Alice exagère !
Date 10-10-2013 09:40:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Moi je vous le dis comme je pense : Alice a eu tort de fouiller les placards pendant que sa grand'mère finissait de cuver sa petite cuite journalière. - " Menfin ! qu'est-ce que mémé peut bien picoler pour se mettre dans un état pareil chaque jour ! " Il est vrai que le mystère , depuis des années, planait sur l' étrange breuvage que mémé tétait au goulot, dés l'heure du thé, dans des bouteilles ordinaires et sans étiquettes. C'était toujours à ce moment que mémé se mettait à chanter ' la vie en rose '. Fallait-il y voir un rapport ? La curiosité l'amena jusqu'à la chambre de tonton Jack; une chambre toujours fermée à clé, tonton Jack ne tolérant pas que l'on passe le seuil de sa chambre. Machinalement, Alice exerça une pression sur la clenche et...la porte s'ouvrit. Surprise et un peu angoissée, Alice parcourut du regard l'incroyable accumulation de bouteilles d'alcools, de liqueurs, d'apéritifs et vins de toutes origines. Elle se dit aussitôt qu'il y avait là suffisamment de liquide pour enivrer la ville entière. Ben tiens ! sa grand-mère y compris. Une idée commença à germer dans son esprit. Elle avança de quelques pas . Une petite cuve de cuivre trônait devant la fenêtre, posée sur une table. Elle était pleine à ras bord d'un liquide sombre, dégageant une entêtante odeur d'alcool. Il y avait un petit robinet à la base de la cuve et, aux pieds de la table, cinq à six jerricans portant une étiquette : " Lancaster " , et, tout à côté, une pile de bouteilles vides qui ressemblaient étrangement à celles que mémé tétait, chaque jour.Un mystère venait de s'éclaircir. C'est à ce moment précis qu'Alice commit une erreur. Elle voulut savoir ce que mémé trouvait d'aussi plaisant dans cet étrange mélange, au point de vouloir le goûter abondamment chaque jour. Prenant une des bouteilles vides, à ses pieds, elle la plaça sous le petit robinet qu'elle ouvrit. Un petit filet ambré s'écoula . Alice laissa la bouteille se remplir et ferma le robinet. Elle alla s'asseoir sur le bord du lit de tonton Jack et, en hésitant, elle fit comme mémé : elle têta une gorgée de liquide et se mit aussitôt à tousser. Reprenant son souffle, Alice reconnut toutefois que ce mélange avait un goût surprenant, certes, mais pas déplaisant du tout. Et elle but quelques gorgées plus lentement. Elle ne toussa pas. Elle en reprit d'autres. Elle sentit une douce euphorie se couler dans tout son corps et, joyeusement, elle se mit à chanter ' la vie en rose' . Elle en était au deuxième couplet quand une chose surprenante se produisit, sous ses yeux : un grand trou rond s'ouvrit dans le mur, en face d'elle, sans un seul bruit. Un trou sombre. Puis une légère clarté lui permit de distinguer une forme . Une tête se montra. C'était un énorme lapin, de la taille d'un enfant , avec un bandeau sur l'oeil gauche. Le lapin sauta prestement dans la chambre : - " C'est toi, Alice ? " Alice opina de la tête en ricanant un peu bêtement . - " Bon. Ne perdons pas de temps en discussions inutiles. Selon le programme, t'es censée me suivre pour découvrir des choses merveilleuses. ça m'énerve ! t'as pas une play-station, des DVD à voir, un joint à te rouler ? Non ? Toi, t'attendais un lapin...Je voulais justement t'en poser un, mais Loriane m'a tatané les miches pour que je