En fin de compte.
Date 20-09-2012 22:37:07 | Catégorie : Nouvelles confirmées
| Il y a une question que me posent bien souvent mes amis : - Comment fais-tu pour te souvenir de tout ? Question à laquelle j'ai coutume de répondre : - Mais comment fais-tu pour oublier autant de choses ? Le faît de me souvenir des lieux, des visages, des évènements et des échanges me paraît naturel, puisque je les ai vécu et vu ! Il y a peu de temps, un ami me disait : - Moi, tout ce que j'ai vécu avant mes dix ans, je l'ai oublié. J'ai aussitôt pensé qu'il doit exister une faculté du cerveau permettant de gommer ce que l'on ne veut plus savoir. Au fil du temps,je me suis installé dans mes souvenirs comme dans un nid. Non pas que je ne vis que de souvenirs,je suis aussi curieux du présent que du passé, mais j'admets ne jamais avoir fait grand cas de l'avenir : c'est le moment le moins gérable de la vie. Je sais que je risque là d'être en grand désaccord avec ceux qui considèrent que l'existence leur sera ce qu'ils oeuvrent à construire. Mes tentatives, dans ce domaine, ne m'ayant apporté que surprises et désenchantements, je laisse les bonheurs et aléas de la vie suivre leurs cours, selon les lois du hasard; J'ai le fatalisme optimiste...
En définitif, j'ai eu une existence plutôt heureuse, dans la mesure où je ne me focalise que sur ses aspects plaisants. Les nombreux coups durs de mon parcours ont été traités selon une méthode acquise par l'expèrience : ' Encaisse . Tout finit toujours par s'arranger ' C'est une variante du dicton ' après la pluie, le beau temps ', sans tenir compte de son équivalence avec ' après le beau temps viendra l'orage ' . J'ai toujours été conscient qu'il serait absurde de dépenser plus que ce que l'on possède, mais je me suis aperçu, avec ébahissement, que ce n'est pas une logique suivie par tous ! Actuellement, peu de gens ont les moyens de vivre à la hauteur de leurs exigences, ce qui explique, sans doute, l'impression que j'ai de vivre d'une manière moins aisée que celle de la moyenne des gens. Ma logique se base sur la réalité éphémère de l'existence. Je me suis toujours refusé de consacrer ma vie à me forger une éternité. Je lèguerai à mes enfants les meilleurs souvenirs qui pourront rester de moi, tout l'amour que nous avons partagé, mon autobiographie et, accessoirement, ma caisse à outils.Et aussi cette boutade qu'ils ont parfois entendu : ' Mon rêve à été d'avoir des enfants, pas des héritiers '. Les uns n'étant pas nécessairement plus aimants que les autres.
Ma richesse aura été constituée par les milliers de souvenirs que j'ai thésaurisé; Tous ces visages que je sais faire défiler sur demande, tous ces soleils somptueux, ces orages éblouissants, ces blés qui ondulent sous la brise, ces océans remplis de mystères et ces montagnes qui me bordent. Même la misère aura été ma richesse. D'abord j'ignorais qu'elle s'appelait ainsi, et ceux qui ne l'ont pas connue ne peuvent pas savoir les plaisirs qu'on éprouve à la voir s'éloigner, combien elle a pû vous enseigner la valeur des choses et la compréhension de votre prochain, que partager son pain n'est pas qu'une vague expression, pour autant qu'on n'ait pas eu à manger, un jour, que la moitié d'une tartine.
Je déguste donc, en gourmet, la totalité des souvenirs de mes jours passés. Les rues de mon enfance, le camp où j'ai grandi, l'école où l'on m'a éduqué n'ont pas été vraiment rasés; je les rebatis quand je le veux, j'arpente les trottoirs de mon enfance en redécouvrant, au hasard, le perroquet au fond de sa courette, le petit chemin de ronces, s'ouvrant près du lavoir,ma casquette oubliée au cinémé de Brive... Et puis tant d'amis, tant de visages qui sont restés souriants, à un âge éternel. Je me souviens de leurs qualités, de leurs défauts, de leurs goûts, je me rappelle de leurs familles, de leurs amis.
Si on me posait la question, je répondrais que non, je ne vis pas dans le passé. Mon passé est pour moi ce que le portefeuille est pour d'autres : je le sors quand j'en ai besoin et je sais ce qu'il y a dedans. Chaque matin, je me lève en pensant à la journée qui se présente, je vais voir le ciel et les montagnes, je réfléchis pour savoir qui je dois voir ou contacter, comment gérer mes obligations et mes loisirs de la journée, ce que je peux acheter ou ce dont je devrai me passer.
J'ai déjà vécu la sensation de ne pas être sûr d'être là le lendemain matin, alors je fais comma Harpagon : je vérifie ma cassette à souvenirs de temps en temps. C'est ma richesse, mon acquis, ma raison d'avoir été, ma petite empreinte dans les vibrations du cosmos. Ma petite vie, quoi...
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