C’est décidé, demain j’arrête ! Je viens de tomber sur une émission télévisée qui m’a fait sérieusement réfléchir. Si je ne veux pas mourir d’un AVC ou d’une crise cardiaque, je dois rester ferme. Ce ne sera pas facile mais tout est question de volonté ! Si on veut, on peut, comme me le disait souvent mon grand-père. Nous sommes lundi matin, je prends mon café noir et tout de suite l’envie me prend. Ma main a ouvert le tiroir de la cuisine, comme une automate. Je les vois… j’en veux. Non ! Je le referme d’un coup sec et pars au boulot. Le téléphone n’arrête pas de sonner, il y a de nombreux dossiers à traiter, pas de temps de cogiter. L’horloge affiche dix heures. Je suis mes collègues jusqu’à la salle de pause. Voyant que je n’ai rien amener, Michèle propose de partager. Je refuse poliment en reprenant d’un ton dramatique les arguments avancés dans l’émission d’hier. – Oh, tu sais, ce genre de programme essaie toujours de nous faire peur. Si c’était mortel, on n’en vendrait plus. Tu ne risques rien si tu n’exagères pas. C’est ainsi pour tout. Même le sport ! – Pour le sport, ça ne risque pas chez moi ! Mais j’ai réfléchi : autant arrêter que de se dire que l’on se fait du mal. Et puis c’est un budget aussi. S’il faut se tourner vers des produits économiques mais mélangés à des cochonneries, c’est pire. Je suis si fière de moi ; j’ai résisté à la tentation. Pourtant, après le repas de midi, ça se complique. Mes synapses me crient « Vas-y ! On en veut ! Ne résiste pas. Tu nous as habituées à notre dose quotidienne. Ne nous en prive pas, ce serait cruel. » J’ai l’impression de me battre contre mon propre corps. De l’autre côté, mon esprit y ajoute son grain de sel et un horrible sentiment de frustration m’envahit. Je ronchonne toute l’après-midi. Michèle le remarque et me lance : « Toi tu es déjà en manque ! ». Je l’ignore en silence. En effectuant mes courses, j’en vois à la caisse. C’est comme si je les entendais me crier « Achète-nous ! Fais-toi plaisir ! Ce n’est pas grave ! ». Quelle horreur ! Je deviens folle ? Je paie mes achats et me dirige vers la sortie en courant, attirant l’attention du vigile qui m’interpelle. – Bonjour Madame, vous avez l’air très pressée. – Oui, je… (je ne vais pas lui avouer que je fuis les cris de produits, il va appeler l’asile) je vais rater mon bus. Il insiste pour voir mon sac et mon ticket. Comme il n’y a rien à redire, il me laisse partir en me disant « Je suis très physionomiste, je vous aurai à l’œil si vous revenez ». Me voilà cataloguée criminelle potentielle alors que je tente juste de me désintoxiquer. Le lendemain, j’évite certaines rues avec leurs publicités aguicheuses affichées dans les vitrines des magasins, allongeant mon trajet de vingt minutes. Mes nuits deviennent courtes, émaillées de cauchemars de manque. Je vois l’objet de mon désir me poursuivre alors que je suis incapable de courir, faute de jambes, et qui finit par m’écraser et m’étouffer. Je me réveille en nage et essoufflée. Nous sommes vendredi soir et je fais le bilan de cette semaine : j’ai des cernes violacés, un teint terne et je viens de me disputer avec ma meilleure amie pour des broutilles. Il faut se rendre à l’évidence : je suis plus heureuse avec que sans. Je pénètre dans le supermarché sous le regard méfiant du vigile. Là , je fais littéralement le plein sans restriction. Avant de sortir, je lui ouvre mon sac en affichant un sourire jusqu’aux lèvres. J’ai presque envie de lui en proposer. Non, ce sera tout pour moi. Toute la soirée, je fais une orgie… de chocolat. C’est si délicieux ! Dès la première bouchée, mes synapses se mettent à danser la Macarena, mes papilles à chanter « O sole mio », un sentiment de bien-être me submerge. Je ne m’arrête que lorsque je suis au bord de la crise de foie. Que cela fait du bien ! Je ne suis finalement pas celles qui peuvent s’en passer. Bon, ben il faut bien mourir de quelque chose alors autant se faire plaisir avant ! Moi, je suis très chocolat, et vous ?
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