« La Dame et le Forgeron »
En cette lumineuse Occitanie, Jehan était un forgeron accompli. Son enclume clairement tintait, Des coups que son marteau portait.
Sa renommée était très grande en ce comté, Surtout pour l’acier des lames de ses épées, Et pour les secrets dont elles bénéficiaient. Les seigneurs rivalisaient pour se l’attacher.
Mais l’homme de forge n’était point à acheter ! Il dédaignait les riches offres d’or ou d’argent. Le prix de sa liberté était dans ces renoncements. Il n’œuvrait que pour ceux dont-il en décidait.
Nulle noblesse ne s’hasardait à lui chercher querelle, Car il savait aussi bien manier l’épée que la forger. Quelques hardis présomptueux avaient bien essayé, Mais ils avaient reçu leçons et blessures mortelles.
Il y avait non loin de sa forge un fief tenu par Dame, Dont l’époux mort à la guerre était pour elle un drame. Car des nobliaux envieux voulaient de force la marier, Pour de ces terres de vignes et d’amandiers, s’emparer.
Serena était cette dame qui de dépit et dans la crainte Vint lui demander des armes pour défendre son bien. Il lui dit alors que lui fournir armements, ne fera rien, Et que de harcèlements, elle continuera à être atteinte
Il lui dit encore, qu’à son mal, il connaissait remède, Celui d’installer sa forge en sa haute cour de château, Et que tous ces voleurs, s’ils voulaient lames solides Viendraient en renonçant à leurs prétentions sordides
Serena accepta la venue en sa cour du gentil forgeron. Il en fut comme il avait dit, plus d’outrages elle ne subit. Elle aima le son de cette enclume qui avait apaisé sa vie, Et beaucoup l’homme qui, de son marteau, en était le fleuron
Elle offrit à l’enchanteur de sa vie, une place en son cœur, Qui fit de lui, celui, qui sut faire aussi chanter son bonheur. Il faut les voir tous deux sur les galets de la Cesse, de prime heure, Faire virevolter leurs épées, comme virevoltent leurs tendres ardeurs, Faisant de leur bel amour, la demeure de leurs lames et de leurs âmes. “Amor ès tu l’ostal del mon ama”
Johan (JR.).
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