Comme une poupée : dimanche 2 novembre (partie 2)

Date 25-08-2013 06:40:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Pour une bonne compréhension, je vous invite à lire les chapitres précédents :

ici : http://www.loree-des-reves.com/module ... /article.php?storyid=2688

et ici : http://www.loree-des-reves.com/module ... /article.php?storyid=2701


Vers 10 h, Mom revient avec une bassine archaïque remplie d’eau, un pain de savon, un gant de toilette et un grand essuie.
« C’est l’heure de la toilette ! annonce-t-elle joyeusement. »
Elle aide Lucie à s’asseoir, le dos calé par trois oreillers, puis à retirer la chemise de nuit d’emprunt. La jeune fille, un peu gênée, est soigneusement lavée de la boue qu’elle a encore jusque dans les oreilles.
Mom se dirige ensuite vers une imposante garde-robe ancienne. Les gonds grincent de façon sinistre comme s’ils n’avaient pas été sollicités depuis des lustres. La dame en retire une robe Vichy mi-longue.
« Tiens. Enfile ça. Tu seras très jolie.
- Ça appartient à votre fille ?
- Appartenait, oui. Elle est morte.
- Oh. Je suis désolée. Que lui est-il arrivé ?
- Elle n’a pas survécu à une vilaine pneumonie. Elle avait seize ans. Tu lui ressembles un peu. »
Lucie observe la chambre mais s’étonne de ne trouver aucune photo de la défunte. Les jouets lui font plutôt penser à une enfant partie plus jeune. Quelle fille raisonnable dormirait encore avec un nounours à seize ans ?
Mom semble très émue de découvrir Lucie revêtue de la robe d’un autre temps. La jeune femme n’ose rien dire, même quand son hôte commence à brosser consciencieusement sa tignasse rousse. Quelques minutes plus tard, Lucie se retrouve avec le même chignon que Mom. Cette dernière semble satisfaite de son travail. Lucie s’enquiert du lieu où siègent les toilettes. Sans répondre, la vieille dame quitte la pièce. Elle revient peu de temps après avec une chaise percée en bois. Elle la dispose sur la gauche du lit de Lucie en annonçant :
« Voilà. C’était celle de ma grand-mère. On a changé le seau.
- Pourquoi ? Il était plein ? »
Mais la vieille dame ne semble pas sensible à l’humour de Lucie. Elle lui adresse un sourire et sort à nouveau.
Lucie se sent de plus en plus mal à l’aise. Ce couple a un comportement étrange. Il ne semble pas pressé de voir Lucie les quitter. Même si elle leur rappelle leur fille, elle ne compte pas faire de vieux os ici. Elle décide de vérifier si une fuite, même lente, est envisageable. A deux mains, elle soulève sa jambe droite et pivote, non sans serrer les dents. La voilà assise. Elle tente de se mettre debout, appuyée sur sa jambe gauche. Son équilibre est précaire. Elle essaie de faire un pas mais le sol semble se dérober sous elle et elle se retrouve nez à nez avec la descente de lit poussiéreuse. Le bruit de sa chute et de ses plaintes alerte ses hôtes qui arrivent aussi vite que leurs vieilles jambes leur permettent encore.
Avec une aisance déconcertante, le maître de maison soulève Lucie et la dépose à nouveau dans le lit à baldaquins.
« Que s’est-il passé ? Tu es tombée du lit en dormant ? »
- Euh … non. Je voulais vous rejoindre en bas. Je me sens seule ici. »
Lucie ne peut dévoiler ses intentions profondes, de peur de susciter leur courroux et d’aggraver sa situation plutôt précaire.
« Il fallait demander. »
Et il la transporte jusqu’au salon. Lucie découvre la pièce qu’elle a entrevue la veille. Le canapé aux couleurs passées laisse apparaître le rembourrage sur le bord des accoudoirs. La décoration est très rustique : tableaux avec scènes de chasse, meubles Louis XVI piquetés par l’humidité, tapis d’Orient mités et … aucune télévision, ni de photo d’enfant. Ils ont dû être traumatisés par la disparition de leur fille et ont décidé d’en cacher tous les portraits. Il y a une vieille radio des années cinquante que Dad allume avec une joie non dissimulée. Un air d’accordéon se met à résonner dans la pièce. Lucie se pince discrètement afin de déterminer si cette scène est réelle. Elle accentue la force de sa pincette lorsque ses hôtes se mettent à valser devant elle.
La danse terminée, les amoureux essoufflés saluent l’assistance, se réduisant à leur prisonnière. Lucie fait mine d’applaudir. Mom file ensuite dans sa cuisine et Dad dans son jardin.



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