Mes yeux restent fixes, le regard vague. Je suis face au mur de ma salle à manger que j’ai orné de posters, photos et dessins de mon chanteur favori. La présentatrice radio vient d’annoncer le décès soudain et abrupt de mon idole. Comment peut-il me laisser ? Et le jour de la naissance du petit Jésus en plus ! Il était un peu comme lui : pur, plein de tendresse, dévoué aux autres. Et sa voix… si suave qu’elle me donne à chaque écoute des frissons. Lorsqu’il passait sur un registre plus sexy, il avait le don de réveiller ma libido. J’en ai vu des concerts ! Bon… la plupart en retransmission mais c’était comme si j’y étais ! Ses déhanchés, ses yeux si brillants, son corps parfait, sa barbe parfaitement taillée. Il en faisait rêver des minettes et des minets comme moi. Mais je suis persuadé d’être son plus grand fan. Mon cœur se serre, mes oreilles bourdonnent, mon cerveau peine à intégrer la nouvelle. Le monde vient de perdre un être d’exception. Comment combler ce vide ? Personne ne lui arrivait à la cheville ; il n’avait d’égal que les étoiles qui brillent dans le ciel d’été. Que vais-je devenir ? Je vivais au rythme des informations qui filtraient encore sur sa personne et de ses chansons. Dans quelques jours s’organiseront ses obsèques avec faste en présence de moultes vedettes de tous poils. La plupart afficheront leur mine des mauvais jours et quelques larmes couleront mais elles ne seront pas aussi chaudes que celles que je verserai en voyant son cercueil être extrait du corbillard. Ensuite, toutes les chaines diffuseront des rétrospectives sur sa vie. On verra peut-être ses derniers concerts. Rien que du déjà vu et déjà su ! Cela ne peut pas finir ainsi. Il faut le garder en vie, cultiver son souvenir en tant qu’artiste éternel et immortel. Qui mieux que moi pourrait lui rendre ce vibrant hommage ? C’est ça ! Je sais maintenant que je suis investi de cette mission. Le visage souriant sur le poster géant semble m’adresser un clin d’œil. Quatre à quatre, je monte dans la salle de bain. Une heure plus tard, je file dans ma chambre pour enfiler mon jean moulant et mon pull bleu un peu large dont je remonte légèrement les manches. D’un geste, j’allume la chaîne hi-fi qui se met à jouer « Jesus To A Child »*. Cette chanson était un signe ! Mes fausses Ray-Ban sur le nez et je pose devant le grand miroir. Avec ma barbe de deux jours et ma crinière domptée, je fais parfaitement illusion ! « Don’t Let The Sun Go Down On Me » que tu me susurrais à l’oreille. Et bien, je ne laisserai pas le soleil se coucher sur toi ! Le monde va apprendre à me connaître, moi, le nouveau Georges Michael. Appelez-moi désormais Georges Michel !
* https://www.youtube.com/watch?v=ulhoKujT2G8
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