Une vielle lampe à huile usée
M’a conté résignée son passé
Jamais rebelle, elle ne souffrait
Elle avait ce grand mal d’assez
Que de cœurs gentillets, j’ai éclairé
À la chaleur lumineuse des veillées
Bien calés, devant un petit bol de lait
Tendrement les parents ils s’embrassaient
En balbutiant, je leur tenais la main
Au clair obscur du soir, dans leur entrain
Paroles de nuit, de moments incertains
Quand déjà ils pensaient, tendrement matin
Dans le silence, elle s’approchait de moi
Pour lire et voyager, avec grand émoi
Sur le dernier grand prix, Ã la mode du mois
Jaquette d’or : ‘’voyage à Venise, toi et moi’’
Quand à la pleine lune, la chouette hululait
D’un pas alerte, doucement elle s’engloutissait
Au fond de ses draps de lin, dans son lit à dais
Prés de son homme, ce beau et grand dadais
Elle en était fière, il était un bon père
Déjà il dénombrait et chérissait austère
Sa grande nichée, de dix soeurs et frères
D’une vie âprement vécue, mais bien salutaire
Quand le brave endormi, me couchait la flamme
D’un dernier petit souffle malin, à la gentiane
Je m’éteignais au dernier tison, prés du pyrame
Sur le sommeil accompli, de ma mèche agame
J’avais le temps affectif, d’apercevoir au loin
Le soleil embrassant tôt, la terre en témoin
De la grande parade, de jeux des bédouins
Dansant sur les collines, dans les bottes de foin
J’avais le droit chaque matin, aux caresses
De ma maîtresse, qui telle une diablesse
Me dorait les fesses, avec ce plein d’hardiesse
Car rien ne brillait trop, pour la sage pauvresse
Certaines fois, j’étais témoin de leurs frasques
Et j’ai failli être prise, au piége d’une attaque
Virevoltant vers le plancher, de l’inepte arnaque
À quoi me servait de rendre service à la baraque
Æ’C
Les enfants se boxaient, d’être à mes cotés
À l’heure où la nuit épaisse, les encerclait
Les plus âgés, les leçons ils se les répétaient
Au son du petit dernier, mélodie d’une poussée
¤
En ces tant d’années, on m’a tant brisé les verres
Que ne pouvant protéger ma flamme envers
Le bon bois, ils m’ont au grenier mis au vert
Pour réapparaître, il leur a fallu la tempête de l’hiver
¤
Je suis là depuis des générations, mais je le sais
Je ferai l’affaire des vides greniers, c’est un fait
La génération nouvelle, est bien trop aisée et gâtée
Pour conserver des vestiges, de ce bon temps passé
¤
Je n’ai plus de mèche, pour redonner cette pleine vie
On ne me lustre plus, mes attaches ont trop vieillie
Je voudrai partir et que sans lâcheté on m’euthanasie
Brûlez moi quiet au crématoire de votre moderne voirie !
Æ’C