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Date 06-09-2014 19:22:25 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Réponse au défi d'Alexis :
http://www.loree-des-reves.com/module ... hp?topic_id=2698&forum=21
Histoire initiale :
Monsieur René, le boucher du village, sert Mademoiselle Julie, une jeune femme d’une vingtaine d’années lorsque Madame Lebon, une octogénaire, entre dans le magasin avec son petit chien Albert. Le boucher emballe la commande de la jolie dame et lui offre même un morceau gratuit. Madame Lebon demande le même privilège. Il la sert et donne une saucisse à Albert.
Version de Mr René La sonnette de la porte d’entrée retentit et je me dirige vers mon étal. C’est Mademoiselle Julie, la nouvelle institutrice de mon cadet : un joli minois tout frais, une crinière blonde et bouclée, des yeux de biche et surtout un décolleté à faire rougir tout homme normalement constitué et pâlir d’envie les autres femmes moins gâtées par la nature. Elle m’adresse un sourire enjôleur en demandant :
« Vous avez une belle poitrine d’agneau là . – La vôtre est très jolie aussi, Mademoiselle. – Oh ! Quel coquin vous faites Monsieur René. – J’espère qu’il travaille bien mon petit. – Oui il est mignon. – Tout son père ! »
Là , Madame Lebon entre avec son satané clebs. Je lui ai déjà dit cent fois de le laisser dehors. Il y a pourtant un panneau « animal interdit » sur ma porte d’entrée. Mais je fais bonne figure malgré tout et lui adresse la parole en montant le ton car je sais qu’elle est dure d’oreille :
«Bonjour Madame Lebon. Je suis à vous dans une minute. – Faites… faites. – Voilà Mademoiselle Julie. Et je vous offre un morceau d’araignée. – Vous faites dans les nouveaux animaux, comme les insectes ? »
Elle grimace. Je me demande si elle blague. Pense-t-elle vraiment que l’on vend de la viande de ces horribles bêtes ? Il en faudrait des colonies pour remplir ma boutique. Il va falloir que je propose au petit de préparer un jour un exposé sur les morceaux de viande. Ça va l’éduquer la petite prof.
« Non, non. C’est une pièce de bœuf. Vous m’en direz des nouvelles. – Merci Monsieur René. Au revoir. »
Je me tourne alors vers Madame Lebon. Ce n’est pas le même tableau. Je trouve qu’elle ressemble de plus en plus à son chien : lèvre pendante, yeux humides, joues plissées et bouclettes grisonnantes.
« Que souhaitez-vous aujourd’hui ? – Vous avez de l’araignée pour moi aussi ? – Ah non. Je n’en ai plus. Je vous mets du faux-filet. – Et moi je vous paie en fausse monnaie alors. Je n’ai pas droit à un cadeau comme la jeune dame ? – Si… voici une belle saucisse pour Albert. »
Je lance le morceau de bidoche au chien qui fait un bond et l’attrape en plein vol. Il est plus souple que sa maîtresse, le bougre. J’entends presque les articulations de la vieille dame grincer lorsqu’elle cherche ses piécettes dans son porte-monnaie.
Version de Mademoiselle Julie
J’entre dans la boucherie au coin de ma rue. Le patron sort de la pièce arrière et se plante derrière son étal, les deux poings fermés posés sur ses hanches dodues. Je regarde ses pièces de viande pendant qu’il détaille mon décolleté. Je me souviens de la dernière réunion de parents, il n’a pas cessé de me reluquer. J’en avais honte pour sa femme. Quel manque de retenue ! Mais c’est la seule boucherie du village. C’est elle ou devenir végétarien.
Je passe ma commande et il me fait du rentre-dedans. Ouf, une autre cliente qui entre. Elle tient un chien en laisse. Je pensais que les animaux étaient interdits dans les boucheries. Mais qu’est-ce qu’il me propose là ? De la viande d’araignée ? Je fais une drôle de grimace et il rit. Va falloir que je potasse les noms des pièces de viande pour la prochaine fois. Il me l’offre ? Cela compense mon épuisement de la semaine car son fils, ce n’est pas un cadeau !
