La Plaine des Confins du Monde, Prologue
Date 15-10-2012 14:50:00 | Catégorie : Nouvelles
| Il s'agit du Prologue du récit que j'écris depuis quelques temps ; un texte ancien que j'ai remanié afin de correspondre au récit que je suis en train d'écrire sur les Territoires Extérieurs et la Citadelle Ecarlate :
Aujourd’hui, mon voyage de l’autre coté de la Frontière débute, et je me dirige vers l’Est, laissant Khem derrière moi. Comme prévu, je m’apprête à partir à ta recherche, mon amie. Pour ce faire, je m’enfonce donc au cœur de ces Territoires Extérieurs que je connais déjà si bien pour avoir arpenté ses Plaines désolées il y a plusieurs mois de cela. Combien de Secrets plusieurs fois millénaires sont t’ils dissimulés au-delà de cet horizon nébuleux ? Loin au Sud, j’aperçois le Mur ; ces Monts qui s’étendent à l’infini tout le long de la nappe herbeuse que je foule abruptement. Ils m’apparaissent un instant dans toute leur majesté ; bordés de sentiers étroits et sinueux, de précipices sans fonds. Ils montrent des sommets recouverts de neiges éternelles enveloppés de nuages multicolores. Leurs brumes sont d’ailleurs en permanence zébrées d’éclairs dont les échos se répercutent jusqu'à moi. Ils révèlent encore quelques abysses au cœur desquelles l’antique Race Draconique s’est jadis réfugiée. Nombre de Légendes que j’ai étudiées lorsque je me trouvais dans la Grande Bibliothèque de Mesylath – la Cité des Piliers – en ta compagnie, mon amie, évoquent d’ailleurs d’innombrables Traditions à leur sujet : certaines disent que ces Créatures Mythiques se sont emmurées à jamais dans leurs tanières à l’issue des batailles qu’elles ont autrefois menées contre les Géants. Or, d’autres ne soulignent t’elles pas que leur Réveil est proche ? Ne révèlent t’elles pas que les Ages Sombres que nous vivons actuellement sont sur le point de se terminer ? Mais ce n’est pas vers eux que me conduisent mes pas. Ceux-ci m’entrainent vers l’Est et la Citadelle Ecarlate à l’intérieur de laquelle il semble que tu as trouvé refuge. Auparavant pourtant, mes pas me font croiser la route de Colosses de Pierre ; ils sont renversés au milieu de la steppe herbeuse. Leurs gravats sont partiellement recouverts de ronces multicolores aux épines empoisonnées. Mais ce qui me frappe le plus lorsque je les observe, ce sont leurs visages : ils ont tous les traits figés par la stupeur et l’effroi. Il semble d’ailleurs me souvenir d’un conte que j’ai lu la première fois que je me suis rendu à la Grande Bibliothèque de Mesylath. Et ce dernier expliquait que le sol que j’arpente actuellement est protégé par de gigantesques statues dont les tètes touchent les Etoiles du Ciel. Il décrivait aussi la façon dont ces Colosses ont été érigés ; qu’elles ont été taillées en l’honneur des Peuples qui ont peuplé les Territoires Extérieurs à l’époque où le Monde était encore jeune. Il racontait enfin qu’elles sont destinées à en protéger l’accès. Je dépasse maintenant Les Géants de Pierre. Instantanément, un sentiment étrange s’ancre au fond de moi. J’ai l’impression soudaine que le vent du changement se met en mouvement. Au-dessus de moi, le Ciel s’obscurcit ; les étoiles illuminent le Firmament ; elles illuminent progressivement l’infini céleste, tandis que les Constellations qu’elles évoquent me rappellent les Oracles interdits. Elles font ressurgir en moi les Présages annoncés par les Anciens Mages ayant vécu en Hybaloth du temps de sa splendeur.
