Bon chien !
Date 28-10-2013 05:48:34 | Catégorie : Nouvelles confirmées
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Nous sommes vendredi, 17 heures. Camille sort du bureau en effectuant quelques contorsions pour soulager son dos endolori par les heures qu’elle vient de passer, assise devant son écran. Un coup d’œil à sa montre lui rappelle qu’il ne faut pas traîner si elle veut parvenir à la gare à temps et rentrer enfin chez elle pour le week-end. Au petit trot, elle rejoint le quai numéro deux. Tous les bancs ont été pris d’assaut, plus de place assise pour se poser dans l’attente du train. Camille s’adosse au distributeur de boissons à la couleur dominante rouge, prônant une marque connue mondialement.
Une dame âgée d’une soixantaine d’années monte péniblement les marches du souterrain. Elle tient en laisse un chien blanc et noir, d’une race impossible à déterminer. En effet, l’animal possède la taille d’un Yorkshire, les poils d’un caniche et la queue d’un teckel. Sa propriétaire semble faire la même constatation que Camille. Espérant que le statut que lui confère son âge lui permette de se voir offrir une place de la part d’un cadet, elle s’approche lentement des bancs. Mais la journée semble avoir été pénible pour tous et personne ne se lève. Les uns lisent la gazette, d’autres tapotent leur GSM ou encore tentent de grappiller quelques minutes de sommeil.
Des phares commencent à se profiler à l’horizon et apporter ainsi l’espoir aux voyageurs d’un retour dans leurs pénates. Camille se redresse et fouille son sac à la recherche de son ticket lorsqu’elle entend crier : « Kiki, reviens ici ! ». Elle voit passer en trombe à ses pieds le chien hybride qui se dirige à l’opposé du quai. La dame court, ou du moins en donne l’illusion, derrière son cher animal. Après un court instant d’hésitation, et voyant que personne n’a décidé de prêter main forte à la vieille dame, Camille se met à poursuivre le fuyard. Pendant qu’elle met toute l’énergie qui lui reste dans la course, elle entend derrière elle « Kiki, reviens ici ! Vilain chien, tu n’auras pas à manger ce soir. ».
Kiki parvient à la fin du quai, où une bordure assez haute l’empêche de continuer sa fuite. Camille le rejoint et attrape promptement la laisse en cuir rouge. Pendant qu’elle reprend son souffle, elle jette un œil inquiet en direction du train qui ne cesse de klaxonner. Son arrivée en gare semble anormalement rapide et des étincelles jaillissent des roues. Ensuite, tout s’accélère. La locomotive dévie de sa trajectoire, traverse le quai numéro deux, fendant la foule hurlante, pour terminer sa course en défonçant le mur gris de la gare dans un fracas épouvantable avant de s’immobiliser.
Camille s’avance vers la petite dame qui n’était pas encore parvenue à la rejoindre. Avec stupeur, elles observent toutes deux ce spectacle de fin du monde. Un aboiement les sort de leur catatonie. La jeune femme regarde l’animal qui halète et remue la queue joyeusement. Elle tend la laisse à sa propriétaire en disant : « C’est un bon chien. Ne le privez pas de repas ce soir ! ».
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