Chapitre 11 : Sadisme Théodore regrettait vivement d’avoir donné son aval à un plan d’attaque franchement audacieux, lui qui voyait la témérité comme une attitude déplacée la plupart du temps, céda par amitié. Cependant il regrettait d’avoir laissé ses sentiments affectifs le dominer, il aurait dû saisir l’opportunité de ne pas participer à l’opération. Cela lui aurait laissé plusieurs avantages conséquents, par exemple il serait resté vivant et il ne subirait plus la concurrence des deux autres fondateurs des chevaliers, il resterait le seul maître à bord. Il considérait que son organisation devait évoluer de manière plus sanguinaire, qu’il fallait privilégier les meurtres contre les pollueurs les plus nuisibles, et non se contenter de simples cambriolages de domiciles ou d’infrastructures. Il admettait que l’assassinat aidait dans certaines circonstances les corrompus et les démagogues, cependant il considérait aussi la mise à mort comme une solution pour aider efficacement la nature. Chaque année des espèces animales et végétales disparaissaient, et la situation des humains devenait de plus en plus inconfortable. Même les pays les plus épargnés par les catastrophes écologiques subissaient de graves ennuis. Les réfugiés climatiques fuyaient toujours plus nombreux leur patrie à cause de cataclysmes naturels, pour se réfugier dans les endroits jugés comme sûrs. Théodore était un partisan des mesures exceptionnelles dans les cas d’urgence, et qu’il fallait sacrifier les individus nuisibles, quand ils acquéraient une influence problématique, qu’ils devenaient des concurrents assez redoutables pour contrer les élus politiques altruistes. Albert lui se lamentait de ne pas avoir décimé la majorité des figures politiques du PS, de l’UMP, des Verts, et de l’ensemble des partis de France, il aurait voulu faire un grand ménage avant de partir vers l’au-delà . Alphonse se concentrait à fond sur sa tâche consistant à taper des chiffres et des lettres sur un clavier, il s’absorbait totalement dans son travail. Il se focalisait de manière obsessionnelle sur son désir de taper sur des touches. Dominique Bollet le président en avait marre d’attendre que ses ennemis écologistes se dégonflent, puisqu’ils refusaient de lui donner satisfaction, ils allaient se faire tous massacrer. Le président avait l’intention d’en garder un ou deux en vie pour les exhiber à la face du monde, prouver sa puissance et son génie. Mais puisque les chevaliers refusaient d’agir comme des victimes terrifiées, Bollet modifia ses plans. Il ordonna à ses cyborgs de massacrer de préférence très lentement ses adversaires. Bien qu’il sache que le sadisme et la violence disproportionnée ne plaisaient que rarement aux gens, le président décida de garder une copie de l’enregistrement des caméras et d’en diffuser le contenu sur internet. Pour parer aux attaques contre lui, il niera être le responsable de la transmission. Il trouvera un bouc émissaire pour couvrir ses arrières. Il espérait que la vidéo du carnage dissuadera d’autres écologistes de chercher à lutter contre ses intérêts. Il comptait sur l’enregistrement pour envoyer un message du type, « ceux qui s’attaquent à mes intérêts paient le prix fort, et je suis libre de les mettre en pièces et de les torturer ». Bollet salivait à l’avance de voir des figures importantes de l’écologie radicale s’en prendre plein la figure, il vouait une haine de plus en plus pathologique pour les protecteurs de la nature. Parfois il suffisait de dire défenseurs de l’environnement en sa présence, pour qu’il entre dans une colère monumentale, qu’il passe d’un état de bonne humeur au profond mécontentement. Le président possédait un grain, la folie le rongeait de manière incontestable, mais personne n’osait plus lui parler de psychothérapie, même de manière très détournée. En effet tous ceux qui suggérèrent à Bollet de voir un psychologue ou un psychiatre, subirent un sort funeste, et des douleurs atroces. Les cyborgs se rapprochaient lentement de leurs proies, et ils encaissaient sans broncher le feu nourri des armes de leurs opposants. Alphonse le modéré était le seul chevalier qui ne tirait pas, et qui se contentait de pianoter les touches d’un ordinateur portable, il sentait le regard insistant de certains camarades, surtout de la part des blessés au combat. D’ailleurs il entendit les cris d’agonie d’un ou deux camarades, mais il se