ses ami(e)s n'en profitent pas pour se moquer de moi. Mon cœur, évidemment, battait la chamade ; j'avais de la sueur qui perlait de mon front. J'aurais tout donner pour pouvoir me tenir a ses cotés, pour pouvoir lui parler, la côtoyer comme quelqu'un de "normal". C'était le seul instant de la journée ou j'entrapercevais le bonheur, tout en sachant que je ne pourrais jamais l'atteindre. Le reste du temps, j'avais le nez dans mes livres et j'oubliais tout ce qui existais autour de moi et qui me faisait tant souffrir.
Bref, c'est à la fin de cette année scolaire que j'ai pris la décision de subir des interventions de chirurgie esthétique afin de faire disparaître la plus grande partie de ma tache de naissance. Ces interventions se sont étalées sur plusieurs années, car il fallait un certain temps entre chaque opération afin que la peau de mon visage se repose. Mais, jamais de ma vie je n'ai autant souffert physiquement. Je me souviens qu'au début, on m'a mis des ballons sous la peau de la joue et du front. On les faisait gonfler légèrement chaque semaine, afin que mon visage créé par lui même de la peau supplémentaire à utiliser ensuite afin de recouvrir les zones rouges de celui-ci. Et chaque semaine, a chaque fois que l'on gonflait un peu ces ballons, j'avais l'impression que l'on me transperçait le crane avec une aiguille chauffée a blanc. Je ne suis pas d'une nature douillette ; je suis plutôt solide face à la douleur physique. Mais je dois avouer que ce sont été les moments les plus terribles de mon existence en ce qui concerne une quelconque douleur physique. A coté, mes convulsions n'étaient - et ne sont - que des caresses. J'ai donc subi une demi-douzaine d'interventions de chirurgie esthétique qui m'ont en partie remodelé le visage, puisque j'ai encore des cicatrices de celles-ci a certains endroits, que ce dernier est légèrement asymétrique à l'arète de mon nez du coté gauche, et que ma paupière gauche est un peu plus basse que l'autre. En mème temps, il faut bien comprendre qu'a cette époque, au milieu des années 1990, nous n'en n'étions qu'aux balbutiements de la chirurgie esthétique et qu'il ne fallait pas en attendre des miracles. Mon chirurgien a fait au mieux de ses capacités et de ses possibilités, avec les moyens qu'il possédait à l'époque ; je ne lui en veux pas.
Tout ceci pour dire que ces événements ont aussi grandement influencé ma destinée, et que j'ai préféré me concentrer sur le monde livresque de la Connaissance, du Savoir, de l'Intelligence, de la Sagesse. Que je me suis concentré sur l’écrit - que ce soit mes textes, ou tous les textes, récits, livres, que j'ai lu au cours de ces années et des années suivantes, jusqu’à aujourd'hui. Que je me suis progressivement retiré du monde pour ne plus avoir a subir toutes ces souffrances psychologiques, morales ou physiques. Car celles-ci se sont poursuivies par la suite sous des formes diverses et variées jusqu’à aujourd'hui encore. Et que j'ai progressivement réalisé que, si je voulais survivre dans ce monde intolérant, écrasant sans scrupules celui ou celle qui ne colle pas avec ce que la société attend d'un individu, il me fallait m'isoler. Cette décision, je l'ai prise il y a une dizaine d'années, avec amertume, pas de gaieté de cœur, je dois l'avouer. Mais, je n'ai pas eu le choix. Si je ne voulais pas finir fou ou me jeter sous les rails d'un train pour ne plus être confronté à une douleur quotidienne insupportable, insurmontable, c'était le seul moyen à ma disposition. Car, durant des années, j'ai tout tenté pour m'intégrer au monde tel qu'il était, pour exister en fonction de ce qu'il attendait de moi. Je me suis épuisé, j'y ai dépensé toute mon énergie ; en vain. Je me suis dépensé sans compter, j'ai voulu aller vers les autres, vers les femmes que j'aimais, leur ai ouvert mon âme, mon cœur. Mais rien n'y a fait. A chaque fois, c'était blessure sur blessure. Et je recevais chacune avec encore plus d'intensité, de souffrance, de peur, d'incompréhension, que la précédente. Jusqu’à en avoir des crises d'angoisse, de terreur panique.
