Sur la plaine d’Eylau se tiennent de milliers De puissants hommes d’arme et de fiers cavaliers, Des Prussiens belliqueux, des Russes, des hussards, Des peuples par dizaine unis sous l’étendard.
L’aigle de l’Empire et ses hommes courageux, Dont les exploits déjà parcoururent, glorieux, Les sentiers de l’Europe et du monde connu, Font face à ces guerriers, sur la plaine ténue.
Déjà sonnent les cors, s’engage la bataille, Tonne la canonnade et bruine la mitraille. Sous le fer indistinct, tombent les valeureux, Leur vie s’achève ici, loin du sol des aïeux,
Leur sang s’écoule ici, et se mêle à la terre. Les cris des combattant s’élèvent dans les airs, Mélangés constamment aux lourds sons des canons, Aux clameurs infinies des nombreux bataillons.
Les forces d’Augereau bientôt sont décimées. Le maréchal blessé par ce feu animé, Tourne bride, apeuré, s’en va au campement ; Il est seul de son corps, il est seul survivant.
L’Empire est menacée par la brèche formé Parmi les rangs français, cette imposante armée ; Le pouvoir bâti par le corse téméraire Ne prétend résister à l’échec militaire.
Ainsi, vaincre il lui faut, au péril de tomber, Si ce n’est sous le feu des Prussiens déchainés, Sous le courroux violent du peuple jacobin Et les assauts lettrés des vieux républicains.
La Garde mise en branle à la charge s’en va. Nul coup ne sonnera sous les cieux ici-bas. Pour seule arme la lame attachée au fusil, Le sang sera versé sur la terre amollie.
Bravant le maréchal, prince des cavaliers, L’empereur dit tout haut à la vaste assemblée : « Nous laisseras-tu dévorer par ces gens-là ? ». L’intrépide Murat au combat s’en alla.
Rassemblant ses soldats, douze mille d’entre eux, Le roi napolitain, exhortant tout ces preux, Se lança à l’assaut. Bientôt, fut-il suivi, Par l’ondée chevauchant, par ces flots infinis.
Ne peuvent scintiller sous l'horizon blafard, La cuirasse argentée de chacun des hussards, Les sabres dégainés, ces instruments de mort, Ces objets de veuvage et décideurs de sort.
Ils avancèrent là , tels un dragon mouvant, Et rien ne pouvait là , étouffer ce serpent. Et la terre trembla sous les sabots ferrés De ce bois de chevaux aux membres libérés.
Et cette nuée semblait arrachée aux enfers, Son aspect rappelait les démons délétères, Et leurs chemises bleu et leurs pantalons blancs Bientôt seront souillés et maculés de sang.
Ils subirent le feu, traversèrent la ligne, Sabrant de tout côté, de leur renommé digne. Les hommes piétinés ne purent résister Contre cet océan, contre cette marée.
Jamais ne vit-on plus cavalcade aussi belle, Où venaient les chevaux tels des flots torrentiels.
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