Voici ma réponse au défi :
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Je viens de faire l’acquisition d’une belle demeure située un peu en retrait de la ville, sur les hauteurs. La maison est modeste mais possède un charme certain. Et le terrain est étendu : un hectare de pelouse, de chemins qui serpentent entre des bosquets et des arbres divers. Je suis littéralement tombée sous le charme et la vente s’est conclue plus vite que je n’aurais pu l’espérer. L’ancien propriétaire est un homme âgé, obligé de rentrer en maison de retraite. Le notaire paraissait soulagé de trouver un acheteur. Apparemment, son client avait refusé de nombreuses offres d’achat avant la mienne. Le jour de la remise des clés, il était très ému. Il m’a remis son trousseau en chuchotant : « Prenez bien soin d’eux ! ». J’ai répondu par l’affirmative en pensant qu’il évoquait la multitude d’arbres. Après un bon nettoyage des diverses pièces de la maison, mes meubles ont pu être installés. J’ai ajouté par ci par là , ma petite touche personnelle : des tableaux de peinture abstraite, des sculptures psychédéliques, des rideaux bariolés et ma vaisselle dépareillée. Très vite, je me suis sentie chez moi. Toutes ces années à vivre dans un appartement deux pièces ! Vétérinaire depuis deux ans, j’ai pu économiser et m’acheter ce petit nid douillet. Première nuit, le vent se déchaîne dehors et les fenêtres ont tendance à claquer. Il va falloir que je regarde à cela demain. Des ombres se promènent sur mon plafond. Les arbres sont malmenés par la tempête. J’observe ce ballet étrange et je croirais même parfois reconnaître des silhouettes d’oiseaux. Au moment de sombrer dans le sommeil, je sursaute au bruit de ma fenêtre qui s’ouvre brutalement. Un cri strident proche de celui d’un singe résonne et une ombre passe en vitesse la porte de ma chambre pour pénétrer dans le couloir. Je saute de mon lit et referme la fenêtre battante. La lampe du corridor allumée, j’observe les lieux en tendant l’oreille. Aucun bruit dans la maison. Je me recouche et passe une nuit agitée, entrecoupée par divers cauchemars. Je ne vous raconte pas ma tête au réveil. La météo prévoit un temps plus calme pour la nuit prochaine. Après ma journée de travail, je profite du jardin et me promène dans ses allées de verdure. Il sera parfait pour un jeu de cache-cache avec ma nièce cet été. Le soir tombe et j’improvise un souper sur la terrasse. Le jardin est peu à peu plongé dans la pénombre et les oiseaux cessent leurs chants mélodieux. Je continue à observer mon jardin désormais peuplé d’ombres diverses, formées sous la lumière de la lune. Le vent ne s’est pas invité ce soir et pourtant il semble y avoir du mouvement. Curieuse, je me munis de la lampe à pétrole, héritée de mon arrière-grand-père, avant de pénétrer entre les bosquets et autres buissons. Au détour d’un sentier, je me retrouve face à une ombre blanchâtre qui a l’air d’une… non ce n’est pas possible… une tortue géante ? Je la contourne pendant qu’elle tente de se frayer un chemin vers un massif de fleurs. Il y a bien une tête qui sort d’une carapace imposante. Mais elle n’est pas réelle car je tente de la toucher et ma main ne trouve aucune matière solide. C’est alors qu’un son très particulier détourne mon attention. Je me dirige à l’oreille pour arriver dans une zone moins boisée, presque une clairière. Et devinez ce que je vois ! Non, plus gros que ça ! Hé oui, un éléphant d’Afrique, du moins son fantôme, avec ses énormes oreilles si caractéristiques. Il erre, tourne en rond dans cet espace jusqu’à ce qu’il soit perturbé dans son activité par deux chimpanzés vaporeux qui lui grimpent sur le dos. Cette scène me paraît si réelle que je m’approche. Ma présence