vienne, alors me v'là. Bon, et bien bouge-toi, parce que moi, après, je dois aller donner un coup de main au marquis de Carabas " - " Ah mais non ! non non non ! Pour le marquis de Carabas, faut que ce soit un chat ! " - " Commence pas à raisonner, toi. Le chat, on a oublier de le reprendre à la fourrière. Je remplace " Et sans ajouter un mot, il sauta à travers le trou. Alice, en titubant, le suivit péniblement et, bien qu'elle fut bien disposée pour accepter n'importe quoi, elle marqua tout de même le coup : ils se retrouvaient en pleine campagne; mais une campagne de dessin, joliment tracé aux crayons de couleurs. Le lapin se tourna vers elle :- " Suis-moi. C'est l'heure du déjeuner " - " Y'aura à boire ?" Le lapin haussa les épaules, semblant découragé, puis repris sa route à grands pas, suivi par une Alice qui passait beaucoup de temps à se relever et qui le rejoignait en titubant. Ils arrivèrent devant une jolie petite auberge au toit de chaume, avec une enseigne qui étonna Alice : " Au chasseur délicieux " Quand ils entrèrent, un joyeux brouhaha les accueillit . Etonnée et ravie, Alice aperçut, au hasard des tables, Dracula en discussion avec Donald Duck, Hulk en train de faire un bras de fer avec le petit chaperon rouge, Frankeinstein qui faisaient rigoler les trois petits cochons. Devançant sa question, le lapin expliqua à Alice : -" Repos journalier obligatoire. C'est le syndicat qui veut qu'on s'arrête pour se reposer un peu. Et zut, à la fin...On n'est pas des humains ! " Puis il prit deux assiettes dans une pile et se dirigea vers un énorme chaudron qui bouillonnait sur un feu de bûches. Alice se pencha sur le chaudron: - " Qu'est-ce que c'est ? " - " Du chasseur au vin rouge . C'est un plat économique : le vin rouge, les chasseurs l'ont toujours avec eux ! " Incrédule, Alice observa le bouillonnement et vit une casquette surnager et disparaitre, un morceau de cartouchière et des morceaux étranges que son esprit refusa d'identifier . - " Les meilleurs morceaux sont plus lourds et restent au fond de la marmite. Ils cuisent mieux, ils sont plus succulents. Sers-toi " lui dit-il, en se retournant pour lui tendre une grosse louche.Il eut juste le temps de la voir passer la porte en courant.
Une fois dehors, Alice se mit à ricaner nerveusement : - " Ouah ! si c'est un effet du lancaster, j' n'en reprendrais plus." Puis, se ravisant , " j'en prendrai moins " Et elle s'engagea allègrement sur un petit chemin dessiné en orange, bordé de petits buissons bleus - " C'est surement un tout petit qui a dessiné ça, se dit Alice. C'est joli, mais ce n'est pas très naturel . " Brusquement, un chat apparut devant elle, sans qu'elle ait pu comprendre d'où il sortait. - " Tiens, un chat du Cheshire ", se dit-elle en se demandant où elle allait chercher des trucs pareils C'était surement un chat un peu demeuré, à voir le sourire de crétin qu'il lui adressa. - " Coucou ! " Lui fit-il. Plaff ! il disparu aussitôt , en explosant comme une bulle. Il ne restait de lui, suspendu dans l'air, que l'image de son sourire bête, avec un peu de bave. - " Ah la voilà ! " Et il réapparut, avec un sourire encore plus niais, Alice continua sa route en haussant les épaules, en entendant la voix qui s'affaiblissait au fur et à mesure qu'elle s'éloignait : - " Coucou !.....Ah la voilà !.....Coucou !.....Ah la voilà....Coucou..."
