La barque

Date 26-09-2012 20:42:38 | Catégorie : Poèmes confirmés


D'après les pages d'un auteur américain


Paisiblement je sombre, sous les accords plaqués de ces cordes classiques, vers des prairies bleutés. Leurs tons sont de l'azur obscur qui occupe les cieux, lorsque le soleil défait, s'en va au loin, las de toute lutte, lorsque les astres n'osent de leur antre s'extraire, craintif de la chasse mortelle que leur imposent les ténèbres.
Mon esprit s'engourdit, mes paupières s'appesantissent. Cette voix langoureuse, aux relents païens, guide ma barque vers les limbes lethéens. Ce timbre mélodieux, semblant extrait de la terre, de la pierre même, brisa les attaches ripuaires, poussa ma barque sur l'ondée apaisée, me laissant dériver vers le voisin sommeil.
Mon esprit ne pouvait souffrir la sécure sérénité de planches du vaisseau. Il s'arracha à ses bancs boisés, s'approcha des flots mystérieux.
Une image s'en échappait.
Agités par le sillon de mon embarcation, les flots fuyants ne pouvaient s'affermir, ne pouvaient communier pleinement avec mon être.
"Suspends ton pas."
Ces mots de ma voix prononcés pénétrèrent jusque dans les tréfonds de sa coque, jusque dans les rainures de son bois.
Des sons voisés se firent entendre au loin. Ces souvenirs, sans vie, sans couleurs, déchirèrent mon coeur. La douleur de l'oubli. Le temps passe, et tout s'efface. Les instants passèrent, les affres de l'absence se firent plus vifs. Leurs styles, comme d'innombrables guêpes, tournèrent près de moi, m'assaillant sans répit.
Les instants succédèrent à eux-mêmes.
Ces sons cessèrent entièrement. Enfin.
Le silence revint, sombre, pesant. Mon âme mira l'onde absconse; il s'en révéla un pâle reflet, tellement pâle : ma Lenore. Ma Lenore perdue.
Elle, qui m'est disparu aujourd'hui.
Elle dont les anges ne prononceront jamais plus le nom devant moi.
L'éclat avait fui son visage angélique, blafard et plaintif en ces ténèbres épais. La flamme avait échappé de ses yeux, désormais livides, vitreux, jadis flambeau de vie. Ils étaient le miroir de son âme. Aujourd'hui nulle âme l'habite. Elle n'est plus. Voilà tout.
Tout son être m'était différent, étranger. Inconnu. Je la voyais sans la connaître toutefois.
Pourtant nous nous aimions, nous nous étions aimés ; mais l'amour s'étiole. Le temps en est le vitriol.



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