Oeil pour oeil
Date 25-05-2014 11:15:44 | Catégorie : Nouvelles confirmées
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Nous sommes le 24 mai 2014, l’inspecteur Nezfin se rend sur les lieux du crime, un appartement au dernier étage d’un immeuble miteux de la Porte d’Ivry, dans le treizième arrondissement de Paris. Il monte lentement les marches inégales en béton brut où il croise des enfants aux yeux bridés qui se précipitent en piaillant des petits mots joyeux venus d’un autre continent. Arrivé au trente-huitième, il s’éponge le front. La chaleur ambiante et l’effort fourni ont fait naître de grosses gouttes sur son visage et tout son corps est moite. Des grandes auréoles ornent maintenant sa chemise bleue ciel. L’homme à la carrure imposante entre dans l’appartement et rejoint la chambre à coucher. Il doit se protéger les narines à l’aide d’un mouchoir parfumé à l’eucalyptus, en raison de l’odeur âcre qui règne dans la pièce.
Son second, l’agent Denul, l’informe que la victime est une femme chinoise et célibataire nommée Shiwa Hua. Son buste est dans le lit, les bras en croix. Une jambe pendouille sur le radiateur à côté des petites culottes en cours de séchage et l’autre git sur la table de nuit ornée de fleurs multicolores. La scène de crime ressemble à un tableau de Dali, surréaliste à souhait. Toutes les chairs de la dame, âgée d’une quarantaine d’années, ont été fortement entamées à coups de dents acérées plantées dans des mâchoires de petite taille, surtout au niveau de la gorge.
L’inspecteur décide de faire le tour du propriétaire afin de récolter les précieux indices qui lui permettraient de dépatouiller cette tragédie sordide. Les mains gantées, il fouille le sac à main et la poubelle de Madame Hua, ouvre le frigo et le congélateur et observe finalement le sol de l’entrée avec un grand intérêt.
L’agent Denul ayant terminé son mitraillage photographique de la victime s’approche de son supérieur et lui demande :
« Alors, chef. Vous avez une idée de ce qui s’est passé ici ? – Je pense que oui, Bryan. La mort est intervenue après le dix mai car un ticket de caisse dans son sac fait encore état d’achat dans la boucherie du quartier. Il semblerait qu’elle ait décidé de mettre fin à ses jours à coups de somnifères. J’ai trouvé un flacon vide dans la poubelle. L’odeur de son corps rapidement en décomposition en raison de la chaleur, inhabituelle pour un moi de mai, a attiré une bande de rats qui l’ont amochée de la sorte. J’ai trouvé de petites crottes dans l’entrée. Une affaire presque banale où le seul meurtrier est la misère humaine. Bon, je rentre au bureau taper mon rapport. Nettoyez-moi tout ce bazar. Refilez ce qui reste de la victime au légiste pour qu’il m’envoie son rapport qui corroborera ma thèse, et tout ce qui est dans le frigo aux voisins de l’immeuble. De la viande canine, ce sont bien les seuls à apprécier ! Cette affaire sera vite classée. »
L’inspecteur sort de l’immeuble avec la satisfaction du devoir accompli. Il ne remarque pas la troupe de chihuahuas tapie dans l’ombre de l’escalier de la sortie de secours, bouffé par la rouille. Un chien un peu plus grand que les autres, sûrement en raison d’un croisement avec un Yorkshire vu sa couleur, s’adresse aux autres : « On les aura un par un ces humains qui bouffent nos congénères. Le coup du tube de somnifère a bien fonctionné. Et Carlos qui voulait boire l’eau des toilettes avant de partir. Il ne se serait jamais réveillé ! Allez, on retourne devant la boucherie faire le guet.»
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