Un commerce en voie d'extinction

Date 28-09-2013 11:40:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Commerce en voie de disparition

En 1997, fraîchement mariée et diplômée, je décidai d’ouvrir un vidéoclub. C’était très en vogue ; il y en avait déjà huit pour notre ville de cinquante mille âmes. Mon époux aurait préféré une épicerie mais, notre magasin étant situé quasi en face d’un supermarché, l’idée fut rapidement balayée.

Nous avons donc entamé toutes les démarches administratives et financières nécessaires avant de contacter un fournisseur. Ce dernier nous a proposé un lot de quatre cent cassettes vidéo, unique support pour les films à l’époque, afin de démarrer notre activité. Nous avions récupéré des présentoirs et le comptoir de la librairie de ma marraine qui avait pris sa retraite.

Dans notre lot, nous avions dix cassettes pour public averti de plus de 18 ans. Le fournisseur nous a bien précisé qu’il ne fallait pas négliger ce type de clientèle. Afin que les images illustrant les jaquettes ne soient pas exposées au regard innocent des plus jeunes, nous avons aménagé un cul-de-sac (sans jeu de mot) de deux mètres carrés dans un coin du magasin. L’accès y était masqué par un rideau, récupéré chez ma grand-mère, avec une affichette suspendue « Interdit aux moins de 18 ans ».

Nous étions le 5 septembre. Les jours précédents, nous avions inondé de nos tracts les boîtes à lettres du quartier. Il était 14 heures lorsque « Shamballa vidéoclub » a ouvert pour la première fois ses portes au public. Nous avions choisi ce nom à consonance étrangère en raison de l’origine asiatique de mon mari et pour sa traduction signifiant « paradis ».

Un couple est entré, nos premiers clients ! Madame était enceinte jusqu’aux oreilles. Elle a lancé à son « homme » ; « Vas-y. Choisis, toi ! Je m’inscris.». Tout naturellement, mon client « number one » s’est faufilé derrière le rideau et est revenu, sourire aux lèvres, avec quatre boîtiers qu’il m’a remis, réduisant à néant mon secret espoir que nos nouveautés étaient notre plus grande force.

C’était parfois drôle lorsque deux messieurs (car ce sont généralement des hommes) se retrouvaient dans mon réduit. Certains attendaient patiemment que l’autre ressortait, priant qu’il ne prenne pas les meilleurs films ! Depuis, nous avons agrandi le magasin et une pièce est réservée à ces films un peu particuliers qui conservent leur public.

Les DVD sont apparus et nous avons commencé à en offrir à la location dès 2000, laissant peu à peu nos cassettes prendre la poussière.

A partir de 2006, nous avons commencé à ressentir une baisse d’activité. Nous perdions le monopole, détrônés par le système de VOD (Video On Demand) et surtout le téléchargement, illégal ou non, sur internet. Les vidéoclubs se sont peu à peu raréfiés. Nous avons dû élargir nos services en proposant d’effectuer des copies, d’envoyer des fax, de se ravitailler en tabac ou boissons.

Un peu comme les cordonniers délaissés en raison de la baisse des prix des chaussures, les vidéoclubs risquent de disparaître. D’ici quelques années, plus personne ne dira : « Chérie, je sors pour aller louer un film ! Je te prends du popcorn ? ».

Alors, lorsque vous passerez devant celui de votre quartier, s’il existe encore, pensez à moi !
[img width=300]http://www.hostingpics.net/viewer.php?id=815634shamballa.jpg]Image originale[/url][/img]



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