Aujourd'hui, heureusement, j'ai trouvé un certain équilibre. Celui-ci n'est pas parfait, loin de la. Je ne sors en effet pratiquement jamais de chez moi. Je passe mon temps a lire, a écrire, a réfléchir sur le monde, son passé, son avenir, a être un observateur de l'Humanité dans tout ce qu'elle a de plus beau ou de plus horrible. Je me passionne d'Histoire, de Mythes, de Légendes, de Philosophie, des Nouvelles Technologies, de Littérature, de faits de Société, et de tout un tas d'autres choses diverses et variées que j'aborde parfois fugitivement dans certains de mes textes ; mais qui ne sont qu'un fragment de tout ce que j'ai engrangé comme désir d'apprendre, de découvrir, de creuser ces domaines de Connaissance depuis ma plus tendre enfance. Mais, cet univers, qui n'appartient qu'à moi, dont je me nourris, dans lequel je m'épanouis, dans lequel je suis serein et heureux, sauf lorsque le quotidien et ses calamités régulières vient me perturber, me malmener, est mon refuge. Le seul qui me permette, qui me donne la force d'endurer tout le reste.
Alors, quand je croise, ici ou ailleurs, des personnes qui ont un physique "normal", qui n'ont ni maladie, ni handicap, et qui tentent d'imposer aux autres leur manière de penser, leur vision du monde, leurs traditions, leur religion, etc., cela me fait du mal au plus profond de mon âme et de mon cœur. Il y a assez de souffrance, d'injustice, d'ignorance, etc., en ce monde, sans vouloir en rajouter. Les hommes oublient trop souvent la chance qu'ils ont d’être en bonne santé, de pouvoir profiter pleinement de la vie qui est la leur, des possibilités et des capacités que celle-ci leur offre. Ils se créent des conflits, des motifs de haine et de violence là ou ils devraient user de leurs atouts, de leur intelligence, pour s'enrichir spirituellement, pour acquérir Connaissances et Savoirs capables de les mener sur la voie de la Sagesse et de la tolérance. Les religieux de tous poils jurent leurs grands Dieux que leur "Dieu" enseigne la tolérance, l'ouverture aux autres, la miséricorde, l'amitié entre les peuples, les races, les religions. Or, que constate t'on de par le monde : guerres, haines, violence, intolérance, extrémismes, au nom de ces mêmes religions, au nom de traditions désuètes et obsolètes qui ne sont plus depuis longtemps en accord avec la marche du monde. On ne voit que désir de pouvoir sur l'autre, de volonté de soumettre son prochain, que rêves de profits ; sans s'apercevoir que tous ces aspects de sa relation avec les autres ne sont gouvernés que par les plus bas instincts humains ; pire que des animaux. On dit que l’être humain est la créature la plus intelligente de notre monde, qu'il a été fait à l'image de Dieu. Si c'était vraiment le cas, s'il usait véritablement de son intelligence, il ne s'abaisserait pas à user de celle-ci dans le but de soumettre son voisin, de l'humilier, de le haïr, de se moquer de lui, de le juger ou de proclamer qu'il est indigne d'exister.
Ce que j'ai vécu, je le répète, je ne le souhaite a personne. Mais, en mème temps, toutes ces épreuves m'ont appris à dépasser mes préjugés, a vouloir en apprendre davantage sur le monde, l'univers, qui m'entoure ; a vouloir chercher des réponses à ce que je ne connaissais pas, à ne pas me contenter d'une seule "Vérité" ; ou de l'enseignement de quelques uns qui se croient supérieurs aux autres parce qu'ils sont "bien nés". Alors oui, cela, en plus de ma tache de naissance et de mon léger handicap, m'a valu des inimitiés, des rejets, des jugements, des blessures, etc. Mais cela a aussi forgé mon caractère, mon désir de me battre contre l'injustice et l'intolérance dont j'ai été si souvent victime ; et que tant d'autres que je croise régulièrement, moins aptes à les combattre, n'ont pas la force ou la capacité, de fouler au pieds. Modestement, humblement, je m'y emploie tous les jours. Ce n'est jamais simple ou facile. Mais je le fais ; et par ce simple témoignage, j'essaye d'apporter ma contribution à cette lutte ardente et désespérée contre l'injustice et l'intolérance dont, un jour, nous pouvons tous être les victimes...



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