Merduline, ma bonne fée.
Date 08-04-2014 00:10:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Merduline, ma bonne fée.
- " Et comment on va faire, maintenant, pour lui décoller cette baguette des doigts ! hein, tu peux m'dire? " demanda mon père, rouge de colère. - " Peux pas te dire. J'ai essayé. J'ai tiré très fort, j'ai même cru que j'allai lui arracher le bras. Rien à faire, il ne veut pas lâcher la baguette. Il est déjà très fort, pour un nouveau-né. " lui répondit ma mère, avec de la fierté dans la voix. - " Mais quelle idée, aussi, d'avoir choisi la fée Merduline pour être sa marraine. Tu sais très bien qu'il fallait la laisser faire sa bénédiction AVANT qu'elle aperçoive les petits fours et les bouteilles. Non mais...dans quel état elle était quand elle s'est approchée du berceau.. Elle ne savait même plus où elle se trouvait ! et où elle a été chercher un nom pareil, pour le gosse ? Je lui avais dit ' Auguste ', comme moi. ça a de la gueule, non? ça fait distingué ; Auguste..J'ai jamais eu à m'en plaindre. Mais "Bacchus' ! où elle a été trouver un nom pareil ? " - " Ben elle m'a dit, avant de s'étaler sous la table : ça lui fera profit. On risquera jamais de le confondre avec un autre. " - " Ouaih, mais le coup de la baguette ? " S'exclama papa, vert de colère. - " Ah...ça s'est passé bizarrement. Quand elle s'est penchée sur le berceau, j'ai bien vu qu'elle voulait respecter la procédure habituelle, mais on sentait bien qu'elle ne maîtrisait pas la situation. Comme elle ne voulait pas lâcher sa bouteille, la baguette lui a échappé. C'est en voulant la récupérer que tout a mal tourné. Elle a failli plusieurs fois se retrouver dans le berceau, à côté de Bacchus et..." - " L'appelle pas comme ça ! J'veux pas ! " - " On n'y peut rien, c'est fait ..Je disais : comme elle pouvait pas récupérer sa baguette, elle a grogné ; Tant pis, garde-là jusqu'à ce que je revienne la chercher. Tiens-la bien, surtout. Et voilà pourquoi que..."
Vous avez eu le topo de la genèse de ma particularité.
Depuis ce jour, je ne dirais pas que ma vie a été facile, non. D'abord parce que je ne sais pas ce qu'est la difficulté J'ai commencé par utiliser les plus énormes biberons à contenance illimité.Ma mère a toujours eu beaucoup de mal a rattraper mes poussettes de compétition dont j'étais le créateur des carénages. Mes classes de maternelle étaient un jour en flammes, l'autre jour en praliné. Mes petites copines avaient souvent une main accrochée dans les cheveux, en train de les tirer. Bref, j'ai eu une première jeunesse riche en expériences multiples et souvent enrichissantes. J'aurais été relativement heureux, sans cette maudite baguette qui me collait aux pattes en permanence. J'étais très taquin ; j'ai toujours fait semblant de ne pas comprendre ce que mes parents me demandaient de faire apparaître. Par exemple, quand maman m'a dit un jour, à voix basse et caressante que l'or la rendrait la plus heureuse des femmes, j'ai fait semblant d'avoir compris. Peu après, ma petite sœur Laure est venue au monde Quand mon père m'a confié un soir qu'il serait content d'avoir à lui un petit coin pour ses vieux jours, il s'est retrouvé, peu après, propriétaire d'une concession à perpétuité dans le cimetière le plus chic de la région Je suppose qu'ils se marraient autant que moi. En fait, les choses ont commencé à se gâter à mon adolescence. Des murmures se répandaient à mon sujet. Par exemple, mes professeurs trouvaient très suspect que ce soit toujours les filles les plus jolies qui se retrouvaient à poils sur l'estrade durant les récitations. Pour apaiser les rumeurs, j'ai tenté le coup avec quelques vilaines, sans conviction. Quand est venu l'âge des amours, la jalousie de mes copains m'a fendu le cœur chaque fois que leurs petites copines, dès mon approche se mettaient à courir vers moi en hurlant " J'veux pas y aller ! j'veux pas y aller ! " Puis vint le temps où les sens se font impérieux. ça marchait très bien pour moi, merci. Si ce n'était ces ennuyeuses mijaurées qui ne supportaient pas une virginité renouvelée sans cesse . A douter de la pureté des filles.
Bon. Je vous épargnerais les détails d'une vie somme toute pas trop compliquée, si on sait s'adapter. L'ennui, c'est qu'on se laisserait vite atteindre par la lassitude. J'aimerais tellement qu'on me refuse quelque chose. Ce doit être grisant de punir un trouble-fête..
L'autre jour, à un baptême le hasard a voulu que je me retrouve accroché à la même bouteille qu'une vieille femme. Ce qui aurait pu me mettre la puce à l'oreille, c'est qu'elle ne se soit pas transformée en chope à bière, comme cela aurait du se produire. Elle m'a adressé un grand sourire ; - " tiens, mon petit Bacchus ! alors? on ne reconnait pas sa bonne marraine Merduline ? Comment se déroule ton existence ? " - " Heu..Bonjour, marraine. Heu ..bien.. Mais j'ai toujours la baguette que vous m'aviez confié. Vous vous rappelez ?. " Ma marraine éclata de rire; - " Si je me rappelle ! tu parles. Hou ce mal de cheveux, le lendemain ! Mais je vois que tu as encore ma baguette collée aux doigts. Bof...elle est bien démodée mais tu peux la conserver. Maintenant, tu ne me la gardes plus, elle est à toi . "
Et Pchttttt. elle s'évapora, emportant la bouteille.
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