La cour du conservatoire

Date 15-08-2013 17:56:37 | Catégorie : Poèmes confirmés


Un Ange était tombé dans la sublime cour
D’un antique palais de la Sérénissime :
Des murs qui palissaient, des statues de l’Amour,
Un babil argentin et quelques hautes cimes.

La journée débutait et l’ombre et la lumière
À peine commençaient leurs danses enivrées ;
Le grand astre rythmait la transe journalière
Qui devait se jouer sur la terre cuivrée.

La paroi projetait sa fraicheur dans la cour ;
Les cyprès la suivait, ainsi que la fontaine,
Mais le grand querelleur, au gré de son parcours,
Chassait en pas croisés l’ombre fière et hautaine.

Mais voilà arriver dans la voûte azurée
Poussé par quelque vent un immense nuage.
Il recouvre Hélios : l’astre démesuré
Un instant seulement ne danse avec l’ombrage.

Puis le grand astre d’or, récupérant ses droits
Grâce à l’appui soudain d’un fils du vieil Eole,
Mène à nouveau la danse et redevient le roi
Du bal qui se jouait loin de son auréole.

Le bel enfant de nue, tombé, était heureux
De l’intime expression d’un charme désuet ;
Il se taisait ainsi que se tait l’amoureux
Mais ce n’est point la vue qui le laissait muet.

Car il n’y avait pas que l’unique tableau,
Que les quatre parois aux allures gothiques,
Que les haies élevées, que le pré et que l’eau :
La vie était ailleurs, dans les sons harmoniques.

Derrière les murs aux épaisses parois,
Par delà les carreaux recouverts des tentures,
Loin de l’astre doré qui croit et qui décroit,
Résonnaient quelques sons, des perles sans parure.

Un clavier moquait le virtuose hongrois
Par quelques parodies offertes par Doucet,
Un autre récitait, d’un timbre plein de joie,
D’un brillant autrichien un charmant menuet.

A quelques pas de là se lamentaient les cordes.
Un artiste sensible, effleurant l’ivoirin,
Faisait connaître à tous l’éternelle discorde
Du jour et de la nuit : il jouait du Chopin.

Le nocturne sonnait loin des bruits de la terre.
Pourtant lui répondaient, sous les planches scolaires,
Des accords accablants tout emprunts de mystère,
Un piano, une voix : les Lieder de Schubert.

Dans la pièce à côté, un charmant clavecin
Laissait monter dans l’air des notes de Rameau.
Dans un autre salon, l’illustre Couperin
Ecoutait résonner les sons de ses morceaux.




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