A chacun son dû ( 6ème partie; ( suite )

Date 31-10-2013 01:57:43 | Catégorie : Nouvelles


A chacun son dû ( 6ème partie; suite )

Se trouvant dans la même situation que la plupart de ses homologues, le souverain du Maroc proposa des changements constitutionnels qui donneraient plus de pouvoirs au gouvernement et plus d’illusions aux citoyens. Il promit à ces derniers qu’une ère de liberté et de prospérité allait voir le jour, que le pouvoir judiciaire deviendrait indépendant et par conséquent tous les marocains seraient égaux devant la loi.
Avant le référendum sur la nouvelle constitution, et pour calmer davantage les jeunes et leur montrer sa bonne foi, le régime créa hâtivement des commissions de contrôle qui entamèrent sur le champ leurs missions.
Les rumeurs, qui circulaient, parlaient de hauts fonctionnaires qui seraient dans le collimateur de la justice. Toute fortune douteuse devrait être justifiée.
Une psychose régna alors dans certaines familles riches qui avaient déjà commencé à brader tout ce qu’elles possédaient et projetaient de quitter le pays le plus vite possible. Elles envisageaient de s’installer sur le côté septentrional de la méditerranée ; le côté riche, libre et plein d’espoir. Elles comptaient rejoindre leurs amis en Europe, ceux là mêmes qui les avaient nommées aux postes clés de leurs pays d’origines. Cette frange de la population n’avait pas besoin de visa d’accès à l’Europe. Elle jouissait, elle et ses enfants, d’une double nationalité.
D’autres préférèrent mettre toute leur fortune aux noms des membres de leurs familles à qui elles faisaient confiance.
Les plus rodés aux rouages de la politique du pays - les absolutistes du régime, ceux qui s’étaient adonnés avidement au pillage du patrimoine national- gardèrent leur sang froid et leurs richesses tout en continuant à vivre sans le moindre souci. Ils savaient pertinemment qu’aucune commission ne pourrait les déranger. Ils avaient raison.
Grâce à un stratagème habile et quasi inaperçu, le référendum sur la constitution proposée par Sa Majesté, fut approuvé presque à cent pour cent.
Le juge Jalal qui ne figurait pas parmi les intouchables se sentit directement visé par ces contrôleurs. Il proposa à sa femme de mettre la valeureuse villa en son nom à elle. Lalla trouva la décision de son mari on ne peut plus sage, tout en pensant à Shimon qui allait être ravi en apprenant la nouvelle.
« Afin d’éviter tous les soupçons, il serait prudent de verser tout ton argent sur mon compte bancaire personnel », lui conseilla sa femme.
L’idée lui parut judicieuse et il promit de mettre à exécution leurs plans le plus rapidement possible.
Il tint sa parole, et un mois après, Lalla entra en possession de toute la richesse du couple.
Consciente de son nouveau pouvoir, Leila n’avait cependant changé ni son comportement ni ses habitudes. Elle continuait à prendre un ou deux verres d’alcool avec son mari chaque soir. Les deux amis intimes venaient tous les quinze jours passer la soirée avec eux. Seules les visites de Lalla au cheikh avaient diminuées de fréquence. Elle expliqua à l’homme venu du désert, que leurs rencontres en tête à tête allaient reprendre leur cours normal quand elle aurait réglé certaines petites choses. Al Madmoon accepta ses arguments sans insistance. Son amour pour la femme du juge commençait à s’émousser depuis la soirée où il avait remarqué que Mina, la bonne, était devenue une jeune fille très belle. De plus, Lalla, bien qu’elle ait gardé certains charmes, n’était plus la jeune femme à la taille mince qui attirait les regards. Certaines rides commencèrent même à envahir la peau de son cou, malgré les pommades et les crèmes que la femme du juge leur appliquait chaque soir avant de dormir.
Dans la chambre à coucher, Lalla, rayonnante de joie et toute excitée, informa Shimon de sa nouvelle fortune. Elle le pressa même d’agir vite afin qu’ils puissent quitter le pays pour la Suisse.
Le juif la prit entre les bras, lui caressa les cheveux avant de déclarer :
« Ecoute mon amour, nous ne pouvons pas prendre nos valises comme ça et débarquer en Europe, surtout en Suisse, un pays neutre et qui ne fait pas partie de l’Union Européenne. Là-bas, les règlements sont stricts… »
« Ne me dis pas maintenant que tu vas abandonner notre projet ! », l’apostropha sa compagne.
« Bien au contraire, la rassura Shimon. Mais il va falloir vendre la villa, convertir l’argent en dollars, faire sortir cet argent en Suisse, acheter un chalet près de Genève, une ville que tu vas trouver admirable, avant de revenir pour t’emmener avec les petits. Or, ces petites choses demandent beaucoup de temps ».
« Et qu’est-ce que tu attends pour faire tout ça ? », lui demanda Leila. Elle avait hâte de vivre pleinement son amour près de Genève.
Il la rassura en lui demandant de vendre la villa d’abord. Il lui recommanda de préciser au notaire, que la maison ne pourrait être définitivement libre qu’un an après la vente, quitte à faire diminuer le prix.
Elle exécuta ses ordres, vendit la demeure un mois plus tard, et versa tout l’argent sur le compte du juif. Une fois cette transaction achevée, elle se sentit heureuse et rajeunie. Elle remarqua même que certaines rides de son cou avaient pratiquement disparues.
Elle allait enfin goûter au bonheur dont elle avait tant rêvé.
( A suivre )





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