Estampe

Date 08-04-2014 19:10:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Cela fait quatre vingt deux mois qu’il ne s’est plus rasé!
Le seul soin qu’il apportait à sa barbe étaient de rares coups de ciseaux sommaires.
Il ne se rasait plus, car en quatre vingt deux mois il n’avait pas connu Rachel.
Elle lui a dit, narquoise: « à bas les masques à poils !»

Paul lui a prêté, à contre cœur, son nécessaire de rasage.

Tout d’abord, avec des ciseaux, il élague sa barbe.
Ensuite le blaireau brasse du savon dans un bol de cuisine.
Une serviette sur l’épaule, il est devant une fenêtre qui donne sur décembre.
Le restant roux de sa barbe est maintenant d’une blancheur onctueuse,
effacée seulement, sous la narine gauche, par une coulée muqueuse.

Il engage la boucle au pommeau de la crémone et il tend la ceinture.
La lanière accompagne la lumière déclive qui entre par les vitres.
Contre le cuir bandé, la lame du coupe-choux souffle des va et vient.
Au bout de chaque glissade remontant vers le jour,
l’acier dans une volte, ourle un rai de soleil.
A chacune des voltes, l’éclat de ce soleil chante par ses rayons de verre.

Il relève la tête pour dégager son cou, et le couteau crépite
en écumant la gorge.
Une inspiration longue lui plissent les yeux, le nez,
la lame s’immobile au maxillaire saillant, quand,
son souffle brutal s’écrase à la fenêtre.
Vincent regarde l’œuvre né d’un éternuement.
Il s’éprend de l’accord des tâches de savon, de salive et de sang.
Tandis que la serviette posée à son épaule s’abreuve de sève rouge,
Figé, Vincent s’émeut de fleurs de cerisiers dans les neiges tardives.



merci à Loriane pour son sujet sur Van Gogh







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