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Je suis née dans les mains d’un artisan, maître horloger suisse, au cœur de la Forêt-Noire en Allemagne au début du vingtième siècle. Achetée par un belge que j’ai séduit, j’ai été amenée dans son pays, au cœur de sa famille. Une fois posée sur le mur du salon, mon acquéreur a remonté lentement mes deux poids, l’un pour les aiguilles, l’autre pour le petit oiseau que je dissimule en mon cœur. J’ai découvert les yeux d’un petit garçon, émerveillé chaque fois que mon petit coucou chantait joyeusement pour annoncer l’heure nouvelle. J’ai connu les débuts de l’éclairage autre que la lampe à pétrole ou la bougie. Ce fut d’abord des lampes à gaz puis celles fonctionnant à l’électricité. De là , tout a évolué assez vite. Les diverses générations de ma famille ont défilé, toujours dans la même demeure. J’ai été témoin de disputes, de réconciliations, de moments de joie intense et d’extrême tristesse. Mais maintenant, on ne remonte plus mes poids. L’heure est désormais donnée par une horloge fonctionnant à piles : un gros chat dont la queue balance pour rythmer les secondes. Je suis devenue une simple décoration à l’instar d’une reproduction de Magritte et des photos de famille. On m’appelle désormais la pendule à coucou de Grand-Papy René. Un jour, alors que j’étais au sein de la quatrième génération de propriétaires, un homme inconnu avec de grosses lunettes s’est arrêté face à moi. Il m’a scruté un long moment, détaillant du regard mes moindres détails avant de griffonner sur une feuille de papier. J’ai entendu le mot « trésor » résonner dans la pièce et le visage de la maîtresse de maison s’est illuminé. Peu de temps après, l’homme à lunettes est venu me décrocher du mur pour me déposer dans un camion avec une grande minutie au beau milieu de toutes sortes d’objets anciens. Placée sous vitrine, j’ai vu défiler des dizaines de visages jusqu’à ce qu’on m’amène dans une salle remplie de personnes munies de pancartes avec des numéros. J’ai entendu « Début des enchères à deux cents euros. ». Là , tout a été très vite jusqu’à un coup de marteau décisif de la part d’un barbu chauve : « Adjugé à trois mille cinq cents euros ! » L’argent a été remis à mon ancienne famille, la mine soulagée. J’ai compris que je venais de changer de mains. Une dame âgée, à la chevelure violacée, s’est approchée de moi et m’a admirée avec les yeux d’un enfant, les mêmes que celui du petit garçon de mon premier propriétaire.
« Quel travail magnifique ! Tu es une pièce rare ! »
Depuis lors, je trône fièrement sur la cheminée d’un salon style Louis XV, dans un château en Touraine. Mes poids sont remontés régulièrement et je vois l’horloger chaque année. Ses instruments me chatouillent les entrailles. Le temps passe, j’en suis un peu le gardien et son serviteur mais il semble ne pas avoir de prise sur moi. Les visages qui me regardent se rident et moi je reste là , inchangée. Tic Tac… coucou coucou…
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