Mon Testament
Date 07-04-2014 19:06:20 | Catégorie : Poèmes
| (Ceci est mon testament littéraire et théologique. Un peu long, mais, comme dirait Bacchus :"Plus c'est long plus c'est bon!"
Les ombres de mes jours mornes et monotones, Se mêlent dans le ciel, à celles de l'automne. Le dos déjà courbé par la force des ans Qui me pousse au tombeau et me tire dedans, Je viens prendre refuge au sein de la Nature, Avant l'heure fatale où serai pourriture; Au tournant d'un sentier, parmi les arbres nus, Je m'arrête un instant devant ces inconnus. En ces lieux égarés, voilà que je m'étonne De sentir en mon âme une étrange syntone. Et, dans le demi jour, en relevant les yeux, Inspiré, tout à coup, je veux parler aux cieux.
« Ô noblesse ! Ô beauté vraie, simple et solitaire ! Moi, qui n'ai jamais su méditer, ni me taire, Qui n'ai vu dans Goethe, Pythagore et Platon, Que ce qu'ils ont écrit au dessus de leur nom, Aveugle à l'invisible, cultivant l'éphémère, Riant du fou qui rie au bras de sa Chimère, Moi, indigne de toi, moi, ton plus grand suspect, Je me jette à tes pieds en signe de respect. J'arrive tard, c'est vrai, au seuil de tes mystères, Tard, aussi, à t'offrir mes voeux et mes prières, Mais, dans ce sanctuaire dont je romps le repos, Je t'implore, Ô Nature ! Écoute mes propos ! Par avance, ma mort, fut tout imaginée, Et suis prêt à mon sort comme le fut Énée En arrivant devant la Sibylle aux cent voix. Comme lui, résigné, je ne crains pas ta loi, Et s'il priait alors pour aller voir son père, Je n'ai qu'une requête, un seul désir sincère : Quand je serai parti, je ne veux revenir, Ne revenir jamais, ni même en souvenir. »
À ces mots prononcés, lentement, mon visage, Tourné vers l'Infini que vénère le sage, S'altère en recevant le souffle mystérieux Qui m'annonce de Dieu, la présence en ces lieux. Alors, descend en moi, une voix qui résonne, Sur le ton calme et sûr de celui qui raisonne.
« Pourquoi cette amertume et regrettables vœux ? Le don de vie, pour toi, ne fut donc pas précieux ? Tu en as pourtant joui, et bien plus que les autres, Je te revois encor, dans ses bras, qui te vautres ! Tu ne penses qu'à elle, ignorant l'Éternel ! Pourquoi donc, aujourd'hui, les yeux levés au ciel, Renies-tu l'existence qu'il te faudra quitter, Sans vouloir, de ta dette, envers moi, t'acquitter ? Tu ne veux revenir ! Que t'a donc fait ta vie, Qui, à tout un chacun, eut plutôt fait envie ? Et de quels grands malheurs, le sort, accuses-tu, Pour oser lui parler à l'heure où il s'est tu ? »
Sur ce, la voix s'éteint, et la mienne s'élève. « Ô Maître ! dont je suis l'indigne et fol élève, Ne peux-tu me connaître ? Tu m'as pourtant créé. Juste en me faisant naître, crois-tu m'avoir comblé ? Quand tu l'as désiré, tu me jetas sur terre, Et depuis ce temps-là , dans l'ignorance j'erre. J'ai tourné mille fois au pied de l'arbre bleu, À moi-même livré, pauvre et bien malheureux. Tournant autour du tronc dont pourrit la racine, Respirant, de sa fleur, la fragile origine, Oublieux de mon nom, pour m'informer du tien, J'ai passé là mon temps, en un noble entretien. Je n'y ai rien appris, ni fait de découverte, Et, tout ce qui fut dit, le fut en pure perte. Si au hasard des jours, cessant de te chercher, L'amour de quelque femme, je voulus m'attacher, Tu m'as vite montré, durant la tentative, Les dangers encourus par cette initiative. Chaque instant, en aimant, vitement disparut, Et voilà que la mort, aussitôt apparut, Ne laissant devant moi, qu'une vide carcasse, Et souvenirs furtifs d'une vie trop fugace. Tu m'as donné le jour pour vivre dans la nuit, Et offert le soleil pour augmenter l'ennui. Quant à la dette, Ô Maître ! que tu me réclames, N'étant point débiteur, partant, je suis sans blâmes. Au monde, je fus mis, sans mon consentement, Qu'on n'en attende point de remerciement. Face à Toi, l'Éternel, la main sur la conscience, Je déclare humblement, devant ta tout puissance : Quand j'aurai traversé le ténébreux marais Où reflue l'Achéron, je ne souhaiterais, Même pour t'obéir, Ô Toi ! que je redoute, Je ne souhaiterais refaire cette route. Je ne veux d'une vie, esclave de la Mort, Et quand j'en sortirai, je serai sans remord.
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