Chapitre 14 : Frustration Albert l’enthousiaste remarqua que quatre chevaliers étaient en danger de mort. Il hésita sur la conduite à tenir, il pouvait foncer pour essayer de sauver tout seul les subordonnés. En cas de succès cela l’auréolerait de gloire, et lui permettrait d’augmenter le nombre de ses partisans. D’un autre côté il savait que se déplacer vers un endroit dangereux sans prévenir qui que ce soit, serait une attitude qui déplairait à Théodore le prudent. Or Albert tenait à ménager son alliance avec le prudent. Un jour ou l’autre, il trahirait son allié, mais pour l’instant il devait compter dessus. En effet il trouvait Théodore plus réaliste dans le sens que son ami n’avait pas peur de tuer des gens volontairement. Mais il avait aussi un côté sélectif dans ses meurtres, il visait surtout des gens influents. Or pour l’enthousiaste il faudrait peut-être faire des millions de victimes, pour réussir à sauver la nature à l’échelon mondial, il prévoyait déjà des dizaines de milliers d’exemples pour la France. En plus Albert n’appréciait pas que son allié se retienne à l’égard des journalistes, et refusa de cibler des membres du parti des Verts. Pour l’enthousiaste les hommes de plume corrompus constituaient un danger terrible pour l’environnement. Peu importait que certains puissent acquérir le statut de martyrs s’ils mourraient. Tant pis si la mort de Verts apportait de l’incompréhension et un certain malaise. Albert pensait que la seule manière de changer durablement les choses, consistait à répandre la terreur. Finalement l’enthousiaste se décida à avertir pour les quatre guerriers menacés, non seulement Théodore, mais aussi Alphonse le modéré. Il avait l’impression qu’en agissant ainsi, il affirmerait de manière optimale son autorité sur ses partisans, et qu’il recruterait plus facilement de nouveaux sbires. Albert : Les gars, les quatre guerriers que nous avons envoyés pour protéger Damien Farre le socialiste, m’ont l’air d’avoir été repérés par des tueurs de la multinationale Ovéa. Que fait-on ? Je suis pour que quelqu’un aille les soutenir. Alphonse : Toutes nos équipes sont prises, et puis Dominique Bollet le président d’Ovéa ne compte pas appeler de renforts. Je pense que nos guerriers peuvent gérer ce problème, si on les prévient. Théodore : Je suis d’accord, en outre si trop de chevaliers s’occupent de Farre, cela pourrait attirer plus l’attention de la police sur nous. Albert appela le groupe chargé de la protection de Farre. Albert : Équipe trois, vous êtes découverts par des assassins de l’entreprise Ovéa, mettez-vous sur le pied de guerre. Alphonse : Que fais-tu Albert ? Albert : Si juste une personne supplémentaire telle que moi se joignait à la danse, cela ne devrait pas poser de problème. Alphonse : Je n’ai pas envie qu’un ami précieux comme toi risque sa vie dans une confrontation armée. Surtout que nous avons des subordonnés très entraînés sur le coup. Théodore : Albert en tant que fondateur, tu dois montrer l’exemple. Si tu fonces tête baissée dans les ennuis, tu pousseras les membres récents des chevaliers de Gaïa à se comporter de manière inconsciente. Albert : Cela fait un certain temps que je me contente de superviser, j’ai envie d’action moi. Théodore : Nous ne sommes plus un trio, nous gérons un groupe de cinquante personnes. Moi aussi j’aime l’action, cependant un chef intelligent n’expose pas sa vie juste pour avoir des frissons. Albert : Pf tu as raison, mais franchement je m’attendais à autre chose, quand j’ai participé à la fondation des chevaliers de Gaïa. Théodore : Je comprends tes sentiments, mais nous avons le devoir de rester en vie pour nos subalternes. Alphonse : Nous ne pouvons plus faire ce que nous voulons, des gens nous confient leur vie, leur liberté et leur réputation. Par conséquent nous avons l’obligation de nous montrer prudents. Albert : Cela fait plus d’un mois que je n’ai pas cambriolé de maison, ou participé à une opération palpitante. Alphonse : Si tu veux, tu pourras m’accompagner moi et Théodore pour violer le domicile de Damien Farre le socialiste. Albert : J’ai besoin d’explications, car je croyais qu’on devait protéger le socialiste. Alphonse : C’est pour maintenir en vie Farre qu’on le cambriolera. Il s’agit d’un plan pour inciter la police à prendre le relais des chevaliers de Gaïa en tant que protecteur. Albert : Je ne saisis toujours pas. Alphonse : La police ne viendra pas en aide à Farre juste à cause d’un appel anonyme, il leur faut une menace plus tangible. Albert : Je commence à comprendre, on entre chez le socialiste tout en laissant des traces de notre passage. Théodore : Tu as deviné, on va pénétrer chez le socialiste, casser des objets et surtout, peindre sur les murs des messages menaçants. Albert : Quel type de menace peindra t-on ? Alphonse : Farre renonce à ta reforme sur les mandats privés ou meurs. Albert : Tu n’as pas peur Alphonse que le socialiste panique et, fasse machine arrière ? Alphonse : Farre a des défauts mais il est persévérant et