les effraie : l’éléphant s’engouffre entre deux arbres et les singes sautent dans un buisson en poussant un cri, le même entendu hier soir dans ma chambre. C’est alors que les paroles du vieil homme résonnent dans ma tête : « Prenez bien soin d’eux. ». Il savait ! Il a sûrement accepté mon offre en voyant que mon métier est de soigner les animaux. Mais ceux-là n’ont plus besoin de moi ! Mais pourquoi errent-ils sur cette propriété ? Demain, je prends congé et je vais tirer cela au clair. À l’entrée de la maison de retraite, je demande à rencontrer Monsieur Leloup. Une infirmière avec une coiffe à l’ancienne me mène dans une salle commune où l’homme joue au solitaire. – Bonjour, vous me reconnaissez ? – Bien sûr. Je m’attendais à vous voir très vite. – Vous auriez pu me parler des animaux dans le jardin. – M’auriez-vous cru ? – Non, en effet ! Ils sont combien ? – Il y a Auguste l’éléphant, Léo et Léa le couple de chimpanzés, Alberta la tortue géante, Philibert le vautour, William le lion et Gustave le gorille. – Je ne les pas encore tous rencontrés. Pourquoi hantent-ils ce jardin ? – Suivez-moi ! Nous nous rendons dans sa chambre et il me remet un prospectus jauni où je peux lire : « Venez passer une journée en famille dans le parc zoologique de la colline ». Je reconnais la maison située juste à côté de l’entrée du zoo. – Vous avez toujours habité là ? – J’étais le gardien. Ces animaux étaient un peu mes enfants. – Qu’est-il arrivé ? – Le propriétaire du zoo est décédé. Il a légué le parc à son fils et la maison à moi. Mais très vite, j’ai compris qu’il n’était intéressé que par l’argent facile. Il a abandonné le zoo, les animaux et moi-même pour s’exiler aux Etats-Unis. Je n’avais pas les moyens d’entretenir cette ménagerie. J’ai pris contact avec les autres zoos qui ont accepté de reprendre les animaux les plus jeunes. Les autres sont restés sur le site avec moi. J’ai hypothéqué la maison et le terrain pour les nourrir jusqu’à leur mort naturelle. Le dernier fut Auguste il y a cinq ans. Leurs dépouilles sont enterrées là -bas. J’ai détruit les cages et aménagé un joli jardin. Mais chaque soir, ils venaient me voir, sûrement pour me remercier de les avoir soignés. – C’est fou ! Vous avez enterré un cadavre d’éléphant ? – Ce ne fut pas une mince affaire. – Et moi qui culpabilisais de mettre les dépouilles de mes poissons rouges dans mes jardinières de balcon… Bon, et qu’est-ce que je dois faire avec ses fantômes ? – Ils ne sont pas féroces. Parfois Léo entre dans la maison mais c’est tout. – Oui, il est entré par la fenêtre lors d’une tempête. – Il est très peureux. – Tant qu’Auguste ne décide pas de faire de même… – Vous êtes, plus que quiconque, apte à les aimer. Ils ne demandent que cela. – Je vois. Il me faut les apprivoiser en quelque sorte. L’avantage est que je ne dois pas les nourrir. Je quitte le vieux monsieur qui semble rassuré par notre conversation. Voilà que j’ai acheté un ancien zoo hanté. Je pourrais faire payer l’entrée le soir d’Halloween, succès et frissons garantis ! Non, ces animaux ont suffisamment été exploités de leur vivant. Depuis lors, à la nuit tombée, je parcours les allées à la rencontre de mes animaux de compagnie un peu particuliers. J’ai tout de même été effrayée la première fois que j’ai croisé William, le lion, surtout lorsqu’il m’a bondi dessus. Je me suis recroquevillée pendant qu’un souffle glacial me traversait. Mes préférés sont les chimpanzés. Ils pénètrent souvent dans la maison et je croise alors Léo en allant dans la salle de bain la nuit. Il aime m’observer de ses yeux vides pendant que je fais pipi, ce qui est un peu perturbant mais on s’habitue à tout !
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