Version de Madame Lebon
Je pousse la porte de la boucherie. Elle est toujours aussi lourde et grinçante. René n’en a pas encore huilé les gonds, comme je lui avais suggéré la dernière fois. C’est un radin ! Mais il aurait pu utiliser du saindoux, il doit en avoir des kilos en stock. Albert me suit dans le magasin. Je vois son museau se relever et ses naseaux s’ouvrir sous l’action des effluves de viande fraîche. La dernière fois, j’ai eu droit à une remarque car le boucher n’aime pas que les animaux pénètrent dans le magasin, autrement que morts. Mais mon petit Albert est tout petit, il ne va pas contaminer les kilos de viande posés derrière la vitrine. En plus, il y avait un gros berger allemand la dernière fois. J’ai fait la remarque à René mais il s’agissait apparemment d’un chien d’aveugle. Moi aussi je peux sortir mes lunettes de soleil et mettre un gilet orange à Albert.
Monsieur René est occupé avec la nouvelle institutrice. Il la regarde comme s’il allait la dévorer toute crue. Ces hommes ! Tous les mêmes ! Sauf mon regretté Lucien, il n’avait d’yeux que pour moi. Heureusement que j’ai Albert maintenant, il me sera toujours fidèle lui aussi. Et voilà le René qui offre un beau morceau d’araignée à la demoiselle de bonne famille. Il n’est pas si radin que ça finalement, du moins avec les jolies dames. Elle n’a pas l’air de savoir de quoi il parle exactement. Quelle gourde elle fait ! Et on donne des diplômes à ce genre de personnes ! Pas étonnant que les jeunes tournent mal et ne savent plus écrire deux mots sans fautes. C’est enfin mon tour. Il me refourgue du faux-filet sans même me faire un prix. Je lui lance une vanne et finalement, il jette une saucisse à Albert. Je parie qu’elle est périmée. Mais c’est toujours ça de pris. Albert ne devra plus manger ce soir.
Version d’Albert
Ma maîtresse entre dans le magasin que je préfère, la boucherie de Monsieur René. La boulangerie de Madame Josette n’est pas mal non plus car elle me donne toujours un sucre. Mais là , c’est le paradis ! Sur la porte, il y a un écriteau avec un dessin de chien barré de rouge. Mon pote Wafwaf (oui, ses maîtres l’ont baptisé ainsi, certains humains sont cruels) m’a expliqué que cela signifiait que l’on devait rester dehors. Une histoire de poils et de microbes pour la nourriture des humains. Pourtant ils entrent aussi avec leurs poils et personne ne leur dit rien. Ma maîtresse n’a pas l’air de s’en préoccuper et je la suis dans le magasin. La dernière fois, il y avait un berger allemand, prénommé Rachid, qui était avec son maître. Mais il s’est avéré qu’il était chien d’aveugle et qu’il pouvait donc rentrer partout. Moi, je suis chien de sourde, alors c’est bon aussi je suppose.
Mes sens s’affolent et mon estomac se met à gargouiller. C’est que je suis un carnivore, moi ! Pendant que ma maîtresse bavarde, je bave devant la marchandise. Si on me faisait passer de l’autre côté de cette vitre, je ferais un sort à tous ces boudins, ces pâtés, cent fois meilleurs que ceux qui sortent des boîtes, et ces morceaux de viande en tous genres.
Soudain, le boucher lève une main, dans laquelle il arbore une belle saucisse. Il va la lancer. Si je suis plus rapide que ma maîtresse, elle sera pour moi. Je reste aux aguets, les pattes repliées comme des ressorts. La saucisse prend son envol et je bondis comme un diable hors de sa boîte. Elle est pour moi, tant pis si elle me prive de souper !
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