Alice marchait , pas encore très assurée sur ses jambes lorsque, chemin faisant, elle vit près d'un bosquet, au bord de la route, un énorme lièvre, assis à une petite table encombrée. - " Ben dis-donc, Alice, l'interpella t'il en regardant sa montre, l'heure du thé, tu as entendu parler , " Alice se mit franchement à rigoler . - " Tu parles ! Tous les jours ! 1/4 d'heure avant que mémé entame ' la vie en rose ' " - " Te fiches pas de moi . On a un planning à respecter: dans une demie heure, tu as une partie de foot avec la reine sans coeur, et elle ne tolère pas les retards. " - " Du foot , Beurk..J'aimerais mieux une partie de croquet, ce serait plus classe ? " - " Encore une raisonneuse, dit a mi-voix le lièvre, l'air découragé. Tiens assied-toi. Comment tu le veux, ton thé : Lait ? citron ?" Devant la moue d'Alice, il reposa la théïère . - " Ca va, j'ai compris...T'es une habituée des raves, hein ! tu veux du solide ! Tiens. On vient de me livrer par épisode spéciale, du...... ( il déchiffra l'étiquette d'une bouteille qu'il prit près de lui ) ...du...Lancaster . Connais pas . Hé ! hé ! Mollo ! et puis c'est pas très distingué de boire au goulot ! Et zut. Quelle idée de s'obstiner à raconter des contes pour enfants. Y'en à plus, des enfants . Pocharde ! ivrognesse ! mal élevée ! ( il en bafouillait ) Terr...terrienne !
- " Ho, la soularde ! tu vas me faire attendre longtemps, comme cela ! fais fissa, le ballon est au milieu du terrain " Alice regarda avec étonnement l'énorme dame qui la dévisageait, les deux poings sur les hanches. -- " C'est vous, la dame sans coeur , Quelle drôle de nom ! pourquoi on vous appelle comme cela ? " - " A cause d'une étourderie, une bévue d' imbécile, un oubli regrettable : J'ai subi un petit ravalement intérieur , une petite révision imposée par le syndicat des écrivains pour enfants. Mais le bricoleur qu'ils m'ont envoyé à oublié des pièces sous la table d'opération. Mais c' est rien, j'arrive à faire sans. Je ne fais plus les rôles de bonne marraine, c'est tout. " Tout en parlant, la reine sans coeur avait engagé la partie et dribblait Alice qui, pour faire plaisir , tâchait de prendre le ballon, sans y parvenir. - " Si tu crois pouvoir me piquer la balle, tu te mets le doigt dans l'oeil. ça fait des décennies que je joue tous les jours, alors tu peux courir, tu ne l'auras pas " Alice eut soudain le regard attiré par un groupe de jeunes gens qui la regardaient avec un air méchant, haineux. - " Pourquoi ils me regardent ainsi, ceux-là, dit-elle à la reine sans coeur, on a l'impression qu'ils veulent me bouffer " La reine sans coeur éclata de rire : - " Ah, ceux-là ! ils avaient le droit de jouer, avant, mais ils faisaient tellement de fautes de jeu qu'ils se sont tous pris un carton rouge. Ils sont maintenant interdit de jeu à vie Ils sont obligés de rester sur le bord du terrain. Pour se moquer d'eux, on les appelle ' le paquet de cartes rouges '. ça les fait rudement râler "
Alice n'aurait jamais du les provoquer en leur tirant la langue. cela rendit furieux la meute de gaillards à bout de nerf qui n'attendaient probablement qu'une occasion pour laisser exploser leur colère. Ils se ruèrent sur Alice, l'empoignèrent et la jetèrent au sol.Ils se mirent alors à la bourrer de coups de pieds, s'en sevant comme d'un ballon. -" Arrêtez ! arrêtez ! " hurlait Alice, terrorisée. - " Soûlarde !, sac à vin ! t'es bien la petite fille de mémé! Alors toi aussi, tu as pris gôut à mon lancaster ! " Etonnée, Alice ouvrit un oeil. Tonton Jack était en train de lui donner quelques coups de pieds, sans grande conviction. Il avait l'air terriblement déçu. Elle se releva et défroissa sa robe du plat de la main. - " Excuse-moi, Tonton. Je me suis laissé tenter, mais je ne recommencerai plus. " Dit-elle en croisant les doigts de sa main gauche, dissimulée dans son dos. " Je dois aller voir mémé: je crois qu'elle aimerait que je prenne le thé avec elle ."
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