L'arrivant XLII

Date 05-10-2012 21:20:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées



Couchée rêveuse et lascive dans le sable, sur le long anneau de corail, devenu chemin de ronde de mon île-château, je contemplais depuis cet observatoire un royaume,.
Je voyais, au centre, s'offrir à mes yeux réjouis, le donjon de basalte noir habillé de vert, et cerné de ses douves indigo et émeraude, je me sentais reine sur mon divin récif-rempart d'éclat blanc et diamant. J'habitais la lumière et je jouais avec ses enfants, les couleurs.
Je m'envolais sur mes songes que je tirais, suivais, et qui m'emportaient, m'affolaient puis que je dirigeais avant qu'ils ne m'échappent inéluctables et indisciplinés.
j'avais donné congé à ma raison pour lui préférer ma folie tendre.
Je serrai mon bébé contre moi, il dormait, je laissai filer mon inspiration dans des limbes dorées, l'astre solaire avait clos les enfers, il m'ouvrait l'illumination d'une vision du paradis.
Nous étions seuls sur ce très long motu, il n'y avait aucun bateau en vue, la pirogue avec Jim et les enfants n'étaient pas visibles.
La faim nous les ramena quelques temps plus tard, j'entendis de très loin le moteur.
Sans attendre que le bateau soit tout à fait arrêté, tous les enfants vifs et heureux sautaient dans l'eau et couraient jusqu'à la plage, avec une seul objectif : droit sur le panier de victuailles et son contenu.
La sieste qui suivit m'offrit encore quelques rêves nouveaux puis toute la troupe remonta sur la pirogue pour faire le tour du gros donjon central.
Nous étions descendus par l'ouest de l'île allant du Nord sur le Sud, nous repartions et allions dorénavant faire découvrir l'Est puis le Nord.
Les raies étaient très nombreuses, des raies manta avec leur longue queue, filaient en groupes, des gentils Napoléons nageaient à leurs côtés.
Les fonds changeaient sans cesse.
Nous remontions, en longeant le long motu Pitiaau, il était frangé de hauts cocotiers et d'une végétation variée et épaisse. Il n'y avait pas âme qui vive, nous étions seuls au monde, seuls avec la vie du lagon.
Je regardais fascinée la masse de l'île, cette dame de treize millions d'années.
Le volcan créateur avait éteint ses feux et ses flancs abaissés, ou par endroit effondrés, laissaient facilement deviner sa forme primitive et son cratère, il nous laissait un lieu de résidence riche en beautés.
Les toits de palmes, des fare se succédaient en ligne le long de la route qui en faisait le tour.
Nous allions derrière les raies, les requins, les poissons parmi les coraux, nous traversions des fonds sombres suivis de fonds hauts, suivi de longues étendues de sable clair avec peu d'eau.
"Jim on peut se baigner ?"
"Oh oui, Jim, tu peux arrêter la pirogue ?"
Sans répondre Jimmy coupa les moteurs et les enfants sautèrent les premiers, les soubresauts qu'ils imprimèrent à la pirogue firent hurler Marie-Claire et Marthe qui étaient chahutées et se retrouvèrent allongées brutalement au fond du bateau.
Nous étions maintenant entre Bora et le motu Tofari.
Sur notre gauche nous pouvions voir les vestiges du port américain de l'opération Bobcat et ses traces.
On pouvait, en cet endroit, apercevoir encore des pièces d'artilleries, des blockaus, des batteries aériennes, et même un canon, et la première piste aérienne en face sur le motu mute.
Pour ma part ces traces guerrières qui fascinaient les enfants, me laissaient d'une totale indifférence.
Cependant je ne pouvais ignorer le rôle essentiel de ce lieu pendant le dernier conflit mondial.
Lieu où les GI avait installaient un osmoseur qui avait pour but de désaler l'eau de mer.
Bora Bora Française depuis 1888 était devenue, en raison de son emplacement stratégique dans le pacifique sud, une base de ravitaillement .
Quelques semaines seulement après le bombardement de Pearl harbour, cette île d’insouciance était devenue un bastion des forces US.
Je regardai cet aspect de l'île avec recul et désapprobation; cette rétrospection faisait naître en moi des images indésirables, pour les mieux chasser avec efficacité, je fixai mon attention sur les petites mains accrochées des deux côtés à l'extérieur des bords du bateau, les enfants étaient allongés dans l'eau les jambes sous la coque.