concentrait sur sa tâche. Il exploitait la seule chance possible pour lui et ses compagnons de s’en tirer. Même s’il échoua à dix reprises, il n’abandonnait pas, il restait fidèle à son idée. Il savait qu’il offrait pour le moment une image peu flatteuse, et il mourrait d’envie d’assister avec son pistolet ses camarades, mais il comprit que les démonstrations de courage et de volonté ne suffiraient pas à les sauver. Seul un piratage informatique réussi du protocole de sécurité du camp de Guatanamo avait une chance de les tirer d’affaire. Problème Alphonse avait beau multiplier les essais, tout ce qu’il obtenait pour l’instant se résumait au message « accès refusé », et il sentait le désespoir le prendre progressivement, ce qui réduisait sa vitesse pour taper des chiffres et des lettres. Finalement une idée folle germa dans son esprit, le modéré tapa trente fois de suite le chiffre un sur son clavier. Encore quelques secondes et les cyborgs commenceraient à engager le combat, et ils causeraient le trépas d’un groupe de valeureux compagnons. Les chevaliers regardaient leur mort arrivée sans faillir, même s’ils comprenaient qu’ils agissaient de manière futile, qu’ils ne retarderaient pas leur décès en résistant, presque tous combattaient debout, et agissaient héroïquement. La seule ombre apparente au tableau était Alphonse qui pianotait de manière désespérée. Finalement les cyborgs s’arrêtèrent, grésillèrent, et tombèrent en panne, leur partie mécanisée lâcha complètement, ce qui provoqua leur mort. Ensuite la majorité des portes de Guatanamo s’ouvrirent, les prisonniers écologistes purent commencer à fuir. Bollet n’arrivait pas à croire ce qui se passait. Les chevaliers s’en tiraient sans trop de dommages d’un piège normalement mortel. Ils évitaient un péril jugé comme impossible à déjouer par des experts réputés. Les écologistes n’abandonnèrent que quelques dépouilles en échange d’une victoire éclatante. Ils esquivaient un traquenard qui demanda des semaines à être préparé. Le président se jura de débusquer les nombreux agents qui complotèrent contre lui, qui envoyèrent des informations aux écologistes. Bollet se promit de mener une campagne de répression féroce, il fit le serment de punir des centaines de personnes. Même si certaines cibles de sa vengeance clamaient leur innocence et bénéficiaient de preuves d’innocence convaincantes, elles seraient quand même lourdement sanctionnées. Le président voulait causer un grand nombre de morts et beaucoup de séances de tortures pour se défouler, et aussi marquer son autorité. Il désirait mater les conspirateurs qui permirent aux écologistes d’échapper à un stratagème redoutable. Bollet estimait que ce serait une bonne idée de faire des exemples, même quand les indices de culpabilité manquaient. Il considérait que les accusations sans fondement ne le desservaient pas, au contraire instiller la peur de manière arbitraire, constituait un bon moyen d’inspirer une crainte salutaire pour la stabilité de la multinationale Ovéa. Le président voyait comme une politique positive de saquer souvent des gens, quitte à choisir des subordonnés qui n’avaient rien de grave à se reprocher. En optant pour empoisonner l’existence de personnes sans motif valable, Bollet créait un sentiment de peur très salutaire d’après lui, il croyait pousser ses subordonnés à se dépasser. Dans la réalité il engendrait un fort sentiment de défiance et de paranoïa dans ses rangs. Le président eut une discussion avec Antoine, son secrétaire pour définir une répression à grande échelle. Dominique : À ton avis Antoine, je dois punir cinq cents ou mille personnes ? Antoine : Ce n’est pas la peine d’être trop sévère, la grande évasion de la prison de Guatanamo sert vos intérêts. Dominique : En quoi le fait que des écologistes retrouvent leur liberté m’est utile ? Antoine : Guatanamo contenait aussi des musulmans accusés de terrorisme, ils ne sont pas sortis de leur cellule, mais il y a moyen de faire un sacré amalgame, une campagne diffamatoire très nuisible pour les chevaliers de Gaïa. Dominique : Les chevaliers pourront clamer leur innocence. Antoine : C’est certain, mais la peur de l’islam fanatique est telle chez de nombreuses personnes, que si on associe les chevaliers à l’islamisme, la capacité des écologistes radicaux à être écoutés sera très réduite. En plus Guatanamo est une prison secrète, apprendre la vérité sur ce qui se