engagé. L’épreuve que nous lui ferons subir amplifiera ses motivations. Les quatre guerriers se débrouillèrent comme des chefs, ils ne comptèrent dans leurs rangs aucun blessé ou mort, et neutralisèrent en moins d’une minute les assassins qui travaillaient pour Ovéa. Ils essayèrent tout de même de se défendre, mais les chevaliers prévirent une diversion qui les prit au dépourvu. En effet un guerrier se déguisa, et se fit passer pour un mendiant. Il dérangea pendant trente secondes les meurtriers, laissant ainsi le temps à ses camarades de prendre à revers les tueurs. Il se montra si pitoyable qu’il réussit à obtenir un billet de cinq euros. Il réussit à faire croire que ses enfants crevaient de faim, que sa femme pensait très sérieusement à se prostituer. Bref il dressa un tableau très sombre de sa situation. Il s’agissait de gros mensonges, en effet le faux sans-abri n’avait ni compagne ou progéniture, et sa famille disposait de bons revenus financiers. Pourtant il se débrouilla très bien dans son interprétation du vagabond accablé par le sort, et dont les proches subissaient un destin cruel. Le guerrier provoqua un véritable élan de compassion chez les assassins. Ceux-ci n’étaient pas des êtres sans cœur, au contraire ils pouvaient se montrer doux et affectueux. Albert l’enthousiaste aurait bien voulu désobéir aux ordres, et participer au combat avec les guerriers. Mais Alphonse le modéré s’avéra prévoyant, il surveilla avec assiduité son ami. Résultat l’enthousiaste ne put pas intervenir. Il ne se laissa toutefois pas démonter, il avait l’intention de présenter une version personnelle des directives du modéré à ses sbires. Il comptait bien retourner à son avantage la situation, grâce à des mensonges et des exagérations. Albert aimait sincèrement Alphonse, mais il n’avait pas peur d’user de tromperies pour arriver à ses fins, y compris au détriment d’un ami. Dominique Bollet le président de la multinationale Ovéa et, son secrétaire Tom Malroux, refusaient de se tourner les pouces, malgré leur contrariété. Tom : La journée a été mauvaise, nous avons perdu deux éléments brillants, monsieur Bollet. Dominique : Il est certes dommage que les quatre chevaliers aient échappés à la mort, mais je ne qualifierais pas de tragédie le décès de deux incapables. Tom : Les tueurs neutralisés par les chevaliers, avaient eu d’excellentes notes à leur école de garde du corps. Dominique : Pourtant malgré l’avantage de la surprise, les deux meurtriers n’ont blessé ou tué aucun chevalier. Je les considère donc comme des nuls, dont il est inutile de déplorer la perte. Tom : Il faudrait éviter de démontrer en public ce genre de comportement, il vous vaudra une très mauvaise publicité. Dominique : Je suis une personne riche, j’ai le droit d’être odieux si cela me chante. Tom : Autrement je ne crois pas que vos deux assassins aient pris au dépourvu les chevaliers. Les écologistes m’ont semblé s’attendre à la venue d’ennemis. Dominique : Que veux-tu dire ? Tom : Je crois que quelqu’un chez nous renseigne les chevaliers, ou que les chevaliers nous espionnent. Dominique : Même si tu as raison, je continue de voir comme peu regrettable la mort de mes deux meurtriers. Ils ont suivi une longue formation, tandis que les chevaliers sont mal formés. Tom : La formation chez Ovéa ne rend pas infaillible, surtout que celle des chevaliers peut être très complète. Dominique : Les chevaliers ont mille fois moins de moyens financiers que ma multinationale. Assez discuté de ce point, je veux passer à autre chose. Que veux-tu que nous faisions contre Damien Farre ? Tom : Puisque vous n’êtes pas disposé à augmenter les moyens des tueurs chargés de la mort du socialiste. Il serait plus prudent de changer de tactique, d’opter pour apporter le discrédit sur la cible par exemple. Dominique : Que veux-tu faire exactement ? Tom : Faire accuser Farre de pyromanie, grâce à la présence chez lui de traces d’essence retrouvées sur le lieu d’un incendie, qui s’est déroulé dans la forêt de Bercé. Dominique : Le socialiste pourrait plaider qu’on l’a piégé, en politique on se fait des amis mais aussi des ennemis. Tom : Farre se promène souvent à Bercé, et il a un passé qui le rendra suspect, enfant il aimait allumer des feux et les contempler. De plus je peux acheter des témoins de complaisance pour enfoncer le socialiste. Dominique : Il faut que les témoins ne soient pas trop chers. Tom : Mes témoins sont des personnes qui dénonceraient pour pratiquement rien Farre. Dominique : Si tes témoins se droguent ou sont des alcooliques, ils seront faciles à démolir. Tom : Non ils sont sobres mais ils ont un compte à régler avec Farre, parce qu’ils ont perdu leur maison à cause d’une expropriation du socialiste, quand il était maire du Mans. Dominique : L’hostilité des témoins ne plaidera pas en leur faveur. Tom : Oui mais je me suis arrangé pour que leur témoignage contienne des détails qui apporteront le trouble, qui démoliront Farre.
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