Le retour se fit confortablement jusqu'à ce que nous doublions la pointe nord, et que nous quittions l'abri de la terre pour redescendre à l'ouest face au vent, à cet instant la douche d'eau salée reprit avec la même vigueur que le matin.
C'est pourquoi une fois la pirogue revenue à son attache, il fallut demander aux enfants, de rester quelques minutes dans le jardin pour me laisser le temps d'aller chercher des serviettes sèches pour tous.
Marthe, Marie-Claire et JF étaient tous les trois d'une jolie teinte rouge brique, allant sur le violet malgré les protections de crème, ils s'effondrèrent dans les sièges, plus qu'ils ne s'assirent.
Les enfants se précipitèrent dans la grande banquette.
Nous étions tous réunis dans la grande salle, autour de jus de fruits et de verres d'eau fraîche, nous étions apparemment repus de plaisirs et d'activités.
" C'est curieux, j'ai l'impression que, quand on est chez vous il ne peut rien arriver de mauvais, on a trop tendance à s'inventer des soucis inutiles "
JF, avait annoncé cette belle déclaration, en allongeant ses jambes devant lui et en s'étirant avec un bien aise qui ne lui était pas habituel.
Je le regardai avec surprise, que se passe-t-il ? Quel est ce miracle ?
Le téléphone avait sonné, Rosina m'appela,
"Tiens c'est pour toi"
"Allo, oui, Ah! c'est toi Geneviève ? tout va bien à la maison ? ça va ! super bon d'accord"
"Oui bonjour, à vous tous, ici tout va bien Marcel mange et bien, mais je t’appelle parce que, devine quoi ?"
" Quoi ? qu'est-ce qu'il y a ?"
"Ben, devine quoi ?
"Mais quoi ??"
"Devine ?"
"Oh non !! c'est ... ? non !!??
"Ben si, il est là, il vous attend"
Et elle éclata de rire, son rire avait dû sortir du téléphone et s'entendre dans toute la pièce. Tous les yeux étaient sur moi.
Je regardai JF, il me regarda, notre regard dura longtemps, j'ignore si j'avais un don de télépathie, mais après plusieurs secondes de surprise il me fixa, puis je le vis baisser soudain les bras dans un geste de total renoncement .
" Oh, et pis merde !! Je m'en fous, faites ce que vous voulez, je veux plus d'histoire avec les tupapa'u, mais si quelqu'un à une explication je veux bien l'entendre."
"Maman, c'est Gaston ?"
" Oui, mes chéris Gaston est revenu, il est à la maison il nous attend"
Ouais !!! Ouais !!! ouais !!! Ouais !!! C'est Gaston ! C'est gaston !
Les enfants sautaient riaient, ils chantaient en scandant "c'est Gaston", ils étaient heureux, exubérants.
Rosina se mit à fredonner :
"Gas tooo n est re ve nu ... Allelujah ..."
Allez, champagne, déclara jimmy, qui partit nous chercher une bouteille.
L'ambiance était chaude tout le monde riait, parlait en même temps, les interrogations enfantines les plus farfelues fusaient pour commenter cet exploit canin inhabituel.
"Comment il a fait ? tu crois qu'il a nagé ? bah : bien sûr les chiens ça nage vite, je crois que les chiens ça ne sait faire que le crowl ! Mais t'es bête il peut se mettre sur le dos, je l'ai déjà vu faire ! Maman tu crois qu'il sait voler Gaston ?
Les suggestions appartenaient aux rêves ou au délire mais toutes me firent rire.
Rodolphe et les trois petits disaient n'importe quoi devant Mathias et Cléo attendris et complaisants, il ne faisait aucun doute que les grands partageaient totalement la joie de leurs petits frères et soeurs .
"Papa, papa, PA PA, PA PA !! "
Tout le monde se tourna vers Nathalie qui avait crié pour se faire entendre.
"Oui ! quoi ?"
" Papa il faut que tu te fasses couper les cheveux, tu as promis"
" Qu'est-ce que tu racontes ? j'ai jamais promis de me couper les cheveux"
" Rooh papa ! t'exagères drôlement, c'est pas bien! faut pas mentir !! t'as dit si Gaston revient de Moorea je me les coupe !!!
L'éclat de rire général déconcerta la pauvre Nathalie qui finit par se fâcher tout rouge !
"Mais pourquoi vous riez, c'est même pas rigolo, bande d'idiots ! !"
Je la calmai.
"Non, c'est pas rigolo du tout, biquette, et papa tiendra promesse, il ira se faire couper les cheveux, "
"Vive Gaston, qui n'est pas le roi des cons "
Jimmy avait rempli les verres sur la table, il levait le sien en riant.
Vive Gaston
Vive gaston ....

Loriane Lydia Maleville








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