Mon amie, je chemine toujours au cœur de la nuit afin de repérer tes traces de pas à moitié effacées par la pluie. J'évite les flaques boueuses qui parsèment la plaine aride dont je foule le sol. Je contemple l'horizon nébuleux zébré d'éclairs ; le vent fouette mon visage et empêche mes yeux de percer l'obscurité ambiante. Mais je ne renonce pas à progresser en direction de la Citadelle dont je viens d'apercevoir les contours. La flamme que j'ai discerné il y a quelques secondes m'a en effet permis de savoir quelle direction je dois suivre afin de l'atteindre. Mais je sais que mon itinéraire sera encore long et semé d'embuches avant que je ne puisse parvenir à destination. Déjà se dresse devant moi le cadavre d'un arbre qui semble avoir été arraché de ses racines, puis projeté au sol avec violence. Ses branches décharnées gisent ça et là autour de son tronc noirâtre et calciné. Des moisissures multicolores et des pustules le recouvrent en partie. Tout autour de lui, des fissures apparaissent et se répandent ; des crevasses transformées en trous d'eau nauséabonds jonchent la steppe non loin de lui. Je me demande quelle sorte de créature a pu ainsi s'acharner sur ces restes arborés. Et je prie tous les Dieux de ne pas avoir croisé son chemin. Je dépasse ce cadavre résineux, qui, comme tous les débris que j'ai déjà croisé, me montrent à quel point ces lieux sont hostiles ; si je n'en n'avais pas déjà été convaincu avant d'entreprendre cette Quête au-delà de la Frontière. En même temps, je n'ai pas d'autre choix que d'avancer : mon amie a besoin de moi. Je sens le danger et la mort l'environner de toutes parts ; et je suis peut-être le seul en ce monde à pouvoir la secourir. Car peu de personnes peuvent se targuer d’être déjà revenu vivants - ou sains d'esprits - des Territoires Obscurs. Peu peuvent se vanter d'avoir réussi à ressortir de la Citadelle Écarlate sains et saufs. Je suis l'un d'entre eux. Et c'est pour cette raison que j'ai décidé - sans hésiter - de me désigner volontaire pour porter secours et assistance à cette amie chère à mon cœur ; cette amie qui a eu le malheur de s'y aventurer sans savoir quelles épreuves l'y attendaient.
|