passe à l’intérieur est une épreuve très difficile. Dominique : Tu as une bonne idée, pour la peine je ne sanctionnerai que trois cents salariés de ma multinationale. Dominique Bollet ordonna à ses pions politiques et ses journalistes de commencer une campagne de dénigrement très intense des chevaliers et leurs alliés. Ainsi il présenta plusieurs écologistes engagés comme des partisans du djihad, des individus aussi dangereux que les terroristes qui organisèrent les attentats du onze septembre 2001. Pourtant les chevaliers n’étaient pas des musulmans, au contraire leurs rapports étaient tendus avec eux. Alphonse et Albert deux fondateurs des chevaliers adhéraient à un mouvement de vénération de la nature d’orientation païenne et polythéiste. Ils croyaient en l’existence de plusieurs dieux, et ils entraient souvent en conflit avec des musulmans traditionnels. Albert poussait d’ailleurs des adeptes de l’islam à renier leur foi, pour préférer la vénération de figures féminines et masculines assez souvent dénudés. Il cherchait à inciter le maximum de musulmans à abandonner Allah pour adorer Gaïa et d’autres divinités. Alphonse était plus tolérant, il appelait plutôt à la coexistence entre l’islam et l’écologie religieuse. La publicité mensongère de Bollet obtint des résultats assez flatteurs, malgré les efforts et l’éloquence des fondateurs. Ainsi beaucoup de gens se mirent à associer les chevaliers à l’intégrisme musulman. Certains voyaient la vérité derrière les tentatives de manipulation, mais une bonne partie des européens et des américains mit dans le même sac les écologistes comme Alphonse et les islamistes les plus dangereux. Ainsi les chevaliers perdirent de nombreux soutiens, seuls des gens très engagés osaient désormais les défendre publiquement à la télévision ou dans la presse. Albert se sentait en partie content malgré l’accroissement continuel de la mauvaise réputation de son organisation. Il voyait le dernier coup vache de Bollet comme un atout, une circonstance qui obligerait son ami Alphonse à s’adonner au meurtre. Albert : Bollet nous couvre d’opprobre et de honte, le seul moyen de l’empêcher définitivement de nuire est de le tuer. Alphonse : Il y a d’autres façons de reconquérir notre honneur, on pourrait essayer de démanteler une cellule terroriste islamiste. Théodore : Cela ne marchera pas, les médias à la solde de Bollet et des libéraux clameront que nous agissions contre des rivaux. S’attaquer à des islamistes ne servira qu’à augmenter la liste de nos ennemis. Alphonse : Dans ce cas là , je propose d’aller dans le domicile de journalistes influents pour montrer qu’ils sont des pions aux ordres d’Ovéa, des marionnettes payées pour raconter les histoires conçues par leurs supérieurs hiérarchiques. Albert : Il faudra cambrioler des milliers de personnes avant d’arriver à un résultat partiellement tangible, l’empire de Bollet en matière de presse est immense, il possède des centaines de journaux. Théodore : En fait Bollet en a des milliers, je ne suis pas sûr même en y consacrant des décennies, que ton idée de cambriolages chez des reporters nous apportent des avancées positives Alphonse. Alphonse : Dans ce cas visons la tête, attaquons nous au siège social mondial de la division presse d’Ovéa. Albert : Ce ne sera pas suffisant, beaucoup de politiques ont déclaré que les chevaliers de Gaïa, étaient de dangereux islamistes. Même en provoquant un scandale monumental, on ne pourra pas garantir que monsieur tout le monde cesse de nous considérer comme des musulmans fanatiques. Alphonse : Ce n’est pas gagné d’avance mais avant de recourir au meurtre, il faut d’abord essayer de rétablir notre réputation en passant par notre mode opératoire habituel. Albert : Tu serais d’accord pour orchestrer la mort de Bollet, si des cambriolages ne parvenaient pas à restaurer notre réputation ? Alphonse : Oui s’il n’est plus possible de se débarrasser d’une réputation de monstre dangereux, je veux bien à titre exceptionnel pratiquer une vengeance sanglante. Albert : Dans ce cas je veux bien, t’épauler pour quelques cambriolages, essayer de rétablir grâce à des effractions notre renommée, même si je doute que l’on arrive à grand-chose. Théodore : Je crois qu’il serait mieux d’assassiner Bollet, mais d’un autre côté j’ai envie de te faire plaisir Alphonse. Alphonse : Merci les amis.
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