Alors que je progresse vers l’Est depuis plus d’une demi-journée maintenant, je discerne des nuages noirs s’accumuler progressivement derrière l’horizon. Avec épouvante et stupéfaction, je contemple leurs masses épaisses se mouvoir à une vitesse stupéfiante ; ils se précipitent dans ma direction et semblent accompagnées de bourrasques répandant un souffle coléreux au-devant d’eux. De fait, leurs ombres enveloppent très vite le paysage désolé qui s’étend devant moi. Et, en moins d’une dizaine de minutes, le Soleil disparaît pour laisser place à une nuit sans Lunes parfois zébrée d’éclairs. Puis, dès l’instant d’après, une pluie fine et drue se met à s’abattre au sol. C’est comme si une nuée acide se déversait tout à coup. A sa suite, je perçois des grondements sourds surgir d’au-dessus de ma tète. Les nuages s’entrechoquent maintenant les uns contre les autres à vive allure. Ils provoquent des craquements et des déflagrations multiples. Ils font naitre des éclairs blancs partant à l’assaut de la steppe ; comme si, soudain, l’Enfer avait décidé de se déchainer sur ce fragment des Territoires Extérieurs. Malgré tout, je continue à avancer. Le bruit sourd du tonnerre résonne régulièrement à mes oreilles. Les zébrures illuminent assidument la plaine. J’en profite alors pour jeter un regard vers l’Est. Et à chaque fois, que la terre herbeuse s’embrase sous leurs coups de fouet, je fixe la Citadelle couleur de Sang accrochée à son ponton rocheux loin devant moi. Mais cela ne dure pas, et bientôt, les ténèbres m’enveloppent à nouveau. Mes yeux tentent vainement de les percer, tandis que la pluie redouble, et que les rafales tourbillonnantes parcourent les lieux sans relâche ; ils m’empêchent de distinguer quoi que ce soit à plus d’une demi-douzaine de pas.
Soudain, alors que l’orage s’intensifie encore, je me remémore mon nom : Aÿcart ; et je me souviens de l’apparence que j’offrais au moment où j’ai quitté la Cité de Khem, ce dernier ilot de Civilisation avant la Frontière. Je revois ma longue chevelure se déversant jusqu’au bas de mes épaules. Sa couleur naturelle est d’un brun mêlé de gris. Car, bien que je sois encore jeune – une vingtaine d’années tout au plus – les épreuves que j’ai affrontées durant ma jeunesse l’ont abimé ; comme mon visage, qui est marqué de nombreuses cicatrices. La plus visible de ces mutilations débute juste au-dessus de mon œil droit, et se termine au bas de mon cou. Elle rend mon regard, d’un bleu intense, naturellement farouche. Quant à mon nez, il est aquilin, et mes lèvres sont charnues. Tandis que sur le coté gauche de mon visage apparaît un grain de beauté dont la grosseur le fait davantage ressembler à une tache de naissance rougeâtre de trois à quatre centimètres de diamètre. La partie haute de mon corps, si elle n’est pas d’une maigreur extrême, comme cela a pu être le cas à une certaine époque, est mince et frêle. En effet, ma stature n’a jamais été d’une vigueur monumentale. Bien au contraire, elle est d’une délicatesse et d’une fragilité qui m’oblige parfois – mais pas actuellement – à m’appuyer sur un bâton dont les bords sont sculptés d’entrelacs et de symboles Magiques. Il me suffit d’un Mot pour activer les pouvoirs protecteurs ou défensifs de celui-ci ; ou pour qu’une énergie dévastatrice s’en échappe et assomme momentanément d’éventuels assaillants. Il est actuellement rangé dans le havresac que je porte sur l’épaule, et dans lequel se trouvent le reste de mes affaires de voyage. La seule spécificité véritablement remarquable de ma personne réside dans mes mains. Ces dernières sont d’une agilité extraordinaire. Elles font de moi un excellent combattant à l’épée. Elles sont également l’outil indispensable et nécessaire – de même que ma monumentale mémoire – dans la manipulation des différents éléments nécessaires aux Incantations et autres Sortilèges issues de l’Art. Le seul signe distinctif de mon appartenance il y a des années de cela à l’Ordre est un anneau d’argent. Son sommet sculpté est de facture semblable au pommeau de ma canne : il s’agit d’un dragon aux ailes repliées et aux yeux de diamant vermeil. Son corps reptilien et ses pattes s’accrochent à une Orbe dont les reflets peuvent s’illuminer lorsque je le lui ordonne. Et la queue de l’animal s’enroule paresseusement autour de la Relique. Enfin, pour ce qui concerne le reste de mon habillement, il s’agit tout au plus de vêtements de Rodeur que j’ai dérobé à un pauvre hère juste avant de quitter Khem : la chemise brunâtre, le pantalon de toile rapiécée et la cape mitée qui me couvrent disparaissent sous une fine couche de salissure. Mes bottes, quant à elles, sont crottées et maculées de terre poisseuse.
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