On a volé ma vie
Date 15-03-2014 17:30:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| On a volé ma vie
J’avance dans cette rue que je connais par cœur. Une jolie maison se démarque des autres par les couleurs vives de sa façade qui allie le vert prairie au rouge carmin. C’est mon chez-moi, mon nid douillet, celui où je vis avec ma femme Caroline et notre fils de … je ne sais plus quel âge il a. Les enfants grandissent si vite ! Il ne prénomme Nathan et il a mes yeux. Comme j’aime contempler les photos de mes deux amours. Assis à mon bureau, il m’arrive souvent de jeter un coup d’œil à leurs visages souriants qui semblent me murmurer « On t’aime ! »
Me voici face à la porte. J’entame une fouille minutieuse de mes poches, je sais c’est moche, comme dit la célèbre chanson (https://www.youtube.com/watch?v=rYP5Cd_hf7c) . Il semble que j’aie encore perdu mes clés. Ce n’est pas grave, Caroline est déjà rentrée. À mon coup de sonnette, la porte s’entrouvre avec un grincement. Il faut vraiment que j’huile ces gonds. Une jeune femme aux cheveux blonds bouclés apparaît. Mes yeux tombent dans son regard noisette et je frissonne d’émoi. J’esquisse un pas en sa direction, tout en lançant un joyeux « Bonjour, chérie ! », en m’attendant qu’elle me laisse entrer. Mais Caroline reste plantée dans l’embrasure, comme un vigile à l’entrée d’un night-club réservé à la jet-set, en me demandant :
« Qui êtes-vous ? Je ne vous connais pas. »
Mon visage exprime tout l’étonnement auquel on peut s’attendre. Je riposte :
« Elle n’est pas drôle ta blague. Laisse-moi entrer. J’ai fait toute la route à pied. Je rêve de m’affaler dans mon canapé. - Vous devez vous tromper d’adresse, Monsieur. - Non, j’habite ici au 127 rue de la Liberté et tu le sais très bien, Caroline ! - Montrez-moi votre carte d’identité qui le prouve. »
Exaspéré par ce petit jeu qui n’a rien d’amusant pour moi mais qui semble plaire à mon interlocutrice, je fouille les poches de ma veste en skaï, puis celles de mon pantalon de jogging noir.
« Je suis désolé. Je pense que j’ai oublié mes papiers avec mes clés au bureau. Tu sais bien que je suis une tête de linotte. - Allez-vous-en, Monsieur ! »
Sur cette phrase lancée comme une flèche dans la pomme de Guillaume Tell, Caroline referme la porte. J’ai juste le temps de glisser le bout de ma basket pour en éviter l’inexorable fermeture. La femme émet un petit cri de saisissement. Je m’empresse de prendre la parole.
« Chérie, tu ne me reconnais pas ? Je suis Marc, le père de Nathan. - Comment … connaissez-vous le prénom de mon fils ? - NOTRE fils ! - Si vous ne partez pas, j’appelle la police. - Mais … »
À ce moment-là , une grosse main se pose sur mon épaule et me tire en arrière. Je chute lourdement sur le trottoir pavé. Un homme barbu me fait face.
« Tu es revenu ! »
Il crie alors à l’adresse de Caroline :
« Appelle la police, vite. C’est lui ! »
L’homme s’assied sur mon ventre afin de m’immobiliser au sol et me regarde droit dans les yeux.
« Comment es-tu sorti de là -bas ? Tu as voulu tromper Caroline en te faisant passer pour moi ? Cette barbe et ta nouvelle coupe de cheveux n’y changeront rien. Tu as voulu m’éliminer il y a deux ans pour prendre une place qui, soit disant, était celle que je t’avais volée. Tu dois retourner là d’où tu t’es enfui et ne plus jamais revenir ici ! »
Les gyrophares des voitures blanches et bleues se reflètent sur les immeubles salis par la pollution. Tel un pantin désarticulé, je me laisse faire. Je sens des menottes à mes poignets puis une camisole qui m’enserre le corps, comme la ficelle d’un roastbeef, pendant qu’un gars me plante une aiguille dans le bras et m’injecte un produit que mon corps connaît bien. Comme un condamné, je marche dans la direction vers laquelle on me pousse.
Me voici assis devant mon bureau en formica. Je sors les deux photos planquées dans la doublure de mon pantalon et entame la rédaction d’une lettre :
« Caroline, ma chérie, Ma tentative fut à nouveau vaine. Ils m’ont à nouveau enfermé ici en me traitant de fou. Mais je finirai par te rejoindre, je te le jure et il ne se mettra plus jamais en travers de notre route. Nous vivrons enfin heureux à trois. Je t’en fais la promesse, mon amour. Ton Marc »
Inspiré de cette chanson :
https://www.youtube.com/watch?v=nhRTPCMr0GM
|
|